Schopenhauer était-il un philosophe ? Christopher Janaway trouve beaucoup à redire à la rigueur de son raisonnement et à la solidité de sa métaphysique, et à sa tentative de rapprocher Kant et Platon.
Il paraît plutôt avoir été un grand écrivain, et un précurseur de la psychologie, qui a su formuler le malaise de son temps. Ses idées semblaient à tel point une évidence à la haute société viennoise que Freud s’est cru obligé de dire qu’il ne l’avait pas lu.
Pour Schopenhauer, le mal du monde c’est la « volonté » (de vivre) des êtres et des éléments qui le constituent et qui fait que nous nous jetons tous les uns contre les autres, et qu’un univers plus horrible ne pourrait pas exister. Pour l’homme cette volonté se trouve dans son inconscient, qui tire ses ficelles, et déforme sa perception. Et cet inconscient est obsédé par le sexe (i.e. par la reproduction).
Cette volonté aveugle nous enferme dans l’illusion de notre individualité, qui nous empêche de voir que nous appartenons à un tout. (Ce qui fait de l’empathie la plus grande vertu humaine.) Cependant nous entrapercevons parfois le monde tel qu’il est vraiment. L’art nous le montre. Il neutralise la « volonté » et nous ouvre les yeux sur la réalité. Certains, des saints, parviennent même à ne plus rien vouloir, donc à vivre cette réalité qui sous-tend nos illusions. C’est avant tout l’effet d’un violent accident de la vie (l’homme n’ayant pas de libre arbitre).
Commentaires :
Si l’œuvre de Schopenhauer a semblé évidente à ses contemporains, est-ce parce qu’il les a influencés ? Ou est-ce parce que la philosophie rationalise les idées de son époque ? D'ailleurs, pourquoi la très riche et très raffinée haute société à laquelle il appartenait a-t-elle pu produire une pensée aussi noire ? Élégant désespoir romantique de ceux qui ont tout ? Culture excessivement répressive, qui martyrise l’individu et fait de sa nature un mal ?...
Mais, au fond, Schopenhauer n’a-t-il pas raison ? Ne sommes nous pas victimes de la haine que nous nous portons ? Les milieux d’affaire anglo-saxons ont érigé la concurrence et l’égoïsme en dogme, les hommes politiques français sont aveuglés par leurs ambitions, au mépris de leurs nobles principes, les Allemands sont parvenus à un semblant d’union en déclarant la guerre au reste du monde. L’humanité est victime d’une malédiction : croire qu’il y a des bons et des mauvais... Malédiction ou bon sens ? La vie consomme ce qui lui est nécessaire. En l’épuisant, elle se force à se réinventer, non ?
Mais, l’homme ne peut-il arriver à comprendre que l’autre n’est pas un ennemi ? Dans l’adaptation nécessaire aux évolutions de notre environnement, l'union fait la force ; le groupe est d'autant plus fort que chacun de ses membres fait ce pour quoi il est doué, ce qu’il a envie de faire (volonté).
Compléments :
- Le livre que cite Histoire du mariage remarque que les théories de Freud arrivent à une époque de répression sexuelle sans précédent.
- Curieux cheminement qui mène de Kant à Heidegger, en passant par Hegel, Schopenhauer et Nietzsche, notamment. Chacun emprunte à l'autre des idées qui semblent progressivement prendre la solidité d'une vérité scientifique. En même temps, on passe de systèmes fermés et logiques, à des travaux beaucoup moins préoccupés de consistance interne.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire