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dimanche 31 mai 2009

Parler d’une seule voix

Remarque paradoxale d'un article traitant du désir des gouvernants de « parler d’une seule voix » lors d’une crise :

  • Le gouvernement rêve d’émettre un message cohérent et unique. Pourquoi ? Pour ne pas créer de panique dans la population.
  • Mais la société (= nous) ne panique pas. Face à l’incertitude, elle tend plutôt à s’entraider. Elle interprète un discours unique comme une manipulation. En outre, chaque segment de la population ayant un point de vue particulier a besoin d’un message adapté. Finalement, c’est d’une diversité d’opinions que l’on construit ses idées. En bref, ce dont a besoin la population, c’est d’informations, mêmes contradictoires, pas d’être rassurée. C’est que l’on parle à son intellect, pas à ses émotions. Elle sait se faire une opinion et en déduire un comportement approprié.

Les gouvernements tendent à croire que leur peuple est fait d’individus disjoints les uns des autres, et dénués d’intelligence, dont le comportement obéit aux ordres, comme une machine. Alors que la société est solidaire par définition, et son comportement s’adapte au mieux aux informations qu’elle reçoit.

Curieusement, cette dernière description est celle que les économistes font des marchés financiers. Or, eux, sont constitués d’individus isolés, qui spéculent en période faste et se débandent en période de crise (aléa moral). Comment se fait-il que notre élite prenne la société pour une machine, et le marché pour un être parfait ?

  1. « Une incitation à parler d’une seule voix peut aussi être une stratégie pour contrôler le comportement des autres ». Les gouvernants n’ont peut-être pas peur d’une panique. Ils craignent, plus probablement, que les populations ne fassent pas ce qu’ils veulent. Si nous recevons une information cohérente, se disent-ils, notre comportement sera celui qu’ils désirent.
  2. Quand au marché, c’est lui qui fait leur fortune. Par conséquent, ils sont logiquement persuadés qu’il est parfait et que tout contrôle est nuisible.

Compléments :

  • L’article : CLARKE, Lee, CHEES, Caron, HOLMES, Rachel, O’Neill, Karen M., Speaking with One Voice : Communication Lessons from the US Anthrax Attacks, Journal of contingencies and crisis management, septembre 2006.
  • March et Simon ont fait la même observation : la littérature du management nous prend pour des machines. MARCH, James G., SIMON, Herbert A.,Organizations, Blackwell Publishers, 2ème edition, 1993.
  • Et maintenant, ce qu’il faut faire : Qu’attend l’organisation du dirigeant, en temps de crise ? et, surtout, Communication de crise.

Management de transition

Discussion avec Ollivier Lemal un des dirigeants d’EIM (plus gros cabinet de management de transition en France). Définition de ce qu’est un manager de transition, par opposition :

  • Le chasseur de tête recrute des gens faits pour la culture de l’entreprise. S’il y a besoin de management de transition, c’est parce que cette culture a besoin de changement. Le manager de transition est homme de rupture. Il est avant tout un rationnel « surqualifié » qui résout (vite) des problèmes techniques, pas un homme d’appareil. C’est pour cela qu’il n’est souvent que de transition (6 à 18 mois) : une fois qu’il a réparé la culture, il ne cherchera pas à s’y adapter. Il sera remplacé par une personne qui s’y sentira bien, à qui il aura transmis les nouvelles compétences qu’il a apportées à l’entreprise.
  • Le manager de transition intervient, généralement, après le consultant. Le consultant analyse et fait des recommandations. Le manager de transition choisit parmi celles-ci les 20% qui vont donner 80% des résultats désirés, et qu’il sait mettre en œuvre.
Remarque : je me demande s'il n'y a pas là, une solution au problème délicat de la transition fondateur-héritier dans l'entreprise familiale. L'entreprise, qui avait été construite à l'image, et autour, du fondateur, a alors besoin de trouver un nouveau souffle. Le manager de transition peut réaliser cette transformation, et préparer le successeur à prendre ses responsabilités.

samedi 30 mai 2009

Opel

Magna acquiert Opel. Quel est l’intérêt pour un équipementier de devenir concurrent de ses clients ?

Magna fabrique déjà des voitures de petites séries pour des constructeurs. Ainsi, il pourrait étendre sa capacité de production : les chaînes d’Opel produiront des Opel et d’autres voitures. (The fight for Opel.)

Curieux, les constructeurs ont cru intelligent de se débarrasser de leur savoir faire de conception d’équipement, les équipementiers eux procèdent à une intégration verticale, par le bas. Faut-il voir là une validation d’une de mes théories qui voulait que les sous-traitants riches sortent de la crise en dominateurs de l’industrie automobile ?

Grippe de cochon

La grippe porcine a disparu des écrans. Quelques observations surprenantes :

  1. S’il y a eu panique, elle semble avoir été circonscrite aux élites.
  2. Bizarrement, les décisions qu’ont prises ces élites, dans leur inquiétude, a servi leurs intérêts.

Storytelling

Storytelling ? C’est raconter une histoire pour faire passer, indirectement, un message qui ne passerait pas directement, par l’appel à la raison.

Un article consacré à un livre de Christian Salmon (Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater des esprits, La Découverte, 2007) dit deux choses.

  1. Utilisé à l’anglo-saxonne le Storytelling est un efficace moyen de manipulation.
  2. Utilisé à la française, il est le « supplément d’âme » dont a besoin la communication technocratique (coincée, par définition).

Réflexions :

  • Toute technique ne vaut que par ce que l’on en fait, et les Anglo-saxons utilisent systématiquement la science pour manipuler la société. On l’a vu avec les techniques d’influence de Robert Cialdini, en particulier. Problème aussi vieux que le monde. L’art du débat est le ressort de la démocratie athénienne. Les sophistes comprennent que le manipuler est posséder le pouvoir. Problème éternel. C’est celui du parasite qui utilise les mécanismes de la société pour l’exploiter à son profit.
  • Au cœur du Storytelling honnête, je pense qu’il y a ce que l’ethnologue Clifford Geertz nomme « description dense », c’est ce qu’essaient de réussir les exemples de mes livres. Lorsque l’on décrit suffisamment en détail une situation, quelque chose de sa réalité arrive à passer au lecteur. C’est contre-intuitif, parce que la réalité semble intransmissible d’une personne à l’autre. Après tout c’est une nuée d’atomes, de quarks et autres strings. Mais tout ceci est organisé par des lois, et la description dense les fait entrapercevoir. Peut-être.
  • Un discours est particulièrement important pour l’entreprise, c’est celui de ceux qui l’ont fondée. Il définit le mieux ce qu’est l’entreprise, son identité. C’est vers lui qu’il faut se tourner lorsque l’on veut la réinventer. C’est ce que j’ai souvent observé, et c’est aussi ce que dit Edgar Schein.

Compléments:

  • BORDEAU, Jeanne, La véritable histoire du storytelling, L’Expansion Management Review, juin 2008.
  • GEERTZ, Clifford, The Interpretation of Cultures, Basic Books, 2000.
  • SCHEIN, Edgar H., The Corporate Culture Survival Guide, Jossey-Bass, 1999.
  • CIALDINI, Robert B., Influence: Science and Practice, Allyn and Bacon, 4ème édition, 2000.

vendredi 29 mai 2009

Histoire de la Russie et de son empire

En lisant Max Weber, je me suis demandé pourquoi il semblait voir la Russie comme un mal menaçant d’anéantir la civilisation. Haine éternelle de l'Allemand pour le Slave ? J’ai cherché à me renseigner et j’ai acheté Histoire de la Russie et de son empire, de Michel Heller, Flammarion 1999. 1000 pages sur les dix siècles qui ont précédé le communisme (qui a droit à un bref chapitre de conclusion).

Je n’ai pas eu la réponse à ma question. En tout cas, ce livre est remarquable, et remarquablement facile à lire. Au fond ce que je cherchais était, comme d’habitude, d’identifier les « invariants » du comportement russe. Là aussi, je ne suis pas sûr d’avoir atteint mon but. Voici ce que je retiens :

Impérialisme défensif
Ce qui semble pousser la Russie depuis ses origines, c’est un « impérialisme défensif » : à chaque fois qu’elle conquiert un nouveau pays, elle se sent menacée par ses nouveaux voisins, qu’elle se sent obligée de conquérir.
Son histoire, parti communiste inclus, paraît celle de cette expansion. Au début, au neuvième siècle, c’est l’instabilité. Les Varègues (les Vikings de l’est de l’Europe) puis les Mongols apportent un début d’organisation et de civilisation. Progressivement un pouvoir central apparaît, l’autocratie, marque de fabrique de la Russie quasiment jusqu’à nos jours. Le régime se transforme par étapes. Initialement, du haut en bas, la Russie est construite sur le modèle du servage. La noblesse doit un service obligatoire à l’Etat. Pour lui fournir les moyens dont elle a besoin pour sa mission, elle reçoit des terres et des paysans. En 1762 la noblesse est libérée du service obligatoire. Les paysans, eux, perdent le peu de liberté qu’ils avaient (celle de changer de propriétaire) et deviennent esclaves. Il faut attendre 1862 pour qu’ils soient libérés. Mais ils demeurent liés à une sorte de commune paysanne. Peu de temps après, le pays découvre son retard sur une Europe transformée par la révolution industrielle. Pour financer son comblement, le gouvernement russe a besoin que sa population soit riche donc entreprenante. Le Moujik doit découvrir l’individualisme, et le pays un semblant de démocratie. Comme souvent, le relâchement des contraintes va produire la dislocation. Un empereur faible, des aventures guerrières malencontreuses (guerre contre le Japon) qui révèlent cette faiblesse, l’agitation d’un parlementarisme mal maîtrisé et révolution.

