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dimanche 30 novembre 2014

Le monopole c’est bien !

On nous a changé The Economist ? Alors qu’il veut toujours plus de « compétitivité » pour les Etats, quand il s’agit de Google, il se rappelle les paroles des grands auteurs classiques : ils ont dit que la concurrence tuait l’innovation. « La concurrence (dit Peter Thiel) explique l’échec, pas le succès ; le succès vient de la fourniture d’un produit sans équivalent, et tend donc naturellement à créer un monopole ». Certes Google, Amazon et les autres affirment ouvertement qu’ils veulent conquérir le monde. Mais ce n’est pas grave, parce que la nature d’Internet est le monopole, que le désirer rend créatif, et qu’aucun monopole ne tient, surtout chez Internet. (La conclusion de l’article semble, toutefois, émettre un doute et rappelle que la démocratie c’est, par nature, le refus des rois, une autre forme de mmonopole.)

L’armée française est devenue la meilleure amie de l’américaine. Sauf en Europe, où la France ne compte pas. La Russie divise l’Allemagne qui retrouve ses divisions de la guerre froide. La droite est pro occidentale, la gauche pour l’Ostpolitik. Souk ukrainien. Les oligarques se disputent le pouvoir. La volonté de l’Ouest de faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN ne fait qu’envenimer ses relations avec la Russie. En Angleterre, la croissance est repartie, mais elle crée des salariés pauvres, qui ne paient pas d’impôts. La situation financière de l’Etat n’est pas meilleure que celle de la France. L’Angleterre ne veut plus que sa sécurité sociale profite aux immigrés. Ce qui pourrait se retourner contre elle : elle a expédié deux millions de vieux dans des pays tels que l’Espagne et la France, où ils profitent de la sécurité sociale locale. Ils sont aussi nombreux, mais ils coûtent beaucoup plus cher aux Etats que les jeunes immigrés.

Comment 21md€ deviennent 315. M.Junker annonce un plan de relance, tour de passe-passe.

USA. Ferguson ou le drame des bas fonds de l’Amérique ? Une police blanche, mal formée et mal payée, affronte une population noire déclassée, dans un monde surarmé. Et cette abjecte pauvreté est rançonnée ! « Un rapport (…) a trouvé que la cour municipale de Ferguson – une ville de 21.135 personnes – a produit 32.975 mandats d’arrêt l’année dernière, principalement pour infraction au code de la route. Ces amendes étaient la seconde plus importante source de revenus d’une ville dont le budget est de 20m$. » L’économie américaine est en plein boom : « le commerce représente une petite part de l’économie américaine, et les autres malheurs du monde, en fait, aident le pays, en faisant baisser les taux d’intérêt et le prix du pétrole ».

Aviation. Le low cost s’en prend au marché des longs courriers. C’est une histoire de moteurs. Ils consomment de moins en moins, ce qui permet de baisser les prix et réduit l’avantage des transporteurs traditionnels. Ce qui leur donnerait encore un peu de répit serait l’incapacité de Boeing et Airbus de livrer assez vite de nouveaux appareils. La politique de subvention aux énergies propres a eu le même effet désastreux au Japon qu’en Allemagne. Et les fabricants de médicaments manipulent les chiffres pour montrer que leur mise au point leur coûte cher. Les producteurs de spiritueux investissent l’argent qu’ils gagnent à l’Ouest dans le trou sans fond des marchés émergents.

La mission principale des conseils d’administration est de s’assurer que le top management de l’entreprise est compétent. Pour cela, il faut, surtout, repérer et faire grandir des talents en leur confiant des projets et des responsabilités où ils vont s’affirmer.

Le fonds Franklin Templeton gère 190md$ de dettes d’Etat. C’est extrêmement rentable, car les lois de l’économie ne s’appliquent pas à ce type de dettes. Paie des banquiers. On essaie de trouver une formule de bonus qui les rende vertueux. Dernière idée : des obligations à très long terme. L’Europe, elle, a limité la proportion du bonus dans la paie. Ce qui a forcé les banques à augmenter les salaires fixes des banquiers. Ce qui est coûteux, et pourrait les amener à réduire les dits salaires…

Cryptage de données. Les données Internet sont plus cryptées qu’on ne le croit. Ce que regrettent les services d’espionnage. Cela pourrait protéger, mieux qu’aujourd’hui, le commun des mortels, mais pas ceux qui font l’objet d’une surveillance particulière. 

Dangereux amour ?

Mon oreille est attirée par une annonce de FIP : recueillez des animaux et donnez-leur votre amour, ils ont été stérilisés et tatoués. 

Est-ce cela notre vision de l'amour : détruire ce qui fait la personnalité, l'humanité ?, de l'autre ? La différence comme menace ?

Résilience et ADN

Quelque chose qui me frappe dans les théories philosophiques : elles semblent penser que l’individu naît complètement achevé. Or, chaque génération repart de zéro, et fait toutes les conneries de la précédente avant d’en arriver à des conclusions similaires aux siennes. Mais cette transformation me semble hautement aléatoire. En effet, les dites conneries peuvent être fatales, et la génération précédente peut détruire le processus éducatif de la suivante. N'est-ce pas le cas, actuellement ?

Comment rendre la société résiliente ? Faire qu’elle ait une chance limitée de s’autodétruire ?

Tout d’abord, il me semble qu’il est fondamental d’inclure dans notre pensée le fait que l’humanité n’arrête pas de se recréer. Qu’on le veuille ou non, la génération suivante va devoir se faire une conviction par l’expérience, par essais et erreurs. Nous ne pourrons pas lui dicter sa conduite, contrairement à ce que croient les philosophes.

Ce qu’il faut probablement lui laisser, ce sont de quoi alimenter sa réflexion. Une sorte de bibliothèque de nos savoirs dont elle puisse s’inspirer. Le plus important est que cette bibliothèque soit aussi résistante que possible. Et notre égoïsme est probablement la plus grande menace qui plane sur elle. Il est si tentant de faire brûler les bibliothèques pour se chauffer ! (Ou, plus exactement, de voir dans l’homme un ennemi et d’essayer de détruire ce qui peut lui être utile.)

Comment constituer cette bibliothèque ? Pour l’homme, elle est probablement son ADN. Pour les sociétés, Richard Dawkins parle de « memes », des règles culturelles qui sont l’équivalent de l’ADN. Mais est-ce suffisant ? Et comment, surtout, le rendre résilient ? 

samedi 29 novembre 2014

Une école centrale (ou polytechnique) des systèmes ?

Le succès initial de l'Ecole Centrale vient d'une croyance : il existe une science des entreprises (Saint Simonisme). En relisant ce billet ancien, il m'est venu une idée. Et si, après l'entreprise, on appliquait le même principe à la société ? 

Je précise que l'idée n'est pas neuve. Von Bertalanffy, certainement avec beaucoup d'autres, pense que l'auto-destruction imminente de la société tient à l'absence d'une telle science. 

Comment la constituer ? 
  • Son cœur n'est pas les sciences humaines, sortes d'art pour l'art (estimable, mais qui ne doit pas en rester là). La science à la sauce (initiale) Centrale ou Polytechnique a pour objet la résolution de problèmes, l'aide à l'action, pas une description plus ou moins béate. 
  • C'est une science "polytechnique" ou "pluridisciplinaire" au sens où, pour résoudre un problème, il faut une boîte à outils, et du talent. 
  • Comme le dit le pragmatisme, dont la constitution d'une telle science est probablement le projet, son principe premier est d'appliquer la démarche scientifique. Enquête, expérience, et vérification : est-ce que ça "marche" ? (Vérification humble, à validité limitée.)
  • Ce n'est pas une science de la société, mais du "système". C'est-à-dire de ce qui différencie le vivant de l'inerte : "l'émergence". C'est une science qui prend le contre pied de celle qui a eu jusqu'ici le haut du pavé, et qui a pensé trouver l'explication ultime du monde dans une sorte d'individu primordial. Atome, quark, corde... 
  • C'est aussi une science de la raison (Lumières), ou de "l'intelligence" (pragmatisme). C'est l'éducation du conscient, néocortex, par opposition à l'inconscient. 
  • Nuance importante proposée par Herbert Simon : ce serait probablement une science de "l'artificiel". Par opposition à "sciences naturelles", lois de la nature évoluant sans l'homme, l'artificiel est ce que construit l'homme. Cette science a pour objet d'aider l'homme dans son travail de transformation de son environnement. Le rôle de l'homme, dans cette vision, est celui d'un catalyseur. Il fait franchir un niveau de complexité à la nature. (L'homme n'est donc pas le fléau de Dieu que croit l'écolo, mais occupe une fonction, irremplaçable et utile, au sein de la "nature".)
  • Finalement, il est possible que la discipline fondamentale de cette science soit le changement. Il s'agit de tenter de maîtriser les (éventuels) mécanismes de transformation collective des systèmes (vivants). Le but de l'affaire étant de tirer parti de l'évolution de l'univers, sans la subir, et sans drames d'adaptation (crises du capitalisme, épidémies, guerres plus ou moins mondiales et autres calamités). 
Cela nous amènera-t-il au nirvana ? L'arrivée de Dieu sur Terre que la "nouvelle économie" nous promettait, selon les Anglo-saxons ? Probablement pas. J'ai l'impression que nos sciences ont pour caractéristique de nous apporter des victoires sans lendemain. Mais, au moins, comme dans le film "Mon nom est personne", aurons-nous réalisé notre destin d'être raisonnables ?

My name is nobody.jpg

(Un début de réflexion, ici.)

Cours de juin et banalité du mal

Jadis, mes étudiants avaient une partie de leurs cours, et tous leurs examens, en juin. Cela collait bien avec l’objet de mon cours qui est l’apprentissage du changement par la pratique. Ainsi, je pouvais discuter avec eux de leur expérience durant les premiers mois de leur stage.

Maintenant, ils ne reviennent plus en juin. On m’a dit que cela ne leur plaisait pas. Or, il se trouve qu’ils se plaignent de ne pas avoir le temps de chercher un stage. Ce qui explique peut être qu’ils aient du mal à venir en cours… Or, le fait d’avoir des examens en juin permettait de dégager le temps nécessaire à la recherche de stage.

Il me semble qu’il y a ici une illustration de ma chère « banalité du mal ». Nous prenons des décisions en fonction de ce qui nous gêne, sans comprendre les conséquences, bien plus graves, que cela peut avoir. C’est d’ailleurs, une manière aisée de nous manipuler : n’était-ce pas simple « bon sens », comme on disait sous Sarkozy, de supprimer les cours de juin ? 

vendredi 28 novembre 2014

L'abstraction, mal de l'éducation française ?

Mais pourquoi diantre la systémique n'est-elle pas enseignée tôt et comme une matière fondamentale ? C'est simple à comprendre, et elle joue un rôle capital dans nos décisions. Nos dirigeants ne seraient-ils pas plus habiles s'ils l'avaient rencontrée dans leurs études ?  

Ce qui me ramène à une constatation de Pierre Veltz. Ce qui a fait le succès initial de Polytechnique puis de Centrale n'était pas l'intellect de ses élèves, mais le fait qu'on leur enseignait les dernières évolutions d'une science appliquée. On leur donnait des outils efficaces. Curieusement, toutes nos grandes écoles ont ensuite dérivé vers l'abstraction. Mythe du philosophe gouvernant de Platon ? Ce qu'on enseigne n'a pas plus aucune utilité sinon la sélection d'esprit subtils (avec subtil = capables de résoudre les problèmes qu'on leur donne). Et si l'on commençait par se demander ce qu'il serait utile que les gens sachent ? (Mais aussi, ce qu'ils peuvent apprendre par eux-mêmes, et qu'il n'est pas important de leur rabâcher pendant leur scolarité.)

(En fait, on ne devrait pas apprendre la systémique, mais la réapprendre. Je pense que c'est notre enseignement qui nous fait perdre des réflexes plus ou moins naturels. Trained incompetence disait Veblen.)

Internet a-t-il tué le sondage ?

Je participe à un sondage de SFR, sur Internet. C’est de l’auto administré, donc biaisé. Et c’est idiot, le système continue à me poser des questions alors que je ne suis pas intéressé par ce qu’il me propose. Je ne suis pas allé jusqu’au bout.

Je me suis demandé si l’industrie du sondage avait encore un sens. Une autre victime de la destruction numérique. Elle a été amochée par Internet, la téléphonie mobile, et une perte de confiance généralisée qui fait que l’on ne dit plus ce que l’on pense.

Il faut réinventer l’enquête à partir des techniques anthropologiques. Il faut comprendre la logique des gens, les principes sur lesquels reposent leurs décisions. 

jeudi 27 novembre 2014

Jean du Lac et l'universalité du changement

Jean du Lac est un spécialiste du redressement d’entreprises. Actuellement il mène une mission en Afrique. Il était de passage à Paris (où il avait attrapé un gros rhume). J’en ai profité pour lui demander si le changement différait d’un pays à l’autre. 


