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jeudi 31 août 2017

Levée de fonds

Que penser des plates-formes de levée de fonds ? (me demande-t-on.) J'observe :
  • Que les investisseurs disent que le facteur premier de choix est l'entrepreneur. Les projets ne se passent jamais comme prévu. Ce qui est décisif est la capacité du dirigeant à changer de cap, au bon moment. 
  • Un associé d'un fonds d'investissement choisit un dossier par an. Ce qui veut dire qu'il en élimine beaucoup, et qu'il passe beaucoup de temps à creuser celui dans lequel il veut mettre de l'argent. 
Comment tout ceci s'applique-t-il aux plates-formes ? Il faut diversifier ses risques en investissant dans beaucoup de projets ? Encore faut-il que, globalement, ce qui passe par les plates-formes ait une chance de croître. Qu'il n'y ait pas un biais systématique. D'autant que, comme un fonds, une plate-forme prélève ce qui lui permet de vivre, et que cela ampute sérieusement le rendement de l'investissement.

Cependant, la plate-forme a un intérêt si elle ne vous propose pas un investissement, mais un pré achat d'un produit nouveau qui vous plaît. Là encore, l'affaire n'est pas tout à fait évidente. En effet, pour porter à votre connaissance l'existence du produit, il aura fallu faire beaucoup de publicité. Ce qui est coûteux. Donc le produit risque d'être cher...

Histoire de l’extrême droite en France.

On parle beaucoup d’extrême droite, mais qu’est-ce que c’est ? 

Si j'en crois ce livre, c’est extraordinairement confus. Au début, l’extrême droite, ce sont les royalistes. Puis ce sont les nationalistes, sur le modèle Allemand. C’est-à-dire le mythe d'une culture propre à la France, enracinée dans son histoire. (On ne peut pas comprendre de quoi il s’agit si l’on n’a pas lu Barrès et les auteurs de ce temps.) Aujourd’hui, c’est le Lepénisme, que j’aurais bien du mal à définir. En fait, ce sont des ramassis de mécontentements, aux soubassements extrêmement fragiles. A tel point que leurs leaders doivent les fédérer en recherchant des dénominateurs communs plus ou moins théoriques. Maurras en donne un grand exemple : il est royaliste par raison. De même qu’il perçoit l’antisémitisme avant tout comme un moyen de rassemblement. Il en est de même pour la religion catholique. Surtout, les courants d’extrême droite sont extraordinairement fluctuants. Ils sont corrélés aux difficultés du pays. Ils accrochent les mouvements de mécontentement. Mais dès que la conjecture se rétablit, c’est fini. D’ailleurs leur diabolisation leur sert : en brouillant le jugement des gouvernants, elle les empêche d’agir. Ce faisant, les circonstances favorables aux extrêmes se maintiennent.

Vichy fut le grand moment de l'extrême droite. Pour la seule fois de notre histoire, elle gouverne le pays. Mais quel bric à brac ! Comme Boulanger, Pétain était perçu comme un militaire de gauche. Il est rejoint par un assemblage invraisemblable d’individus de toutes origines : Doriot vient du PC, où il rivalisait avec Thorez, Spinasse est un ministre de Blum, etc. Et, une fois de plus, après la stupéfaction initiale, le peuple ne suit pas les excès du pouvoir. A partir de 41, il devient « attentiste » dit l’ouvrage. Mieux, le mouvement d’extrême droite qui a le mieux réussi est celui des Croix de feu du Colonel de la Roque. Or, ce colonel a été un résistant !

Anomie ?
Les auteurs du livre croient avoir trouvé des invariants à la question de l’extrême droite. Je n’en suis pas sûr. Comme le dit une citation donnée en introduction, « extrême droite » semble surtout un terme injurieux. Ce qu’il recouvre n’est que de peu d’intérêt pour ceux qui l’emploient. En particulier, on l’associe à « fascisme ». Autre terme flou. Au mieux, il signifie la dissolution de l’homme dans un groupe ultra hiérarchisé. Une aspiration que l’on prête au Français, comme chacun sait…


La théorie de la complexité dit que la vie est ce qu’il y a entre le chaos et l’immobilité. Je me demande si l’extrême droite n’est pas une réaction de la vie au chaos, qui réclame, par contre coup, l’immobilisme. De gauche à droite on a qualifié la République d’avant guerre de 40 de « désordre établi ». Camus, en particulier, a été extrêmement sévère vis-à-vis d’elle. Il en a été de même de celle d’avant 14. Ce désordre était à la fois une question de scandales, de politiciens véreux, de lâcheté, de manque de charisme et de courage, mais aussi de valeurs. On reprochait à l’argent et au « libéralisme » matérialiste de corrompre la société. L’extrême droite est un appel au rétablissement de « l’ordre ». Il vient, en minorité, de gens qui s’opposent au mouvement général de la société, qui veulent l’immobilisme. Mais c’est surtout un refus de « l’injustice », c’est à dire d’une société qui trahit son principe, fondateur, de solidarité. (Les chômeurs grossissent les rangs des extrêmes, mais aussi ceux qui estiment qu’on leur manque d’un respect qui est dû à tout homme.) Le livre dit que les thèses de l’extrême droite gagnent la société, ce qui en fait le danger. Je crois plutôt que, lorsqu’il souffre, l’homme cherche des causes à ses difficultés. Et, faute d’avoir l’entraînement pour ce faire, et le temps, il débouche sur des idées simplistes. Bref, il me semble que l’extrême droite est un « phénomène » dû à un changement qui se passe mal. Une question d’anomie.

mercredi 30 août 2017

Capital risque

J'entends : j'ai un projet qui va rapporter beaucoup, pourquoi cela n'intéresse-t-il pas le capital risque ? 