Expansion, autocratie et Occident
C’est l’instabilité interne à la Russie qui en a été la cause. Pas la guerre de 14, qu’elle était en train de gagner. Car la Russie est indestructible : elle n’a jamais subi plus que des revers, son expansion a toujours repris. Sa force était son immensité, et sa capacité à sacrifier son peuple. (Et aussi peut-être une sorte d’humilité qui lui permettait d’absorber les innovations extérieures.) D’ailleurs, elle est toujours apparue une grande puissance à ses contemporains. La remarque de Tocqueville que j’ai citée plus bas, selon laquelle la Russie et l’Amérique domineraient le monde, a frappé ses contemporains par la place qu’elle donnait à l’Amérique. Si aujourd’hui la Russie ne nous impressionne plus, c’est probablement de la faute de l’invention du nationalisme. Les populations des marges russes se sont vues comme des nations colonisées, ce qu’elles n’ont pas accepté.
La Russie se dit de temps à autres « asiatique ». Probablement pour se démarquer de l’Occident. Car, en dehors de son territoire, rien de sa culture ne semble particulier à l’Asie, beaucoup y est réaction à l’Occident. Depuis l’origine elle semble courir derrière les idées et le progrès occidental tout en ayant la plus grande des peurs d’y perdre son âme. D’où son inquiétude vis-à-vis du totalitarisme catholique.

Communisme et avenir
Il est tentant de voir le communisme comme un refus du changement, ou, au moins, une transition plus douce que celle qu’entrevoyait l’administration de Nicolas II. Là où cette dernière proposait individualisme et démocratisation et semblait incapable d’endiguer le sécessionnisme des nations périphériques, l’URSS a maintenu l’autocratie, la communauté paysanne et agrandi l’empire russe, tout en poursuivant le progrès économique occidental.
Il est aussi tentant de penser qu’elle n’est pas bien équipée pour le monde d’aujourd’hui : son expansionnisme est bloqué, sa capacité à sacrifier son peuple est de peu d’utilité, et il n’est pas très entreprenant.

Compléments :
  • Il semble qu’il y ait une similitude certaine entre la motivation et les résultats des réformes faites par Nicolas II et Gorbatchev. Faut-il avoir une poigne de fer pour guider un pays sur le chemin de la liberté ? (Voir aussi Louis XVI en leader du changement.)
  • Sur les réformes post Gorbatchev : Changement en Russie.

État policier

En France, il n’y en a que pour la répression :

  • On a eu une Hadopi, bancale, maintenant la police va faire régner la loi dans l’école, mais sans qu’il lui soit donné de moyens pour cela (si j’en crois un syndicaliste policier interviewé hier par le radio - et favorable à la mesure).
  • Et voila Lopsi2. Il s’agit d’espionnage d’ordinateurs. La Tribune demande à un expert de juger la faisabilité des mesures envisagées. Après avoir dit ses doutes, sa conclusion :

Il ne faudrait pas que nous installions des systèmes de contrôle informatique comme en Chine, ou en Iran, où les gouvernements ont instauré une politique de contrôle d'Internet. Et puis il y a une question importante d'ordre moral qui se pose quant au contrôle de l'Etat sur le Web. Existe-t-il une menace d'ordre public en France via des sites Internet qui justifierait un tel dispositif ?

Et la mienne :

  • Nouvel exemple de conduite du changement à la française. Des décisions qui partent dans tous les sens, aucun débat, des conséquences qui ne sont même pas envisagées, une mise en œuvre risible, car pas préparée.
  • Nous sommes en crise, nous sommes menacés par l’effet de serre, le système capitaliste dominant est critiqué par tous, et le gouvernement ne parle que de répression. Mais pourquoi ? Y a-t-il menace ? Pense-t-il que c’est ce que l’on attend de lui ? Croit-il que la punition puisse être un moteur pour une nation ?

La situation s’améliore ?

Coïncidence : à la fois Fouad Sassine, qui vit aux USA, et un dirigeant rencontré hier (qui ne semblait pas trop dans son assiette) me disent que l’économie américaine redémarre.

Ce blog a du mal à voir pourquoi : les raisons structurelles d'une reprise semblent manquer. Et je viens de trouver un article (The Next Leg Down: When Deflation Becomes Entrenched) qui m'approuve : les banques sont fragiles, le crédit ne circule plus, particuliers et entreprises épargnent. Normalement, ça signifie contraction.

Attendons donc. Le redémarrage de l’économie américaine, s’il survient, sera riche d’enseignements.

jeudi 28 mai 2009

L’étrange tactique de M.Obama

Décidément, le président des USA m’interloque. Lui et son administration suivent une étrange logique. 2 exemples parmi d’autres (banques, Guantanamo, guerres...) :

  1. Politique écologique. The Politics of Bait-and-Switch: Obama and the Environment : En à peine plus de 100 jours au gouvernement, les démocrates sous la direction de Barak Obama ont lancé une quantité de politiques anti-environnementales, qui auraient rendu enragé n’importe quel écologiste raisonnable des années Bush.
  2. Avortement, cheval de bataille des démocrates, quasi sujet de guerre civile entre Américains : son discours fut si accommodant pour les thèses des opposants à l’avortement que même le pape s’en est dit enchanté (Obama and Abortion Rights: What We Learned at Notre Dame).

L’étrange logique d’Obama et de son équipe semble celle-ci :

  1. Ils lancent une noble idée.
  2. Elle suscite l’ire d’un lobby quelconque.
  3. Ils diluent habilement la proposition, ce qui enchante leur opposition, et fait croire à leur camp qu’elle est acceptée.

Et s'il y avait une raison honnête derrière tant de faiblesse ? M.Obama est un homme de consensus. Il a trouvé un moyen pour satisfaire tout le monde : trahir son camp pour plaire à ses opposants. Mais c'est une trahison si intelligemment justifiée qu'elle n'en semble pas une. M.Obama, d'ailleurs, se prend peut-être à son propre discours.

900

Neuf centième billet, qu’est-il arrivé de nouveau depuis le numéro 800 ?

  • Je suis iconoclaste et révisionniste. Je ne peux plus supporter la présentation de mes premiers billets. Quand j’ai l’occasion de les retrouver, je les reformate. En particulier, j’ai décidé d’éliminer, le gras, l’excès de phrases en bleu, les introductions qui synthétisaient le texte. Je me débarrasse aussi des photos. Difficile à expliquer mais elles me semblent déplacées. Voulant conserver une trace de ma réflexion, je n’ai, par contre, pas réécrit mes billets. Je me contente d’en corriger les fautes et parfois d’en préciser le sens, quand il ne me paraît pas clair.
  • J’essaie aussi de cadencer un peu mieux l’écriture des billets, de façon à ce qu’elle soit continue et non par à-coups. Ça me semble un peu plus confortable. Par contre, je constate qu’écrire est une discipline permanente : tout arrêt rend la reprise difficile, et l’écriture maladroite.
  • Écrire un blog est un exercice intermédiaire. Jusque-là j’écrivais des notes (dans des carnets) et des livres. Les notes sont quelques idées en vrac, dont je suis tellement content que je ne les approfondis pas, ce qui les rend rapidement illisibles. Les livres exigent réécriture sur réécriture. Le blog est entre les deux, il y a impératif de lisibilité, le contenu doit être compréhensible de lui-même, mais il ne réclame pas autant d’itérations que le livre. En quelque sorte c’est le format idéal qu’il faut donner à une pensée écrite pour qu’elle soit encore compréhensible quelques temps plus tard. Bizarrement, si je n’avais pas des lecteurs assidus, je ne suis pas sûr que je n’écrirais pas ce blog uniquement pour moi : son aspect public, qui m’a forcé à préciser mes idées, ne m’apporte maintenant plus grand-chose.
  • Il y a eu innovation. Jusqu’ici mes billets étaient de trois types : 1) réaction à un événement / article = une idée 2) synthèse de livre 3) note technique sur la conduite du changement (2) et 3) ayant pour vocation d’être repris dans la colonne de gauche du blog). Un quatrième type semble apparaître, un billet plus construit, une micro-enquête reposant sur plusieurs pièces à conviction.

mercredi 27 mai 2009

École du crime (4)

Ce matin, France Info demandait à des enseignants ce qu’ils pensaient de ce que voulait faire le gouvernement pour éviter les agressions à l’école (fouille de sacs, portiques).

Inutile et inefficace. Un interviewé remarque que la présence de surveillants, une fonction qui aurait disparu, est la meilleure prévention des incidents à l’école. Nouvel exemple de perversion du changement à la française : la cause du dysfonctionnement vient d’un précédent changement ? Ce sont les réformes gouvernementales qui génèrent l’inefficacité que veut ensuite réparer le gouvernement, ce petit manège nous précipitant finalement dans le chaos ?

Compléments :

  • quelques témoignages d'enseignants qui paraissent montrer que le gouvernement connaît très mal les conditions de vie de l'école, et qu'il tend à s'en prendre aux conséquences plutôt qu'aux causes.

