L’Apocalypse joyeuse
(Jean-Baptiste Fressoz, Seuil, 2012) est l’histoire d’un changement :
comment le progrès est entré dans notre société.
Comme dans le film la
Conquête de l’Ouest, l’histoire est racontée en quelques épisodes
marquants : l’inoculation de la petite vérole, la vaccination, l’avènement
de la Chimie, le gaz d’éclairage et la
chaudière.
Dans cette affaire, les Indiens nous ressemblent
étrangement. Ils ont une conscience environnementale étonnamment proche de la
nôtre, pour commencer. L’Ancien régime pense en effet que le
« climat », une forme d’écosystème, conditionne la nature humaine. Sa
police a donc pour rôle de maintenir un statu
quo fondé sur l’expérience accumulée par l’espèce humaine depuis les
siècles des siècles. (Mécanisme de régulation de « bien commun » qui ressemble à celui décrit par Elinor Ostrom.)
Et ces gens ont peur du progrès. Et ils ont raison. Il a
fallu beaucoup de temps et de drames pour mettre au point toutes ces
innovations. Les chaudières explosaient, de même que les gazomètres, et le gaz
d’éclairage (tiré du charbon) émettait, entre autres, du monoxyde de carbone.
L’acide sulfurique détruit tout sur son passage. Et les usines sont implantées
en pleine ville. Les faibles ont fait les frais de l’expérience, à l’image des
enfants trouvés qui servent de cobayes humains à la mise au point de la
vaccination. Les Nazis n'ont rien inventé.
Pourquoi le progrès a-t-il gagné ? Peut-être parce que
ses promoteurs étaient, comme les héros de l’Ouest, extraordinairement
déterminés. S’ils n’entrent pas par la porte, ils passent par la fenêtre. Leur
aventure est celle de la lutte de l’individu contre la société.
Entre leurs mains, la science est un formidable moyen de
manipulation. Elle leur donne d’abord le pouvoir. C’est peut-être le plus
important. Car ils construisent une administration qui va uniformiser et
centraliser le pays, en dépossédant notables et régionalismes. Cette
administration scientifique édicte des normes, supposées rendre inoffensive la
technologie. Mais, toutes les tentatives pour convaincre le peuple par des
équations sont insatisfaisantes. (On notera au passage une démonstration
mathématique de l’innocuité des gazomètres par l’élite scientifique de
l’époque, qui ressemble étrangement à celle qu’a subie l’énergie nucléaire.) Ils
vont, finalement, acheter ce qui s’oppose à eux. Ils donnent un peu d'argent aux riverains
de leurs usines, embauchent ceux dont ils détruisent les terres et la vie... Mais
surtout, il y a l’assurance. L’assurance transforme les risques que fait courir
l’entrepreneur en un coût prévisible. De ce fait, son avenir l’est aussi.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire