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mardi 30 septembre 2014

Centrale se répand

Curieuse stratégie de l’école Centrale de Paris. Elle se répand partout dans le monde : Chine, Inde, Maroc. D’après le commentaire d’un élève, elle ferait mieux de s’occuper de ce qui se passe en France. Autre commentaire : Saclay, où s’implante Centrale Paris, est le désert de la dépression.

Centrale serait détentrice d’un modèle original, l’ingénieur généraliste. Elle essaierait de l’implanter partout dans le monde.

Pour le peu que j’en sais, cela était vrai à sa création, mais l’école a été incapable de renouveler le dit modèle. Peut-être retrouvera-t-elle son âme en allant à l’étranger ? (Au moins, souhaitons-lui de ne pas accumuler de dettes…)

Changement et raison

Le changement demande-t-il fatalement la crise ? La raison ne peut-elle qu’être victime de la banalité du mal ? (suite)

Non. Il existe un contre-exemple que l’on cite toujours. Celui de la couche d’ozone. On est à la fois parvenu à identifier le problème et à convaincre la société de faire ce qu’il fallait pour y remédier.

Ce qui ressemble à ce que dit Elinor Ostrom, et ce que je vois dans mon travail. On peut convaincre une population de changer avant une crise. Pour cela, il faut une modélisation convaincante ; il faut travailler avec les leaders d’opinion ; il ne faut pas qu’il y ait de perdants. 

Notre problème du moment : trouver cette modélisation convaincante ?

lundi 29 septembre 2014

Erreurs et changement

Le changement est mon métier. Mais, dans ma vie personnelle, je le mène plutôt mal. Je m'en rends compte à la réflexion. 

Voici deux erreurs que j’ai commises, à plusieurs reprises.
  • J’ai critiqué l’existant, sans me demander ce que serait l’alternative.
  • Je n’ai pas consacré suffisamment de temps à faire basculer les choses. J'ai cru que je n'étais pas payé pour ça. Je n’avais pas compris que le plus important dans une vie est gratuit, et social. 
Je pense que nous commettons tous la même erreur. L'erreur est humaine, persévérer...

Changements universitaires

Aurais-je trouvé les raisons des changements que j’observe chez mes étudiants ? (Troisième article sur le sujet.)

Henri Bouquin, qui dirigeait l’unité dans laquelle j'enseigne, abordait le contrôle de gestion comme une science. Une science que l’on pourrait peut-être appeler le « contrôle des organisations ». Comment les organisations font-elles pour mener à mener à bien leur mission ? Ses livres synthétisaient toutes les sciences qui avaient trait au sujet : modélisations de type systémique, sciences humaines, sciences du management. Il avait tout lu et tout compris. Il s’était entouré d’une remarquable brochette d’universitaires de sa trempe, par exemple Michel Fiol (d’HEC) et Raymond Danziger (son prédécesseur), et d’intervenants extérieurs qui, tout en étant des dirigeants, partageaient sa perspective scientifique. Ils poursuivaient une sorte de quête de la vérité. De ce fait, ils publiaient peu. Ils considéraient d'ailleurs les stars de l’université américaines comme des faiseurs. D’où le profil des élèves, et leur intelligence élégante, qui m’a tant frappé : ils étaient faits à leur image. 

Mais les Amerloques ont eu le dernier mot ! Aujourd’hui, nous avons une sorte de génération Sarko. Des jeunes gens ayant avant tout une grosse énergie, et peu embarrassés par les bonnes manières. Il n’est plus question de science, mais de réussite. Et pour cela, la fin justifie les moyens. Ils recrutent des intervenants extérieurs, sur leur modèle, qui sont flattés de pouvoir se dire enseignants à Dauphine.

Il demeure cependant une énigme. Pourquoi l’université ancienne, avec sa concentration de grosses têtes, était-elle rentable, alors que la nouvelle, qui n’en compte plus aucune, ne l’est pas ? (à suivre)

dimanche 28 septembre 2014

Monde de pauvres

M.Obama est de retour au Moyen-Orient. Il pense utiliser son armée pour y conduire le changement. La Hongrie prend modèle sur la Russie, la Chine et la Turquie. Ce qui n’empêche pas l’Europe de l’abreuver de ses fonds. Europe qui devrait s’agrandir aux pays des Balkans, ne serait-ce que pour leur éviter de sombrer dans l’anarchie. (Ils auraient l’appui de l’Allemagne et de la nouvelle responsable des affaires étrangères.) L’Allemagne se rendrait compte que la cause de sa prospérité ne serait pas celles qu’elle croyait. Et que persévérer pourrait lui être fatal. « Les Allemands ont déduit de ce conte trois illusions (…) La premières que l’Allemagne restera forte simplement en continuant sur la même voie. La seconde est qu’elle n’a pas vraiment besoin de la zone euro. La troisième est que ses partenaires de la zone euro veulent lui prendre son argent, et que les contribuables allemands sont les vraies victimes de la tentative de sauvetage de l’euro. » M.Sarkozy revient. Mais il divise plus qu’il n’unit. Il est plus un problème qu’une solution. Scénario somalien pour l’Ukraine ? La zone indépendantiste deviendrait un pays de pirates. Le Royaume Uni essaie de se reconstruire après la tentative de sécession de l’Ecosse. Il s’agit de donner plus de liberté à ses composants. Devant les obstacles à toute évolution, il va falloir bricoler. Aux USA, la croissance et la baisse du chômage se traduisent par un appauvrissement d’une grande partie de la population. Rejet des politiciens en place. En Amérique latine la droite revient au pouvoir, mais elle devra composer avec une population qui s’est habituée à la démocratie et la justice. Les réformes indiennes sont un juste nécessaire qui ne restaurera pas une croissance forte. En attendant, avec l’aide puissante des USA, l’Inde a envoyé un satellite faire le tour de Mars. Coup de pub. La Chine construit des canaux pour amener l’eau du nord au sud. Ce qui ne résoudra rien. Tout cela pour ne pas vouloir augmenter le prix de l’eau qu’elle gaspille.

Succession chez Samsung. Enchevêtrement compliqué de participations, qui va devoir être restructuré. Surtout, la partie électronique, qui fut un gros succès est sauvagement attaquée. Elle va devoir se réinventer, si elle ne veut pas subir le sort de Nokia. Larry Ellison change de titre, chez Oracle. L’évolution de la technologie, cloud et open source, placerait l’entreprise devant un problème de prix. « Comment maintenir ses prix pour ses anciens clients, mais être concurrentiel sur le marché des nouvelles applications ? » Les grandes surfaces sont attaquées par les discounters, Lidl et Aldi. C’est, en grande partie, un résultat de l’appauvrissement de la population occidentale.

C’est le physique, d’animal dominant, qui fait le patron (au moins aux USA). Les banques ne faisant pas grand-chose pour rassurer le régulateur sur leur sens des responsabilités, il empile les règles qui visent à les encadrer.

Les caractéristiques d’un pays sont liées à sa taille et à sa composition. Il est fortement redistributeur et fournisseur de services publics si sa population est homogène. Trop de disparités le rendent fragiles. Et les frontières sont nuisibles au commerce. Mieux vaux une fédération que des pays indépendants.

Francis Fukuyama découvre qu’un Etat compétent « peut produire nombre des vertus de la modernité sans les bénéfices de la démocratie ou du libre échange ». 

La chasse au pain

En bon corrézien, j’aimerais trouver des tourtes de pain. Au moins un pain vaguement campagnard qui me serve de petit déjeuner pendant trois jours. Mais ma chasse est vaine, ou presque. Je trouve des choses approchantes, mais par hasard. La boutique ne les fabrique par régulièrement. Alors, je lui suis infidèle. Ce qui n’est pas dans ma nature.

Ce qui m’a rappelé une histoire que j’ai entendue dans une mission de conseil. C’était celle qui me permettait d’identifier les vendeurs de journaux champions. Leur force était de fidéliser les gens qui entraient chez eux en leur rendant service. Et ils le faisaient en tirant partie d’une petite bizarrerie comme la mienne. La différence entre un ordinaire et un bon commerçant allait, en termes de chiffre d’affaires, de +20% à x5… Comme quoi, les petits pains… 

samedi 27 septembre 2014

Comment faire dire du bien de soi ?

Une journaliste me pose la question : comment faire dire du bien de soi ? 

J'en suis arrivé à la curieuse conclusion que pour que l'on dise du bien de nous, il ne fallait pas le demander ! 

En fait, je dis beaucoup de bien de beaucoup de gens, et je suis très convaincant quand je m'enthousiasme pour quelqu'un. Qu'est-ce qui me plaît ? C'est un talent unique. Mais c'est un petit talent, un talent quotidien. Et c'est cela qui fait sa force, et qui épate : il permet de résoudre des problèmes de tous les jours (apparemment) insolubles. Et j'en parle en racontant les histoires de ces petits miracles. Et ce sont elles qui séduisent mes interlocuteurs. 