Autres exemples de l’art du changement gouvernemental français :

Transparent Obama ?

Je trouvais que M.Obama manquait de souffle, un billet va dans ma direction :

Le chef de cabinet de B.Obama affirme que les crises favorisent le changement. (Tout à fait d’accord !) Alors, l’occasion a été ratée. Aucune réforme ne semble partie pour être un grand bouleversement.

Ce qui me frappe chez Obama, c’est de nobles principes, et rien derrière. Obama, homme de mots sans signification ? Faute de convictions chevillées au corps, qui lui donnent la volonté de se battre pour ses idéaux, les montagnes accouchent de souris. J’ai parlé ailleurs de ses guerres. Il semblerait qu’il en soit de même avec l’effet de serre.

Cela expliquerait-il pourquoi il laisse sans voix les humoristes ? Il n'a pas de consistance ?

mardi 26 mai 2009

Réforme pénale

Mireille Delmas-Marty, professeur au Collège de France, analyse les dernières réformes pénales. C’est extrêmement déprimant :

Des décisions sont prises sur l’inspiration de l’instant, sans aucune réflexion quant à leur conséquence, aux conditions de leur application ou à leur cohérence avec l’esprit de nos lois. Extraits :

- Nous mettions alors en garde le législateur contre les effets pervers de l'accumulation de réformes partielles, ajoutant de nouvelles règles qui ne s'accompagnent ni des moyens adéquats ni d'une réflexion d'ensemble sur la cohérence du système pénal : "Ce rapiéçage, parfois même ce bégaiement législatif, paraît irréaliste et néfaste."

Vaine mise en garde, car l'accumulation continua, à raison de deux lois en 1993, puis de nouveaux textes presque chaque année. La seule réforme d'ensemble (loi du 15 juin 2000) aura été aussitôt affaiblie par la même majorité (lois du 15 novembre 2001 et 4 mars 2002), puis par la nouvelle majorité élue en 2002 (lois 2004, 2006, 2007...).

- Une loi de 2007 tente de résoudre le problème en créant une collégialité mais, pour des raisons budgétaires, elle a été reportée à une échéance plus lointaine (2010, puis 2011).

- le projet de loi constitutionnelle, adopté par le Parlement en 1999, avait prévu une procédure de nomination des magistrats du parquet sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), mais il n'a jamais été soumis au Congrès

Ce que me frappe n’est pas tant que l’état semble chercher à condamner l’indépendance de la justice (avec attaque corrélative des droits de l’homme), que le formidable sentiment de bazar dans la gestion du pays qui ressort en négatif des recommandations de l’article (le soulignement est de moi) :

Une première garantie consiste à redéfinir la notion de politique pénale. Il ne s'agit pas de renoncer au principe selon lequel cette politique relève du gouvernement, mais au contraire de la rendre plus lisible en renouant avec la tradition des grandes circulaires qui ne sont pas la simple paraphrase des lois nouvelles mais se fondent sur des évaluations, quantitatives et qualitatives, indiquent les objectifs à moyen et long termes, évitant de répondre à chaque fait divers par une loi nouvelle. Il serait nécessaire aussi d'organiser, sur le modèle proposé en 1999, un débat annuel au Parlement, précisément pour annoncer les objectifs, évaluer les résultats et faire comprendre une politique parfois difficile à suivre (comme, par exemple, l'accumulation de textes en matière de récidive depuis la loi de 2005).

Au moins puis-je terminer sur quelque chose de positif. On a là ce que devrait faire un gouvernement : bâtir un premier mécanisme qui identifie les problèmes à résoudre, et un second qui les résolve. Un processus collectif dont on soit sûr qu’il reflète la rigueur scientifique et l’intérêt général et pas les lubies de tel ou tel.

Innovation et effet de serre

Le retour des jardins suspendus : bientôt il n’y aura plus que des villes et plus aucun champ. Pourquoi ne pas amener les campagnes à la ville ? De grandes tours où se retrouveraient des étages de cultures auto-suffisantes. Une tour pourrait alimenter 50.000 personnes. Les recherches de la NASA sembleraient indiquer que c'est faisable.

  • Projet peut-être difficile à réaliser, mais qui semble simple et élégant parce qu’il ne nous demande pas beaucoup de changements : la population évolue comme elle a prévu de le faire ; les tours c’est du BTP et de l’agriculture…
  • Mais pourquoi l’effet de serre ne suscite pas plus d’idées de ce type (cf. billet précédent) ? Incapacité du marché à faire autrement que de produire ce qu’il a toujours produit ? N’est-il pas temps de lancer des recherches sans rapport avec lui ? Ce qui ne signifie pas qu’elles ne seront pas rentables : notre gestion de la planète crée la rareté, demain le litre d’air et la tomate seront hors de prix.
Pour l’innovation dont a besoin la survie de l’homme, il faut une vision à très long terme que n’a pas l’entreprise.

Compléments :

  • L’ère de la planification : une période où il y avait moins de marché et plus d’état, et qui innovait (malheureusement stimulée par la guerre froide).

Stretch goal

Stretch goal : terme technique souvent employé par les universitaires du management, les consultants et moi. À force d’en entendre parler, je me demande s’il n’a pas un sens que j’avais raté :

L’idée qu’il véhicule est que le succès est à la dimension de l’objectif. À vaincre sans péril on triomphe sans gloire. D’ailleurs, paradoxalement, un ami psychanalyste m’a fait remarquer que plus l’objectif est démesuré, plus il est facile à atteindre. Demandez à vos collaborateurs d’arriver à l’heure à une réunion, échec certain ; ils auront plus de chances de trouver le moyen de sauver votre entreprise de pertes effroyables. Pourquoi ? Parce qu’un objectif invraisemblable nous fait perdre nos repères, oublier ce qui nous semblait impossible. Il est donc propice à la créativité.

Mais je crois déceler une dérive, principalement anglo-saxonne. Si je suis un grand patron, je dois me donner des objectifs insensés. Je les atteindrai : ne suis-je pas un héros ? C’est ainsi que fonctionnait Enron. C’est aussi peut-être ce qui explique la bulle spéculative et son gonflage par les meilleurs d’entre-nous ?

Si l’on dérive plus loin, on en vient à croire que le meilleur héritage que nous puissions laisser à nos enfants est un désastre écologique. N’est-ce pas une preuve de confiance ? Du coup nous pouvons détruire la planète sans autre considération. C’est la fameuse « destruction créatrice » qui avait un tel succès pendant la nouvelle économie. C’est aussi un élégant moyen de faire mentir Malthus. Je me demande si l’échec des prévisions de Malthus n’a pas amené certains à penser que non seulement l’homme n’est pas menacé d’épuiser la planète, mais que c’est parce qu’il l'épuise qu’il doit être génial. Alors, il est contraint de sauver sa vie, et doit donner le meilleur de lui-même, d'où invention, technologie… La catastrophe imminente est le moteur de la science. Jouons donc avec le feu, ça stimule notre anxiété de survie.

J’en arrive à me demander (une fois de plus) si la science économique et du management n’a pas pour seul objet de démontrer qu’il faut laisser les classes d'affaires faire ce qu'elles veulent.

Compléments :

  • Ces considérations pourraient compléter le paragraphe « lutte des générations » de mon billet sur l’Individualisme.
  • L’usage de la science par la classe possédante pour défendre ses avantages acquis remonterait, au-delà d’Adam Smith, à l’aube de la pensée anglaise : Droit naturel et histoire.

lundi 25 mai 2009

Couper les ailes de la City

« Le Royaume Uni a un cauchemar stratégique : il a un fort avantage comparatif dans l’industrie la plus irresponsable au monde ». Début d’un article de Tom Wolf, important journaliste économique au Financial Times.

Si l’on ajoutait aux revenus de l’industrie financière, dont s’enorgueillit le gouvernement anglais, ses externalités, c'est-à-dire ce qu’elle coûte au pays, on verrait qu’elle est une malédiction. Il faut sévèrement réduire sa taille, lui donner un fonctionnement sans danger, et aider l’Angleterre à occuper par des activités honnêtes la place laissée vacante.

L’Angleterre adopterait-elle la même attitude vis-à-vis de la finance que vis-à-vis du terrorisme ? Découvre-t-elle qu’elle ne peut en circonscrire les retombées radioactives à l’étranger ?

L’école du crime (3)

Un commentateur de la radio explique que le gouvernement vise son opposition quand il parle de condamner la jeunesse. L'opposition va réagir brutalement, et sa réaction va irriter l’électorat traditionnel du gouvernement, qui va venir voter en masse pour lui. C’est aussi bien pour l’électorat de l’opposition qui adore ce type de provocation, c’est pour cela qu’elle obligera le gouvernement en émettant la réponse stupide qu’il attend.

Voici un exercice de démocratie qui me ramène à un paradoxe qui me trotte dans la tête depuis longtemps. Pourquoi notre revirement d’attitude vis-à-vis de la jeunesse ? J’habite à côté d’une école privée qui semble fréquentée par le meilleur monde. Or, une de mes voisines en veut à mort à ses élèves (d’ailleurs j’ai cru entendre une autre voisine parler d’appeler la police pour je ne sais plus quoi).

J’aurais compris que l’on puisse avoir peur qu’une jeunesse de banlieue veuille se venger du mauvais traitement qu’on lui fait subir, de l’espoir qu’on lui refuse. Mais quel est le danger que peut présenter le fils de Bobo ?