Il m’a répondu ce que disent les anthropologues. Le changement est une question d’hommes. Il est donc universel. Pour autant, chaque changement est unique ! Ce qui invite à l’humilité : on peut avoir réussi dix redressements, ce n’est pas pour autant que vous savez ce que vous réserve le onzième.

Quant à ses recettes, elles méritent d’être entendues… La plus fondamentale, à mon avis, est qu’il faut commencer un changement en rappelant à l’entreprise à quoi elle sert, qu'elle a une raison d'être ! Voilà qui crée la motivation. Ensuite, il faut communiquer, communiquer, communiquer, et aussi écouter… Une fois que le dialogue est établi, les solutions vont venir toutes seules ! De la base. Les gens ont les idées qu’il faut pour que ça marche. Une technique pour faciliter la transformation : trouver deux ou trois « pivots ».

Mais il n’y a pas que cela. Il y a aussi le commanditaire de la mission. « Il faut une totale liberté d’action » dit Jean du Lac. Impossible sans confiance. Comment l’établir ? En étant clair au début. Et surtout, une fois de plus, en communicant. C’est ainsi que l’on peut voir si l’on est réellement d’accord.

Et la nature du changement ? L’entreprise africaine doit inventer une culture qui lui est propre. Ce ne sera ni sa culture traditionnelle de « chef de village », ni la culture occidentale. Les Africains ont le talent qu’il faut pour créer du neuf. Le rôle de Jean du Lac est de les aider à faire émerger le modèle qui leur convient. 

Et si la société pensait, sans nous le dire ?

Les commentaires sont utiles… Un échange avec  David Cohen me donne l’idée qu’il n’est pas naturel de penser. Que l’homme cherche à éviter de se fatiguer. Comment se fait-il que nous pensions, donc ? Il se trouvait que j’étais alors en train de réviser des textes pour un livre. Et que cet échange me les a fait voir sous un angle nouveau. En fait, j’ai retrouvé une vieille idée, mais que je n’avais pas aperçue ainsi.

L’histoire
Les textes en question proviennent de notes prises pendant une mission. Résumé :

C’est un peu l’histoire de la Guerre de Troie n’aura pas lieu. Je travaille pour un équipementier. Il n’est pas rentable. Il doit donc batailler pour maintenir sa rentabilité en phase d’appel d’offres. Je suis là pour l’aider à tenir son cap. Mon texte est la chronique de l’appel d’offres. Irrationalité à l’état pur. C’est une guerre fratricide. Le jeu de chacun est de baisser les prix pour nuire à l’autre ! A chaque fois que je pense avoir ramené quelqu’un à la raison, il revient 5 minutes plus tard à sa position antérieure. Et ça dure sur une trentaine de pages ! Et ça se termine par 200m de pertes. (Même le client n’en revient pas !) Et, alors que tout le monde a participé au désastre, on me demande de désigner des coupables !
Voilà le plus curieux. Alors que l’on pensait tout perdu, les ennemis d’hier se mettent à travailler ensemble et produisent en une semaine un plan qui permettra (après quelques nouveaux coups de théâtre) de combler le trou. Celui qui n’a pas assisté à un tel retournement ne peut pas comprendre que l’exploit soit une des caractéristiques de notre culture !

Mon interprétation
Je pense que l’on voit ici la façon dont la société procède pour penser sans que nous pensions…

En gros, elle nous projette les uns contre les autres. Nous essayons d’imposer aux autres nos intérêts. Ils font de même. D’où une succession d’attaques et de contre-attaques, de victoires et de revers… Mais ces chocs nous permettent à la fois de comprendre la logique de l’autre, ce qui compte pour lui, sa notion de la justice, et de progressivement mettre au point notre partie de la solution collective nécessaire. Tout cela se fait dans la douleur, mais inconsciemment. C’est ainsi que nous pensons sans penser. Du moins, c’est ma théorie.

Husaren Völkerschlacht bei Leipzig.jpg

Séance de créativité
« Husaren Völkerschlacht bei Leipzig » par "Geschichte des Husaren-Regiments von Zieten ( Brandenburgisches) Nr. 3" von Armand Freiherr v. Ardenne Berlin 1903. — La source de ce fichier n’est pas indiquée. Merci de modifier la page de description du fichier et de fournir sa source.. Sous licence Public domain via Wikimedia Commons.

mercredi 26 novembre 2014

Kahneman et Friedman

Daniel Kahneman a étudié l'irrationalité humaine. Il pensait ainsi torpiller les théories néoclassiques basées sur l'hypothèse d'un individu omniscient. Mais Friedman avait prévu le coup. Il avait dit qu'une théorie n'avait pas besoin de fondements justes pour l'être.

L'argument n'est peut-être pas aussi idiot qu'il y paraît. Friedman illustre la force de cette forme de libéralisme, qui n'arrête pas de renaître. Elle ne décrit peut être pas la société telle qu'elle est mais telle qu'elle doit être. Mieux, elle utilise la force de l'adversaire pour le détruire. Ainsi, les théories de Kahneman concernant l'irrationalité humaine, devenues techniques de manipulation, servent à dissoudre la société, et à la faire ressembler au modèle de Friedman. 

La communication numérique expliquée à mon boss

Quel changement signifie le « numérique » pour la communication du dirigeant ? me demande-t-on. Trois questions pour cerner le problème :

Le numérique et la communication : quel changement ?
Deux attitudes s’affrontent. Le déni d’un côté, l’annonce de l’inéluctabilité d’un tout Internet de l’autre (vision « smart city », ou plutôt « smart world »).
Faux. Internet est une innovation. Et une innovation n’est que ce que l’on en fait. Et Internet n’échappe pas au sort d’autres innovations comme la poudre, le nucléaire ou les options financières. On s’en sert pour détruire l’humanité d’abord. Aujourd’hui, tout ce que touche Internet, presse, médias, sondages, etc. fait l’objet d’un nettoyage ethnique. Pour que le désert reverdisse, il faut que l’humanité reprenne en main son invention.
Première conséquence, le dirigeant doit être inquiet. Qu’on le veuille ou non, son pouvoir, ses revenus qui ont colossalement enflé ces derniers temps… suscitent jalousie et haine. Il est donc logique qu’Internet soit utilisé contre lui.

Le dirigeant, aujourd’hui
Quelles sont les caractéristiques du dirigeant moderne ? Alors que, comme la société de l’époque, le dirigeant d’après guerre était un féru de progrès technique, le dirigeant moderne est un gestionnaire. Il ressemble à la haute société anglaise. Elle a révolutionné le monde, mais elle demeure, depuis des siècles, ultraconservatrice.
Regardez les publicités d’un journal comme The Economist, vous y verrez la vie du dirigeant. Il aime les montres mécaniques, l’artisanat ancien, les belles maisons, la nature vierge. Sa femme est au foyer. Son fils est son héritier.
S’il existe une « rupture numérique » elle est ici. Alors qu’il se voit homme d’innovation entouré par l’obscurantisme. Le contraire est vrai. La « révolution numérique » a transformé le monde en quelques îlots victoriens entourés de hordes barbares numérisées. Ceux qui veulent se faire une place au soleil y côtoient la masse des déclassés.
Seconde conséquence. Pour communiquer correctement, le dirigeant doit changer sa perception du monde. Sinon, il risque bien de subir le sort de Louis XVI et Gorbatchev.

Quelle attitude adopter ?
Face à une innovation, il faut être pragmatique. Pragmatique s’entend au sens de Pierce, James et Dewey. Il faut procéder comme un scientifique, par enquête et expérimentation.
Sloan et du Pont de Nemours montrent comment faire. Lorsque, dans les années 20, ils ont repris GM, en faillite, ils n’ont pas eu les réflexes que l’on aurait attendus d’hommes confrontés à une bérézina financière. Ils ont voulu comprendre ce qu’était un fabricant automobile. Ils ont donc passé beaucoup de temps avec le marché, les concessionnaires, leur personnel… C’est de cette réflexion qu’a émergé tout ce qui fait l’industrie automobile moderne, du contrôle de gestion au prêt automobile, en passant par les gammes… Accessoirement, GM est devenu un monstre qui a fait l’admiration de la planète pendant un demi siècle.
Troisième conséquence. Le dirigeant doit en revenir aux fondamentaux de la communication, et se demander en quoi le numérique peut l’aider dans son travail de communicant.
Quels sont les fondamentaux de la communication ? D’abord, écouter pour comprendre la logique de ceux qui comptent pour l’entreprise. Cette écoute demande un dialogue. Ensuite, il faut « émettre le bon message ». Ce message doit convaincre les dites « personnes qui comptent », en parlant le langage de leurs préoccupations, que le dirigeant est honnête et compétent. Honnête et compétent sont les deux mots clés de toute communication managériale.
Comment utiliser le numérique pour ce faire ? La question est laissée au lecteur à titre d’exercice.

Alfred P. Sloan on the cover of TIME Magazine, December 27, 1926.jpg

"Alfred P. Sloan on the cover of TIME Magazine, December 27, 1926" by Artist: S. J. Woolf (Samuel Johnson Woolf, 1880-1948) - http://www.time.com/time/covers/0,16641,19261227,00.html. Licensed under Public domain via Wikimedia Commons.

(J'espère qu'Hervé Kabla ne sera pas fâché que j'ai emprunté le titre de la collection qu'il dirige...)

mardi 25 novembre 2014

Malhonnêteté du banquier : nature ou culture ?

La question du moment est de trouver les causes de la malhonnêteté du banquier.

The Atlantic et The Economist citent la même étude. On place différents échantillons de la population dans une situation dans laquelle les participants peuvent tricher. Les banquiers le font effectivement, mais particulièrement après qu'on les ait fait parler de leur métier. Ce qui semble dire que la culture de la banque est propice à la malversation. D'un autre côté, qui se ressemble s'assemble. Il faut être à l'aise avec cette culture pour y entrer, et jouer selon ses règles. 

L'Angleterre : conservatisme révolutionnaire ?

Un éminent professeur anglais vient de consacrer une étude approfondie à l'histoire anglaise. Il découvre que l'Angleterre (à ne pas confondre avec le Royaume uni) a très peu bougé au cours des siècles. On ne peut pas parler de déclin, en particulier. L'Angleterre est une société relativement ouverte, quoi que construite sur une "polarisation politique selon des lignes sectaires" qui s'est caractérisée par sa capacité à diffuser ses idées.
Tombs argues that England has historically propagated its values through interaction with others – spreading Christianity in Medieval times, as a force for European civilisation and free trade more recently, and as an Empire. The result, he says, is that Englishness is not founded on ideas of opposition and exclusion, but on inclusion and expansion.
L'Angleterre m'est apparue comme une société de classes très éloignées les unes des autres, qui bouge très peu. Un nombre étonnant d'Anglais importants appartiennent à de très vieilles familles, les barons et les ducs apparaissent très vite dans les arbres généalogiques. C'est un peu comme s'il n'y avait pas eu de Révolution en France. Ce que ce pays a de révolutionnaire, ce sont les idées qu'il diffuse, sans généralement se les appliquer. En particulier, notre Révolution me semble avoir été principalement construite sur des idées anglaises. J'en suis arrivé à me demander si l'Angleterre ne se maintenait pas inchangée grâce au chaos qu'elle entretient ailleurs. Divide and rule.  

(Qu'elle soit ouverte culturellement me semble évident : son modèle repose sur un apport périodique de capitaux par de grandes fortunes qui viennent généralement de l'étranger, par exemple les oligarques russes, actuellement. En outre, elle apprécie la main d'oeuvre bon marché.)

lundi 24 novembre 2014

Jeux vidéo : l'apprentissage du meurtre ?

Le Monde dit :
Les jeunes Français impliqués dans le djihad suivis par le CPDSI ont tous regardé ces vidéos qualifiées d'« endoctrinantes », qui enchaînent « des images choc, une musique envoûtante, des rythmes entraînants et une ambiance hypnotique ». Des références aux films Matrix et Le Seigneur des anneaux sont présentes dans ces vidéos, faisant du jeune qui les regarde un « élu », incompris des autres, qui se bat pour une cause juste. Selon l'étude, la mise en scène des vidéos 19 HH fait également référence au jeu vidéo Assassin's Creed, qui permet aux jeunes une meilleure identification et un conditionnement à la violence.
Et si, après tout, les jeux vidéos avaient une influence sur l'individu ? 

Tous djihadistes ?

"Il n'y a plus d'aventure". Nos vies ont perdu leur sens. Voici une raison de djihadisme, me disait Christian Kozar. Et ce avant que l'on découvre que certains djihadistes étaient des Français de souche.

La soif de gloire serait-elle une caractéristique de l'homme ? (De certains hommes ?) Nous avons besoin de courir après un idéal qui nous dépasse ? Or, à l'image du postmodernisme et du néoconservatisme, ce qui caractérise notre société est une sorte de surplace ? Désir de jouissance ?

Autre forme de Yin et de Yang : gloire et jouissance ? Pour retrouver un peu de goût à la vie, tous djihadistes ?

dimanche 23 novembre 2014

Lutte (désespérée) entre M.Poutine et les forces du marché ?

