Socrate faisait découvrir à son interlocuteur qu'il avait, au fond de lui, la vérité. D'après les témoignages que l'on donne de sa technique, il paraît qu'il pouvait faire aboutir son interlocuteur à tout et son contraire.
On dirait aujourd'hui que la méthode socratique fait émerger notre "connaissance tacite". Cette connaissance n'a probablement rien d'une vérité divine. C'est plutôt ce que notre expérience nous a permis d'accumuler, inconsciemment. Certaines choses nous paraissent "évidentes", alors qu'elles sont incompréhensibles pour le reste du monde. Socrate nous permet de les exprimer et donc de les partager.
La technique de Socrate est utile. Mais comment éviter la manipulation ? Technique Clémenceau ? "La guerre est une affaire trop grave pour la confier à des militaires." Il s'agit de ramener l'univers que l'on ne connaît pas (statistiques ou art militaire) à ce que l'on connaît. Alors, on sait tester la cohérence du propos. Si vous découvrez que ce que Socrate vous dit conduit, dans votre monde, à une impossibilité, c'est que Socrate se trompe !
Nouvelle affaire des emails de Madame Clinton. Patatras. Coup de théâtre. On disait l'élection pliée. Tout est à refaire. Le Français est atterré. Lui qui croît à la vérité. Mais il n'en est pas de même aux USA.
Probablement, la vérité n'existe pas, là-bas. Ce qui compte, c'est la capacité du champion à faire face à l'aléa. Tout lui est pardonné, viol, crime, parjure..., pour peu qu'il sache affronter l'adversité avec talent. Bill Clinton en a fait la démonstration. Ce qui a été fatal à Nixon, ce n'est pas le Watergate, mais sa gueule de triste sire. Et si le principe de la culture américaine, au sens de Montesquieu, était "l'optimisme", au sens du psychologue ?
Voilà. Dieu a lancé un nouveau défi à nos deux héros. Lequel d'entre-eux, va le mieux en tirer profit ?
Colette, c'est la marquise de Sévigné du 20ème siècle ! Quelle facilité ! C'est une découverte. Je n'avais rien lu d'elle.
Dans Le fanal bleu, elle raconte les petits événements de sa vie de vieille dame. Elle est clouée au lit, par une arthrite. Sur son lit est un écritoire et une lampe, le fanal bleu. Son horizon, c'est sa fenêtre. Mais elle n'est pas triste. Son existence est remplie de petits bonheurs. Surtout de celui que lui procure son extraordinaire talent d'écriture, je crois. Je ne sais pas si cela a une grande portée, mais c'est charmant, et
d'une grande élégance de simplicité. C'est un peu d'anthropologie de son petit milieu, d'artistes célèbres.
Pourquoi ne parle-t-on pas de Colette aujourd'hui ? Pourtant elle a été, bien avant l'heure, une femme libérée, scandaleuse et comblée par la vie, et qui doit son indépendance à elle-seule.
Chatbot, le mot qu'il faut prononcer pour avoir un rendez-vous, me disait-on. Le chatbot est un robot qui cause. Il paraît que c'est la mode du moment. C'est curieux. J'ai rencontré le chatbot à la fin des années 90. C'était à la mode déjà. Bulle Internet. Mais ça ne marchait pas. Puis en 2008. Cela ne marchait toujours pas. Puis maintenant.
J'ai l'impression que ces modes sont financières. L'entreprise que j'ai rencontrée en 2000 puis en 2008, avait fait l'objet de deux levées de fonds. Elle est partie aux USA, où elle a été achetée. Et si les fonds avaient un sixième sens ? Celui de la mode spéculative. Ils n'investissent pas dans ce qui a une utilité, mais dans ce qui a le potentiel de susciter l'engouement du décideur ? C'est le système financier qui se nourrit de lui-même ? (Au détriment de la société réelle ?)
Quelqu'un me disait, il y a quelques temps, qu'il avait écrit un Que-sais-je ? dont on lui avait assuré qu'il en tirerait une belle notoriété. En même temps il avait rédigé l'article de wikipedia sur sa spécialité, en faisait abondamment référence à ce qu'il avait écrit. Et il s'est arrangé pour que, lorsque l'on tape les mots qui le concernent sur Google, il sorte en premier. Et pourtant, en trois ans, cela ne lui a pas rapporté la moindre offre d'emploi. Que des demandes de service gratuit !
Et pourtant, je crois que cet homme a un savoir-faire, rare, qui manque aux entreprises. (Et, en plus, il faut du talent pour maîtriser aussi bien les systèmes de référencement Internet. Je n'aurais pas pensé que c'était possible.) Méfions-nous des idées reçues, revenons-en aux fondamentaux ?
Dans la Bible, le serpent parle d'amélioration. Ne serait-il pas une amélioration de "connaître" ? Seulement, celui qui "connaît" ne peut pas rester au paradis. Il y a injonction paradoxale.
Si l'on veut la connaissance et le paradis, il faut "changer". Cela demande de considérer ces deux concepts et de se demander ce qu'il y a, au dessous, de plus fondamental. Qu'est-ce que le paradis, qu'est-ce que la connaissance ? Et si le paradis n'était pas l'état, béat, du légume ? Et si la connaissance était tout sauf recherche de la certitude ? Et si le bonheur se trouvait dans une quête, inquiète, permanente et sans but ? Et si l'on "n'était" pas, mais l'on devenait ?
Le problème de notre temps est la confusion entre amélioration et changement. Le serpent flatte nos faiblesses. Il nous monte contre notre famille, notre culture, et même notre santé. Seulement, nous ne sommes rien sans elles. Notre identité c'est elles. Que faire ? Utiliser le serpent. Ou changer pour ne pas changer. Voilà pourquoi le nationaliste crève. Il ne peut rien contre celui qui comprend le serpent. La définition initiale de paradis semble être "jardin clos" (oasis ?). Elle n'était pas durable.
Un ami s'est penché sur la question des assurances vies. On cotise généralement à une assurance vie pour recevoir une retraite complémentaire. Ce qui est utile au nombre grandissant de gens qui sortent, pas toujours volontairement, du salariat. Le gouvernement aurait fait passer une loi selon laquelle il peut suspendre le paiement de retraites. En effet, les assurances vies seraient fragiles. (Il aurait lu cela dans le Canard Enchaîné.)
Donc, vous cotisez pour quelque-chose qui ne vous rapportera peut-être rien ! Mieux. D'après ce que j'ai compris, pour recevoir une retraite de l'ordre de 1000€/mois il faut 5 ou 600.000€ de capital. Ce qui permet de mettre un prix sur une retraite. Imaginons que vous soyez un fonctionnaire (retraite assurée) un peu élevé, qui peut compter sur une retraite de 5000€ par mois. C'est l'équivalent d'un capital de 2,5 à 3m€. (Même raisonnement pour un couple.) Toujours mieux : l'homme des 600.000€ a de bonnes chances de payer l'ISF, pendant des années, pour quelque-chose qui ne lui servira à rien, mais pas celui des 3m, dont le capital est garanti par l'Etat !
Exemple parmi d'autres de mesures qui n'ont pas l'effet escompté ? 0) Le grand fauve du capitalisme a les moyens d'échapper à tout ; 1) reste le petit porteur de capital, il est désigné à la vindicte populaire ; 2) lui même se retourne contre le fonctionnaire, qu'il considère comme un profiteur. Et si vouloir la "justice sociale" conduisait à la guerre civile ?
Anne Pingeot a publié la correspondance échangée avec François Mitterrand. J'ai entendu quelques-uns des propos qu'elle a tenus à France Culture, la semaine dernière.
J'ai appris (entre autres choses) qu'elle descend par sa mère de polytechniciens ascendant un maréchal de 14 (Emile Fayolle), et par son père de centraliens ascendant Michelin (dont un grand père, inventeur du briquet). Elle a rencontré François Mitterrand, lorsqu'elle avait 14 ans. Il jouait au golf avec son père. Ils se sont reconnus dans leur souffrance partagée. L'existence dans un milieu de bourgeoisie provinciale est un martyre.
Effectivement, la famille de François Mitterrand n'a pas grand chose à envier à celle d'Anne Pingeot, d'après wikipedia. Elle aussi est pleine de polytechniciens. Son frère ainé l'était, un frère cadet a été général d'armée, un autre maire, une sœur a été mariée à un marquis... Son père, ingénieur des chemins de fer, dirigeait une entreprise familiale.
Prémisses de 68 ? Tentation de vouloir jouir de ce que peut immédiatement apporter sa position sociale sans en assumer les obligations ?
"L'entreprise libérée" est une des idées majeures qui soit apparue ces dernières années. On découvre qu'elle a eu un précurseur. Hyacinthe Dubreuil.
C'est un homme au parcours hors du commun : ouvrier, syndicaliste, employé de Ford aux USA, il devient, finalement, un théoricien du management de haut vol. Une partie de ses travaux a été réalisée avec un polytechnicien, le colonel Rimailho. Lui aussi a une carrière surprenante. Elle va de la mise au point du canon sans recul, avant 14, aux machines Bull, en passant par l'invention de ce que les Anglo-saxons ont appelé, des décennies plus tard, "activity based costing", et le conseil en organisation. Les idées
que nous croyions neuves sont quasiment centenaires ! Et, en plus, elles
ont été appliquées.
Nous possédons un des très grands théoriciens du management, qui le connaît ?
L'ESCP organise une conférence en l'honneur de Hyacinthe Dubreuil. On y verra Isaac Getz, promoteur de l'entreprise libérée, Alain d'Iribarne, éminent sociologue, Jean-Pierre Schmitt, spécialiste de l'organisation et de Dubreuil, et des dirigeants d'entreprises "libérées" (car ce n'est pas que de la théorie), entre autres. (Participants, ci-dessous.) 24 novembre 2016, 14h, sur le campus parisien de l'ESCP.
