Depuis que j’écris ce blog, environ tous les 100 billets (à peu près tous les mois), je fais la chronique de ce changement de ma vie. Passé 1000, je me suis demandé s’il n’était pas temps d’arrêter. Finalement non. J’apprends encore, et surtout j’ai eu l’idée d’ajouter une rubrique à ces billets centenaires : qu’ai-je découvert depuis le dernier point ?
Chronique du changement
La pensée ne peut pas avancer si elle n’est pas secouée par les événements. Elle ne fonctionne pas toute seule. Elle bouge par paradoxe, en comprenant qu’elle ne sait pas et en essayant de boucher le trou. C’est un travail de modélisation qui s’apparente à la caricature. Il faut forcer le trait, refuser le politiquement correct, si l'on veut voir apparaître des idées utiles à l’action.
Ce que ce blog a de curieux, c’est qu’il me fait découvrir des choses que je savais, et même souvent qui étaient un thème fondamental d’un livre, ou que je faisais spontanément au début de ma carrière.
Nous et notre éducation nationale sommes en tort : « je le sais, je l’ai vu dans un livre ». Non, les formules savantes ne sont rien si elles ne transforment pas nos comportements, si elles ne deviennent pas une seconde nature.
Ce blog est mon cahier d’exercice, il m’apprend à comprendre et à utiliser ce que disent mes livres.
Résultats nouveaux
Plusieurs prises de conscience ont marqué cette centaine :
- La discussion sur le conseil gratuit, lancée par Alain Vaury, qui a rebondi sur un billet de P.Krugman, mais qui avait démarré dans mon dernier livre, m’a fait comprendre que la partie de l’économie qui obéit à la logique du marché (offre et demande) est infime. C’est tout ce qui peut s’exprimer comme un « produit ». Le gros de la relation économique consiste à établir des liens de confiance. Cela ressemble à un investissement, mais ne correspond pas à la définition marchande du terme : son mécanisme est essentiellement non rationnel (au sens où s’il pouvait être expliqué, il pourrait être trahi).
- Mes billets sur B.Obama et ses réformes me font penser qu’il y a une certaine universalité dans les notions, très anglo-saxonnes, de « leader » et de « fair process ». Dans un changement, il est efficace que quelqu’un reformule la volonté générale en une formule tranchante et d’opérationnelle, et qu’il soit prêt à se battre pour, autrement dit qu’il construise sa conviction à partir de l’analyse de ce que sait et veut le groupe. Le changement peut-il réussir sans leader, doit-on y voir un biais culturel ? Aucune idée. En tout cas, ma définition de leader ne semble pas demander qu’il soit un surhomme, unique au monde ou même en petit nombre. Peut-être, simplement, le changement est-il singulièrement facilité si un leader s’en occupe.
- Le populisme m’a aussi posé des difficultés. Comment être plus fort que lui ? Par le leadership. C'est-à-dire qu’il faut comprendre ce que dit le peuple, certes. Mais surtout il faut retraiter la volonté générale par les tables de loi de la nation, de façon à faire la part du légitime et de l’inacceptable. Une fois une conviction obtenue, il faut foncer dans le tas. Au moins au sens figuré.
- Mon billet sur Pierre Manent accuse ce professeur de libéralisme d’avoir peur de la liberté d’expression. Mais n’est-ce pas le mal de notre époque ? Une gentillesse mielleuse qui censure toute pensée ? Ne croyons-nous pas à la pensée juste, spontanée ? Faux. La pensée se construit, par l’affrontement d’expériences adverses. Et le juste, lui-même, s’il existe, est relatif aux circonstances du moment, et se construit par débat et par essais et erreurs. Si la société veut évoluer elle doit à nouveau susciter des pensées révolutionnaires, fatales à nos œillères, quitte à ce qu'elles fassent rougir les bien-pensants.
- Enfin, ce blog m’a contraint à dire ce que je pensais des films que je voyais. Jusque-là, ils ne me laissaient que de vagues sentiments et peu de souvenirs. Or, j’en suis arrivé à un exercice qui m’aurait semblé contre nature il y a peu : m’interroger sur l’art. Deux conclusions apparaissent. 1) Ce que j’aime dans un film, c’est ce que l’auteur n’a pas voulu dire. C’est ce qu’il a réussi à capter des problèmes immémoriaux, insolubles, qui se posent à l’humanité et devant lesquels l’homme est impuissant, petit, médiocre. Ce qui est rationnel, voulu, ne pisse pas loin. 2) Par contre, ce que je ne peux pas supporter, c’est le parasitisme (décidément, c'est une obsession). Le petit bonhomme qui veut que nous l’admirions et qui a repéré les règles d’admiration artistique qu’utilise notre cerveau paresseux, et les manipule.
Bonsoir Christophe,
RépondreSupprimerIl est très tard 02H00 du matin mais je n'arrive pas à me coucher. Je décide de visionner vos émissions sur Décideur TV. Tout à coup, je me rappelle que nous avions convenu d'échanger lors d'une prochaine rencontre sur votre dernier livre. Je ne sais pas pourquoi au lieu d'aller directement comme d’habitude sur Amazon pour le commander, je passe par votre Blog. Je clique sur votre livre, un lien me dirige sur Alapage. Et Divine surprise mais le suis-je vraiment ?