Une hypothèse : la vie. Notre société vieillit et trouve inquiétant, et incompréhensible, le comportement des enfants ?

Compléments :

  • La tactique gouvernement opposition ressemble beaucoup à ce qui se passe entre républicains et démocrates aux USA : Amérique: intello contre bouseux.
  • La haine du vieux pour le jeune pourrait ressembler à celle que je prête aux femmes dans les cultures machistes : elles formeraient leurs fils à les venger / elles chercheraient à détruire les femmes qui auraient la liberté qu’elles n’ont pas. Youssou N’Dour.

dimanche 24 mai 2009

Égalité

Quand je rapproche mon billet sur l’égalité des sexes de ce que dit Rousseau sur l’égalité, je me demande, si, une fois de plus il n’y a pas eu dérive de sens :

Pour Rousseau, l’égalité est une condition nécessaire de la liberté. Ce qui compte c’est qu’aucun homme ne puisse en asservir un autre. L’égalité, d’une certaine façon, est accessoire. D’ailleurs c’est une égalité de puissance et de fortune.

Aujourd’hui l’égalité est passée du statut de moyen à celui de fin.

Je comprends l’énervement des Anglo-saxons à notre endroit : eux veulent la liberté de donner la mesure de leur talent, nous cherchons à ramener tout le monde au même niveau. Notre égalité est une sorte de refus de la différence, contre nature et anti-sociale : non seulement nous naissons différents, mais la société nous spécialise à outrance.

Manoeuvre d’une minorité pour modifier un ordre social qui lui semble injuste ? Elle joue sur les règles qui tiennent ensemble l’édifice social pour obtenir de manière mécanique ce qu’elle veut ?Ce qui retourne l’idée de Rousseau : l’égalité mal comprise est attentatoire à nos libertés.

Mais pourquoi devrait-elle l'être ? Ne pourrait-elle pas trouver d’autres arguments pour exprimer ses désirs. Ils n’ont certainement rien de honteux. Pas besoin de les cacher derrière de grands principes et de nous imposer des changements qui ne nous concernent pas.

Pourquoi la Révolution industrielle ?

Robert C.Allen démontre que, si la Révolution industrielle a eu lieu en Angleterre, c’est que les machines qui ont été sa marque de fabrique n’étaient pas rentables ailleurs.

La Révolution industrielle résulte d’un enchaînement étonnant de faits. L’Angleterre domine l’industrie de la laine, au moment où apparaît un marché européen ; elle se construit un empire que, à l’opposé de ses théories économiques actuelles, elle gère de manière mercantiliste. La population de Londres explose, plus de bois, il faut exploiter industriellement le charbon, qui devient « l’énergie la moins chère au monde ». La demande de main d’œuvre des villes et le commerce international enrichissent énormément l’Anglais, qui change d’alimentation, ce qui force l’agriculture à se transformer pour répondre à cette demande. Main d’œuvre coûteuse, et charbon bon marché : le terrain est propice à l’arrivée des machines. D’autant plus qu’éducation, essentielle à l’invention, et prospérité vont ensemble.

Ailleurs dans le monde ces machines ne sont pas compétitives : ou la main d’œuvre y est mal payée, ou le charbon y est trop cher. Si elles finissent par dominer la planète c’est qu’à force d’innovations, les ingénieurs anglais ont su les adapter aux conditions étrangères.

Trouble shooter III

Trois invités :

  • Ronald Berger-Léfébure aborde un problème délicat. Il est appelé par une famille pour remettre sur pieds l’entreprise familiale. Mais il se rend compte que la réorganisation qu’il propose demande de faire sortir un membre de la famille de l’entreprise. Doit-il se censurer, pour sauver son emploi ? Il a procédé en deux temps : il a d’abord prouvé qu’il était un homme honnête et compétent, il a ensuite expliqué comment il était arrivé à sa conclusion. Réflexion personnelle : peut-être que ce genre de décision délicate était ce qu’attendait de lui son employeur ? Le risque aurait été de ne rien faire ?
  • Michaël Pinto dirige Nexance, cabinet de conseil / éditeur spécialisé dans les Balanced Scorecards. Son exemple ressemble beaucoup à mon expérience du changement (d’ailleurs mon livre 1 parle de BSC). Un nouveau dirigeant doit réformer radicalement une entreprise qui ne va pas très bien. Il a peu de temps pour acquérir la confiance des actionnaires (« 100 jours »), mais il devra vivre ensuite avec les décisions qu’il aura prises. Il a l’intelligence de comprendre qu’il ne peut pas faire grand-chose sans ses équipes opérationnelles, qui connaissent un métier qu’il ne connaît pas. Les BSC font écrire par les membres de l’entreprise le plan de mise en œuvre du changement.
  • Thibaut Béchetoille raconte l’histoire de Qosmos, dont il prend la direction en 2005 et qu’il trouve avec une technologie, mais pas de marché. Problème ? Ce que le marketing appelle « positionnement » : trouver un segment défendable sur lequel l’entreprise a un avantage unique, pour lequel le marché est prêt à payer cher. Et il utilise la même technique que moi dans ces conditions, celle que je nomme « conception de concept » : il identifie une quinzaine de pistes, et les explore. Aucune ne marche vraiment, mais cette rencontre avec le marché lui donne l’idée qu’il cherchait : d’un seul coup il comprend ce que son entreprise a d’unique, et qui plaît au marché. Parallèlement, il a dû maintenir en vie l’entreprise. Contrairement à ses prédécesseurs, qui couraient le grand compte à la recherche du contrat du siècle - en perdant beaucoup de temps, il a joué les petites réussites pragmatiques. 2 bons conseils pour ceux qui se trouvent devoir redresser une start up.

samedi 23 mai 2009

Rohmer (suite)

Nouvelles idées :

  • Dans les 3 derniers, il y avait une scène trop longue. Était-ce voulu ? Ça ressemble à une phase de dégel : au-delà de l’instant trop long la personne défend un point de vue alors qu’elle a changé d’avis. Comme le montre la scène d’après.
  • D’une manière générale, Rohmer semble s’intéresser à l’opposition entre actes et paroles.
  • Il fait des événements insignifiants du quotidien quelque chose qui emplit l’écran, exactement comme dans notre vie. Mais à l’opposé des histoires invraisemblables que racontent d’habitude les films.
  • Reste ce marivaudage très littéraire : parlons-nous ainsi ? Les proches de Rohmer parlent-ils ainsi ? Ou est-ce un moyen de rendre agréable une discussion qui, sans cela, semblerait insupportable, ou vide ? Un moyen d'exprimer les sentiments ?...

En tout cas, j’aimerais que ma vie quotidienne parle comme celle de Rohmer.

vendredi 22 mai 2009

Les malheurs de l’Irlande

De temps à autres, je me demande pourquoi l’Irlande va mal. Il y a quelques années, on nous la présentait comme le modèle à imiter, et, brutalement, elle connaît un trou d’air (PIB à -5% sur 2008, - 9 en 2009). Pourquoi ? Une étude apporte un complément d’information :

  • L’Irlande a vécu une super bulle immobilière (prix de l’immobilier + 270% en 10 ans) qui semblait devoir faire la fortune de tous, et un genre de subprimes local. Les banques représentaient il y a peu 40% des capitalisations boursières (moins de 10% aujourd’hui – avec une capitalisation globale ayant baissé de près de 4/5èmes), et les taxes sur l’immobilier enrichissaient un état pas trop regardant sur la réglementation du marché, et qui poussait au crime. Du coup les industries d’exportation irlandaises (dont on nous disait tant de bien) ont perdu de leur intérêt, d’autant plus que la main d’œuvre devenait de plus en plus chère.
  • Aujourd’hui, les banques sont en respiration assistée ; les marchés traditionnels des exportations irlandaises, USA et Angleterre, dévaluent leurs monnaies à-qui-mieux-mieux ; l’état est surendetté, et n’a pas les moyens d’un plan de relance. L’Irlande ne serait même pas en mesure de profiter d’une reprise mondiale.
  • Comment va-t-elle se tirer de ce cauchemar ? L’auteur parle, mystérieusement, des atouts suivants : « un faible niveau d’imposition de l’entreprise et une main d’œuvre qualifiée parlant anglais (...) Espérons qu'ils vont aider à attirer de nouveaux moteurs de croissance ».

Pour une société de parasites ?

Affrontement entre Dick Cheney et Barak Obama. Le premier défend la torture, qui a permis de sauver des vies américaines. Le second affirme que l’on ne transige pas avec la morale.

Que fait un Dick Cheney ? Ce qui lui semble bien, sans souci des lois. Pourquoi s’en soucierait-il puisqu’il sait qu’il a raison. Que se passe-t-il alors ? Un homme décide du sort de ses semblables, selon son bon vouloir. C’est la définition du totalitarisme. Son comportement nie le libre arbitre humain.

Et s’il avait raison ? Que va-t-on dire alors à la république bananière qui torture ses opposants ? Crime contre l’humanité ? Elle vous répondra qu’elle ne voit pas MM.Bush et Cheney dans le box des accusés. Vous lui répondrez que la loi du plus fort est la meilleure et que vous êtes le plus fort. Mais le serez-vous demain ?