Je lisais quelque part que quelqu'un, qui était présenté comme une gloire intellectuelle de notre temps, estimait que puisque l'on avait des données, tout était fini. Désormais, nos problèmes allaient se résoudre par un brassage de données et un calcul de la seule bonne décision.
L'argument est vieux. Les scientifiques de l'ère moderne ont cru que la science résoudrait les problèmes humains ; les débats d'idées seraient remplacés par la résolution d'équations. Depuis, les incultes de la Silicon Valley ont pris la place des philosophes des Lumières, et le "digital" celui de la science. On n'a que ce que l'on mérite ?
La transformation digitale porte bien son nom. Il s'agit de transformer l'homme, et la nature, en chiffres. Même le totalitarisme est victime du chiffre ! Il devient d'une stupidité abyssale.
La police est mécontente. M.Hollande lui donne 250 millions. C'est comme cela que se terminent les conflits, en France. La formule : travailler moins et/ou gagner plus (généralement et). Faudrait-il voir dans ce réflexe pavlovien la raison du déficit français ? D'une perte de compétitivité, et de créativité, que l'on compense à coups de baisse de salaire et de pertes d'emplois ?
Dans les années 90, les personnels de la RATP ont traversé une crise qui ressemble à celle des policiers. Qu'a fait sa direction ? Elle a attaqué la cause du problème. Les tags et les vendeurs de drogue. Et, ce faisant, elle a découvert la raison réelle du malaise : des personnels qui aspiraient à un travail à la hauteur de leur mérite. Elle leur a donné des responsabilités. Tout le monde a été gagnant. Et cela n'a rien coûté.
Et si l'on choisissait notre prochain président pour sa capacité à réformer la RATP ?
Comment évolue la culture d'un peuple lorsqu'il est envahi par un autre ? La culture des USA nous a submergés, comment la nôtre va-t-elle changer ?
L'anthropologue Malinowski étudie les Mélanésiens. Dans leur cas, l'invasion aboutit à un bricolage mythologique. Le totem de l'envahisseur domine celui de l'envahi. On explique ainsi que le monde a toujours été ainsi. Il y a aussi la conversion. Le christianisme et l'Islam ont conquis des morceaux du monde, et les populations conquises se sont converties. Mais cela n'est qu'une apparence. C'est pourquoi il y a tant de nuances d'Islam et de Christianisme. L'élite ancienne se mélange généralement à la nouvelle. C'est ainsi que l'Angleterre a opéré dans ses colonies. Et les envahisseurs peuvent aller jusqu'à adopter la culture du peuple conquis, si elle est d'une richesse exceptionnelle. Cela a été le cas en Chine, et avec les Francs, en ce qui concerne la culture gallo-romaine, ou avec les Vikings partout où ils se sont implantés.
La culture résultante semble donc un mélange. Ce qui survit est ce qui semble apporter un avantage, à court terme. C'est pourquoi la culture occidentale, son progrès technique, a eu un tel succès ; peut-être aussi, à l'opposé, ce qui résiste suffisamment pour tenir la période de destruction initiale, et se révéler utile lorsque des failles surgissent ; peut-être, encore, y a-t-il un peu d'innovation pour permettre à l'un et l'autre de cohabiter.
Régulièrement, mon antivirus Avast m'informe que j'utilise un moteur de recherche qui a mauvaise réputation : Google. Il me propose de l'éliminer.
Ce qui me fait me demander soit si mon antivirus n'a pas été parasité par un virus, soit s'il a bonne réputation, et si je ne devrais pas m'en séparer.
Je me demande si tout cela ne reflète pas la culture de la Silicon Valley ? Force, manipulation, et faible QI. Trump, en un mot.
Un jour tout est devenu gratuit. Cela a coïncidé avec la bulle Internet. Avant, une entreprise devait commencer par gagner de l'argent. Ce n'était plus le cas. Il fallait maintenant acquérir de l'audience, ça finirait évidemment par payer. On s'est habitué à ne plus payer. Et surtout à prendre. Avec un argument que j'ai découvert récemment : si tu me donnes quelque-chose, c'est que tu as à y gagner.
Ce n'est pas faux. Si je donne, ce n'est pas à toi, c'est à la collectivité, et c'est pour que tu fasses de même. Et ainsi on sera plus fort à deux que séparés. Mais si tu me prends mon investissement, la société ne peut plus marcher.
Il y a trente ans, j'ai vécu les prémisses d'un phénomène qui a bouleversé notre société. D'un seul coup, nous avons compris que le pouvoir se prenait. Auparavant nous pensions que le pouvoir se donnait. Il était distribué en fonction d'un mérite qu'évaluait l'école. Nous étions placés dans la société en fonction de nos résultats aux concours qu'elle nous faisait passer.
Cette révolte n'a-t-elle pas mis la société sens dessus dessous ? J'ai observé l'ascension fulgurante de personnes que l'ancien système considérait comme des ratés. Ils étaient probablement motivés par leurs frustrations. Et ils ont eu vite fait de constater que l'auto-satisfaction de l'élite la rendait incapable de défendre l'ordre établi, et même de percevoir qu'il était en train de changer. D'ailleurs, son complexe de supériorité la rendait extraordinairement facile à manipuler.
(NB. Ce que je dis du mérite a été explicitement le projet de la République : nous donner une position en fonction de mérites que l'école évaluerait.)
C'est étrange à quel point mai 68 ressemble aux printemps arabes. La jeunesse se révolte contre une vieillesse constipée. Il s'ensuit le chaos. Qui gagne ? Ceux qui ont les moyens d'assumer le pouvoir, et de profiter du chaos.
Théorie du complot : l'Amérique fait exploser l'ordre ancien, pour imposer son modèle sociétal. Or, l'Amérique, elle-même, a subi, en précurseur, ce phénomène de révolution étudiante. Et si l'Amérique n'avait pas fait le printemps ? J'écoutais un journaliste parlant de sa découverte de la musique américaine. Cette musique, les films et la culture qui allaient avec parlaient de liberté, une liberté dont on pouvait profiter tout de suite. Les autres cultures n'ont pas compris : elles disaient à leurs jeunes : pourquoi vous impatientez-vous ? On vous aime, demain on vous donnera notre place. Demain vous serez de vieux cons.
(Si l'Amérique ne fait pas le printemps, il est logique qu'elle l'encourage : après tout elle y voit ce à quoi elle croit, comme un parent se réjouit de voir ses traits chez son enfant.)
"68% des Italiens entre 18 et 34 ans vivent chez leurs parents." (Référence.) Et si l'histoire allait dans le sens de la "manif pour tous" ? Retour aux valeurs familiales ? Valeurs de pauvres, et de crise ?
Exposition Magritte à Beaubourg. Magritte a été un publicitaire. Et ses publicités m'intéressent plus que ses tableaux. Ses tableaux ne correspondent pas à ce que j'aime dans l'art. A savoir quelque chose qui me plonge dans une sorte de méditation, sans que je sache trop pourquoi. Ici, c'est lisse, triste, terne, sans relief, sans intérêt.
Apparemment derrière cette œuvre, il y aurait de la pensée, de la philosophie, Hegel, même. N'est-ce pas cela qui a été fatal à l'art, le sien et celui du monde contemporain ? On ne peut pas à la fois être raison et cœur ?
Kierkegaard, c'est un désespéré. Un écorché vif, dont la vie se terminera tôt. C'est une contradiction sur pattes : un intellectuel parmi les plus brillants de sa nation, un prosateur de génie, et un être hautement religieux. Quelqu'un qui aurait dû être pasteur, s'il n'avait pas jugé que le protestantisme officiel était indigne de Dieu. Ivre d'absolu, il soigne son angoisse existentielle en bâtissant la théorie d'une vérité ultime. Curieux qu'on en ait fait un philosophe. Fou de Dieu, prophète d'une sorte de Jihadisme, me semblerait plus approprié à son cas.
La raison refuse la foi ? Alors, il veut démontrer la foi protestante, et uniquement celle-là !, par la raison. Par le sophisme ? Car il le fait en disant que tout ce que la raison juge mal est bien. La religion dit tout et son contraire, avec autant d'aplomb ? eh bien, le paradoxe, c'est la marque du vrai ! Vous êtes heureux ? Eh bien, vous êtes le plus désespéré d'entre-nous, puisque vous n'avez pas conscience de l'être ! Et tout cela exprimé dans un style des plus abscons. "Le moi est un rapport se rapportant à lui-même, autrement dit il est dans le rapport l'orientation intérieure de ce rapport ; le moi n'est pas ce rapport, mais le rapport sur lui même du rapport." Cet homme vous transforme une banale expérience quotidienne en une abstraction mathématique. C'est parce que vous ne comprenez pas ce que je dis que c'est juste ? Il fait de la raison un article de foi ?
Kierkegaard est un ultra de l'individualisme. Il hait la foule (la société ?). C'est en plongeant en soi que l'homme se découvre, au travers de Dieu. "dans son rapport à lui-même, en voulant être lui-même, le moi plonge à travers sa propre transparence dans la puissance qui l'a posé. Et, à son tour, cette formule, comme nous l'avons tant rappelé, est la définition de la foi." Voilà la conclusion du livre, et son message.
Kierkegaard est le pionnier du courant existentialiste moderne. Les Grecs l'ont précédé. La raison est un outil. Mais il peut nous aliéner (celui qui ne connaît pas le désespoir est un légume), ou nous rendre fou. Il y a "quelque-chose" au delà de la raison. Source de crainte et d'espoir. Car, cela peut se rebiffer brutalement, si on l'ignore. Mais aussi, cela signifie que l'on ne peut jamais dire que quoi que ce soit est définitivement fichu. Voilà mon interprétation de la question. Mais je n'ai pas le génie de Kierkegaard.