Parce que l'objectif du capital risque n'est pas de prendre des risques. Les associés d'un fonds sont des salariés. Ils touchent généralement trois pour cent des fonds qu'ils lèvent. Ce qui leur permet de se verser un salaire, parfois très confortable, sur cinq ans. Après quoi ils cherchent d'autres fonds. En conséquence, ils doivent dire à ceux qui vont leur apporter de l'argent, par exemple les fonds de pension, ce qu'ils ont envie d'entendre. Or, ces fonds ne sont pas dirigés par des entrepreneurs, mais par des salariés. Comme dans toute entreprise, leur opinion est fonction des idées de leurs chefs, et de leur monde. D'ailleurs, vu l'écart entre le jour de l'investissement et sa réalisation (plus de cinq ans), il y a amplement le temps de changer de job, et d'éviter les conséquences de ses actes. 
En outre, les fonds vendent aux fonds. Là aussi il y a une logique : cela évite de se fatiguer à trouver des investissements, et cela permet de ne pas avoir de surplus de fonds, que réclameraient les investisseurs, ce qui serait un handicap dans une prochaine levée. Ce qui peut entretenir une bulle spéculative pendant une quinzaine d'années. 
D'où l'importance des modes telles qu'IA et Big Data, l'ubérisation ou autre. Ce sont elles qui permettent à la profession de s'orienter. Le véritable entrepreneur, dans ce monde, est celui qui parvient à créer ces modes. Alors, c'est le jackpot. 

Et si vous avez un projet qui rapportent beaucoup ? Il faut chercher des gens qui aient de l'argent et qui veulent gagner beaucoup... 

(Il y aurait une autre façon de faire : des entrepreneurs qui ont réussi créent un fonds et demandent des financement supplémentaires. Ils se paient uniquement en variable.)

Le suicide d’une République : Weimar

Je suis arrivé à la République de Weimar par Paul Ricoeur. Il semblait dire qu’une conséquence inattendue de Weimar avait été le mouvement de masse et le nazisme… Démocratie : concept à manier avec précaution ?

Ce livre ne répond pas à ma question. Comme on le fait souvent dans le monde anglo-saxon, il analyse brillamment la production intellectuelle de l’époque. Je ne suis pas sûr que cela ne rate pas une partie de l’action. En tout cas, je ne suis pas convaincu que la République de Weimar ait été un « suicide », comme le dit le titre. Au contraire, j’ai l’impression qu’elle aurait pu réussir.

En fait, elle naît sous des auspices effroyables. L’Allemagne est en proie à des forces de dislocation terrifiantes. Je lisais que la gauche française d’avant guerre (avec Keynes) estimait que le traité de Versailles était inique. Car la France était aussi, voire plus, responsable du conflit que l’Allemagne. Or, ce que dit ce livre est que l’Allemagne était déjà aux prises, avant 14, avec une pensée totalitaire. Elle estimait que sa « Kultur » devait dominer le monde, parce qu’elle était supérieure aux autres. Et qu’elle devait retrouver sa place, volée par le progrès anglo-saxon. Cela débouche sur une formidable pulsion de mort. Elle se retrouve dans l’œuvre de Heidegger, notamment. C’est de la confrontation avec le néant que va naître l’éclair de génie qui va transformer le monde, et lui donner un sens.

Mais ce n’est pas tout. Les démocrates qui prennent le pouvoir en 18 sont de dangereux amateurs. Alors que l’armée est discréditée, ils s’allient à elle pour écraser, dans le sang !, les Spartakistes, leur aile gauche. Son honneur est restauré, elle pourra désormais miner la démocratie et préparer en toute sérénité un coup de force. A cela s’ajoute le fait que l’intellectuel confonde démocratie et critique systématique. Donc qu’il tire contre son propre camp, et le discrédite.

Pourtant, cela a failli marcher. Et c’est, peut-être, une grande leçon. Il semble qu’il y ait eu deux facteurs favorables au maintien du régime. Le premier, c’est la prospérité. Elle tue dans l’œuf tous les mouvements de contestation. Le second, c’est Stresemann. C’est un homme politique qui ne vient pas du camp républicain. Mais il se prend d’amitié pour la démocratie, et lui apporte son talent, et son pragmatisme. Malheureusement, il meurt en 29.


Ce qui met le feu aux poudres, ce sont les pacifiques Américains. La croissance allemande est dépendante des capitaux étrangers. La crise de 29 les assèche. Mais, là encore, tout n’est pas perdu. La prise de pouvoir de Hitler ne s’est pas passée comme je le pensais. Car, après des élections réussies, il subit un revers. On croit alors que ses carottes sont cuites. Il envisage le suicide. Mais voilà qu’un politicien traditionnel croit pouvoir l’utiliser… On connaît la suite.

mardi 29 août 2017

Changement durable

L'histoire est écrite par les vainqueurs, répétait le PDG d'une multinationale. La fin justifie les moyens. Aujourd'hui, on pense plutôt que ce sont les idées qui font l'opinion. D'où, sans doute, cette bataille de communiqués, publicité d'un côté ("l'avenir est à Big Data") et conseils maternels des ONG, de l'autre ("fais pas ci, fais pas ça"). 

En réalité, la manipulation a ses limites, physiques. Lorsque l'on crève de faim, ou lorsque l'on constate que l'on est moins bien traité que son prochain, on se révolte. Ce qui fait l'histoire, ce sont des rapports de force, qui résultent de la capacité à fédérer les hommes en mouvements puissants. Les idées sont utiles alors (cf. les religions), comme cri de ralliement. Jusqu'à ce qu'elles rencontrent, lorsque l'on veut les mettre en oeuvre, leurs limites. 

Tout le travail du changement, c'est trouver des cris de ralliement durables ?

A rebours

Un esthète hypocondriaque cherche le bonheur dans sa chambre. En réaction à la société qu'il abhorre, il ne trouve sa satisfaction que dans un art décadent qui imite la laideur. 

Ce qui donne à Huysmans l'occasion de faire un exposé à la Bouvard et Pécuchet de l'art de son temps, et de donner libre cours à une érudition confondante. C'est surtout un exercice de style extraordinairement brillant. 

Mais est-ce beaucoup plus qu'un exercice de style ? Lorsque l'on voit ce qu'il dit de Gustave Moreau, de Villiers de l'Isle Adam et de quelques autres de ses amis, on peut se demander si ce n'est pas un manifeste d'auto satisfaction à la gloire de leur génie collectif. 

Où l'on comprend pourquoi certains s'extasient devant un tableau blanc ou une salle d'exposition vide ? 

Chronique / Architecte du changement

Et moi, que fais-je dans le changement ? Dans la logique de ce qui précède, je suis un donneur d'aide. Assistance à architecture du changement, en quelque sorte. 

Depuis plus de vingt ans, mon métier consiste à aider un dirigeant qui envisage un changement critique (qui l'inquiète) à mettre au point le dispositif qui lui permettra d’atteindre l’objectif désiré. Ce dispositif doit lui paraître "évident". (Sans quoi, il ne saura pas le mettre en oeuvre.)
Exemple : pour un équipementier, faire fonctionner un processus de gestion de projets (« programmes ») qui garantisse la rentabilité du groupe (« target costing ») ; pour un opérateur : fusionner des acquisitions en réalisant la plus value désirée ; relancer une PME sans moyens, après une quasi faillite ; lancer une activité d’édition de logiciel… 
Je travaille pour des multinationales, des PME, des start up, le secteur public, et l’économie sociale... Les problèmes humains sont les mêmes partout. Même les techniques de management se sont uniformisées. J’interviens presque toujours en situation de crise.
La particularité de mon approche est de s’appuyer au maximum sur les ressources de l’entreprise. Un changement bien conçu n’a besoin que de peu de moyens.
J'apporte de l'expérience, du recul, des méthodes. Et peut-être de la sympathie, et de l'énergie. 

La pratique avant la théorie
J'interviens donc peu dans la mise en oeuvre du changement. Il n'en a pas toujours été ainsi. La particularité de mon apprentissage a été d'avoir été intimement associé aux entreprises avec lesquelles j'ai travaillé. J'ai commencé par être un salarié qui avait un pied dehors. Puis un consultant qui avait un pied (et souvent un bureau) dedans. Cette familiarité me permettait de savoir qui était important dans la réussite d'un changement ("homme clé"), et ce qu'il fallait lui dire. 
Mais, l'âge, les évolutions des attentes vis-à-vis des consultants et la (modeste) notoriété ne permettent plus de faire ce travail de terrain. 

lundi 28 août 2017

Pensée musulmane

En 1995, Paul Ricoeur se demandait, déjà, comment intégrer la pensée musulmane à notre modèle social. En effet, pour l'Islam, le politique et le religieux ne font qu'un. 

Dans les mille et une nuits, on se convertit "sincèrement" à l'Islam sous la menace du sabre. En fait, je me demande si l'on ne passe pas à côté de la réalité lorsque l'on pense que les idées déterminent les actions. Lorsque l'on est à l'étranger, on s'adapte aux us et coutumes locaux sans se demander quel est leur soubassement philosophique. Les comportements s'ajustent d'abord. Ensuite la pensée leur trouve une justification. 

Curieusement, Paul Ricoeur est une illustration de ce que je viens de dire. Il parlait de "conviction et de critique". Il était à la fois protestant et philosophe. Or, ses deux caractéristiques, a priori antinomiques, s'entendaient très bien ensemble. Elles se sont adaptées l'une à l'autre. Au passage elles ont révélé, chez l'une et chez l'autre, des richesses inconnues. Elles ont même été le moteur de sa curiosité et de ses recherches. 

Et si les convictions n'étaient pas un frein à l'adaptation ? Mais, au contraire, une aide ? 

Chronique / Changement : des exemples

On parle beaucoup de "changement", mais, concrètement, qu'entend-on par là ? Trois exemples :
  • Groupe industriel. Une filiale, 6 usines, 2000 personnes. La société est dans le rouge depuis 10 ans (pays en surcapacité), et la holding demande un gain de productivité de 20%, sous peine de fermeture. Travail avec les directeurs d’usine et le comité de direction autour d’une modélisation de l’activité, par un benchmarking (comparaison) entre usines du groupe, puis avec des usines étrangères. Ce travail a débouché, en 6 semaines, sur un plan de doublement de la productivité de la filiale. Il a été mis en œuvre sur deux ans. 
  • Un équipementier gagne un appel d’offres. Mais le projet (5 ans) est en pertes de 200m€. Crise interne. Le projet est divisé en dix sous projets fonctionnels (achats, analyse de la valeur…). Chaque équipe de sous-projet fait des propositions de gains, et négocie avec les autres. En 4 semaines, un plan en résulte. Il remet le projet à l’équilibre. Il va être suivi par la direction générale et mis en œuvre sur deux ans. 
  • Une PME, 10m€ de chiffre d’affaires. Elle sort d’une quasi faillite à la suite d’une acquisition malheureuse. Le dirigeant, épuisé, envisage de fermer l’entreprise. Diagnostic : l’entreprise a un potentiel inexploité. A la fois en termes de chiffre d’affaires (doublement possible) et de marge (passage de 3 à 10%). Seulement, pour le réaliser, il faut qu’il délègue une partie de ses pouvoirs à son équipe de direction, sans perte de contrôle. (D’ailleurs elle est d’un très bon niveau.) Technique : le dirigeant fait la liste des questions qu'il faut résoudre pour réussir la transformation. Il les pose à son comité de direction. Il demande de lui proposer des plans d'actions, qu'il puisse contrôler à distance. Les réponses le satisfont.
Tout cela paraît simple. En fait, cela cache l'essentiel. Ces changements sont des sortes de miracles. Ils ont été, massivement, parcourus par des mouvements irrationnels, incompréhensibles, inimaginables. La transformation finale s'est faite de manière inattendue, en dernière minute. Pourquoi ont-ils réussi ? Une profonds anxiété de survie ; une équipe compétente. (Et peut-être le bon donneur d'aide.)

Le changement est comme le rodéo : il faut s'accrocher et essayer de tenir, en espérant que le canasson finira par se calmer...

dimanche 27 août 2017

Mensonge

Voilà ce que dit M.Bergeret, héros d'Anatole France. 
Le mensonge (...) a des ressources merveilleuses. Il est ductile, il est plastique. Et, de plus (ne craignons point de le dire), il est naturel et moral. Il est naturel comme le produit ordinaire du mécanisme des sens, source et réservoir d’illusions ; il est moral en ce qu’il s’accorde avec les habitudes des hommes qui, vivant en commun, ont fondé leur idée du bien et du mal, leurs lois divines et humaines, sur les interprétations les plus anciennes, les plus saintes, les plus absurdes, les plus augustes, les plus barbares et les plus fausses des phénomènes naturels. Le mensonge est le principe de toute vertu et de toute beauté chez les hommes. Aussi voit-on que des figures ailées et des images surnaturelles embellissent leurs jardins, leurs palais et leurs temples. Ils n’écoutent volontiers que les mensonges des poètes. Qui vous pousse à chasser le mensonge, à rechercher la vérité ? Une telle entreprise ne peut être inspirée que par une curiosité de décadents, par une coupable témérité d’intellectuels. C’est un attentat à la nature morale de l’homme et à l’ordre de la société. C’est une offense aux amours comme aux vertus des peuples. Le progrès de ce mal serait funeste, s’il pouvait être hâté. Il ruinerait tout. Mais nous voyons que, dans le fait, il est très petit et très lent et que jamais la vérité n’entame beaucoup le mensonge.
Révolution ou statu quo ?
Que la société soit fondée sur le mensonge est posé en principe par les révolutionnaires de 1789. D'où leur idée : bâtir la société sur la "raison". Ce à quoi l'Angleterre, avec Burke, a répondu que la société était le fruit d'une lente mise au point que la raison ne pouvait comprendre. Vive le statu quo et l'Ancien régime. Cependant, l'argument révolutionnaire revient régulièrement, surtout chez les Anglo-saxons. C'est ainsi que Michael Hammer, le théoricien d'une des modes de management qui a fait le plus de bruit, a affirmé qu'il fallait reconstruire les entreprises de zéro, à partir des nouvelles technologies de son époque. Tout ce que l'on entend sur le "changement de culture" de l'entreprise, mais aussi sur la "démocratisation" du monde, post 1989, ressortit probablement au discours révolutionnaire.

Entre Burke et les révolutionnaires, il existe une troisième voie. Celle de Kant et des anthropologues. La société est un "système" complexe. Le re concevoir de zéro est au delà de la raison. Mais le statu quo est, lui aussi, impossible. Notamment parce que le dit système doit se "consommer" pour se maintenir. Une autre raison, qui exige l'évolution, est que, comme le pensaient Hammer et les révolutionnaires, la société est aux mains des intérêts particuliers, qui cherchent à lui imposer un statu quo qui les arrange, et qui, donc, se met en travers du mouvement naturel de changement. Le rôle de l'être humain est, peut-être, de naviguer entre toutes ces forces pour faire évoluer la société, sans révolution. En respectant ses principes constitutifs, et ses aspirations. 

Chronique / Changement : apprentissage

Quelles qualités le manager doit-il développer pour mener correctement le changement ?

Il doit apprendre à être « in quiet » (en deux mots). C’est à dire à être sur le qui-vive. (Vigilant, mais pas stressé. C'est probablement l'attitude de l'alpiniste ou du chasseur primitif. Pas simple, j'en conviens.)
Il doit aussi s’exercer à décoder les « paradoxes ». Les paradoxes correspondent à ce qui ne lui paraît pas normal. Cela signifie qu’un phénomène important ne correspond pas à la logique qu’il lui prête implicitement. Comprendre la logique réelle du phénomène permet de comprendre comment agir pour réussir un changement sans effort.
Exemple. Parmentier fait la promotion de la pomme de terre. Il parle de ses qualités nutritives. Cela ne marche pas. (Paradoxe.) Alors, il fait planter un champ de pommes de terre, et le fait entourer par la troupe. Le peuple en déduit que la plante est précieuse, et la vole. Parmentier a compris que la logique de la France est probablement une forme de lutte des classes, et que pour la faire changer il faut s’inscrire dans ce mouvement. 
Le paradoxe est la boussole du changement. (Cet exemple illustre aussi le fait que, dans le changement, la raison est généralement un obstacle, alors que l'intuition est une alliée.)

samedi 26 août 2017

Statue

Faut-il enlever la statue du général Lee ? se demandent les Américains. Après tout il fut un horrible esclavagiste. J'entendais aussi dire qu'aujourd'hui André Gide irait en prison. Non parce qu'il était homosexuel, mais parce qu'il fréquentait les adolescents. 

Doit on juger le passé avec les valeurs de notre temps ? D'ailleurs Lee et Gide n'ont-ils pas leur utilité ? Ne nous amènent-ils pas à nous dire que si des gens bien ont pu faire des erreurs, cela pourrait nous arriver aussi, et qu'il serait bien d'être prudent ? D'autant que ce sont nos pères...

Chronique / Changement : quelles compétences le manager doit-il acquérir ?

Le manager doit avant tout éviter de faire des erreurs. Par exemple ? vouloir passer en force, ou ne pas comprendre qu’il doit contrôler parfaitement le changement.
(Le paradoxe du changement est que, une fois que nous nous sommes débarrassés de ces erreurs, notre intuition est bonne conseillère. "Nous savons faire." Le changement, dans sa partie mise en oeuvre, est essentiellement une question "d'intelligence émotionnelle", pas de raison.)

Par ailleurs, il doit apprendre à repérer les gens qui ont le talent de conduire le changement, et s’associer à eux. (Ce n'est pas un appel à la paresse : c'est un travail complexe que de créer une équipe, n'importe quelle équipe.)

vendredi 25 août 2017

Achetez des actions ?

M.Trump veut que les entreprises américaines rapatrient l'argent qu'elles possèdent à l'étranger. Qu'est-ce que cela va donner ? se demande le Financial Times. Un enrichissement des actionnaires, et une augmentation des cours. Les entreprises vont acheter, encore plus, leurs actions. Bref, cela risque de n'être guère bon pour l'économie.

Quant aux pays dont va s'évader ces fonds ? C'est une autre histoire.