Ne pas obéir aux lois n’est pas seulement opposé à notre intérêt, c’est aussi la faillite de l’intellect. N’y a-t-il que la torture pour démasquer les menées contre la sûreté de l’état ? D’ailleurs, avoir recours à la torture n’empêche-t-il pas la police de rechercher des moyens plus efficaces de nous protéger ?

Mais toutes les lois sont-elles justes ? Notre gouvernement légifère à tour de bras. Avec raison ?

Il légifère sous la pression populaire. Une enseignante est agressée, on condamne la jeunesse. Vox populi vox dei ? Bizarrement, il y a beaucoup de gens qui tuent et qui ne sont condamnés à rien. Pourquoi ? Crime passionnel, légitime défense, ou simplement doute. La différence entre le jugement du peuple et ces condamnations c’est la justice. Comment pouvons-nous condamner la jeunesse sans entendre au moins ses avocats ? Ce que notre gouvernement attaque, c’est l’état de droit.

Malheureusement, il a beaucoup de complices. À commencer par ceux qui sont les premiers à le condamner. Car, à l’image d’Obama, nous sommes tous victimes de « l’éthique des valeurs », il existe des principes saints (« égalité »), qui une fois brandis valent condamnation sans appel. Les journaux, les intellectuels… refusent le débat, ils savent. Or, la démocratie, c’est le débat. C’est lui qui produit la « volonté générale », qui, a son tour, produit des lois « justes ».

S’il y a quelque chose à reprocher à notre gouvernement, c’est, paradoxalement, sa cohérence. Toutes ses lois vont dans la même direction : la concurrence de l’homme avec l’homme. C’est nier le principe même de la société, qui est la solidarité. Le résultat d’une telle politique est étudié par les théories économiques (ce qui leur a valu le nom de « the dismal science » soit, approximativement, « la science déprimante »). C’est un monde de pénurie, c’est l’exclusion, c’est une société de classes. Surtout, ce monde de parasites traversé par les crises suscitées par l’aléa moral est extrêmement fragile face aux agressions externes, il est peu durable.

Le plus affligeant dans cette histoire est que je ne fais que reprendre l’argumentation des Lumières sur laquelle notre société est supposée avoir été bâtie. Pourquoi ignorons-nous la pensée de nos pères fondateurs ? Pourquoi des juristes n’ont-ils pas la moindre idée de l’esprit de nos lois ? Mais qu’est-il arrivé à l’éducation nationale ?

Compléments :

Motivation de Maslow

Un article d’Annie Kahn illustre la théorie sur la motivation humaine, de Maslow :

  • L’article commence mal, il reprend la thèse anglo-saxonne, selon laquelle la France, du fait de ses rigidités, sortira après tout le monde de la crise (ou, comme d’habitude, au moment de la prochaine crise ?). De manière inattendue, il conclut qu'il n’y a rien de certain « "La France passe son temps à nous étonner", ajoute le professeur Garelli. »
  • Maslow dit que le sommet de la motivation humaine est « l’auto-réalisation », la transformation de son identité en ce qu'elle doit être. Or, l’identité de l’homme est liée à celle du groupe auquel il appartient. Au début de l’article, ma nationalité était un fardeau ; à la fin, j’aurais presque pu dire que j'étais français, à l'étranger.
Voilà un truc pour dirigeant : rendez vos employés fiers de leur entreprise, ils feront des miracles.

Compléments :

  • La nécessité pour l’homme de réalisation sociale : A lire absolument.
  • MASLOW, Abraham Harold, Motivation and Personality, HarperCollins Publishers, 3ème edition,1987.

jeudi 21 mai 2009

L’école du crime (2)

J’écoute distraitement la radio. Un instant, j’ai l’impression d’entendre parler d’Amérique (L’école du crime) :

Le ministre Darcos veut faire fouiller les sacs des élèves ; deux enfants de 6 et 9 ans sont arrêtés par 6 policiers et passent deux heures au poste de police.

Intéressant moment de notre histoire. Basculement des principes de notre culture. D’innocent, l’enfance est en passe d’être présumée haïssable. Notre société attaque son avenir ? Espérons qu’elle n’y réussira pas, sinon il y aura eu crime, contre l’humanité.

Assurance santé à l’Américaine

Ce blog est quelque peu dubitatif quant à la personnalité de Barak Obama. Mais dernièrement son opinion vacillait. Ne méritait-il pas de l’estime pour sa réforme du système de santé ? Après tout c’est un des systèmes les plus inégalitaires au monde, et ceux qui ont tenté de l’améliorer ont été mis en déroute (Clinton en 94). Lui semble réussir.

La faillite de ce système est étrange. Tout d’abord c’est un des rares qui ne propose pas de couverture universelle. 47m de personnes n’étaient pas assurées en 2007, avant la crise. Or, il est extrêmement inefficace. Il coûte, en moyenne par personne, 60% de plus que le système français (90%, si l’on se ramène à la population assurée). Curieusement, le budget de l’état qui lui est consacré (45% du coût total), toujours par personne, est sensiblement égal à celui de la France (80%).

Je n’ai pas regardé de près la question, mais elle ressemble à une observation qui me frappe à chaque fois que je rencontre le monde anglo-saxon (par exemple les habitations ou hôtels dits « de luxe »). L’économie de marché, certes, crée des riches et des exclus. Mais ces riches sont bizarrement riches : ils ont de la quantité, mais pas de qualité. L’explication vient peut-être de ce que le tissu social est privé de tout : il n’y a pas d’accumulation de savoir-faire, sinon dans la mémoire des ordinateurs. Le service, pour un Américain, c’est un affamé qui n’a reçu aucune éducation, et qui obéit à une procédure sans la comprendre (principe du management scientifique de Taylor).

Retour à Obama et à sa campagne. Elle semble bien partie non du fait de son talent mais de la collaboration des traditionnels résistants au changement, l’industrie pharmaceutique. De là à penser que l’ancien système ne servait plus ses intérêts et qu’elle avait besoin de quelqu’un pour le réformer sans lui faire perdre la face…

Alors, Obama représentant du pragmatisme américain à son meilleur ? Art du changement pour ne pas changer ? Les milieux d’affaires ont compris qu’ils étaient allés trop loin, et que l’extrémisme sans nuance de George Bush menaçait de les rayer de la carte ? Ils auraient choisi un président qui les défende intelligemment, enfin, et qui ne leur ressemble pas, surtout ?

Compléments :

  • Wikipedia parle des différents systèmes de santé mondiaux. Le système français aurait été trouvé le meilleur. Mais pourquoi le réforme-t-on aussi brutalement alors ? Une fois de plus, est-ce une erreur de conduite du changement ? On prend quelques dysfonctionnements pour un vice mortel du système ? Mais le nouveau modèle que l’on nous propose n'est-il pas celui qui a échoué aux USA (où l’on parle de système de santé « orienté marché ») ?
  • Un de mes premiers billets irait peut-être dans le sens de ma conclusion : les premiers à avoir parié sur Obama sont les milieux du capital-risque de la Silicon Valey. Je ne peux m’empêcher d’imaginer que, comme pour leurs plus grands coups, l'inconnu Obama a dû susciter chez eux une sorte d’extraordinaire éclair de génie : bon sang, mais ce nègre est l’un des nôtres, et peut-être le meilleur !
  • Un billet qui montre l'extraordinaire pargmatisme des milieux d'affaires américains et les adaptations qu'ont subies leurs idées pour survivre aux crises qu'elles ont suscitées : Consensus de Washington.

Avenir de l’économie

Les économistes semblent d’accord, faute d’avoir eu le courage d’appliquer un régime suédois aux banques, on est parti pour le scénario japonais.

Un système financier faiblard, tenu à bouts de bras par l’état. Mais un état salement endetté, et qui devra imposer ferme. En conséquence, une économie qui est mal alimentée.

En fait, il n’est pas certain que le scénario soit aussi homogène que cela : la Chine va plutôt bien. Peut-être va-t-on avoir un jeu du gendarme et du voleur entre créditeurs et débiteurs (Angleterre et USA), qui essaient par tous les moyens monétaires d’exporter leur crise. Résultat : fourmi, cigales et dindons de la farce ?

De même pour les entreprises.

  • Les producteurs d’énergie, par exemple, sont riches. Ils devraient bien se porter. D’ailleurs la mise en coupe réglée des fonds sous-marins pourrait leur donner, outre un désastre écologique, de quoi alimenter l’effet de serre pour longtemps. Mauvais temps pour les énergies renouvelables ? Elles ont besoin d’investissements et de « l’anxiété de survie » de la population, ce qu’une économie anémique pourrait leur refuser.
  • Pour les autres, il est possible qu’elles doivent se rabattre sur le scénario russe des années 90 : le troc.

mercredi 20 mai 2009

Baroud d’honneur

Je disais dans un billet qu’Obama avait choisi un nettoyeur pour l’Afghanistan. Il y a une raison pour cela : la partie est mal engagée et les USA voudraient en finir vite.

Parlant du nouveau général « c’est simplement le meilleur joueur sur le terrain. On est dans les arrêts de jeu, n’importe quelle équipe l’utiliserait ».

Le précédent, qui voulait protéger les civils, s’était mépris sur ce qu’Obama disait des droits de l’homme. Le nouveau, par contre, ne s’embarrassera pas de ce genre de subtilités (« (ses commandos) ont figuré dans les pires ratages, dans lesquels de grands nombres de civils ont été tués par des frappes aériennes »).

Le pouvoir de la religion

Pour The Economist les gaffes du pape sont une conséquence de son éloignement du monde.

Qui se préoccupe de leurs conséquences ? Mais ça n’a pas été toujours le cas. L’église a eu jadis un pouvoir immense. Et ses dirigeants, qui ne devaient pas être plus au fait des réalités que les actuels, avaient le désir d’imposer leurs volontés.

C’est peut-être pour cela qu’elle a suscité la haine du monde anglo-saxon et des laïcs français et québécois, la peur des orthodoxes et une réforme à l’Europe centrale. Si la liberté c’est obéir à des lois impersonnelles (si possible librement consenties), l’arbitraire des hommes de l’Eglise a dû être difficile à supporter.

Complément :

  • Ce qui se passe quand un homme impose ses idées à ses concitoyens : ARENDT, Hannah, Le système totalitaire : Les origines du totalitarisme, Seuil, 2005.

mardi 19 mai 2009

Changer pour ne pas changer

Une conversation me rappelle une idée récurrente : la réelle raison du changement est de préserver ce qui est essentiel pour soi, ou un groupe humain. Synthèse floue :

  • Il y a deux raisons au changement : l’ambition, le désir d’obtenir quelque chose que l’on ne peut pas obtenir, et le malaise, le fait que l’on ne puisse plus obtenir ce que l’on obtenait avant du fait de l’évolution permanente de notre environnement.
  • La plupart du temps, ce n’est pas parce qu’il y a nécessité de changement que le changement réussit. S’il réussit, il le fait de deux façons : le changement imposé en force, qui est une défaite, et qui conduit à l’abattement, à une destruction partielle ; la « régénération », qui permet de mieux comprendre ce qui « compte vraiment » dans les règles que l’on suit, de se « réaliser ».

Bizarrement, à chaque changement réussi, « l’être », les règles qui guident notre comportement, se précise donc, ou se construit. (Conséquence : ce qui croit avoir atteint la vérité serait condamné à une disparition rapide, puisqu’incapable de se renouveler.)

Si l’on suit Montesquieu, Rousseau ou Tocqueville, ces règles ne seraient pas en vrac, mais elles s’organiseraient suivant un principe qui leur serait propre. La durabilité d’une organisation serait-elle liée à la capacité de ce principe à nous inspirer des solutions judicieuses aux occasions de changement de la vie ?

Peut-être aussi une même organisation peut elle avoir plusieurs principes. Elle aurait une multiple personnalité. De même que le gouvernement semble intégrer des éléments de common law dans notre droit romain. Soit cette schizophrénie tue l’organisation, soit un principe domine, soit un nouveau principe qui englobe les deux autres apparaît ?

Un espoir pour l'industrie du contenu ?

Vodafone ne va pas bien (le marché du mobile s’essouffle à l’Ouest) mais a beaucoup de clients (290m). Il voudrait s’allier avec d’autres opérateurs pour monter une « plate-forme » qui permettrait aux offreurs de contenu de proposer des produits pour un milliard (si tout se passe bien) de portables. Voilà qui illustre peut-être mes théories :

  • Vodafone a compris qu’il faut transférer du cash du contenant vers le contenu, et non taper sur le client (qui ne peut probablement pas payer beaucoup plus qu’il ne le fait aujourd’hui pour contenant + contenu).
  • On serait dans le scénario deux du billet qui traitait de la question. Cette solution serait mieux que l’anarchie qui semble guetter la presse, mais loin d’être optimale. (Industrie du contenu pâlotte.)
  • C’est de nouveau le modèle Apple qui est copié. Apple a quelque chose de fascinant : innover est extrêmement dangereux, surtout lorsque l’on est seul. Apple semble le seul à innover à répétition et à, à chaque fois, toucher le marché.

L’efficace M.Obama

Un précédent billet observait le peu d’intérêt européen pour la vision d’avenir d’Obama : plus de bombe nucléaire, nettoyer l’Afghanistan. Comme le pensait The Economist, ils avaient tort.

  • On s’attendait peut-être à ce qu’Obama anti-Bush veuille dissoudre la résistance des Talibans en les submergeant des bienfaits de l’Occident, comme le faisaient ces barbares de Chinois avec ses voisins. Non, l’opposition Bush-Obama ne se joue pas sur ce plan. Elle porte sur une question d’efficacité. À en croire ses actes, Obama penserait que Bush était un piètre commandant en chef. Ainsi, Obama vient-il de nommer un général qui est le champion du meurtre : avec un tel homme, aucun des chefs Talibans ne devrait survivre. Après tout n’est ce pas ainsi que les Russes ont pacifié la Tchétchénie ?
  • Et d’ailleurs pourquoi s’offusquer des morts civiles ? Ce n’est pas incompatible avec la définition des droits de l’homme américaine : une étude citée par un lointain billet : la jurisprudence en la matière définit clairement manquement aux droits de l’homme = hostilité aux USA.
  • Finalement, M.Obama fait ce qu’il dit. Non seulement il va effectivement liquider l’Afghanistan, mais on a peut-être trouvé par quoi il va remplacer la bombe H : par des munitions au phosphore, qui sont, justement, utilisées en Afghanistan.

Compléments :

  • Les tactiques chinoises sont dans : GERNET, Jacques, Le monde chinois, Armand Colin, 4ème édition, 1999.

lundi 18 mai 2009

De l’égalité des sexes

On m’a demandé de remplir un questionnaire sur les moyens d’établir l’égalité des sexes, et, accessoirement, des majorités et minorités. (Au travail.) Le dit questionnaire m’a laissé songeur. Quelles sont les conséquences de l’injustice dénoncée par le questionnaire ? Que serait un monde juste ?

  • La vie de couple doit être une guerre. Presque partout, il doit y avoir des femmes dont la carrière n’est pas ce qu’elle devrait être. Comment un assemblage exploiteur / exploité (maître, esclave ?) peut-il tenir ? Conflit permanent ?
  • Mais la notion de « carrière » ne concerne qu’un bien petit nombre de personnes. Les pauvres, eux, n’ont pas de carrière. Finalement, ils sont égaux. D’ailleurs, j’ai l’impression qu’ils ont besoin d’être deux là où un suffisait par le passé. Si j’ai raison, qui a récupéré le gain ainsi réalisé ?
  • Plus curieux : à quoi ressemblerait un monde égalitaire ? Vus les horaires invraisemblables des cadres supérieurs, on se demande comment un couple ayant ces horaires pourrait avoir des enfants, et les élever. Peut-être faire appel à de la sous-traitance, comme le font nos ministres-femmes ? Mais pas à du petit personnel (pourquoi pas une nourrisse ?), un demi-monde où il n’est pas possible de faire carrière. Il faut plutôt envisager des entreprises d’entretien.
  • Il demeure la grossesse. Perte de temps dans une carrière. Comment compenser la femme pour ces années perdues ? J’ai peut-être une idée : comme elle vit plus longtemps que l’homme sa carrière pourrait se terminer plus tard. Elle démarrerait plus lentement, mais se terminerait plus fort. Reste l’inégalité entre femmes avec et sans enfants.

Conclusion ? On a là une combinaison d’éthique des valeurs et de problème de conduite du changement mal mené. On plaque sur la société une idée pour laquelle elle n’est pas prête. La société était organisée pour avoir un homme au travail et une femme à la maison, ou ayant un emploi mais pas une carrière. Si l’on veut changer une règle de la société, il faut aussi modifier les autres, de manière à ce qu’elles ne la rejettent pas. En particulier, on pourrait réduire le temps de travail, pour qu’à deux les époux travaillent comme un, et forcer les cadres à respecter ces horaires.

Du coup, toutes les femmes seraient obligées de travailler, de faire carrière. Mais le veulent-elles ? Celles qui le veulent sont elles une majorité ou une minorité ? Si elles sont une minorité ne risquent-elles pas de forcer leurs sœurs à adopter en masse un modèle qui n’est pas le leur ? D’ailleurs y a-t-il une réelle discrimination ou est-ce qu’en proportion les femmes ambitieuses réussissent aussi bien que les hommes ambitieux ? La minorité ambitieuse veut-elle un monde à son image ? (Mais alors, elle va réduire ses chances de succès ?)

L'égalité homme femme me semble un problème mal posé. Comment peut-on réussir un changement dans ces conditions ?

Complément :

  • La technique du questionnaire est appelée par les psychologues « framing » : elle sous-entend ce qui est le bien et le mal. SUSSMAN, Lyle, How to Frame a Message: the Art of Persuasion and Negotiation, Business Horizons, Juillet-Août 1999.
  • Le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley apporte une élégante solution au problème ci-dessus.

Il y a des bombes qui se perdent

Il y a un demi-siècle une bombe H aurait été larguée dans un fleuve américain par un bombardier endommagé.

L’armée a enterré l’événement, mauvais pour son image, jusqu’à ce qu’on s’en souvienne récemment. Aujourd'hui, après 50 ans de vie aquatique, il semblerait qu’il vaille mieux ne pas chercher à la récupérer, vu son état probable. Elle a peu de chances de faire les dégâts qu’elle a été conçue pour faire, mais une explosion spontanée de moindre importance est possible.

Bizarrement, il y a eu pas mal d’accidents d’avions transportant de telles bombes, notamment en Espagne, et au pôle nord. La plupart du temps, la charge de TNT de la bombe a explosé, en éparpillant des matériaux radioactifs sur de vastes superficies. Une partie de ces déchets aurait été récupérée par des personnels pas très bien protégés.

Le talentueux M.Obama

Une idée me vient en lisant The Impotent President : quand on possède les dons de Barak Obama, la politique est bien plus efficace que les affaires pour faire une rapide fortune. De là à penser que Barak Obama n’est pas plus profondément intéressé par l’amélioration du sort de son peuple que l’est, par la santé de son entreprise, le manager qui veut la présidence promise à son génie…

Le simple fait d’être président des USA assurera à B.Obama beaucoup d’argent. Si mes souvenirs sont bons la famille Clinton aurait amassé 100m$ en 10 ans.

L’article semble penser que c’est parce que ces futurs revenus dépendent d’intérêts qui n’ont pas intérêt au changement (notamment l’industrie de l’armement) qu’il n’a rien changé à la politique de George Bush et que les guerres étrangères ne sont pas prêtes de cesser (elles gagnent maintenant le Pakistan). Le budget de la défense américaine est 10 fois celui de la Chine…

Dans le même ordre d’idées, la quantité d’argent que versent les banques pour soutenir les campagnes des représentants du peuple est remarquable. Cela expliquerait que les tentatives de soulager le dit peuple d’une partie de ses dettes aient moins de succès que celles qui visent à faire la même chose avec les banques.

Décidément, le marché ne paraît pas faire bon ménage avec la démocratie (cf. dernier billet).

dimanche 17 mai 2009

Économie de marché et démocratie

Si j’en crois Tossed by a gale c’est mon scénario « invasions barbares » qui sera l’avenir de la Presse.

  • Dans les pays anglo-saxons elle semble presque plus mal en point que l’industrie automobile. En France elle est sous perfusion de l’état.
  • De nouveaux modèles émergent-ils ? L’agrégateur qui collecte des informations un peu partout et les interprète (le modèle de ce blog). Réinterprétation d’autant plus utile que la qualité des articles baisse rapidement. Cette catégorie contient non seulement des sites web, mais aussi des chaînes télévisées.
  • Et l’information qui sert de base à cette agrégation (information fondamentale ou enquête) ? « le journalisme coûteux, utile, comme la couverture de la guerre en Irak, sera de plus en plus financé par des organismes de bienfaisance ».
  • Conclusion ? « Cela signifie la fin d’un certain type de sensibilité civique qui était construite sur un accord général quant à ce qui est important et ce qui ne l’est pas ».

Si je comprends bien, on va vers un monde d’information spécialisée, et non plus généraliste, où il y aura des riches et des pauvres de l’information. Un pilier de la démocratie s’effondre ? 2 réflexions :

  • Bizarre. Partout où on le laisse seul, le marché semble créer des exclus. Rousseau avait probablement raison : pour garantir la liberté individuelle, il faut une certaine forme d’égalité.
  • Que faire ? Il faut probablement que l’état, représentant de la « volonté générale », aide « l’économie de marché de la presse » à se réinventer, avant qu'il ne soit trop tard. Plus facile à dire qu’à faire.

Microsoft devient un organisme financier

J’avais entendu dire que Microsoft avait levé un emprunt. C’était surprenant puisque l’entreprise est inimaginablement riche (20md$ de réserves). Mais ça ne m’avait pas fait réagir. Un blog américain fut plus intelligent que moi, la conclusion de son analyse :

In short, issuing debt looks like just the latest step on Microsoft’s way to being a company that uses financial engineering to boost its share price rather than inventing new products. Now I know that Microsoft has thousands of very smart and ambitious employees, so the fact that it has become a sinkhole where talent goes in and nothing new comes out is sad. The simplest explanation is probably that Microsoft is not too big to fail (although maybe it is – what would happen to our economy if nobody were around to fix security holes in Windows and IE??!!), but simply too big to manage. In addition, software has a tendency to get more and more unwieldy and difficult to modify as it gets bigger and older, and Windows is one of the biggest and oldest programs around.

So maybe it’s a smart move. But it isn’t anything for Bill Gates to be proud of.

Compléments :

Réforme de l’université et communauté délinquante

Dans Université : de l'inertie institutionnelle à l'incompétence de nos gouvernants, Erhard Friedberg fait une analyse qui me semble assez proche de la mienne. Elle conclut aux faiblesses des techniques de conduite du changement du gouvernement.

Il rappelle les théories de Michel Crozier auxquelles il a contribué. Mais, bizarrement, son texte m'évoque un phénomène dont parle Michel Crozier, alors qu'il n'y fait pas référence. Et si la perspective d’être évalués, de perdre leur égalité de façade, de se faire juger par un patron tout puissant... avait poussé les universitaires à se constituer en « communauté délinquante » (un terme qui vient de J.R.Pitts) ?

cette solidarité n’existe que dans une perspective de résistance, elle est dirigée contre les supérieurs, contre les groupes concurrents, et en même temps contre tout effort d’un ou plusieurs membres d’imposer aux autres leur direction. La communauté délinquante constitue pour tout Français le modèle implicite de toutes les activités collectives auxquelles il pourra participer. CROZIER, Michel, Le phénomène bureaucratique, Seuil, 1971.

Qui sont les gens exceptionnels ?

On a longtemps soupçonné qu’ils étaient partiellement autistes.

En fait, il semblerait que ce soit moins l’incapacité à construire un lien social qui soit un avantage concurrentiel que la tendance à l’obsession de l’autiste, qui l’amène à passer sa vie à contempler des gouttes d’eau ou à écrire des billets de blog.

samedi 16 mai 2009

Contrôle culturel

La crise a posé la question du contrôle des organismes financiers. Mais pourquoi s’arrêter à leur cas particulier. Peut-on laisser quoi que ce soit sans contrôle ? Mais qu’est-ce qu’un contrôle efficace ?

Les travaux de Galbraith sur la crash de 29, qui ressemble comme un frère au nôtre, me fait dire que contrairement à ce qu’on nous affirme, le contrôle a été déficient aux USA, non parce que les contrôleurs étaient incompétents car mal payés, mais parce que son élite partageait, et partage toujours, les mêmes idées.

D’ailleurs qu’arriverait-il à un monde globalisé et uniformisé, si sa classe dirigeante était prise du d'une crise de folie ? Comme le pensait Lévi-Strauss (Race et histoire), il faut peut-être s’inquiéter de l’appauvrissement de notre diversité culturelle.

Par conséquent, le contrôle demande une surveillance par des gens qui ne partagent pas les mêmes valeurs que ceux qu’ils contrôlent.

À ce sujet, si l’idée anglo-saxonne de faire payer le contrôleur par le contrôlé (cf. les auditeurs et les cabinets de notation) est dangereuse ce n’est pas tant parce qu’elle corrompt le contrôleur, que parce qu’elle amène le contrôlé à choisir un gendarme qui lui ressemble, comme il le fait quand elle recrute un collaborateur.

Une seconde idée, que suscite chez moi les blogs d’économistes américains (ou « Attrape moi si tu peux »), est qu’il est tout de même bien pratique que des criminels repentis nous expliquent ce que font leurs anciens collègues. Comment autrement contrôler des activités hyper spécialisées ?

Je conçois donc, provisoirement ?, un homme comme étant fait de deux couches :

  • l’une, qui est plus ou moins commune à l’humanité, lui permet de jouer son rôle de citoyen : c’est grâce à elle qu’il peut juger de ce qui se passe autour de lui, sans se laisser abuser.
  • L’autre lui est propre, ou propre à sa communauté : elle lui montre ce qu’il y a de bizarre, voire de dangereux, dans le comportement de ses pairs.

Que s’est-il passé entre Porsche et VW ?

Rocambolesque tentative d’acquisition de VW par Porsche :

D’après ce que je comprends, ces deux sociétés sont possédées par des cousins. Tout d’abord, Porsche semble avoir réussi, mais s’est endettée. Survient la crise, chute des revenus, difficultés à payer les intérêts de la dette. Pas grave, Porsche, maintenant propriétaire de VW, va mettre la main sur ses économies. Pour cela il faut qu’une loi élimine le veto qu’à la Basse Saxe sur les décisions du groupe. Or cette loi n’est pas approuvée. Et la Basse Saxe n’a que peu d’estime pour les manœuvres opportunistes.

Bizarrement, alors que Porsche a été à deux doigts du succès, VW retourne la situation et devrait faire de Porsche une de ses marques.

La vie des entreprises tient à peu de choses : l’ambition de quelques-uns et la chance. Et la Basse Saxe pour les empêcher de faire n’importe quoi ?

Logique du blog (2)

Surprise. Mon billet Hadopi quater suscite le même commentaire qu’Hadopi ter.

Du coup j’ai fait une recherche Google sur une phrase du commentaire, et j’ai trouvé 999 solutions.

Le commentaire attirant l’attention sur un blog, j’en ai déduit que son auteur appliquait littéralement Logique du blog.

Hadopi quater

Mes associés de GM2 disaient que « l’optimum économique est un optimum humain ». Ma réflexion sur Hadopi, dont je tire la ficelle depuis quelques billets, me fait me demander si, une fois de plus, ils n’avaient pas raison.