L'Opéra Royal de Versailles. Cet opéra, on ne le sait pas, a été une révolution. D'un espace statique on passe à un système dynamique ! Et cette transformation a été réussie sans moyens. L'ingénierie des systèmes avant la lettre !
Au XVIIIème siècle, dans les années 1760, deux visionnaires ont conjugué leurs talents pour inventer le concept d’espace reconfigurable. Ils ont ainsi répondu au souhait de Louis XV de doter Versailles d’un lieu de festivités aux usages multiples : concerts et spectacles, banquets, bals.
Leur vision d’un système dynamique était résolument en rupture avec les architectures statiques de l’époque. Ils furent aussi des « managers » hors pairs qui ont su faire aboutir leur projet malgré des défis de taille : performances techniques, notamment acoustiques, à la hauteur du prestige de leur royal client ; contraintes sécuritaires relatives à un lieu destiné à recevoir plus d’un millier de personnes dont des princes et des monarques ; enveloppe budgétaire réduite à la suite d’années de guerres extérieures ; délais extrêmement contraints, vingt-deux mois entre la décision d’investissement et la mise en service requise pour le mariage du Dauphin, le futur Louis XVI. (Article complet.)
Ce qui m'a surpris, c'est que l'on ne le sache pas. Contrairement aux pratiques de notre époque, les deux "visionnaires" n'ont pas recherché la publicité.
Changement culturel ? De leur temps, la société savait attribuer une position en fonction d'une compétence. Une fois en place, on était supposé faire son devoir, avec reconnaissance. Aujourd'hui, c'est le verbe, il faut s'emparer de la notoriété par la force, et la conviction ?
J'ai parlé à une épatante DRH. Elle pensait avoir des tas de problèmes. Je lui ai dit qu'elle faisait ce qu'il fallait pour les résoudre. Elle en a convenu.
C'est une situation que je rencontre fréquemment. Dirigeant déprimé, par exemple. Mais, il agit bien, la situation est difficile, voilà tout. Il repart regonflé, et même transfiguré. Ce n'est plus le même homme.
Cela m'a toujours semblé étrange. Peut-être est-ce une erreur ? Peut-être a-t-on besoin d'un repère extérieur pour savoir si l'on est loin ou non du but ?
Aristote a parlé de "métaphysique", au delà de la physique. C'est l'explication ultime de ce que nous observons. (En fait, il semblerait que ce traité ait simplement été écrit "après" l'ouvrage sur la physique.) Et si l'on inventait une méta mathématique ? me suis-je dit en écoutant un mathématicien.
Derrière tous les concepts compliqués des mathématiques, il y a des idées que tout le monde peut comprendre. Et c'est ainsi que l'on peut rendre les mathématiques utiles. C'est d'ailleurs comme cela que l'on peut conduire une voiture. On a compris des "méta vérités". Pas besoin d'être capable de fabriquer un moteur, ou une transmission. Mais c'est aussi ainsi que l'on peut éviter la science sans conscience. Car c'est en ramenant les mathématiques à une expérience mesurable que l'on peut repérer ses contradictions. Car elles viennent de ce que ses hypothèses ne reflètent pas la "réalité" (quel que soit le sens de ce mot). Et, c'est en cela qu'elles sont intéressantes : elles nous révèlent qu'il y a quelque-chose qui est au delà des mathématiques...
Voici un cas surprenant. Il y a quelques temps je discutais avec un dirigeant. Son entreprise est l'une des trois ou quatre qui comptent dans son secteur. La vie n'y est pas facile. Son activité est sensible aux crises sociales (attentats, etc.). Gérer les crises est devenu une compétence clé... Mais ce n'est pas le pire. Il a un très grand nombre de clients qui à la fois sont en situation financière critique, mais ne disparaissent pas. (Apparemment, ils appartiennent à des groupes puissants, qui ont tous eu l'idée de se diversifier dans ce secteur, en même temps.) Du coup, il en est réduit à une guerre des prix permanente.
Le plus curieux est qu'il s'est récemment trouvé confronté à des concurrents étrangers appelés par ses clients traditionnels. Ils ont très mal fait leur travail et se sont repliés penauds sur leur pays. Mais est-ce fini ? Et si c'était une forme d'immigration qui avait pour but de maintenir les prix de la profession à bas niveau ? La seule chose qui semble compter pour les clients de mon interlocuteur.
Phénomène général ? Et si notre société s'autodétruisait ?
Pourquoi l'action des banques centrales ne donne-t-elle rien ? Normalement, s'il y a plus d'argent pour la même quantité de biens, cela donne de l'inflation. Or, on n'a pas d'inflation.
Réponse habituelle : il y en a, mais pas là où elle est contrôlée. C'est l'immobilier, les actions, l'éducation (elle était gratuite, de mon temps)...
Une idée plus curieuse m'est venue en écrivant le billet précédent : et si l'argent des banques allait dans les poches de gestionnaires qui créent une économie factice, qui étouffe l'économie productive ?
Jugez-moi sur mes actes, et pas sur des paroles (enregistrées par des journalistes), disait M.Hollande, ce matin, à la radio.
Au même moment, aux USA, on écrit partout : regardez comme ce que ce que dit M.Trump est mal. Or, ne pourrait-on pas lui appliquer le traitement Hollande ?
Nous vivons à l'heure du sophisme. L'intellectuel a été le premier à s'en servir. On a appelé cela le "postmodernisme". Seulement, il n'a pas compris qu'il en serait la première victime. L'intellectuel tire sa légitimité de sa parole, de la raison. Contrairement à l'aventurier du Far West.
Alexandre Jardin en appelle au peuple. Quand on considère l'histoire, on voit la foule renverser des gouvernements : "printemps" et révolutions françaises. Ce qui émerge alors n'a rien à voir avec les idées des révoltés. Et Tocqueville l'a très bien dit.
Mais la "big society" a peut-être une utilité autre. Un exemple : l'échec scolaire. Pourquoi ne pas chercher s'il n'y a pas quelque part quelqu'un qui a trouvé une solution à la question, qui puisse s'appliquer au moins à un groupe notable de personnes ? D'ailleurs pas forcément une solution qui fasse qu'il n'y ait plus d'échec, mais que celui qui sort de l'école sans diplôme vive heureux. Ce type de solution pourrait être appliqué à un niveau de politique local. Il est probable que les questions qui nous ennuient le plus ressortissent à ce type de démarche. On pourrait aussi mener des expérimentations et apprendre de l'expérience des autres.
Peut-être est-ce que c'est ce que cherche à faire Alexandre Jardin ? Ou peut-être veut-il créer un mouvement suffisamment important pour pouvoir penser ce type d'expérimentation en grand ?
Une discussion avec une participante à une conférence me fait me demander si la France n'en est pas là où j'étais il y a trente ans. (Ce qui n'a rien de désobligeant.)
C'est une scientifique, qui a pris des fonctions de management. Non seulement elle a dû découvrir la réalité humaine, mais elle est aussi sous la pression contradictoire de forces extérieures, marché, gouvernement ou autre. Et elle n'a pas l'air de mal se débrouiller, un peu en soldat des contes du lundi. Seulement, elle n'a pris que récemment conscience du changement. Jusqu'à peu elle était encore dans la France des Trente glorieuses. Une France qui vivait dans un cocon et dans laquelle l'individu ne pensait pas. Il râlait, mais il ne croyait pas à l'action.
Et si émergeait une prise de conscience politique ?
J'ai des sentiments contradictoires vis-à-vis de Daniel Cohn Bendit.
Je pourrais dire, comme Zweig, que je suis du monde d'hier ! Et Daniel Cohn-Bendit en fut le fléau. Ce qui comptait plus que tout pour nous, c'était l'éducation. Le fameux ascenseur social avec ses instituteurs. Or, elle a été vidée de son sens par le gauchisme. J'ai surtout ressenti, dans mon enfance argenteuillaise, que j'étais l'ennemi de classe du gauchiste. Mais qu'avais-je fait pour mériter cette hostilité "moi qui tétait encore ma mère" ? D'autant que j'étais élevé dans une sorte d'admiration béate du progrès et de la raison. Bien plus tard, j'ai découvert que j'étais d'un milieu ouvrier. Et que nous étions pauvres. Mais nous ne voyions pas les choses sous cet angle. Etait-ce ce qui nous rendait haïssables ? 68, c'est aussi le suicide d'un cousin de ma mère. Il était beau, et il était le seul de sa famille à avoir fait des études. Il a cru à soixante-huit, et n'a jamais pu se réadapter à la société d'après. Voir la prospérité de Daniel Cohn Bendit demeure difficile à supporter.
Mais je l'ai toujours trouvé sympathique. Et Hannah Arendt en dit du bien. Et j'ai de l'estime pour Hannah Arendt. Alors ? Ce que j'aime chez lui, c'est ce que je ne trouve pas chez le Français. C'est un "politique" au sens grec du terme. C'est un homme qui "ose penser" et qui passe à l'action. Tout le contraire du pouvoir gaulliste, qui croyait administrer un troupeau. Mais pourquoi la rue ? Les gauchistes n'ont-ils pas envahi l’Éducation nationale, les palais de la République et l'Académie française, en empruntant des voix légales ? Morale : prenons garde de ne pas confondre action politique et coup de tête ?
Elon Musk déclare que 10md$ suffisent pour atteindre Mars. Il en a fallu 15 fois plus pour aller sur la Lune. Et la technologie spatiale n'a pas progressé depuis. (Elle aurait plutôt régressé, selon moi.) D'ailleurs, il avait annoncé que ses fusées seraient 1000 fois plus efficaces que ce qui se faisait... Mark Zuckerberg fait un don de 3md$ pour "éliminer toutes les maladies d'ici la fin du siècle". Ce qui représente de l'ordre d'un millième du budget de la santé américain (sur le siècle).
Le patron américain croit qu'il peut déplacer des montagnes. Et même, comme un temps ENRON, que se donner un objectif impossible suscite l'exploit. Il affirme que la société, l'Etat, les instances internationales... non seulement ne servent à rien, mais le parasitent. Cela peut servir ses affaires de le prétendre. A condition de ne pas le croire. Hybris est suivi de Nemesis. C'est peut-être toute l'histoire du Brexit...
Un ami me parle d'une émission de France Inter qui montre le Français à son meilleur. Le Français n'est jamais aussi estimable que lorsqu'il passe des paroles aux actes. Peut-être y-a-t-il de plus en plus de gens estimables ?
Ce qui lui manque, me semble-t-il, c'est qu'il ne se voit pas tel qu'il est. Et, donc qu'il ne comprend pas qu'il a les moyens de changer son sort. Sa tête en est toujours à L’État providence. Un État dans lequel on ne pense pas. Ce qui manque au Français, c'est, simplement, de comparer ce qu'il croit, et ce que lui montre son action. Voilà comment j'ai commencé à penser.
Vous avez vos questions, j'ai mes réponses, disait Georges Marchais. Grande sagesse. En effet, que faire fasse aux virtuoses de la parole qui nous emberlificotent dans des raisonnements qui ont pour seul objet de nous faire faire leurs caprices ?
On ne peut sortir du cadre convenu de la conversation convenue qu'avec des gens de confiance. Intellectuel, passe ton chemin.
Accord de paix en Colombie. Il n'est pas ratifié par le peuple.
J'entendais un représentant du pouvoir colombien parler de cette question, dimanche soir (soft power de France Culture). L'issue du scrutin a tenu à peu de choses. Peu de votants, et une différence faible entre oui et non. L'invité a fréquemment comparé l'affaire au Brexit. Comme pour le Brexit, les vainqueurs auraient été surpris. Peut-être, comme pour le Brexit, ils ont utilisé le referendum pour dire au pouvoir quelque chose qui était sans relation avec son sujet. Le ministre de l'éducation aurait, peu de temps auparavant, cherché à faire pénétrer une sorte de théorie du genre dans ses écoles. Cela aurait choqué un pays très attaché aux valeurs catholiques.
Le gouvernement colombien a probablement mal hiérarchisé ses priorités. Décoincer la société était certainement moins important que de mettre un terme à une guerre civile. La question est générale. Partout les gouvernements semblent avoir été aveugles aux difficultés, fondamentales, existentielles, que rencontraient leurs peuples. Ils ont voulu les changer, non les aider. Perversion de l'esprit de la démocratie ?
Il n'y en a que pour Trump. Mon compte facebook suit quelques journaux américains. Ils ne parlent que de Trump. Il n'y a quasiment rien sur Mme Clinton.
M.Trump a beau jeu de dénoncer le lynchage dont il est victime. Mais il en est aussi le bénéficiaire. Pas besoin de budget pub quand on suscite une telle haine.
La recette de Trump : s'en prendre à des valeurs auxquelles tient la presse, mais qui inquiètent l'électorat.
(En fait, il joue sur un phénomène qui est fondamental pour le changement : le fait qu'en période de transition de phase, ce que l'on dit est différent de ce que l'on pense. Dissonance cognitive. Seulement, les techniques de conduite du changement cherchent à utiliser ce phénomène pour réaliser une transition pacifique.)
France Culture, du moins ses informations, est une série incessante de nouvelles désastreuses. Des choses contre lesquelles on ne peut rien faire. Quel contraste avec France Info : on y invite beaucoup d'opinions contradictoires, mais tout se fait dans une combativité heureuse.
France Culture est la voix de l'intellectuel. L'intellectuel pense que la parole et le bon sentiment sont tout puissants. Plus ça va mal, plus il parle, donc. C'est sa façon d'agir. Mais, aussi, il constate de plus en plus un réveil de la population : elle n'obéit plus aux belles paroles. Le pouvoir échappe à l'intellectuel. C'est la définition même de la dépression. Voilà ma théorie.
Un de mes partenaires appelait cela une "crash stratégie". Un étudiant, qui passait un entretien d'entrée dans un DESS (Master 2), illustre le concept. Alors que le jury était prêt à l'admettre, peut-être parce qu'il l'avait trouvé un peu froid ?, il a conclu son intervention, avec un ton désagréable, en affirmant que d'autres possibilités lui étaient ouvertes. Sa candidature n'a pas été retenue. La crash stratégie, c'est une idée fixe qui vous fait échouer.
Niels Bohr disait qu'il est difficile de prévoir, en particulier l'avenir. On a affirmé qu'il était l'homme le plus intelligent du monde. Et pourtant il n'avait pas compris qu'en termes d'avenir on n'est jamais mieux servi que par soi-même.
Car, il y a des prévisions qui marchent. Ce sont les "prédictions auto-réalisatrices". Il suffit de lire un journal américain d'affaires pour comprendre comment procéder. Si vous convainquez le marché que l'avenir est à votre produit, Big Data, la voiture sans pilote, Uber..., alors tout le monde va le penser, et cela va être effectivement le cas. C'était un mécanisme qui a été utilisé avec succès lors de la spéculation de 29. Malheureusement, comme en 29, cela peut donner un effet mouton de Panurge.
Il y a mieux. On peut procéder comme le sculpteur, ou le sage chinois. C'est-à-dire chercher s'il n'y a pas en potentiel dans l'avenir un monde qui pourrait nous convenir, et de faire basculer le cours des choses dans cette direction. C'est ça le changement.
Arthur Andersen, qui était encore un cabinet prestigieux, avait organisé une rencontre avec des étudiants. Un associé nous accueille. Il nous énumère ses diplômes. Puis nous demande les nôtres. Nous voulons vous recruter par ce que nos clients ont vos diplômes, nous a-t-il dit.
A l'exception du polytechnicien, aujourd'hui peu de gens se présentent par leurs diplômes. On n'est pas homme, on le devient, dit l'existentialisme. Il est possible que nous ayons appris que la vie était un changement permanent. Penser qu'un diplôme est la fin de la route est une assurance sur la mort ?
M.Blair n'a pas été loin d'avouer qu'il avait certes falsifié les preuves de la culpabilité de l'Irak, mais que son invasion avait été une cause juste. Faire "ce qui marche" est le pragmatisme, un courant philosophique important et sérieux. M.Trump et Mme Clinton sont pragmatiques. Ce qu'ils disent ne compte pas réellement. La fin, leur élection, est sa principale justification. Chacun a choisi un style particulier. Celui de Trump est inattendu, et efficace !
Une fois que l'on a compris que ce qu'il disait était du vent, il reste à savoir ce qu'il va faire une fois au pouvoir.
Courrier International publie à nouveau une photo d'un président qui ressemble au ravi de la crèche. Mais comment peut-on faire une telle tête ?
Et si c'était là son problème ? Il a vécu trop loin de la société, pour en connaître les règles implicites ? C'est une sorte d'empereur du Japon ? Et maintenant, il ne parvient pas à comprendre ce qu'il lui arrive ? Pour lui, diriger un pays est une abstraction ?
François Hollande fait des déclarations à la presse, qui lui valent des inimitiés dont il n'avait pas besoin. Serait-il suicidaire ?
"Faute de pouvoir ou vouloir véritablement agir, le président construit
donc lui-même la narration de son quinquennat pour tenter de combler un
vide dont la trace future l'effraie. François Hollande a peur du vide
qu'il laissera, il le remplit donc avec ce qu'il peut : lui-même." (La Tribune.)
En lisant l'article j'ai pensé aux polytechniciens. Nombre de polytechniciens vous disent sans arrêt qu'ils sont polytechniciens. Ce n'est pas le cas pour des diplômés d'autres écoles. L'hypothèse que je fais est qu'ils manifestent ainsi un malaise : pourquoi fait-on aussi peu de cas que cela d'eux, puisqu'ils sont supérieurement intelligents ? Ils ne voient pas qu'il ne suffit pas "d'être", il faut aussi devenir. C'est-à-dire s'adapter à son temps, sans a priori.
Et si Donald Trump cherchait "les mots bleus" ? Si je dis aux Mexicains qu'ils travaillent dur, ils m'aiment. Si je dis aux Américains que les Mexicains leur piquent leur emploi, ils m'aiment. Les mots bleus n'ont pas de raison d'être cohérents entre eux. Parce que ce sont des "mots que l'on dit avec les yeux". Ce que je dis réellement aux Mexicains et aux Américains, c'est que je les aime. Celui qui s'attache aux mots est comme cet idiot qui regarde le doigt qui lui montre le ciel.
Dans La fin de l'homme rouge, on voit tout un peuple de Russes méritants qui tombe dans l'abjection sans avoir compris ce qui lui était arrivé. Cela explique-t-il le retour de M.Poutine ? La haine de M.Gorbatchev, l'intellectuel aux belles paroles de qui on a cru ? Et si le Goulag était encore mieux que le paradis occidental ?
Cela ressemble à ce qui se passe aux USA, et peut-être aussi ailleurs. Notamment en terre de Brexit. Notre monde est entre les mains des virtuoses de la raison. Ceux-ci disent faire le bien. Et pourtant, ce sont les seuls à avoir connu un progrès. Les autres constatent qu'ils ont été victimes d'un jeu dont ils ne saisissent pas les règles, et dont ils ignoraient même l'existence.