Brexit

Les Anglais auraient abordé les négociations du Brexit en amateurs. Ils auraient compté sur la division européenne. Mais, pour le moment, les Européens sont d'accord pour ne pas être divisés. Voici ce que l'on entendait chez France Culture, hier matin. (Et si cela faisait déjà pas mal de temps que les Anglais étaient des amateurs ? Mouches du coche d'un développement économique auquel ils n'apportent rien ?)

On disait aussi qu'il y avait eu méprise. L'Angleterre est entrée dans l'Union européenne pour son marché. Elle ne voulait pas du projet fédéral qui va avec. La négociation du Brexit tourne toujours autour de cette question : comment avoir accès au marché européen, sans aucune contrainte ? 

Et si le projet européen était autre chose qu'une contrainte ? Il a été créé pour faire la paix. Mais peut-être que cette paix n'est pas qu'une question de nationalismes. Peut-être aussi est-elle une question de marché. Sans la crise de 29, y aurait-il eu Hitler ? Et si le marché avait besoin d'une superstructure ? 

Chronique / Changement en cours : points de vigilance

Un changement vous est confié. Il est en cours. Sur quels points devez-vous être vigilant ?

Le changement présente le danger permanent que la résistance lui fasse faire marche arrière.
Il faut repérer les gens qui semblent mal le vivre, et se proposer en donneur d’aide. Généralement ces gens sont au nombre de quatre ou cinq à un moment donné. Si l’on parvient à faire changer leur attitude, de la défiance à la confiance, cela envoie un signal fort à l’organisation.
(Pas si simple qu'il y paraît : une entreprise, c'est grand... surtout une multinationale.)
Par ailleurs, il faut être conscient que les comportements sont trompeurs. Par exemple, la plupart des gens qui protestent grossièrement ne s’opposent pas au changement, mais cherchent à se placer en position favorable de négociation. En revanche d’autres, qui paraissent des alliés de fait, sont, au contraire, des ennemis. C’est le cas, paradoxalement, du management, et souvent du management supérieur. Ils perçoivent le changement comme ne pouvant rien leur apporter, sinon des tracas.

jeudi 24 août 2017

Ecole 42

L'école 42 est originale. On y apprend en faisant. Ce qui est une idée anglo-saxonne. Je l'ai rencontrée lorsque je suis arrivé à Cambridge. J'étais paralysé par l'idée française qu'il n'y avait "qu'une bonne solution", celle de l'enseignant. Alors que mes enseignants, à Cambridge, ne connaissaient pas les solutions des problèmes qu'ils me posaient. Et qu'ils me félicitaient lorsque je sortais des sentiers battus. (C'est d'ailleurs comme cela que j'ai découvert que la règle du jeu n'était pas celle que je croyais.) D'où la place du "drop out" dans la culture anglo-saxonne. Cet élève qui part sans diplôme, parce qu'il a jugé qu'il n'en a plus besoin.

Seulement, c'est aussi la recette de la fameuse "méthode globale", celle qui a pour conséquence que nous ne savons plus écrire. Avec ce paradoxe français : alors que l'enseignement des premières années est anarchique, il devient ensuite dirigiste. 

En résumé, il semble qu'il y ait des choses qu'il faille apprendre, et d'autres que l'on doive découvrir. Celles qu'il faut apprendre sont les fondations reconnues de la société, ce qui marche (l'écriture, les algorithmes mathématiques...). Mais en le réduisant au minimum, pour ne pas aliéner l'esprit, et faire de l'homme un animal savant. Tout le reste est à découvrir par l'expérience. Ce qui est premier, alors, est sans doute la motivation. Il faut créer les conditions de la curiosité ? 

Chronique / Conseils à celui qui s'engage dans le changement ?

On vous confie la mise en oeuvre d'une changement. De quoi devez-vous vous méfier ?

D’une manière générale, ce qui fait échouer les changements est de croire qu’ils sont des problèmes techniques. Par exemple, on va confier le déploiement d’un système d’information à des informaticiens, ou une fusion à des financiers. En fait ce qui les bloque est des craintes de type : ce projet est idiot, notre PDG est incompétent ; je ne saurai pas utiliser ce logiciel, je vais perdre la face ; on nous cache quelque-chose de mauvais…
L’équipe qui conduit le changement doit attaquer ces craintes, indirectement. Et ce en partant de ce qui est important pour les personnels et en montrant en quoi le changement va permettre d’y répondre, si l’organisation fait correctement son travail.
Laissé à lui même, un technicien ne va pas entendre ces angoisses. Il va adopter un discours technique qui va mettre de l’huile sur le feu. D’où crise qui devient rapidement non maîtrisable.

mercredi 23 août 2017

Immigration

Quasiment dans un même souffle, et visiblement sans se rendre compte des contradictions que cela signifie, France Culture disait : le pape affirme qu'il ne doit pas y avoir de contrainte à l'immigration ; les entreprises allemandes installent des dispositifs, en Afrique du nord et en Europe de l'est, pour recruter et former des immigrés ; M.Hollande appelle à la modération quant à la réforme de l'emploi ; M.Macron part en Europe de l'est pour négocier une uniformisation des régimes sociaux. 

Cela pose le problème des "universaux". Nous croyons à des absolus. Et cela nous empêche de penser. Qu'en est-il ? 

Il est logique que les entreprises cherchent à réduire leurs coûts. Elles le font en grande partie en diminuant leur masse salariale. Même si ce n'est pas la seule fonction de l'immigration, c'en est une raison forte. M.Macron reprend un courant de pensée solidement implanté chez les économistes, de droite et de gauche, depuis fort longtemps. La liberté de l'individu et la performance de l'entreprise demandent de la flexibilité. C'est la raison des réformes du code du travail. Cependant, elle peut avoir des effets pervers. Notamment celui de conduire à aligner les salaires français sur ceux de pays n'ayant pas notre protection sociale. D'où les voyages de M.Macron. 

A cela, il faut ajouter que la flexibilité est déjà parmi nous, et nous la payons au prix fort. Même si ce n'est pas aussi terrible qu'en Angleterre. Une grosse partie de la population, des stagiaires aux intérimaires, en passant par les consultants indépendants et des livreurs à vélo de la transformation numérique, n'ont quasiment plus aucune protection. En même temps, ils n'ont aucun poids politique, aucune voix. Même ceux qui ont un emploi, des syndicats et l'affection des partis politiques, n'ont pas intérêt à ce que la Ligne Maginot actuelle soit maintenue. Car si le hasard veut qu'ils soient licenciés, alors ils connaîtront la précarité. 