Qui a ce type de talent ? Tout le monde. Mais à condition qu'il ait suivi ses passions avec une sorte d'intransigeance, et qu'il ne se soit pas laissé aller à la copie, qu'il n'ait pas cherché à se conformer aux modes sociales. Donc, plutôt les petits que les grands de ce monde. C'est du moins ce qu'il me semble. 

Comment notre crise va-t-elle se terminer ?

Ce blog suit l'opinion publique. Il se lamente de la médiocrité de nos dirigeants. Or, il sait bien qu'ils ne sont pas pour grand chose dans la crise. Comme le dit Hannah Arendt, "banalité du mal". Collaboration avec le mouvement ambiant. Comme d'autres l'on fait, ailleurs dans le monde. 
Au fond, ce qui l'insupporte, c'est l'hypocrisie. Écart entre prétention et réalité. Idem pour les "élites" anglo-saxonnes. Elles croient tirer les ficelles du monde, "Consensus de Washington", alors qu'elles ne sont qu'une pendule arrêtée qui a donné l'heure par hasard.

Mais ce n'est pas important. La seule question qui l'est est : peut-on se tirer de la banalité du mal ?
Le sens du changement actuel est celui d'une destruction, dit ce blog :
Après guerre, il y eût consensus. Pour éviter le totalitarisme, il fallait protéger l'homme. En même temps, l'explosion technologique due à la guerre, peut-être aussi ce qu'elle avait détruit, a permis à cette utopie de vivre quelques décennies. Mais le miracle scientifique s'est essoufflé. Et monde d'assistés. Ils ont cru que tout leur était dû. Non seulement ils n'ont pas cherché à relancer l'innovation, mais ils ont exploité la société à leur profit. Et ils ont inventé des théories, marché ou postmodernisme, pour se justifier.  

La dernière guerre a fait dire à l'humanité de l'époque : jamais plus ça. On s'est mis d'accord sur un modèle de société. Rien n'est possible sans un tel accord. Quand l'humanité se découvre comme humanité, et pas comme collection d'intérêts individuels, elle parvient à penser. Et, probablement, à se sauver. 

Cela va-t-il arriver ? Ou la prise de conscience nécessaire demande un cataclysme ? (à suivre) 

vendredi 26 septembre 2014

Conséquences de la loi Amazon

La loi Amazon... Quelques réflexions sur l'évolution de mes comportements d'achat : 
  • Tout d'abord, il faut savoir que j'achète des livres liés aux sciences humaines (voir commentaires que fait ce blog) et que j'étais un gros client Amazon. 
  • Première constatation : on peut commander à la FNAC et avoir une réduction de 5% sur les livres, si l'on va les chercher dans un magasin FNAC (il y en a un à côté de chez moi). Mais la FNAC distribue en direct assez peu de livres qui m'intéressent. Avantage Amazon. 
  • Deuxième constatation : j'achetais des livres en anglais, alors qu'il existe parfois des traductions françaises moins chères que l'original... 
  • Troisième constatation : redécouverte d'une librairie de sciences humaines du Quartier Latin. Intérêt : propose des livres qui m'amènent sur de nouvelles pistes. Et plaisir de se promener dans une librairie.
Enseignements. Je ne crois pas que l'homme calcule en permanence ce qui est le mieux dans son intérêt. Il acquiert des habitudes. J'avais l'habitude Amazon, je suis en train d'acquérir l'habitude librairie du Quartier Latin. Cela a eu pour conséquence une modification de ce que je lis (et donc du cours de mes réflexions). Avant, c'était plutôt un approfondissement de mes recherches existantes, par des sources de langue anglaise, maintenant c'est surtout des publications nouvelles, en français. 

Comme quoi un petit changement peut avoir des conséquences sur nos comportements sans rapport avec la nature du changement. 

La fin de la littérature

La semaine dernière j'entendais Jean-Philippe Toussait parler à France Culture. J'en ai retiré une impression que j'avais eue au sujet d'autres écrivains contemporains. Ils ont un style qui séduit. Mais pas longtemps. Car il a quelque chose de mécanique. De conscient de soi. C'est le style pour le style. Et leurs histoires n'ont pas beaucoup de profondeur. 

Je n'ai pas cette impression avec Guerre et Paix, ou avec Proust. Il me semble que l'on y sent à la fois le souffle de l'histoire, et les interrogations éternelles de l'homme face à l'incompréhensible. 

Céline me paraît avoir été une sorte de transition. J'avais été frappé par la révolte du Voyage au bout de la nuit. Mais je trouve révoltant Rigodon. Le style, le procédé littéraire misérabiliste, deviennent moyens de se cacher à soi-même les turpitudes d'un homme que la vanité a fait se fourvoyer. 

Nous avons la littérature (culture) que nous méritons ? 

jeudi 25 septembre 2014

Comment devenir un homme libre ?

Pourquoi Christian Kozar a-t-il toujours été aussi libre (billet précédent), et moi pas ? Alors que c'est un ancien enfant de troupe, ancien officier, enrégimenté, donc. Pourquoi mon premier réflexe est-il toujours de faire ce que l'on attend de moi ? 

Peut-être la solution est-elle chez Confucius ? On ne devient un homme libre qu'à 70 ans (quand on est un intello ?). Autrement dit lorsque l'on a absorbé et dépassé les lois sociales qui guident nos mouvements. Avant, on est dominé par elles. Et plus on subit d'études, plus on tend à se transformer en esclave. D'ailleurs, c'est probablement leur objet: faire de nous des grands commis du prince. De tous temps les commis du prince, parfois ses ministres, ont été des sortes d'esclaves, voire des eunuques. 

Comment se passe la transition vers la liberté ? Peut-être par une succession de révoltes, qui permettent progressivement de comprendre les ressorts des liens qui nous asservissent. Et qui nous amènent à reprendre contact avec notre "zone grise", notre inconscient, qui est notre véritable intelligence. Le néocortex, notre "raison", n'étant qu'un moyen de traduction et de communication. 

Comment élever des hommes libres ? Peut-être en favorisant un enseignement qui fasse que l'enfant domine son sujet et ne soit pas soumis à un gavage, qui le transforme en légume. 

Qu'est-ce qu'un homme libre ?

L'autre jour j'écoutais Christian Kozar parler des aventures de sa vie. Une vie qui lui a fait rencontrer, parmi d'autres, des Kanaks qui voulaient lui trancher la tête et des banquiers polonais qui voulaient lui couper les vivres (il dirigeait alors Canal+ Pologne).

Ce qui m'a surpris, c'est qu'à chaque fois il n'a pas fait ce que prescrivait la société. Et c'est ce qui l'a sauvé. Sa devise d'ancien militaire est, d'ailleurs, qu'il ne faut jamais suivre le manuel, puisque, alors, on fait une cible idéale. C'est le principe de la "bécasse". La bécasse ne vole pas droit. Elle est imprévisible. Et pourtant elle atteint son objectif. Et c'est pour cela qu'elle l'atteint. Une bécasse prévisible est une bécasse morte. 

J'ai pensé qu'il matérialisait l'idéal des Lumières, et peut-être aussi celui des nobles. L'idéal de l'homme libre, qui pense par lui-même. Mais, comment, alors, prendre une juste décision ? Réponse : "zone grise". Au fond de soi, dans son inconscient, il y a la solution. 

Ce qui n'est peut-être pas la réponse qu'attendaient les Lumières. Pour elles, c'était la raison qui devait nous sauver. Et si l'homme libre était celui qui sait chercher dans son inconscient une marche à suivre que sa raison lui permettra de valider, et d'expliquer ? N'est-ce pas, d'ailleurs, comme cela que fonctionne une démonstration de mathématiques ? 

mercredi 24 septembre 2014

Un nouveau modèle social pour l'entreprise française ?

Curieusement, il m’a fallu du temps pour rattacher le livre du billet précédent à mon expérience. Et comprendre qu'il parlait d'un de mes combats ! La France et l’entreprise française sont restées sur le modèle d’après guerre, et ça ne marche plus. La PME est par nature un « sous traitant », un « preneur d’ordres ». Ce n’est pas une vraie entreprise, bâtie sur un projet, autonome. La grande entreprise, au fond, c’est l’Etat d’après guerre dans une bulle. Elle a absorbé quelques idées anglo-saxonnes qu’elle a utilisées pour enrichir ses dirigeants et augmenter sa rente, certes. Mais, pas autant qu’elle aurait pu le faire. Sur le fond, elle adhère aux valeurs d’après guerre. A côté d’elle, et pour compenser les rigidités de ce système, il y a un monde de plus en plus précaire, dans lequel j’inclus les PME. 