Que peut faire un peuple trompé ? On ne lui offre que le populisme. C'est peut-être pour l'éviter, que l'on a voulu créer une élite issue du peuple. Elle aurait représenté ses intérêts auprès des instances intellectuels. Les hussards noirs de la 3ème République, et le KGB (copié sur les commissaires du peuple de notre Révolution) de M.Poutine en sont des exemples. Mais il y a aussi ce que l'on nomme maintenant le "communautarisme". L'union fait la force.
France Culture a eu le nez creux : il y a peu, il diffusait la vie de Bob Dylan en feuilleton. Hier soir, lorsque mes cousins ont appris qu'il avait eu le prix Nobel, ils ont pensé que ses jurés l'avaient choisi en désespoir de cause. La littérature mondiale est en faillite.
Personnellement, je ne sais pas quoi en penser. Je n'ai pas entendu le feuilleton en intégralité. Le peu que je retiens ne me fait pas trouver Bob Dylan très sympathique. Ce que l'on peut admirer, c'est son succès. Il a été l'homme d'une époque. Il a gagné beaucoup d'argent en exploitant le mécontentement que suscitait le sort de certains catégories de la population. Quant à son art ? Il a une curieuse voix, qui est peut-être un équivalent de celle de Renaud : le gosse de riche, qui se donne une voix de pauvre. Je suis totalement incapable de juger ces textes, que je n'ai pas lus. Je reconnais la musique de ses chansons à succès. Mais celle des titres peu célèbres, entendus dans l'émission, me semblait sans saveur.
Nobel = Oscar ? Le Nobel ne juge pas, il ne fait que reconnaître un consensus social. Il vole au secours de la victoire. Il est de son temps.
(Ce qu'en dit un spécialiste : Bob Dylan c'est l'esprit du moment appuyé sur un usage intelligent de la technique. Très pro, très américain.)
D'aussi loin que je me connaisse, j'ai toujours donné des conférences. Y compris à mes grands parents lorsque j'étais à la maternelle ! (C'est à ce genre de souvenirs que je constate à quel point ils m'aimaient !) Or, depuis quelques temps, j'ai commencé à me sentir mal à l'aise. Pourquoi ?
Ne serais-je pas décalé ? Je parle aux gens de sujets qui devraient les préoccuper selon moi, mais qu'ils jugent inquiétants ? Point 2 : je joue de l'autorité de la science, j'empile les références, alors que plus rien n'a d'autorité ? Chacun voit midi à sa porte ?
J'en étais à me demander si je ne devais pas imiter Trump, lorsque je me suis dit qu'il y a du bien dans ma façon de procéder : je considère mes interlocuteurs avec respect. Je veux leur donner ce que j'ai de mieux. Et je crois qu'ils le comprendront. Mon tort est de sous-estimer ce que j'ai fini par accumuler. Le risque que je cours est de confondre une bouteille d'eau avec une bouche à incendie, pour utiliser une approximative citation américaine.
On a fêté l'abolition de la peine de mort, en France. J'ai entendu le témoignage d'un condamné à mort devenu chercheur en histoire. (Pour passer le temps, il a accumulé des diplômes, en prison.) D'après ce que j'ai compris, dans une fusillade, il a tué un fonctionnaire de police. Ce témoignage m'a fait penser aux films américains. Dans ces films, la revanche, la loi du Talion, est bien. L’État s'est emparé de ce "droit" à la revanche. On a dû estimer que cela éviterait le chaos. Maintenant l’État a changé la façon dont se traduit la revanche. Est-ce durable ?
Probablement tout tient à la définition que l'on donne au mot "justice", à un instant donné. Si une catégorie de la population juge qu'elle court des risques disproportionnés, par rapport à une autre, il est possible qu'elle tende à se faire justice elle-même.
(cf. films de Clint Eastwood : le policier liquide le tueur qu'il considère comme protégé par la loi. Au nom de la loi...)
Discussion avec un spécialiste de Big Data. Ancien DSI de grosses structures et prof de haut niveau. Les SSII que je connais ne s'intéressent plus au sujet. Selon lui le phénomène serait général. Les plus grands cabinets, qu'il a rencontrés, ne dépasseraient pas le "POC". Ils ne vendent pas de mission.
Mais les entreprises ont des données, et essaient de les exploiter, généralement par nécessité. Elles le font avec leurs moyens, sans penser à appeler un spécialiste extérieur. Lui-même, par exemple, ne parvient pas à entrer sur ce marché, en dépit de son expérience, et de son prestige.
Je me suis demandé pourquoi. Pour les entreprises ce type d'application n'est pas du "big data" ? Trop prosaïque ? On associe "big data" à quelque-chose comme "découverte miraculeuse" ? Si oui, ce serait un cas vraiment curieux. Pour vendre Big Data et data scientists on a cru bon de faire une publicité excessive. Elle aurait totalement fermé un marché pourtant existant !
Que révèlent les emails volés à Mme Clinton ? Qu'elle fait de la politique. Qu'elle oriente ses déclarations en fonction de ce qui peut lui rapporter le plus. (The Atlantic.)
On en arrive au fond des choses. Les mots ne comptent pas, ce qui compte, c'est la personnalité. Mme Clinton est une politicienne, avec un positionnement (au sens marketing du terme) donné, mais pas de convictions très arrêtées ; M.Trump est un homme d'affaires façon conquête de l'Ouest.
Que je fais de fautes de frappes ! Sur mon iPhone, je n'écris jamais ce que je veux. Il comprend une lettre pour une autre, et le correcteur me remplace des mots par des autres. Et les secousses du métro déplacent le curseur du texte à ma signature. Et Internet ne marche plus. Et je vois de moins en moins bien de près. Et pourtant je continue. Dans une mauvaise humeur massacrante.
Je pense que c'est l'expérience dont parle JB. Fressoz, historien du progrès technique. Depuis la nuit des temps, les innovations ne sont pas au point. Elles sont une promesse non tenue. Elles provoquent un stress social. L'homme doit s'adapter dans le sang et les larmes. Mais il s'adapte. Tant que la promesse est suffisamment belle pour le faire rêver... L'est-elle toujours ?
J'ai découvert un fait curieux en
lisant un livre. Si les Allemands nous ont écrabouillés à
plusieurs reprises, c'est parce qu'ils avaient remarqué que ce
qui faisait la force des armées napoléoniennes, c'était l'autonomie de
leurs soldats. (Cela prenait par surprise l'adversaire, évidemment,
puisque même l'armée française n'était pas au courant du plan
de bataille !)
L'anarchie vaincra
Lorsque un groupe a un objectif "évident", ses membres savent ce qu'il doivent faire. Lorsque le bateau pirate voit sa proie, son équipage n'a pas besoin d'ordres !
Cependant, pour avoir ce degré d'improvisation, il faut probablement adopter la méthode Toyota. C'est à dire 1) développer des réflexes communs, acquis par un entraînement collectif ; 2) annoncer un objectif qui "parle" à tous.
Toyota
procède à une sorte d'embrigadement. Il y a quelque chose de similaire
en Allemagne, dans l'entreprise. En a-t-on besoin en France ? Il est probable que 1) nous est fourni, en France,
peut-être pas si mal que cela, par notre culture, par ce que nous
transmet implicitement la société dans nos années de formation. Mais, peut-être, tout de même besoin d'un peu de
professionnalisation. C'est ce que je retiens d'une conversation avec Daniel Costantini, l'entraîneur qui a transformé l'équipe de France de handball. Le Français tend à être un amateur ou un
Gaulois. Si on ne lui donne pas quelques repères, si on ne le fait pas s'entraîner un peu, il commet des
erreurs stupides, qui en font la proie de tous les Jules César un peu
organisés.
J'entendais, jeudi dernier, Guy Sorman reprocher au Français de ne pas aimer l'économie.
Est-ce condamnable ? Si l'on aime la liberté, on rejettera ce qui est susceptible de l'aliéner. En conséquence on refusera d'obéir aux "lois" de l'économie.
Bien sûr, il faut des lois pour organiser le comportement collectif (cf. code de la route, ou politesse), mais ce sont des lois que l'on doit accepter, et choisir. C'est le sens même de la "constitution" d'une société : les principes que l'on choisit, collectivement, d'appliquer. L'économie est anti-constitutionnelle. Si elle n'est pas maitrisée par la société, elle est un trouble à l'ordre public.
J'entendais l'écrivain Russel Banks parler du déclassement des Américains (dimanche dernier). Les déclassés aiment Trump. Or, Trump, n'est-ce pas ce que le capitalisme a de pire ? J'ai vu une vidéo, utilisée par la campagne de Mme Clinton, montrant un architecte qui a travaillé pour lui. Trump l'a félicité, puis ne l'a pas payé. Si vous m'attaquez, vous vous ruinerez en frais d'avocats. La vie de l'architecte a été détruite. Témoignage poignant. Trump, probablement, c'est cela. C'est tous les mauvais coups possibles. Comment, peut-on aimer ce type d'homme ?
Peut-être parce qu'il y a pire ? Car, le monde de Trump, c'est celui de l'Ouest, on en comprend les lois. Ce sont celles de la force. S'il avait fait preuve de la détermination des héros d'Hollywood, l'architecte aurait pu récupérer son argent. Mais, dans le monde nouveau de l'intelligence subtile et des sentiments les meilleurs, quoi que l'on fasse, on perd. On n'a pas compris comment c'est arrivé, on se retrouve sans rien. Explication de la haine que l'Amérique ressent pour Mme Clinton ?
(Et maintenant, le parti républicain, qui a soutenu M.Trump, découvre brutalement qu'il est infréquentable...)