La Russie serait dans une mauvaise passe. Ses capitaux la fuient. Libérez les forces du marché ! dit The Economist à M.Poutine. Mais, il semble vouloir empêcher l’aliénation de son pays par le dit marché. Pour le contrôler il utilise une clique de copains. Ils sont inefficaces et corrompus. On ne peut rien contre le marché ? Rendez-vous, vous êtes cerné ?

Les sénateurs américains voudraient priver la Russie de SWIFT, le système d’échange interbancaire. Arme extrêmement efficace. Mais The Economist craint qu’en montrant trop ouvertement qu’il est aux mains des forces du bien, celles du mal, Chine et autres émergents ainsi que mafieux et terroristes, n’utilisent d’autres voies. Elles deviendraient alors incontrôlables et inespionnables.

Au sujet de la corruption. Elle toucherait le Portugal. Comme beaucoup d’autres pays en difficulté, il vendrait sa citoyenneté en échange d’investissement dans l’économie locale. Cela conduirait naturellement à la malversation. Vous voulez une augmentation de salaire ? Offrez-vous un consultant spécialisé dans la paie. Uber est un digne représentant des nouvelles sociétés technologiques : tous les coups sont permis pour réussir. Maintenant, il cherche à intimider les journalistes qui ne disent pas de bien de lui. (Demain, il placera un contrat sur leur tête ?) Mais le marché vote avec son argent. L’esprit Silicon Valley a de beaux jours devant lui.

« Plus d’un tiers des sociétés minières et d’exploration sont canadiennes ». Mais leur comportement à l’étranger suscite des mécontentements, ternissant l’image du pays. Son gouvernement est leur ami, parviendra-t-il à les ramener à la vertu ?

En Allemagne, l’heure n’est toujours pas à la dépense. En France, M.Sarkozy refait surface. Mais il a perdu beaucoup de supporters. Mme Mogherini, remplaçante de Mme Ashton, se révèle une femme à poigne. L’Etat Islamique se ferait plus d’ennemis que d’amis. Aux USA, la dépendance à l’héroïne se répandrait. Ce serait les traitements médicaux qui créeraient l’habitude. Le fléau ne touchant plus uniquement les pauvres, le gouvernement va réagir. Après de multiples revers, les transports en communs s’implanteraient au sud des USA. Cela permettrait aux pauvres d’avoir accès à l’emploi. Les institutions tendent à avoir des couleurs politiques. Goldman Sachs est massivement républicain et Harvard massivement démocrate. M.Obama lance un défi aux Républicains, qui le haïssent. Il décide de légaliser 5m d’immigrés illégaux. (Démocratie bloquée = pouvoir dictatorial ?)

L’avenir de l’Amérique latine est sombre. Elle aurait dû profiter de son boom économique pour investir et construire une capacité de production propre. Elle ne l’a pas fait. Maintenant, il est peut-être trop tard. Mais sa population s’est habituée à une vie facile… M.Abe procède à une élection anticipée. Apparemment pour reprendre en main son propre parti, qui résiste au changement, et avoir les moyens de réformer le pays. La Chine a du mal avec ses étudiants. Elle les expédie à l’étranger, mais ils ne reviennent pas. Ou vieux, leur capacité productive derrière eux. Par ailleurs, sa banque centrale imprime beaucoup d’argent, pour relancer l’économie. Mais sans le dire. Les banques centrales, devenues toutes puissantes, ne sont pas plus clairvoyantes que le reste de la population. Comment éviter le panurgisme ?

Les Entreprises polonaises s’étendent à l’étranger. Mais elles sont petites et manquent de recherche et développement pour pouvoir encore avoir beaucoup d’ambitions. Les grandes entreprises montent des fonds d’investissement. Ce qui leur permet d’absorber leurs concurrents potentiels. Les banques devant être prudentes, elles ne prêtent plus. De nouveaux acteurs apparaissent, les fonds mutuels, qui pourraient prendre la partie risquée des emprunts d’entreprise.
La fin de la carte SIM ? C’est ce qu’envisage Apple, depuis quelques temps. Cela permettrait de choisir son opérateur en temps réel. Cela permettrait à Apple de les écrémer et de les remplacer par son monopole. (Décidément, nous vivons à l’heure des trusts ?) Le paiement par terminal mobile semble avoir le vent en poupe. Tout le monde s’y met. La rentabilité de la chose ne paraît pas encore évidente. Les fournisseurs de services aux compagnies pétrolières se concentrent. La baisse du prix du pétrole devrait les affecter. Mais, à long terme, la complexité croissante de l'exploitation pétrolière pourrait leur être favorable. (Sans compter que moins on est nombreux, mieux on peut s'entendre pour rançonner son marché.)

Et si la stagnation mondiale venait du manque de jeunes ? « L’effort simultané de tant de pays de constituer des réserves pour les retraites, combiné à un faible investissement, une baisse de la croissance potentielle, l’austérité fiscale, l’accumulation de cash par les entreprises et l’inégalité (qui laisse une part croissante du revenu national entre les mains des riches, gros épargnants) déprime le taux d’intérêt  qui permet l’équilibre entre investissement et épargne. » Il faudrait mettre les retraités au travail. Il se trouve aussi qu’il arrive un moment où le retraité brûle la chandelle par les deux bouts. Ce qui est bon pour l’économie.

Médecine. On cherche à utiliser les anticorps, en appui aux antibiotiques défaillants, dans la lutte contre les bactéries. 

Origine des malheurs d’AREVA

La semaine dernière, j’entendais parler d’une valse de dirigeants d’Areva. Du coup, j’ai cherché quelques articles sur la question. (Référence principale : un article de Challenges.)

L’entreprise a l’air dans de mauvais draps. Au bord de la faillite ? La gestion de Mme Lauvergeon serait critiquée. Deux choses me surprennent.
  1. Les chantiers finlandais et de Flamanville semblent totalement incontrôlés. Cela me rappelle mes débuts dans l’informatique : quand un projet dérape, c’est qu’il est aux mains d’un amateur…
  2. La perte de contrat des Emirats Arabes face à une entreprise « qui n’avait jamais construit de centrale ». C’est étrange : le nucléaire est supposé être dangereux, qui prendrait un tel risque ? Si Danone se mettait à construire des avions y monterions-nous ? (Il faut dire qu’à l’heure du marché roi tout le monde peut faire n’importe quoi.)
M.Varin, nouveau président d'Areva, parle de filiale de défaisance, afin de se débarrasser des projets compromis.