Votre livre n'apparaît pas, je continue, j'utilise le moteur de recherche d'Alapage, toujours rien. Votre livre ne se vend pas sur Alapage alors qu’il est mis en vente sur amazon et Fnac. Alors pourquoi faire un lien sur Alapage ?
Le 10 septembre 2009, vous rédigiez un billet où vous expliquiez que votre éditeur vous oubliez.
Moi, je pense que vous vous oubliez vous même. Pour le dire autrement, vous vous vendez mal. Le verbe vendre peut choquer alors je le remplacerai par le verbe exposer, qui est plus politiquement correct, et qui convient à la sphère internet. Vous vous concentrez tellement sur les autres pour vous ouvrir à eux, et déceler leurs dysfonctionnements qu'il vous est difficile de déceler les vôtres. Je décide donc à cette heure tardive d’écrire ce commentaire pour connaître votre réaction et surtout vous faire réagir.
Nordine
Effectivement, je ne vends pas mon livre, beaucoup de gens me le disent. On me reproche même vigoureusement de ne pas faire suffisamment de promotion à ce blog ! (Un journaliste économique impressionnant !) Ils arrivent à me mettre en mouvement, parfois, mais à chaque fois la tentative échoue misérablement. Manque de motivation. Je le faisais parce que je le devais et non parce que j’en avais envie.
RépondreSupprimerTentative d'explication, en désordre :
Mon livre 3 me rapporte 0(Maxima l’ayant annoncé sans me demander mon avis, en sus de vexations gratuites, je l’ai confié au premier éditeur qui a bien voulu le publier immédiatement – j’en avais besoin pour des cours), les autres 2€ par vente, environ. Ça ne me donne pas une grosse motivation pour passer des heures à en faire la pub. De plus le marché du livre de management en France est quasi nul, exception mondiale (due à une culture qui hait l’entreprise + une édition qui exploite un monopole plutôt qu’elle ne fait un métier?). Ma motivation était de parvenir à formuler des idées utiles, à les publier. Voir, maintenant, que ce que je dis tient la route (universitaires, conférences, contacts, missions, analyses de ce blog...) est une satisfaction probablement inimaginable par quelqu’un qui n’a pas cette expérience. En grande partie, elle se suffit à elle-même.
Une autre explication possible est du type suicide des employés de FT. Mon éditeur fait stupidement son travail (zéro relation presse…), et s’est comporté de manière révoltante à mon endroit: pourquoi ferais_je sa fortune? Les économistes diraient que c’est irrationnel.
Troisième idée : je suis très mal à l’aise pour parler de moi. Je connais des journalistes qui comptent, mais je ne sais rien leur demander, ou c’est d’une telle maladresse que je finis par m’excuser d’avoir demandé ce que j’ai demandé (qui généralement m’aurait posé plus de problèmes qu’il n’aurait contribué à ma notoriété). J’utilise mes contacts pour les autres !
Quatrième idée. Mon premier livre aurait pu être un livre de marketing; une partie de ma carrière s’est faite dans ce domaine, que j’ai enseigné. Pourquoi ne me suis-je pas appliqué mes cours ? Parce que je ne sens pas le marché. Je pourrais sûrement avoir une audience si je me positionnais en Pasionaria de la souffrance au travail, mais je suis incapable d’exploiter professionnellement une telle image, qui est contre ce à quoi je crois. Et si je me positionne en conduite du changement, comme je le ferais si j’étais aux USA, je n’aurais aucune écoute : le marché français n’a aucune culture des sciences du management ; en outre il se méfie à juste titre du discours des consultants. On m’a poussé à partir aux USA (des Américains), logique compte-tenu des thèmes que je traite et de mes contacts, mais ce n’est pas mon pays. Même riche, j’y serais malheureux.
Finalement, je suis égoïste. Je suis assez fermement convaincu, par mon expérience, que mes très simples techniques peuvent méchamment améliorer la performance des entreprises, et éliminer la souffrance au travail dont il est question aujourd’hui partout (simplement parce que ceci résulte de dysfonctionnements organisationnels qui disparaissent quand on les a diagnostiqués). Mais je n’ai pas assez de désintérêt pour gaspiller mon temps en promotion, à m’épuiser à faire boire un âne qui n’a pas soif. Le moment n’est pas propice. Et j’ai tellement d’autres choses intéressantes à faire dans la vie !
D’ailleurs, que pourrait m’apporter la notoriété? Je fais un travail d’artisan et je suis très vite dépassé par la charge. Certes, j’anime un réseau de consultants, mais,le bouche à oreille et un tout petit nombre de clients est suffisant pour nous saturer.
En synthèse, rationalisation de ma paresse ?, le moment ne semble pas propice pour la promotion de mon travail, le marché n’y est pas, et s’il y était, je ne saurais pas l’exploiter.
Et as-tu pensé à tes lecteurs et supporters qui ne supportent pas l'idée de te voir ne pas faire ta promotion? Allez, c'est décidé, demain je crée un fake account de C.F. sur Facebook et la fan page de tes livres!
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