Et si l'on en voulait aux politiques parce qu'ils ont confisqué la politique ? Ils prétendent que la politique c'est eux, alors que la politique c'est nous. La politique ce n'est pas une affaire de professionnels, d'hommes d'appareil, de technocrates, de donneurs de leçons à appliquer sans réfléchir, c'est une affaire de citoyens, de doutes et de débats, et de recherche d'un bien commun, sans arrêt à réinventer ?
Il paraîtrait que la France serait le pays où l'on se méfie le plus du vaccin. Étrangement, la radio ce matin, semblait dire que ce n'était pas sans fondements. Un médecin annonçait qu'il y avait maintenant des vaccins pour tout et n'importe quoi. Un autre qu'une expérience montrait que fort peu de gens avaient besoin d'un rappel.
Mais, la peur du vaccin pourrait venir d'autre chose. Dans ma jeunesse, nous avions une vénération sans limite pour la science. Pasteur et ses émules étaient des saints laïcs. On racontait leur vie de dénuement. Leur seule ambition était le bien collectif. De même que celle de l’État, d'ailleurs. Maintenant on nous dit que nos paroles ne reflètent que nos intérêts ; c'est dans l'ordre des choses, et de la nature humaine ; et que cela a même toujours été ainsi, ajoute-t-on. Dans ces conditions, peut-on encore avoir confiance en la médecine ?
Et pourtant elle tourne... Pourquoi n'a-t-on pas le droit de dire certaines choses ? Probablement parce qu'elles contreviennent à l'ordre public. Si Galilée a raison, alors toute la société a tort. Plus rien ne marche.
A l'envers, il est possible que lorsque l'on veut introduire un nouvel ordre social, on cherche à imposer des interdits qui correspondent aux normes nouvelles. Ce faisant on code les esprits.
Il y a le cas médian, où l'ordre ancien absorbe les idées nouvelles. Par exemple, Dieu a tout inventé, donc il a inventé la science... Nous devons étudier pour nous pénétrer des merveilles de la création divine.
Cette fois-ci c'est l'hallali disait France Culture, parlant de M. Trump. Il a menacé Mme Clinton de la poursuivre pour une histoire d'email. Cela ne se fait pas lui a dit M.Bush. Imaginez que l'on me poursuive pour mes responsabilités dans la guerre d'Irak, quel manque d'éducation ! Cela ne se fait pas, non plus, en France, n'est-ce pas M.Sarkozy ?
Le journaliste était surpris, aussi, que ce lâcher par la droite vienne si tard, alors que M.Trump avait dit des horreurs sur beaucoup de gens. Or, ce qu'a dit M.Trump en privé, c'est ce que bien des hommes disent en privé. Et que beaucoup font (DSK ?), en particulier chez les politiques dont la lubricité est bien connue. On peut le faire, mais à condition de ne pas le dire en public ? Comme au tant de la prohibition. Décidément, Clint Eastwood paraît avoir vu juste : ce qu'attaque M.Trump (par sa seule présence ?), c'est le "politiquement correct", l'hypocrisie (américaine). C'est-à-dire une identité fantasmée. Comme l'expliquent mes livres, c'est le meilleur moyen de se faire flinguer. Make my day, Mr Trump.
J'entendais Véronique Margron, provinciale des dominicaines, se désoler du manque de solidarité des Français vis-à-vis des réfugiés qui arrivent en Europe. (A voix nue, France culture.) Une question que je me pose, aussi : la France est capable de formidables actes de générosité, que se passe-t-il cette fois ?
Au même moment je lisais une recension d'un ouvrage traitant du mal français : le déclassement des nouvelles générations. Notre société est devenue extrêmement inégalitaire. Cela n'aurait pas été le cas si la solidarité avait été sa règle. Le peuple n'est pas mieux que son élite. Pourquoi cette dernière s'étonne-t-elle que ce soit le cas ?
Pauvre Trump ! Il a la presse contre lui, et elle met des moyens considérables à fouiller son passé. Cette fois-ci on a découvert qu'il tenait des propos sexistes. En France, la presse reprend unanimement la nouvelle, en disant qu'il est plombé. Aux USA, grande leçon de journalisme, cette même presse qui le combat enquête, honnêtement. (The Atlantic.) Et elle découvre que la femme moyenne aime Trump ! Y compris sa première femme, avec qui il s'est battu dans un divorce féroce. Pourquoi ? Parce que c'est un homme qui traite tout le monde aussi mal, sans discrimination. Il ne comprend que la force, mais il respecte les forts, comme des égaux, quel que soit leur sexe, et leur origine ?
Trump, c'est la résurgence d'un modèle d'homme dont les films d'après guerre étaient pleins. Peut-être aussi un type d'homme que fait revivre Clint Eastwood. C'est un mauvais garçon, mais "il a un cœur gros comme ça". Il parle mal, mais il agit bien. Et, à la fin, il est capable de donner sa vie pour le bien public.
C'est un homme sans malice, tel que les mères aiment à le manipuler. "Il n'est pas très malin, mais il est tellement gentil." Et cela se voit dans ce qu'il ne fait pas subir à Mme Clinton ce à quoi il est soumis. Car quelle proportion de la population peut s'identifier à Madame Clinton, faire de son désert existentiel un modèle ? Sauf à la plaindre pour les frasques de Bill, qui n'a pas grand chose à envier à Donald ?
Trump, c'est le réveil de l'Amérique éternelle qui découvre qu'elle s'est faite blouser. Les belles paroles des intellos lui ont fait prendre des vessies pour des lanternes. Ce n'est pas "make America great again", c'est "make America proud again". American pride, comme il y a gay pride. Il y a peu de chances que le dégel soit suffisant pour qu'il gagne. En tout cas, il aura réussi un exploit : détourner le débat électoral du sujet principal : sa compétence.
Qu'est-ce que je tire de l'existentialisme ? Trois idées : angoisse existentielle ; on ne naît pas, on devient ; absurde.
L'existentialisme comme méthodologie ambulatoire
Par ses contradictions, la raison montre qu'elle n'est pas tout. D'où angoisse : il existe quelque-chose que l'on ne comprend pas, et c'est l'essentiel. Mais aussi espoir, puisque notre sort n'est pas scellé. Par conséquent, l'homme, digne de ce nom, est une cible mouvante. Il ne peut jamais être définitivement décrit (par la raison) : il ne "naît" pas ; il "n'est pas" ; il est en devenir permanent. Quand il se croît arrivé, diplômé ou autre, il tombe. Il devient le rhinocéros d'Ionesco. Et il passe d'étape en étape par un changement démarré par la rencontre de l'absurde. L'absurde, c'est la découverte de nos contradictions internes. Pour y survivre, nous devons trouver une vérité "plus fondamentale", qui résout ces contradictions. "Plus fondamentale", car la contradiction n'est jamais définitivement résolue. Les limites de la raison nous amènent fatalement à de nouvelles contradictions. Mais, c'est la règle du jeu. C'est ce qui nous propulse dans la vie et fait que nous sommes, parce que nous devenons. Contrairement à Kierkegaard, je ne crois donc pas à une vérité absolue, mais plutôt à la découverte progressive d'assises qui remplacent les précédentes.
Socrate me semble avoir voulu pousser ses concitoyens à trouver ses assises. Hannah Arendt paraît partager mon point de vue. Elle pense aussi que Socrate n'avait pas compris que l'action de Socrate conduit naturellement au désespoir, ou à la révolte. C'est un trouble à l'ordre public. D'où la condamnation de Socrate. C'est le problème de l'absurde collectif. Malinowski pense que le religion est son remède. Pour ma part, je crois plutôt que, dans notre monde de raison, c'est l'anthropologie. Dans les phases de désespoir, nous avons besoin que quelqu'un fasse de nous une psychanalyse collective et en tire un projet de société auquel nous puissions tous nous rattacher.
Alexandre Jardin parle de "diseux et de faiseux". Nous sommes dirigés par des "diseux" qui ne savent pas faire. Grand changement du moment. Les polytechniciens ou les normaliens, par exemple, étaient des faiseux avant d'être des diseux. C'est fini. C'est d'autant plus curieux qu'à l'heure du Bac et du Master pour tous, leur légitimité de donneurs de leçon s'est effondrée. De même, l'entrepreneur, self made man, a été remplacé par le "working rich". Le technocrate diplômé.
A nouveau l'Ancien régime ? Être un gouvernant ou un patron, c'est un métier, avec beaucoup de contraintes, et fort peu d'excitation intellectuelle. Ce n'est pas encore les orgies de la décadence. Nos diseux ne sont pas que du vent. Et s'ils considéraient nos difficultés comme étant des "questions ouvertes", dont la solution est à trouver ? Alors, peut-être auront-ils l'idée d'utiliser toute une éducation de résolution de problèmes ? Transformation à effet de levier des diseux en faiseux.
Et si nous avions un besoin vital d'un ascenseur social ? disait un billet précédent. Comment le recréer ? Ce n'est pas forcément ce qui a marché, qui marchera de nouveau. Il faut en revenir aux principes fondamentaux. Ceux que je vois :
Le brassage est le principe clé. La société a besoin de renouvellement. Recruter en bas.
L'envie doit venir de la société, pas de l'Etat. L'ascenseur social traditionnel résulte d'une ligne de pensée qui a probablement plus infiltré la société par la base que par le haut, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Les instituteurs et les polytechniciens étaient des missionnaires dont le rôle était d'apporter la lumière au peuple, mais aussi à une partie puissante de la classe supérieure. C'est à nous de prendre notre sort en main, plutôt que d'attendre le salut de l’État.
Talent. L'ascenseur social a pour caractéristique de recruter en bas, des gens qui ont un "talent" reconnu. Ce "talent" est mesuré par leur capacité à contribuer à la stratégie sociale du moment. (Instituteurs et polytechniciens, à nouveau.)