J’en suis arrivé à me demander s’il n’y avait pas un double phénomène en jeu. D’abord, une politique d’EPR qui ne correspond pas aux attentes d’un marché que l’on ne connaît pas. Deuxièmement, une organisation ressemblant à celle de l’Etat français. Autrement dit de grands seigneurs à l'esprit abstrait qui décident sans connaître la réalité du métier. Et des opérationnels qui essaient de se débrouiller, sans moyens et sans organisation, par leur capacité à l’exploit. Jusqu’ici, quand cela ne marchait pas, on demandait une rallonge à l’Etat. Mais, l’EPR était peut-être beaucoup trop complexe pour procéder de cette façon, et le client n’est plus un Etat aux poches profondes. A creuser.

VOA Markosian - Chernobyl02.jpg

"VOA Markosian - Chernobyl02" by VOA Photo / D. Markosian - D. Markosian: One Day in the Life of Chernobyl, VOA News, photo gallery.. Licensed under Public domain via Wikimedia Commons.

samedi 22 novembre 2014

Et si la NSA avait tué Big Data ?

Une idée que l'on entend beaucoup dans certains milieux est qu'Internet serait la voix du Marché, donc de la société. Est-ce vraiment le cas ? 

Lorsque je faisais des études de marché, on expliquait qu'il fallait se méfier des sondages autoadministrés (ceux à qui ne répondent que des volontaires), et qu'un échantillon devait être significatif. 

Rencontre-t-on sur Internet des échantillons significatifs ou sommes-nous en auto-administré ? Et si, surtout, Internet était victime du phénomène FN (les sondés n'osent pas dire qu'ils votent pour le FN) ? Depuis que je vois certains de mes élèves user de pseudonymes ou se méfier du blog (privé) que nous utilisons en cours, c'est la question que je me pose. Et si la NSA avait tué Big Data ?

(En tout cas, Internet n'a pas tué les sciences sociales. Internet est créé et manipulé par des hommes. Comprendre le comportement des êtres humains passe encore par les techniques d'enquête traditionnelles en anthropologie ou en sociologie.)

Le trust Google démembré par l'Europe ?

Le parlement européen envisage une loi antitrust. Le moteur de recherche doit être séparé des autres activités de Google. Deux choses me frappent dans cette affaire :

Tout d'abord, ce qu'elle révèle des jeux de pouvoir au sein des instances gouvernantes de l'UE. Elle est dominée par l'Allemagne. Et l'Allemagne défend ses intérêts :
German centre-right and centre-left politicians are the dominant force in the legislature and German corporate champions, from media groups to telecoms, are among the most vocal of Google’s critics. (Article du FT.)
Ensuite, Google est effectivement un trust. Comme hier Standard Oil, Google cherche à mettre la main sur le "numérique". C'est-à-dire sur toute l'information qui est produite sur nous. Retour aux années 20 ? Aux mêmes causes, les mêmes effets ? 

Et s'il fallait réinventer la science ?

La science aurait été le moteur de la transformation de l'Occident. Pas le capitalisme. Voici une idée originale de John Dewey. Et s'il avait raison, qu'est-ce qui en résulterait ?

Aujourd'hui, la science est aux mains de l'entreprise. Elle la fait, ou elle la finance. Economie par ci, Médecine par là, ou encore recherche spatiale ou OGM. Or, nous avons peur de l'entreprise, parce que nous savons que sa motivation est son intérêt, pas le nôtre. Et si c'était cette méfiance qui bloquait la science et donc le progrès ? Principe de précaution ? Et s'il fallait refaire de la science une chose publique, pour relancer une économie dont le métier est de répartir, éventuellement d'industrialiser, mais pas de créer ?

Tableau Louis Pasteur.jpg

« Tableau Louis Pasteur » par Albert Edelfeltpaintingiant.com. Sous licence Public domain via Wikimedia Commons.

vendredi 21 novembre 2014

Mélenchon et Robespierre

M.Mélenchon dit du bien de Robespierre.

Je me demande plutôt si Robespierre n'illustre pas un des vices de l'intellectuel. A savoir confondre la "canaille" avec le peuple. Par canaille, j'entends une poignée d'excités, qu'il faudrait calmer et non encourager. Je me demande aussi si cette alliance excité - théoricien n'est pas responsable de ce qu'une violence totalement déplacée est parvenue à se maintenir comme mode d'expression politique légitime. La Terreur, sœur jumelle de l'abstraction ?

Autorité et banalité du mal

Banalité du mal et autorité, deux thèmes de l’œuvre d’Hannah Arendt. Mon interprétation :
  • La banalité du mal est la paresse intellectuelle. C’est suivre la pente du moindre effort plutôt que de se réinventer pour assurer la continuation du modèle constitutif de l’identité d’une société. (Changer pour ne pas changer.)
  • Ne pas céder à la banalité du mal, c’est changer pour ne pas changer.
  • Cette question est liée à la notion d’autorité. L’autorité est le principe qui gouverne la société, sa constitution. En attaquant l’autorité, on détruit la société. Problème : ce principe est généralement ignoré. Il demande une enquête pour être identifié. D'où sa fragilité.
Application. Notre constitution est bâtie sur le principe de la liberté dans le respect des lois. Le libéralisme moderne s'exprime de deux façons : déréglementation, à droite, ou interdit d'interdire, à gauche. Autrement dit, son principe est que l'homme n'a pas de devoirs, il n'a que des droits. Il y a donc contradiction. 

Annexe : une observation de mon premier livre :
Ce livre contient beaucoup d’exemples. En les examinant on peut remarquer que deux solutions aux problèmes identifiés étaient possibles, tout aussi logiques l’une que l’autre :
La solution initialement proposée
La solution finalement trouvée
Elle s’appuie sur une argumentation apparemment imparable


Elle s’oppose en tout point à la « solution initialement proposée ».
Surtout, c’est souvent une solution qui n’a que des avantages et l’on peut se demander pourquoi on ne l’a pas vue plus tôt.
(…) Cette « double logique » est donc une manifestation d’un phénomène déjà noté à plusieurs reprises : l’homme, l’organisation, essaient de « plier » la réalité à leur logique interne, en vertu d’une « loi » de minimisation de l’effort intellectuel.

jeudi 20 novembre 2014

Antoine Roullier, entreprise familiale et succession

L’entreprise familiale est plus durable qu’une autre forme d’entreprise, disait The Economist. Aux dysfonctionnements familiaux près.

Et si Antoine Roullier avait trouvé la solution à ce problème ? Spécialiste de fusions acquisitions, grandes et petites, il a été DGA d’une banque d’affaires, il s’intéresse depuis toujours aux problèmes familiaux. Il est intarissable sur la question !