Ce que veut réussir M.Macron, ce n'est pas la flexibilité, c'est la flexisécurité. C'est le système que les pays du nord de l'Europe ont mis en place. Va-t-il réussir ? C'est une autre question. Seulement, se braquer sur des absolus nous empêche de contribuer à sa réflexion, et de lui éviter, peut-être, des erreurs.

(M.Macron essaie peut-être de réussir un autre changement : changer la logique des affaires. La logique de réduction des coûts conduit à une spirale déflationniste. Si le dirigeant ne peut plus compter sur la variable masse salariale, il pensera peut-être qu'il doit augmenter ses revenus. Ce faisant, il va être amené à se demander ce que son entreprise peut bien apporter de nouveau au monde. C'est ainsi que l'on relance la croissance.) 

Chronique / Comment mettre en place une équipe capable de conduire le changement ?

L’animation du changement est un facteur clé de réussite. Il est généralement oublié. 

Rôle de l'animation du changement
C’est elle qui maîtrise la résistance au changement. Elle y parvient par un contrôle au plus près. Elle en fait, paradoxalement, un moteur du changement. 
Elle doit repérer les amorces de résistance au changement à temps, et comprendre comment en tirer parti. Principalement, elle travaille avec un petit nombre d’hommes clés. Un grand changement (multinationale) peut donc être mené avec une petite équipe d’animation. 

Choisir et organiser l'équipe d'animation
L’animateur du changement a un profil très particulier. Sa caractéristique principale est d’être un « donneur d’aide ». Toutes les entreprises possèdent ce type de personnes. (Sans quoi elles ne fonctionneraient pas.) 
Pour les grands changements, il est utile d’avoir un « chef de projet », qui va personnifier le changement. C’est généralement quelqu’un que l’on qualifie « d’hybride » : bien intégré dans l’entreprise, mais qui a anticipé le changement. (De préférence, un donneur d'aide.)
Enfin, le dirigeant doit être en ligne directe avec cette équipe. C’est grâce à elle qu’il comprend ce qui se passe sur le terrain, et qu’il agit, à distance. Il ne doit pas porter le changement à bouts de bras. Il doit être dans un rôle de dirigeant : il donne les orientations et tranche quand il le faut.

(Et les consultants ? Son profil ordinaire est celui du donneur de leçons, plutôt que du donneur d'aide. En outre, c'est un "junior". Le rôle dans lequel il est généralement le meilleur est en appui de l'équipe d'intervention. C'est là que les méthodes qu'is porte peuvent être les plus utiles.)

mardi 22 août 2017

Bien et mal

Ce ne serait pas tant le traité de Versailles que la façon dont les négociateurs allemands de la paix de 1918 ont été reçus, qui aurait été coupablement maladroit, dit Peter Gay, dans son ouvrage sur la République de Weimar. On a voulu leur faire mesurer la gravité de leurs fautes. Notamment en faisant circuler très lentement leur train au milieu du champ de bataille. 

Cela se comprend. Imaginez que vous ayez subi 4 ans de dévastation et de peur et ayez vu crever dans des conditions horribles vos enfants, n'auriez-vous pas envie de dire à l'ennemi le mal que vous pensez de lui ? Mais, d'un autre côté, c'est ce type de raisonnement, en 70, qui est à l'origine de la volonté de revanche de la France. 

Il est étrange que cette idée de "bien et de mal" se soit maintenue jusqu'à nous. Que personne ne comprenne que traiter quelqu'un comme porteur du mal a plus de chances de l'amener à se révolter qu'à se réformer. Le plus surprenant, peut-être, est que la religion chrétienne ait convaincu tout un peuple de sa faute originelle. Mais, au moins, il n'y avait pas d'inégalité de traitement. 

Chronique / Modes de gestion projet pour conduire le changement en temps de crise ?

Edgar Schein explique qu’il n’y a pas de changement sans « anxiété de survie ». La crise, lorsqu’elle ne paralyse pas, est un facteur favorable au changement. Le Français, en particulier, réagit particulièrement bien à la crise. Mener un changement en temps de calme demande, paradoxalement, de créer cette anxiété de survie. Pour cela on ne joue pas sur la crainte, mais sur les aspirations. (Du moins, c'est ce que je tente de faire.)

 Pour le reste, les modes de gestion de projet ne diffèrent pas.

lundi 21 août 2017

Jean Zay

J'ai découvert Jean Zay à l'occasion de son entrée au Panthéon. Et voilà que son nom est cité par un document envoyé par le cabinet du ministère des affaires étrangères français à l'ambassadeur des USA, en 1940. Il y justifie le nouveau statut des Juifs. Il leur reproche de s'être attaqués aux valeurs qui servent de fondement à la France. "il n'est que de rappeler le langage tenu par M. Jean Zay sur le drapeau et le livre publié par M. Léon Blum sur le mariage." (Le régime de Vichy, Marc-Olivier Baruch, Texto.)

Qui était ce fameux Jean Zay ? Quelqu'un d'exceptionnellement brillant. Il a tous les prix du Concours général. Mais, contrairement à ce que l'on aurait pu attendre, il ne choisit pas Normale Sup. Il fait des études de droit. Il a une carrière politique fulgurante. C'est un radical. Député à 27 ans, ministre à 32, il le demeure quatre ans, jusqu'à la guerre. Alors, il démissionne pour rejoindre l'armée. 

Nouvelle surprise, c'est un réformateur de la trempe de Jules Ferry !
Pendant ses quarante-quatre mois au gouvernement du Front populaire, Jean Zay a institué, au titre de l’Éducation nationale : les trois degrés d’enseignement, l’unification des programmes, la prolongation de l’obligation scolaire à quatorze ans, les classes d’orientation, les activités dirigées, les enseignements interdisciplinaires, la reconnaissance de l’apprentissage, le sport à l’école, les œuvres universitaires ; et au titre des Beaux-Arts : le CNRS, le musée national des arts et traditions populaires, le musée d’Art moderne, la Réunion des théâtres lyriques nationaux, le festival de Cannes. (Wikipedia)
En outre, il est à l'origine de l'ENA. (Autre texte sur le sujet.)