Il y a un aspect culturel fort. En France, par exemple, la promotion se fait traditionnellement par l'éducation, aux USA par les affaires. En outre, il semblerait que nous ayons besoin de théories pour nous mettre en mouvement, que nous ayons besoin d'une démonstration mathématique pour qu'un mouvement social prenne corps, alors que les USA sont pragmatiques.
Ces derniers temps je me suis penché sur les mathématiciens. Par rapport à leurs prédécesseurs, d'il y a seulement 30 ou 50 ans, ils ne semblent plus rien découvrir. Ils ne s'occupent plus que de démonstrations de théorèmes infimes. Ce sont des techniciens de surface. J'en parlais à un mathématicien prestigieux, qui me répondait que tout a été trouvé par les anciens.
C'est, de nouveau, l'argument des limites à la croissance. Et si notre modèle de société avait atteint un plateau ? Cet argument est peut-être juste, cependant, aussi, la société ne travaille pas comme elle le faisait avant. Mon ami mathématicien m'approuve.
Je constate que, partout, le "changement" qui permet à l'entreprise de revenir à la santé, ne lui demande que de faire ce qu'elle a toujours fait, et qu'elle ne fait plus. Y compris appliquer des normes de santé publique. D'ailleurs, c'est comme cela que procède un autre ami, spécialiste du redressement d'entreprise. Avant même d'avoir compris ce qui ne va pas, il fait repeindre les ateliers et afficher leur performance. Il a constaté que mécaniquement, il obtenait une transformation radicale des résultats de la société. Du coup, il dispose de l'énergie collective dont il a besoin pour procéder au "vrai changement".
La croissance des trente glorieuses vient de projets qui ont demandé des moyens massifs. C'est l'effort de guerre qui nous les a fait consentir. D'ailleurs, même avant guerre, les nations étaient en concurrence les unes avec les autres, ce qui stimulait leur volonté de prouver qu'elles avaient les meilleurs scientifiques. Après guerre, une partie de nos succès viennent de multinationales comme Boeing ou IBM, qui se sont engagées, comme des entrepreneurs, dans des aventures qui auraient pu les couler. Aujourd'hui, on attend l'innovation de la start up. Or, par définition, elle n'a aucun moyen. Et elle fait petit. Même si son succès peut être grand. Google et Facebook sont dans l'infime. Et si les États n'étaient pas devenus énormes par erreur, comme on le dit aujourd'hui, mais parce qu'ils avaient pour fonction de rendre possibles des projets collectifs planétaires ?
Que se passerait-il si l'on revoyait notre façon de travailler et l'organisation de notre société ?
L'économiste Mancur Olson étudie ce que donnerait une société dont le principe serait l'individualisme. Il trouve, contrairement à ce que l'on pourrait penser, qu'elle forme des îlots, des groupes de riches ou de moins riches. (Exemples : oligopoles d'un côté, syndicats et avantages acquis de l'autre.) La raison en est qu'en petit groupe l'intérêt des individualistes leur permet de se coordonner aux dépens de la majorité. Ces groupes finissent pas paralyser le fonctionnement de la société.
L'immigration empêche ces caillots de se former. Le mot doit certainement être pris à un sens large. De tous temps dans les pays anglo-saxons et en France, l'élite a été renouvelée par une injection de sang neuf.
Cette explication est originale. Ordinairement, on vente l'immigration pour son intérêt économique. A l'envers, on lui reproche aussi d'être un encouragement à la facilité, qui nuit à l'innovation. (Cela semble se vérifier en Angleterre : on préfère y embaucher du personnel pas cher, que d'acheter des machines.)
Et aujourd'hui ? Le mécanisme semble bloqué. En bas, l'immigration provoque le rejet. En haut, elle devient impossible. Notamment, en France, parce qu'il n'y a plus d'ascenseur social de l'éducation.
J'ai fait une allocution (sur l'injonction paradoxale) dans la salle du conclave du Palais des Papes ! Ce qui m'a permis de découvrir que le dit palais est tout sauf un palais.
De l'extérieur, il fait château fort plus ou moins en bon état. Jadis il avait des toits. Ce qui changeait tout. A l'intérieur, c'est du béton et des ascenseurs. Les murs sont droits et refaits. Partout des salles de réunion. C'est un palais des congrès ! On n'y voit que de la pierre, froide. Je suppose que c'était tout ce que les Papes voulaient éviter.
Serait-cela l'exception culturelle française ? L'économie de marché avec parement de faux Moyen-âge ?
Le problème que pose le data scientist est celui des aveugles et de l'éléphant. Le data scientist est un ritualiste du chiffre. Il ne comprend pas ce qu'il signifie. Je me fiche de ses descriptions hyper précises. Je veux savoir que je suis en face d'un éléphant. Même sa taille exacte m'indiffère.
Un exemple concret. Analyse du fichier du Titanic. Un algorithme finit par trouver les règles suivantes pour expliquer qui a survécu : (personne de 9 à 35 ans, classe 1) ; (homme accompagné de 0 ou 1 adulte) ; (femme en classe 1 ou 2) ; (femme de 26,5 à 60 ans) ; (femme de 22 à 24 ans) ; (femme accompagnant de 0 à 2 enfants) ; (personne de 0,167 an à 6 ans accompagnée de 0 à 3 personnes) ; (femme accompagnant 1 personne).
J'analyse le même fichier avec mes petits moyens. Je tire une règle : "les femmes et les enfants d'abord". C'est peut-être moins juste que ce que produit la science de la donnée, mais ça m'est utile à comprendre ce qui s'est passé.
on a financé le CICE en partie en augmentant la TVA [passée de 19,6 % à
20 % au 1er janvier 2014] et il aurait servi à baisser les prix de
vente. C’est le serpent qui se mord la queue !
La réalité dépasse la fiction ??? Le gouvernement a fait croire qu'il donnait à l'entreprise de l'argent, alors qu'il le prélevait sur le consommateur, par une hausse de prix ! Si bien que les entreprises ont compensé la hausse grâce à l'argent reçu ! Et le gouvernement attendait de cette mesure la création de centaines de milliers d'emplois ?
(Le CICE est un "crédit d’impôt sur la masse salariale de 4 % au titre de 2013 et de 6 % ensuite". Sur 2013 et 2014 seulement, il aurait coûté à l’État 28,7md€. On pensait créer 200.000 emplois. Mais, impossible d'en évaluer l'impact : ce serait une "usine à gaz" : on ne sait pas ce qui entre et ce qui sort. Les estimations vont de zéro à pas beaucoup, à la fois en termes d'emploi et de marge. Aurait-il été récupéré par les grandes entreprises et le consommateur, par des baisses de prix ? Si c'est le cas, cela serait dû à une manœuvre étonnante : le gouvernement nous a donné d'une main ce qu'il nous retirait de l'autre, et a pensé créer ainsi de la prospérité et de l'emploi ! Le Monde est ma référence.)
Lorsque j'écoute France Culture, j'entends souvent un interviewé exprimer sa haine de l'espèce humaine. Qu'elle disparaisse ! Mais cette pensée s'applique-t-elle à celui qui la formule ? (Ou n'est-elle que du blabla sans conséquence ?)
Et est-ce une pensée à nous ou est-elle importée ? Aux USA, on oscille entre un homme démiurge, qui façonne le monde à coup de bombes H, et l'idéal d'une nature vierge. (Utopie, puisqu'en des millions d'années de présence humaine, la nature n'est plus vierge depuis longtemps.) Les Chinois, par contre, voient l'homme (chinois) comme étant nécessaire à l'équilibre du monde.
Quelqu'un a-t-il raison ? L'homme a l'air d'avoir un esprit qui "comprend" les lois de la "nature" (au moins partiellement). C'est pour cela que les ordinateurs essaient de le copier. Il y a peut-être dans une société humaine quelque-chose de potentiellement plus "résilient" que la nature sans l'homme. Encore faut-il que la dite société parvienne à se régler et évite la démesure. La civilisation anglo-saxonne est peut-être la manifestation sur Terre de cette démesure. En menaçant la survie de l'humanité, elle l'empêche de s'endormir sur ses lauriers, à l'image de la Chine ?
People analytics, Big Data pour les ressources humaines. Un tremblement de terre ?
Il y a des choses très intéressantes. Mais rien de très neuf, et pas de miracles sans beaucoup de travail, et de talent. Surtout beaucoup de sophismes commerciaux. D'ailleurs, le "big data" existe-t-il vraiment ?
Phénoménologie. Curieux mot que j'ai découvert relativement récemment. Voici ce que j'ai compris.
Le "phénomène" est quelque-chose sur lequel on met un nom. Arc-en-ciel, politique, justice, tonnerre, amour, bateau, chat, homme, voiture, meuble, rose, intelligence, changement...
La question que se pose l'homme est : qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce qu'il y a à l'intérieur ? Certains disent, on ne le saura jamais, on ne peut que décrire le phénomène. Le scientifique dit : mes équations expliquent le phénomène. D'autres pensent que notre intuition nous révèle la nature des choses, après tout nous sommes faits de la même pâte qu'elles.
Quant à moi, je crois que tout ce monde a tort de croire qu'il existe des phénomènes. Car le phénomène est insaisissable. Dès qu'on tente de le cerner, on découvre qu'il n'a pas de frontière. Et, on s'empoigne : chacun en ayant une définition à lui. (Qu'est-ce que la justice ?) Au mieux, le "phénomène" est quelque-chose qui signifie vaguement quelque-chose pour l'ensemble des hommes. C'est un moyen d'organiser notre vision collective du monde. C'est un moyen qui est propre à une de nos caractéristiques dominantes : la raison. C'est surtout un moyen qui nous permet d'agir efficacement. Nous pouvons observer le phénomène, le modéliser, en tirer des règles d'action, les tester. En termes de "compréhension", c'est tout ce que nous pouvons espérer.