De l’entrepreneuriat à la rente…
Petit à petit, génération après génération, il se passe ce que Robert Merton appelle un « détournement de but ». La famille grandit et se subdivise, des sous groupes se forment... L’intérêt particulier, l’accumulation de rancœurs… terrassent l’intérêt général. La famille oublie ce que signifie gérer une entreprise. Elle obéit à des rites. On fait quelque chose parce qu’on l’a toujours fait. Par exemple, un « oncle » prend la tête de l’entreprise, et  la développe avec succès, alors qu’il n’a pas la majorité. On ne dit rien, on le respecte, mais on lui en veut. On ne le soutiendra pas quand il sera en difficulté…

Manque de résilience, routine, l’aléa est fatal à la famille. Décès d’un dirigeant, par exemple. Ou plus banal : l’héritier qui joue, et perd, sa fortune. Il y a aussi le retournement de conjoncture : l’Etat supprime les subventions du secteur. Alors se révèle le délabrement de l’édifice. Dirigeant qui doit son succès à la chance (la dite subvention) et qui n’est pas le mieux placé (ni le mieux conseillé) pour prendre des mesures de rupture qui sont nécessaires. Ou encore, pour acheter des maisons ou des voitures aux héritiers, on a vendu des actions ; on n’a plus de minorité de blocage ! Eh puis, il y a les haines, accumulées. Elles se déchainent sur le vaincu. Alors qu’il faudrait l’aider ! Souvent, les héritiers manquent cruellement de culture financière. Pas formés à leurs responsabilités, leurs réflexes sont dangereux. Ils ont des conséquences dramatiques. Pour couronner le tout, les conseillers de confiance, notaires, experts comptables, avocats… appliquent les règles de leur métier sans toujours percevoir leurs conséquences. Exemple : le notaire. Que faut-il lors d’une succession ? Qu’un nouveau leader émerge. Qu’il régénère le projet familial. Or, que demande-t-on à un notaire ? Une division égalitaire de l’héritage. Ce qui débouche souvent sur une paralysie du pouvoir. On peut être équitable sans égalitarisme !

De l’émotion à la raison, du face-à-face au cote-à-cote
Toute la technique d’Antoine Roullier semble être celle de la négociation : de l’émotion à la raison, du face-à-face au cote-à-cote. (Getting to yes, la méthode de Harvard.)

Ce qui rend aussi destructrice la crise familiale, c’est le « déchet toxique ». C'est l’émotion individuelle qui paralyse la raison collective. Antoine Roullier est psychologue avant d’être financier ou stratège. Il fait émerger les aspirations des uns et des autres, tout autant qu’il découvre les potentialités de l’affaire. Ce qui rend le déchet toxique, c’est que la famille pense faux. Le diagnostic d’Antoine Roullier montre la situation sous un angle nouveau. Le problème apparemment insoluble ne l’est pas. On peut satisfaire l’intérêt collectif, les désirs des uns et des autres, inexprimés jusque-là, et, surtout, leur sens de la justice !

Une fois la crise écartée, priorité : renforcer les solidarités familiales. Une technique : l’association (ou la fondation). Cela n’a que des avantages ! Coup de pub pour l’entreprise (promotion du sport pour un groupe du secteur, par exemple) ; la famille se soude autour d’un projet motivant ; elle apprend les fondamentaux de la gestion. Cette idée a des variantes. Par exemple, une famille gère une société de parkings. Un peu moins bien en termes d’image que l’association. Mais cela lui permet de diversifier ses métiers, d’apprendre.

Et prenez garde aux mines anti-personnel. Exemple : gestion du cash. S’il y en a trop, il faut l’employer, et ce stratégiquement. S’il n’y en a pas assez : danger. Il faut constituer une réserve de liquidités. Sans cela les héritiers en mal d’argent (achat d’appartement…) vendront leurs actions, et affaibliront le contrôle de l’affaire.

Finalement, il faut faire émerger un leader. Ce que j’ai observé dans mes missions serait une règle générale : il est rare que le dit leader soit évident, en état de marche et légitime (une comédienne !). Il faut détecter une volonté et un talent. Et aménager son ascension. L’aider à se former et, souvent, à s’endetter pour acheter les parts d’autres héritiers. Mais aussi prévenir le dépit que suscitera son succès !

Attention à ne pas se faire prendre au piège de la tradition ! Le projet de la nouvelle génération doit s’appuyer sur la réussite entrepreneuriale et familiale pour bâtir du neuf ! Il faut garder en tête que ce qui nous a fait réussir hier nous fera échouer demain. Le monde change, il faut changer notre cadre mental. C’est difficile et douloureux. Et c’est pour cela que l'on a besoin de banquiers-psychologues ! 

Fin de crise : hiver nucléaire ou nouveau départ ?

Une tentative de synthèse de mes lectures, réflexions et publications. Modélisation de l’évolution du monde en quelques tableaux. 



Evolution des principes directeurs de la société / économie
Période
Après guerre
Crise 70
Mur de Berlin
Crise 2007
Caractéristique
Abondance (pour tous)
Pénurie
Abondance (classes dirigeantes)
Pénurie
Principe d’organisation de l’entreprise
Mass production / technocratie
Lean production

Supply chain
?
Principe de « création de valeur »
Innovation technologique
Innovation organisationnelle
« Arbitrage » / exploitation des différentiels de prix

Mise en concurrence par ceux qui possèdent  (« offshoring », « low cost »)
de ceux qui travaillent (ouvriers émergents contre ouvriers développés) – 
?










Remarque : conditions qui ont créé la situation actuelle
« esprit 68 »
  • Tout le monde veut jouir de la vie. Que des droits, plus de devoirs.
  • Conséquence : quand 100% veulent jouir de la vie, 99,99% perdent, parfois tout, 0,01% gagnent massivement. (Glasnost)
Le changement d’environnement concurrentiel de l’entreprise occidentale
Avant
Maintenant
Emergents entrent dans l’économie de marché : extension de la taille du marché.
Consensus de Pékin : votre savoir-faire contre notre main d’œuvre.
Les autres émergents (cigales) fournissent les matières premières
Consommation occidentale stimulée par la dette
Chine (fourmi) se ferme, salaires émergents augmentent, fin de la globalisation (ou plutôt, nouveau type de globalisation).
Faute de croissance globale, les autres émergents s’effondrent.
Marché occidental sinistré (chômage)
Entreprise bureaucratique et incapable d'innover, inadaptée aux circonstances actuelles. (Voir ci-dessous.)