Apparemment, ce qui l'aura poursuivi toute sa vie est un poème, le drapeau. Il l'écrit à 19 ans. Il s'en prend, façon "j'irai cracher sur vos tombes" de Boris Vian, au nationalisme qui a fait tuer un million et demi de jeunes Français. Il reniera ce poème, et aura une conduite héroïque pendant la guerre de 40, mais cela ne suffira pas. Il aura droit à un jugement caricaturant celui de Dreyfus, et sera finalement exécuté par la milice. (Texte du poème.)

Mais, pourquoi, avec un tel bilan, n'a-t-il pas figuré dans les manuels d'histoire de la République à côté des grands réformateurs qui ont séparé l'Eglise de l'Etat ou apporté l'éducation à tous ? Et s'il y avait eu un consensus entre gouvernants, vainqueurs ou vaincus de la guerre, sur sa culpabilité ?

Chronique / Comment communiquer sur le changement ?

Principe. Tout d’abord, ce sont les actes qui parlent, pas les paroles. La communication du dirigeant est systématiquement interprétée à l’envers de ses intentions. Ce qui fait foi, c’est le bouche-à-oreille. Il est alimenté par quelques leaders d’opinion qui se méfient de la direction.

Exemple d'application pratique
Les livres de management appellent généralement la technique que j’emploie, la méthode du « stretch goal ». Il faut une bonne compréhension de la façon dont l’organisation perçoit sa situation, et en parle. Ensuite, on exprime le changement de manière indirecte, quantifiée, et hautement symbolique. Puis l’on doit laisser entendre pourquoi on va réussir. D’abord, parce que l’on a déjà fait des changements de cette difficulté. Et ensuite parce que l’on s’est dotés des moyens de conduite du changement adaptés.

L'astuce du stretch goal
Paradoxalement, plus un changement paraît difficile, plus il a de chances de réussir. C’est de là que vient le mot « stretch » : il s’agit d’un changement systémique.

dimanche 20 août 2017

Maçon

A une époque, j'ai fait beaucoup d'études sur la performance des forces de ventes. C'est un phénomène mystérieux. Les écarts sont quasi infinis : la plupart des gens ne peuvent rien vendre, d'autres font un minimum, certains rapportent énormément. Certes, il existe des "trucs", qui peuvent être compris et appris. Mais le facteur réel de succès n'est pas copiable. C'est identique à ce qui a fait un temps le charme de Bill Clinton. 

D'un autre côté, comme la conduite automobile, il y a certains métiers que presque tout le monde peut pratiquer. Je me demande, lorsque j'observe les médecins généralistes, si ce n'est pas leur cas. Tant ils sont encadrés. Il en est  probablement de même des dirigeants salariés d'entreprise. Cela explique d'ailleurs peut-être pourquoi ils sont aussi protégés : contrairement au commercial, la sélection naturelle ne leur convient pas. 

On en revient peut-être aux idées du philosophe John Dewey. C'est au pied du mur que l'on voit le maçon. C'est par la pratique de "l'expérience", que se forme le talent. 

Chronique / Comment planifier les actions du changement pour lever les résistances ?

Observation. La résistance au changement indique que le changement a été mal conçu ou passe à côté d’une question critique. Par exemple, lorsqu’un spécialiste de l’électronique grand public s’est équipé d’un progiciel de gestion, il n’a pas vu que le paramétrage du progiciel ne permettait pas de traiter le cas, quantitativement négligeable mais financièrement considérable, des grandes surfaces. L’équipe d’intégration à la fois ne connaissait pas le métier, et brouillait les signaux d’alarme qu’envoyaient les opérationnels. De ce fait ils étaient pris pour une manifestation d’obscurantisme.

Une méthode
Une idée est fondamentale pour bien mener le changement. Comme l’expliquent le livre The Tipping Point ou les traités de communication pour publicitaires, les groupes humains sont organisés en réseaux autour de leaders d’opinion. Peu nombreux, ils entraînent le reste de l’organisation. Si l’on conçoit et mène le changement avec ces « hommes clés », il se fera vite et sans difficultés.

samedi 19 août 2017

Allemagne

Le Financial Times du 17 août : "Deutsche Börse probe widens to all of top management - Prosecutors, state regulator and financial watchdog now examining German stock exchange". 

Les constructeurs automobiles allemands trichent, montent des ententes entre eux, les banques du pays sont dans un état précaire, du fait d'une gestion peu claire, la Bourse allemande a maintenant des ennuis... Et pourtant l'image de l'Allemagne n'est jamais entamée. C'est un modèle que la, ridicule, France doit imiter. 

L'opinion est-elle faite par la raison, ou par ce que pensent ceux qui ont le pouvoir ? Seulement, lorsque c'est trop loin de la réalité, cela alimente les mécontentements. Et favorise les courants politiques qui apportent de mauvaises réponses aux bons problèmes. 

Chronique / Mes méthodes de conduite du changement

A quelles méthodes faites-vous appel ?
Le type de technique que j’emploie ressortit au « changement planifié » de Kurt Lewin.

La technique classiquement utilisée par l’entreprise est le « changement dirigé ». C’est un changement imposé de haut en bas. Sauf s’il s’agit d’un changement simple, et bien compris (passage du franc à l’euro), il n’est pas adapté à la complexité de nos entreprises.

Le changement planifié est formulé et piloté par « en haut » mais part d’une mise en forme des idées qui viennent « d’en bas ». Surtout, ce sont les opérationnels qui ont la responsabilité de concevoir le plan de mise en œuvre du changement. De cette façon, chacun est dans son domaine de compétence et de responsabilité.

En pratique le changement est divisé en trois étapes. Préparation ; plan d’action ; mise en œuvre. La préparation se fait généralement par le biais d’un « projet périphérique ». Elle a pour but de comprendre l’organisation. Elle définit l’objectif quantifié du changement, les « hommes clés », la méthode pour le mener à bien, notamment la dizaine de sous-projets qui le constituent, le disposition d’animation du changement qui va détecter les amorces de crise et remettre le changement sur les rails, et le dispositif de contrôle de l’atteinte de l’objectif. Ensuite, un plan d’action détaillé est conçu avec les hommes clés. Finalement ce plan est mis en œuvre. Généralement par étapes de quelques mois. La gestion de projet, orientée résistance au changement, est fondamentale dans le succès de cette phase. Les deux premières phases doivent être courtes.

Quels outils utilisez-vous ?
J’utilise une boîte à outils de « méthodologies ambulatoires » issues des sciences du management ou des sciences humaines, mais je n’ai pas d’outil à proprement parler. Une méthodologie ambulatoire est une technique de résolution de problème classique (par exemple, analyse de la valeur, target costing, balanced scorecards, stratégie en environnement incertain, etc.) ramenée à ses deux ou trois principes fondateurs. Ce qui permet au décideur de « penser sur ses jambes ».

Attention : il n'y a pas de "seule bonne méthode"
Il n’y a pas de seule bonne méthode. Il y a des techniques qui marchent pour certains et pas pour d’autres. Le changement est, SURTOUT, énormément, une question de circonstances.

vendredi 18 août 2017

Corée du Nord

Monsieur Trump "parle coréen" disait-on dans un débat de France Culture. Son discours, dans ses excès, ressemble à celui du dirigeant coréen.

Apparemment, comme en Syrie, cela a marché. Ce qui prouve que la Corée du Nord n'a rien d'irrationnel. Elle a un langage à elle, c'est tout. Ce qui est rassurant.

Chronique / Quels sont les objectifs de la conduite du changement ?

Je mets en oeuvre un changement, quel objectif dois-je me donner ? 

Le premier objectif est de construire un dispositif qui permet de s’assurer que l’on va atteindre le but que l’on s’est fixé. Par exemple, que tel nouveau logiciel va bien permettre de faire les gains de productivité que l’on en attendait lorsqu’on l’a acheté. On peut appeler ce dispositif une « boucle de rétroaction ».

Cela semble évident, mais ce n'est jamais fait. Par exemple, les entreprises achètent d'autres entreprises, ou installent des logiciels, sans s'assurer qu'elles vont bien obtenir ce qui justifiait l'investissement. (Les réformes gouvernementales sont laissées au lecteur comme exemple d'application.)

Tout est psychologie
En réalité, l’expérience montre que l’objectif ultime du changement est l’optimisme. Martin Seligman définit l’optimisme comme la capacité à être stimulé par l’aléa. Une organisation optimiste est ultra performante.

jeudi 17 août 2017

Demandeurs d'asile

Au premier trimestre, le nombre de demandeurs d'asile à l'Europe aurait beaucoup baissé par rapport à l'année précédente (47%). Pourquoi ? Principalement du fait d'une réduction importante du nombre de réfugiés syriens (ils seraient une vingtaine de milliers, en baisse de quatre-vingt dix mille). Rapport Eurostat.

J'entendais aussi dire que les Syriens quittaient les camps dans lesquels ils s'étaient réfugiés, pour revenir chez eux. Notamment à Alep. 

Leçon de démocratie ? La dictature n'est insupportable qu'à ceux qui ont tout ?

Chronique / A quelles crises les organisations sont-elles confrontées ?

On pourrait résumer ces crises par « panne de performance ». Les dirigeants décident. Mais ces décisions ne donnent rien, ou font perdre de l’argent. Par exemple, les études des universitaires montrent que la plupart des acquisitions sont des échecs, les fonds d'investissement ont un très mauvais rendement, la productivité de l’informatique est nulle ou négative (paradoxe de Maslow), etc.

(Deux éléments complémentaires. 1) il me semble que cette panne se voit dans les chiffres du PIB, qui ne bougent pas ; 2) les outils de performance du consultant ressortissent au "lean". Les spécialistes de ces techniques avec lesquelles j'ai travaillé, estiment qu'elles sont à bout de course.)

mercredi 16 août 2017

Sélection

Nous sommes fiers de Descartes, Condorcet et autres Pascal. Ce sont les géants sur les épaules desquels nous sommes perchés. Pourtant, à leur époque, la sélection du talent se faisait par la naissance. Idem pour nos grandes écoles. Le genre de sélection qui s'y pratiquait, aux origines, n'avait rien à voir avec ce qui se fait aujourd'hui. Et pourtant, ce sont leurs premières générations d'élèves qui ont fait leur réputation. 

Ce qui a fait Pascal, Condorcet ou Descartes, ce sont les acquis culturels de leur temps. Idem pour les grandes écoles : elles étaient les seules à détenir un savoir scientifique, qui était alors une innovation. Autre exemple : Bill Gates aurait déclaré que peut-être seulement cinq personnes auraient pu faire ce qu'il a fait, tant il s'est trouvé dans des circonstances favorables. (Ce qui ne diminue pas son mérite.)

Le rôle de la sélection humaine n'est donc pas de détecter le talent, elle en est incapable. Mais d'éviter les embouteillages. Il n'y a pas de place pour des armées de dentistes, par exemple. Seulement, le fait que notre "élite intellectuelle" se rue comme un seul mouton à la poursuite de la première mode qui passe, montre qu'une sélection excessive peut aussi avoir des effets pervers. Elle crée un esprit ritualiste et non pas rationnel. Pour les éviter, il serait bien de commencer par arrêter de se bercer d'illusions quant aux objectifs de la sélection ? 


Chronique / Pourquoi faut-il manager un projet de changement ?


Cela tient à une vérité évidente mais qui semble échapper à tout le monde. Les entreprises sont conçues pour  « produire ». C’est à dire faire toujours la même chose (par exemple fabriquer des voitures ou des médicaments qui respectent des normes…). Donc, elles doivent impérativement combattre tout aléa, tout changement. 

Ce qui fait que si le changement n’est pas managé, il échoue.