A l’époque d’Hannah
Arendt, comme aujourd’hui, on disait le plus grand mal de la politique. Hannah Arendt montre que cela tient à une méprise. Le sens du mot
a été dénaturé. La politique est devenue un moyen, dont on se passerait bien, pour
atteindre une fin. En son époque, de guerre froide, cette fin était la violence :
détruire le camp adverse. Ce qui désespérait Hannah Arendt.
La politique, c'est la liberté
En fait, la politique est une fin en elle-même. Pour les
Grecs, la politique c’est l’état ultime du développement de l’homme. C’est par
elle qu’il atteint la liberté.
Pourquoi ? Je tente une explication, en espérant de Mme Arendt me pardonnera mes approximations. Politique c’est un mot comme « marketing ». On transforme market en une action, politique transforme polis, cité, en une
action, ou un comportement, qui permet à la cité d’être cité. C’est « faire
cité ». La cité c’est d’ailleurs plus une équipe d’égaux qu’une ville. Une
sorte de conseil d’administration. La politique c’est jouer son rôle dans ce
groupe, de même qu’un joueur tient sa place dans une équipe sportive. Pour, ensemble,
faire de grandes choses, des exploits inconcevables, et acquérir la gloire
immortelle. C’est ainsi que l’on peut être, réellement, un être humain,
développer ses capacités les plus élevées.
Question : mais si la politique est ainsi entendue, ne
peut-on pas faire de la politique en dehors du champ traditionnel de la politique ? C'est-à-dire
en s’associant à un groupe de gens pour changer le monde ?
"Le pouvoir possède la radio et la télévision, et un parlement à sa main. Nous allons nous expliquer directement dans la rue, nous allons pratiquer une politique de démocratie directe." dit Daniel Cohn Bendit en 68. N'est-ce pas, aussi, ce que l'on entend de plus en plus aujourd'hui dans la société française. Et si jamais la parole d'Hannah Arendt n'avait été plus d'actualité ?
(ARENDT, Hannah, Qu'est-ce que la politique ?, Editions du Seuil, Points Essais, 2014.)
"Une question : étant donné que tout change très vite et qu’aujourd’hui
est différent d’hier, sans parler de demain, quel crédit peut-on
accorder à une prédiction qui s’appuie sur des faits d’hier ?" me dit-on, au sujet de Big Data.
Voilà le problème avec Big Data et le data scientist. De plus en plus, d'ailleurs, on craint que Big Data n'amplifie les inégalités. Non seulement, il y aura ceux qui savent l'utiliser et les autres, mais, par définition, utiliser Big Data, c'est conduire le dos au sens de la marche. C'est reproduire le passé dans l'avenir.
La solution, c'est l'homme et l'anomalie. Il y a un type d'algorithme qui cherche l'exceptionnel, et pas à décrire le normal. L'exceptionnel, c'est le nouveau qui émerge, ou qui mériterait d'émerger. Par exemple, oui, le manager est mauvais, mais il en existe aussi de bons. Et si l'on généralisait leurs "bonnes pratiques" ?
Pour utiliser ces algorithmes, il faut l'esprit humain. C'est lui qui va transformer des données incompréhensibles en une intuition qui fait du sens, et qui est robuste. En fait, elle l'est parce qu'elle lui donne envie d'agir, et qu'en agissant il va faire aller l'avenir dans la direction qui lui convient.
Les partis politiques ont des primaires, comme aux USA. C'est un progrès démocratique, camarade.
Eh bien non. J'entendais dire, et cela me semble juste, que ce qui motive les primaires est le désir des candidats d'acquérir une apparence de légitimité. C'est parce qu'ils sont rejetés massivement, qu'ils doivent faire dire le contraire au système. (En tout cas, ils parviennent ainsi à museler leurs adversaires.)
Mais, comment M.Hollande va-t-il réussir ? J'ai cru comprendre que, contrairement à M.Sarkozy, il n'était pas aimé par les membres de son parti. Peut-être dispose-t-il de moyens de manipulation que nous ne voyons pas ?
Je me suis fait prendre au jeu. Je suis tombé sur une vidéo d'un cours d'analyse de données, et de fil en aiguille, j'ai regardé toute la série (de l'ordre de 4h).
Le cours porte sur WEKA, un logiciel développé par l’université de
Waikato (Nouvelle Zélande). (https://www.youtube.com/user/WekaMOOC.) Il est donné par un professeur irlandais, qui a fait ses études au Canada.
Ce que j’en déduis :
Il y a maintenant des outils, comme Weka, très simples à
utiliser, qui demandent peu de connaissances mathématiques, et très puissants. Aussi, caractéristiques d'un cours à l'anglo-saxonne. En France, on cherche à vous faire croire que l'équation gouverne le monde, les Anglo-saxons partent de la pratique. En éliminant la complication, ils en arrivent à la vraie complexité, à savoir que ces techniques ne font pas de miracles, et demandent une grosse rigueur intellectuelle pour que la science ne ruine pas l'âme.
L’analyse de données est essentiellement une question de
prédiction. A partir d’observations passées, on cherche à savoir ce qui va
arriver. Alternativement, il s’agit d’aide à la décision : quels sont les
facteurs de risque de tel ou tel cancer ? par exemple.
On parle aujourd'hui de « machine learning » (apprentissage
automatique). Mais « learning » est trompeur. Contrairement à l’homme
qui procède par « coup de génie », qui comprend, par exemple, comment
marcher, ou qui invente de nouveaux jeux, ou la notion de jeu, le logiciel ne fait qu’appliquer des modèles prédéfinis. Il n’invente
pas de nouveau modèle. Il est déterminé. Machine learning, c'est du marketing. Le marketing, tel qu'on l'entend aujourd'hui, est la plaie d'Internet, et de l'économie de marché.
Il y a différents types de techniques : arbres de décision,
segmentation, régression… Leur performance est peu impressionnante. Dans
l’ensemble elles permettraient de faire juste dans 3 cas sur 4. Ce taux n’est
pas très élevé, pour deux raisons. 1) Il existe généralement une méthode
évidente de prévision, et elle marche généralement dans un cas sur deux.
(Exemple : le temps de demain sera celui d’aujourd’hui.) ; 2) lorsque
l’on doit diagnostiquer un cancer, une chance sur 4 de se tromper, c’est
beaucoup…
Les mythes semblent évoluer comme l'ADN. Ils se répandraient en partant d'une origine commune.
Evolutionary biologists have observed that most species do not change much for the greater part of their histories. When significant evolutionary change occurs, it is generally restricted to rare and very fast events of branching speciation. This phenomenon is called punctuated equilibrium. The same appears to hold true with myths. When sister mythological versions diverge rapidly because of migration bottlenecks, challenges from rival populations or new environmental and cultural inputs, those events are followed by extended periods of stability. (Scientific American.)
Ce qui ne dit pas si ces mythes ont une fonction, comme l'ADN.
La politique d'Obama est conforme aux intérêts de ceux qui paient sa campagne. Grandes entreprises et riches. Goldman Sachs aurait été le premier d'entre-eux. C'est ce que disait, vendredi matin, l'éditeur en chef du prestigieux Harper's Magazine (France Culture).
M.Obama n'aura pas été un réformateur. Je ne m'attendais pas à ce que le dit éditeur reprenne des thèses que j'associais à la droite. Il attribue le malaise du petit peuple américain au traité de libre échange nord américain, mais aussi aux accords commerciaux avec la Chine : immigration et délocalisations d'activités. Même la loi sur l'assurance de M.obama était "néo libérale", imitée de ce qu'avait fait Mitt Romney dans son État. Elle aurait surtout profité aux compagnies d'assurance.
Pour connaître une société, il faut lire ses romans à succès, me suis-je dit, en parcourant Autobiographie d'un amour.
Nous sommes la génération bac pour tous. Nous nous croyons les égaux de Proust et de Bergson. Seulement l'enseignement moderne n'est pas celui qu'ils avaient reçu. Alors, il nous faut une littérature à notre portée. Elle respecte notre prétention à la pensée, mais elle n'est pas trop compliquée à digérer.
Ce livre, curieusement ?, obéit exactement aux ressorts du best seller américain. Il traite d'un problème majeur pour l'individu : comment faire une histoire d'amour de son mariage. Et il lui trouve une solution américaine, c'est à dire technique et mécanique, et qui finit bien : la théorie de Milton Erickson. On nage dans la systémique. On croirait entendre ce blog. C'est un livre didactique. Ce qui permet de faire un best seller sans efforts, et pour les nuls. A l'image de "The Goal", et sa théorie des contraintes.
Toutefois si la solution trouvée n'est pas romantique, elle est surprenante. Et si le rôle de l'autre était d'être votre psychanalyste ? Et si chaque membre du couple aidait son partenaire à devenir ce qu'il doit être ? A sortir de l'aliénation auquel il est soumis de la part de ses parents et de la société ? Le couple comme équipe soudée contre l'adversité ? Et si la systémique devait être enseignée aux futurs époux ?
Quant à la société, qu'apprend-on d'elle ? Qu'elle rejette la morale ambiante. Ce livre est très mal pensant. Le personnel de ménage exploite honteusement celui qui le paie, et occupe même sa maison, au motif que ce dernier est un colonisateur. La mère de l'héroïne est un monstre. Le projet de l'homme et de la femme, c'est l'amour conjugal. Mais, comme dans les films de Pialat, la femme reproche à l'homme d'être efféminé. Elle veut un mâle, qui la "culbute" comme une "chienne". Aux chiottes la théorie du genre et le Bobo ?