Pourquoi n’ai-je pas tout de suite compris ce livre ? Parce que ma pensée est marquée par mon métier. Sa raison d'être, c'est un dirigeant bloqué, ou, quand j’étais plus jeune, un projet d’entreprise tout aussi bloqué. Le « changement » amène les conflits internes à s’exprimer et à être réglés. D’où évolution du « modèle social » de l’entreprise. Mais je ne vois pas les choses sous cet angle. Je les vois comme un ethnologue. Une entreprise est une société humaine, et le changement qui s’y passe emprunte les mêmes mécanismes que ceux qui transforment une nation ou une tribu. Je vois les cultures d’entreprise comme uniques, alors qu'elles ont beaucoup en commun. 

Et s’il y avait là, dans ce livre, la solution à la crise ? Un nouveau modèle social qui ne demande qu’à émerger, mais qui est bloqué ? Mais quel est ce modèle ? 

Ce qui sort de mes missions, ce sont des entreprises qui laissent une grande autonomie à leurs employés, après avoir découvert leur richesse. Je ne suis pas loin de penser que le modèle social de l'entreprise et de la nation est l'anarchie, au sens d'Elisée Reclus, combinée à un Etat stratège, au sens d'Augustin de Romanet

Renouveler le modèle social de l’entreprise

Un ouvrage que tout dirigeant devrait lire ? (En tout cas, une question que je n'avais pas perçue.)

Les entreprises ont un « modèle social ». Comme une nation, elles choisissent un modèle d’organisation, qui, d’ailleurs, entretient un lien fort avec celui de leur pays d’origine. Exemple ? Les compagnies aériennes. Il y a les « major companies » généralement nationales. Elles sont organisées pour l’exploitation d’un monopole. Elles font tous les métiers de l'aéronautique, elles couvrent toutes les destinations. C’est une sorte d’administration. On y sommeille. Et il y a le « low cost ». C’est une organisation pirate. C’est le Far West. On y vit dangereusement. C'est stimulant.

La France doit remettre en cause deux choses. D’abord, un modèle social par défaut qui est celui de l’entreprise industrielle d’après guerre. Ensuite l’idée que le « modèle social » n’existerait pas ! Le dirigeant ne serait concerné que par les décisions économiques et stratégiques. L’intendance étant là pour suivre. Eh bien non. Un modèle social inadapté est un handicap. Il peut vous tuer. Cf. l’exemple des compagnies aériennes.

Que faire ? 
Un modèle social est en 6 morceaux : empreinte sociétale ; proposition de valeur client ; contrat employeur 1) salarié, 2) partenaires et sous-traitants ; politiques et leviers RH ; systèmes et pratiques de management. 4 acteurs sont à prendre en compte : « Etat, entreprises, salariés, et organisations syndicales ». 

Il faut repenser tout ceci. En particulier apprendre à connaître employés et partenaires, par une sorte d’analyse comportementale qui segmente judicieusement cette population. Et ne pas oublier « le cadre normatif que constitue le modèle social national ».

« Trois points majeurs : (…) focalisation sur les attentes des collaborateurs (…) micro management (i.e. management de proximité par opposition à management centralisé) (…) management ouvert sur toutes les forces de production. » Ce modèle doit, en particulier, prendre en compte la problématique de la « mobilité géographique » des personnels, ce que l’on ne sait pas faire aujourd’hui.  

PETITBON, Frédéric, AUBERT, Alain, CLAISSE, Christophe, Renouveler le modèle social de l’entreprise, Dunod, 2013.

mardi 23 septembre 2014

Le modèle culturel du changement en France

L’école du changement anglo-saxonne est basée sur le pragmatisme (cf. Pierce, James et Dewey). Le pragmatisme est à l’origine, notamment, de ce que l’on appelle généralement la systémique en psychologie (cf. Paul Watzlawick et l’école de Palo Alto) ou de la PNL, fréquemment citée. 

L’école du changement française a des origines diamétralement opposées. Elle repose sur le principe platonicien selon lequel il existe une vérité, et qu’elle est exclusivement accessible à l’esprit. Opposition entre « raison pure » et « raison pratique ». Changer c’est trouver cette vérité. La seule chose qui puisse empêcher cette vérité de triompher est la résistance au changement de forces des ténèbres (Platon est l’inventeur de l’enfer, qui est réservé à ces porteurs du mal). 

SI LE CHANGEMENT C'EST LA CRISE, C'EST LA FAUTE DE PLATON
Depuis Tocqueville, au moins, on constate que cette vision du changement conduit à la crise. Le mal de la France c’est l’exécution, disait Michel Crozier. Or, en termes de changement, le succès est dans l’exécution. 