Si Hadopi est votée aujourd’hui et pas hier, c’est que les fournisseurs doivent imaginer que leurs risques sont limités : le marché est peut-être saturé en équipement haut débit ? Oui, mais leurs futures affaires, n’ont-elles pas besoin du moteur du contenu, et d’un moteur de plus en plus fort ?

Tout ceci ressemble au dilemme du prisonnier. Pour remettre sur pied l’industrie du contenu, taper sur le marché final va se retourner contre tout le monde. L’industrie du contenu ne sortira pas pour autant de son apnée, et celle du contenant risque de boire la tasse. En pleine crise, ce n’est guère judicieux. Mais comment organiser le transfert du contenant vers le contenu, en environnement fortement favorable au parasitisme ? C’est un sujet pour The Logic of Collective Action. J’en retiens 3 scénarios :

  1. On arrive à rendre tout ce beau monde solidaire, à créer une communauté. Cela peut-être fait par la force, par une loi, ou par la prise de conscience soudaine d’un intérêt commun (de même qu’une communauté se constitue quand des individus constatent qu’ils épuisent un bien commun).
  2. Il existe d’énormes acteurs du contenant, qui sponsorisent seuls le contenu, parce qu’ils ont moins à perdre ainsi qu’à se préoccuper de parasitisme. Le parasite profite de leur effort gratuitement. Mais cette solution est moins performante que la précédente, parce que c'est une société égoïste : la presse et le cinéma seront pâlots, l’industrie du contenant peu dynamique.
  3. Il y a dissolution du tissu économique concerné et des compétences acquises au cours des décennies. Un oligopole se constitue sur ses ruines. Le résultat ressemblera probablement à ce qu’ont dû être les royaumes barbares par rapport à la civilisation romaine.

vendredi 15 mai 2009

Donneur d’aide = animateur du changement

Comme je l’ai fait pour la résistance au changement, je ramasse en un billet les textes, idées et auteurs qui traitent du donneur d'aide, catalyseur du changement.

Donneur d’aide et process consultation
Edgar Schein observe que l’on ne peut pas transformer un homme ou un groupe d’hommes par la force. Par contre, de temps à autres, ils rencontrent une mauvaise passe (dépression). Dans ces conditions, ils sont ouverts à un petit coup de main. Le terrain est favorable au donneur d’aide.

Donneur d'aide et relation d'aide
Définition du donneur d’aide par Edgar Schein : c’est celui que l’on trouve utile. Le donneur d'aide sait rapidement se faire accepter comme une personne de confiance, à qui l'on s'ouvre de ses peines. (Voir Process consultation, pour une description du mécanisme d'acceptation.)

Donneur d’aide animateur du changement
Pour être un animateur du changement, le catalyseur du changement qui sait faire bouger une entreprise sans pouvoir, il faut être un donneur  d'aide.

Animateur et leader du changement
L’animateur du changement n’est pas le « leader » du changement de John Kotter (Leading change). La différence ? Le leader est un animateur, et un visionnaire. L'animateur n'a pas forcément de vision pour l'entreprise.

Le donneur d’aide tire sa force de la résistance au changement
L’animateur du changement remonte contre le courant, c’est la résistance au changement de l'organisation qui le fait avancer. Explication :

La source de résistance au changement est l’anxiété d’apprentissage. La résistance au changement est un appel à l'aide, qui est pris par tous sauf par le donneur d'aide comme l'expression d'un défi. L’animateur du changement tient sa force de ce qu’il apporte des solutions (souvent sa simple présence) qui font baisser cette anxiété. (Un autre moyen de comprendre son nom.)

Les forces qu’il utilise :
  1. Grand écart culture – nature. La culture tende à nous faire faire ce qui n’a rien à voir avec notre nature (nos parents veulent un ingénieur alors que nous sommes artistes). Celui qui fait ce qu’il pense devoir est généralement inefficace et haï de ses collègues. Il joue un rôle. Si le donneur d’aide arrive à l’amener à modifier la vision qu’il a de sa fonction pour qu’elle colle à sa nature, le problème est résolu.
  2. Dysfonctionnement interne : nous sommes inefficaces du fait de la désorganisation de l’entreprise. Exemple, les embouteillages : un problème d’organisation collective, non une question d’automobilistes. Le donneur d’aide joue les gendarmes : il est en dehors des organisations, et sait les faire évoluer, en demandant un coup de main aux uns et aux autres.
Le donneur d'aide est un électron libre. L’électron libre est ami avec tout le monde et se déplace partout dans l’entreprise. Surtout :
  1. il sait repérer les « hommes clés » ;
  2. il sait trouver le moyen facile à mettre en œuvre pour éliminer des nuées de dysfonctionnements désespérants.
Le donneur d’aide retisse les lois de la société
Herbert Simon dit (modèle de rationalité, cf. Administrative Behavior) que l’homme construit un environnement dans lequel il peut être rationnel = obtenir ce qu’il veut, quasiment sans réfléchir. Le besoin de changement vient de ce que
  1. il veut quelque chose de nouveau, qu’il ne sait pas obtenir, ou
  2. il veut quelque chose d’ancien, mais qu’il ne peut plus obtenir du fait d’un changement de son environnement.
Le donneur d’aide l’aide à tisser les lois qu’il pourra suivre en pilote automatique (raisonnement vrai pour l’homme comme pour l’organisation).

Donneur d’aide et système immunitaire
Les organisations semblent refuser tout ce qui est nouveau, à commencer par le changement, et ceux qui lui semblent liés, qu’ils soient consultants ou dirigeants. Le donneur d’aide traverse le système immunitaire parce qu’il répond à un besoin du « corps ». (Cf. note sur la résistance au changement.)

Communication de crise
Si vous voulez guérir quelqu'un d'un mal dont il n’est pas conscient ou qu’il ne veut pas voir, vous avez peu de chances de le convaincre de réussir. Le Donneur sait répondre au besoin perçu. Il sait voir derrière l'expression de ce besoin, souvent irrationnelle, un appel à l’aide mal formulé.

C’est la technique de la communication de crise : voix du peuple voix de Dieu. 

Comme le navigateur de la Transat, ce qui fait avancer le donneur d'aide, ce sont les tempêtes...

Comment reconnaître un donneur d'aide
Chester Barnard (The Functions of the Executive) a étudié ce qu'il appelle les « executives », dont le donneur d’aide est un membre. Il dit que ce type de personne a pour intérêt celui du groupe, non le sien propre. (Il est heureux du succès de l'organisation.) Il a deux qualités :
  1. il tient fermement aux règles du groupe, il ne leur fait pas d'entorses (cf. le modèle de Robert Merton),
  2. et il est capable de trouver, ou d’aider l’organisation à trouver, des solutions conformes aux règles du groupe aux questions qui traversent son chemin. En un sens il comprend mieux les intérêts et la stratégie de l’entreprise que le dirigeant lui-même. C’est un champion de l'analyse de la valeur, qui sait ce qui est important et ce qui ne l’est pas.
Son opinion n’est pas biaisée par un a priori. Il ne voit pas des clous partout parce qu'il a un marteau. Ainsi, être ami, parent, conjoint, ou membre d’une corporation ne prédispose pas à être donneur d’aide. Car alors, il y a biais et idées préconçues. Exemple :
L’utilisation du mot « profit » est un signal qui met en cause la notion même de confiance. (Kenneth Arrow, dans un autre billet)
Les techniques du donneur d'aide
Par la force des choses, le donneur d'aide a réinventé les sciences humaines. Il fait du coaching sans le savoir. Mais la science ne lui sera pas inutile : elle l'aide à faire systématiquement ce qu'il faisait bien par hasard ; d'amateur elle le rend professionnel.

Comment devient-on donneur d’aide ?
Le donneur d’aide, tout jeune, a voulu quelque chose qu’il n’avait pas le pouvoir d’avoir. Alors il a appris à utiliser les mécanismes informels de la société pour obtenir ce qu’il désirait.

Par conséquent, il appartient rarement à l'élite, à qui la société donne les ficelles du pouvoir.

Donneur d'aide : ça rapporte ?
Comment exploiter un talent de donneur d'aide ?
  • Le besoin perçu par les cabinets de conseil en termes de conduite du changement n’est pas celui du donneur d’aide, mais plutôt du donneur de leçons.
  • Les organisations et leurs dirigeants savent qui leur est utile. 

Hadopi ter

En suivant le fil de ma réflexion (The digital home) sur les « déplacements de valeurs » du contenu vers le contenant, j’en arrive à penser que la loi Hadopi est injuste.

Pourquoi ? Parce que nous payons le prix du contenu, seulement il est absorbé par le contenant ! C’est à eux (contenant et contenu) de se mettre d’accord, pas à nous de payer. Je sens qu’on va nous faire à nouveau le coup des banques : si vous ne payez pas, plus de contenu, l’industrie du contenant va péricliter, et vous aurez un peu plus de crise et de chômage. Nos hommes d’affaires ont redécouvert une technique aussi vieille que le monde : la prise d’otages. L’innovation est sa globalisation. Résultat : la rançon se chiffre en milliers de milliards.

Plus j’y réfléchis, plus je trouve qu’Apple est vraiment remarquable. Elle a résolu la question élégamment : on achète son contenant en partie pour le contenu, qu’elle paie. Et s’il y avait un avantage compétitif à faire bien son travail, plutôt qu’à rançonner le petit peuple ? Et si la sélection naturelle avait un faible pour les bons citoyens plutôt que pour les gros escrocs ?