Nous devons changer d'état d'esprit
Croyance
Etat d’esprit de l’individu
Conséquence
Avant :
Avenir prévisible et « fini »

Obtenir la plus grosse part du gâteau
Affrontement / concurrence / chacun pour soi / exploitation du faible par le fort – explosion des inégalités (« 0,01% »)
Entreprise comme système de contrôle et d’exploitation (innovation + production sous-traitées) : bureaucratie taylorienne, coûteuse et inefficace, de type colonial.
Maintenant :
Avenir incertain / danger mais aussi opportunité
Gâteau illimité mais sans entraide, c’est la famine
Pénurie : tirer le maximum des ressources / Danger et incertitude D'où Résilience : solidarité, coopération, écosystème, confiance
Entreprise comme écosystème de confiance = codéveloppement + responsabilisation (Lean)  

Prospective / scénarios
Pas de changement = droits
Changement = devoirs
Le monde décide de continuer dans l'irresponsabilité.
Il demeure entre les mains des banques centrales. Leur action a pour conséquence d’accélérer la dépression (destruction de l’emploi, de l’investissement productif…).

Scénario années 30. Risque de conflit pouvant aller jusqu’à l’hiver atomique, en passant par un moyen-âge dysfonctionnel en instabilité chronique (conflits locaux incessants : Ukip, Etat Islamique...).
Le monde opte pour la responsabilité.
Condition favorable : nécessité est mère de l’innovation : anxiété de survie et Münchhausen.

Comment faire ? (Pour l’entreprise, l’Etat ou l’homme)

Rechercher quelle est sa responsabilité = rôle social = force unique = « mission » (terminologie des universitaires du management). Et paradoxe : quand on comprend ses devoirs, on découvre ses droits ! 
  • Une compétence, ça a de la valeur. Rechercher comment en tirer le mieux parti. Logique d’écosystème.
  • Condition nécessaire : confiance. 1) devenir un partenaire de confiance = définir mécanisme qui permette de s’assurer que l’on est certain de tenir parole (bourse de Londres : my word is my bond) 2) enquête / expérimentation pour trouver des partenaires de confiance / construire une relation de confiance au sein de l’organisation.
  • Condition nécessaire pour le dirigeant : leader pas manager.
  • Lancer le changement : commencer par attaquer son démon.   

mercredi 19 novembre 2014

Tour Triangle : de la résistance au changement en France

La Tour Triangle doit être construite près de chez moi. Cela ne m'avait fait ni chaud ni froid. Car je ne pensais pas avoir mon mot à dire. (Inexcusable passivité.) Or, je constate qu'elle a des opposants, et qu'ils parviendraient à gêner le projet. Comme quoi, beaucoup de choses sont possibles à l'individu décidé. Il ne faut jamais baisser les bras. 


La Tribune a un article sur le sujet. Apparemment NKM serait parvenue à défaire Mme Hidalgo en forçant les députés UMP et écolos à une sorte de vote public. Ce qui en dit long sur nos hommes politiques. En effet, une partie des UMP et écolos prétendait être contre la tour tout en voulant voter pour. Une fois que le vote a été public, il fallait tenir parole. Voilà des comportements à donner en exemple à nos enfants. 

Ce blog change…

Ce blog a changé. Le jour où je l’ai créé, probablement influencé par l'esprit du temps, j’ai eu la velléité d’en faire un blog publicitaire. Un blog de consultant. Mais on ne se change pas. Quasi immédiatement, j’ai réalisé que ça ne m’allait pas. Ce qui m’intéresse est une question : qu’est-ce qui nous a mené ici, quelles sont les forces qui gouvernent notre destin, et que faut-il faire pour changer ?

Je suis persuadé que notre modèle social est dysfonctionnel (ce blog coïncide avec la crise). Et aussi que la société évolue comme un système. Une sorte de pièce de théâtre dont on changerait de temps à autres de scénario et de décor. Une pièce dont le texte découlerait quasi mécaniquement d’un principe central et qu’il s’agirait de comprendre pour la faire basculer du bon ou du mauvais côté, selon nos intentions.

Tocqueville va d'ailleurs plus loin que moi : « Chaque gouvernement porte en lui-même un vice naturel qui semble attaché au principe naturel de sa vie ; le génie du législateur consiste à bien le discerner ».

(Alternativement, on peut décrire notre société-système comme passant d’un « état » à un autre, état étant entendu au sens d’état de la matière en physique.)

mardi 18 novembre 2014

Mao conseille le dirigeant...

La vidéo de Christian Kozar suscite le commentaire suivant :
Je pense à une septième idée liée à l’ego et à la nécessité pour toute personne d’une entreprise en charge d’un changement de mettre son ego à la porte des salles de réunions… le star système actuellement en cours dans les entreprises représente aussi selon moi un frein à la conduite du changement… 
Christian Kozar répond :
L'idée n'est pas mauvaise mais, je la pense impossible à mettre en œuvre pour deux raisons : Le Patron pense qu'il est le meilleur puisqu'il est là. Ses Collaborateurs pensent qu'ils sont les meilleurs parce qu'ils sont là aussi. La seule façon d'agir est d'appliquer la pensée du Président Mao: “Pour voir les fleurs, il faut descendre du cheval”, Mais comment inciter le Patron à aller toujours sur le terrain et laisser ses Collaborateurs faire des Slides ?
La citation de Mao me plaît. Il me semble que c'est notre problème du moment. Le savoir est en bas, et le dirigeant n'a pas compris qu'il devait descendre de cheval pour le cueillir...  

Jugeons nos gouvernants

Vous croyez que vos décisions sont innocentes? Qu'elles n'ont qu'un impact négligeable ? Erreur dangereuse. Car elles obéissent à une logique systémique. Soit elles visent à maintenir en bonne forme le système en place ou à le régénérer (changer pour ne pas changer). Soit elles tendent à le détruire. Bien entendu, ces décisions sont plus ou moins conscientes. Mais nul n’est supposé être inconscient.

Il y a là un moyen de juger nos élus. Soit notre modèle social : par rapport à son évolution, comment se compare notre intention à la leur ?

Intention populaire
Intention de l’élu

Conserver
Remplacer
Conserver
OK
NOK
Remplacer
NOK
OK

Application :
  • Intention populaire : je crois que nous voulons conserver notre modèle social. Nous voulons donc « changer pour ne pas changer ». 
  • Intention de nos élus. Jusqu’à Sarkozy, nos gouvernements ont eu la même intention que nous. Mais, constate ce blog, les conséquences de leurs actes ont été à l’opposé de leurs intentions. Responsables mais pas coupables ? Avec Sarkozy et Hollande, il y a changement. Ils veulent changer de modèle social. Installer une société dans laquelle il n'y aurait plus de devoirs. Leur définition du libéralisme.