Les techniques de conduite du changement qui ont gagné l’entreprise sont d’origine anglo-saxonne, et ce partout dans le monde. Sauf en France qui, en dépit de ses MBA, continue à être culturellement platonicienne. Autrement dit, par nature, la France manque de techniques de conduite du changement.

Université payante

Depuis quelques temps je me demande d'où vient le changement que j'ai aperçu chez mes étudiants. La disparition d'une certaine forme d'esprit extrêmement élégant. 

Une nouvelle hypothèse vient de surgir. Le prix de la scolarité a été porté à 6000€ (pour 6 mois). Du coup, les élèves se rabattraient sur des formations en apprentissage qui, elles, seraient gratuites, car subventionnées par employeurs et collectivités locales. Et le niveau du Master dans lequel j'enseigne (au sens où le mesure l'université) aurait baissé, si j'en crois ce que l'on me dit. D'autant que l'on aurait éliminé une partie des barrières à l'entrée, en particulier un mémoire. 

En peu de temps, ce qui semblait une formation d'élite pourrait bien avoir été vidée de sa substance. C'est étrange comme tout se déglingue rapidement. Comment remettre une société en fonctionnement ?

(Pour autant, cela ne remet pas en cause l'intérêt que je trouve à donner un cours. Les caractéristiques des étudiants changent, voilà tout.)

lundi 22 septembre 2014

Faut-il avoir peur du Lean ?

J’ai vu apparaître le Lean manufacturing il y a plus de 20 ans. Curieusement il semble faire une réapparition. Une réapparition inquiétante. Un ancien dirigeant m’a donné un article qui l’avait effrayé. (L'article vient du Nouvel Observateur, je l'ai retrouvé ici.)

Effectivement. On y voit le « lean » appliqué à « l’industrialisation » de la santé. Chaque soin a une durée. Une infirmière à qui l’on reproche d’être restée dix minutes de trop avec un patient « il pleurait, je ne pouvais pas le quitter si vite ». Cela m’amène à deux réflexions.
  • Le lean est une technique américaine issue de l’observation des pratiques japonaises. Son principe est que l’homme est au centre de l’organisation. Pour que le lean réussisse, il faut l’emploi à vie ! C’est le contraire de ce que l’on nous dit aujourd’hui. Comment en est-on arrivé là ? Mon habituelle théorie. Dans un monde dont le principe (du moment, je l'espère) est l’exploitation de l’homme par l’homme, toutes les techniques sont vidées de leur contenu pour être utilisées selon ce principe.
  • Pourquoi cette brutale réémergence ? L’entreprise va mal, ceux qui l’ont gérée depuis 30 ans sont contraints de pousser à leurs limites les techniques d’essorage qui ont fait leur fortune jusqu’ici. Voilà mon hypothèse. (Idem pour la nation ?)

Résilience, connaissances de base

Connaissances de base ? Ce livre ne prend pas la peine de définir des concepts qui semblent le sous-tendre : « tuteur de résilience », « base de sécurité », « mentalisation » !

La résilience, elle, est définie. C’est « la reprise d’un nouveau développement après un traumatisme ». C’est un « processus biologique, psycho affectif, social et culturel ». Et le dit traumatisme semble une sorte d’AVC ! Le cerveau subit des dommages irréversibles. Il doit se re câbler. « La résilience consistera à tourner autour du « trou noir » que forment les modifications neuronales du stress pour retrouver par un néodéveloppement du réseau neuronal altéré une fonctionnalité satisfaisante, mais évidemment différente. »

Curieusement, c’est le lien social qui est la dimension clé de la reconstruction du cerveau de l’individu. Avec ou sans traumatisme, l’homme ne peut vivre seul sans subir des « dégâts biologiques provoqués par l’isolement affectif ». D’où la notion de « tuteur de résilience ». D’ailleurs, ce tuteur, « personne de confiance » est, de préférence, multiple (« les systèmes familiaux à multiples attachements sont les plus protecteurs »), et il peut changer. Le tuteur le plus efficace serait-il la société ? Il est dit, ainsi, que la culture (au sens ethnologique) joue un rôle décisif dans l’absorption de gros traumatismes collectifs.

Il existe des moments critiques où se construit notre capacité à encaisser les chocs. En particulier dans la prime enfance et durant la grossesse. Faute d’un environnement affectif correct alors, l’homme traînera sa vie durant un lourd handicap. Plus tard, la capacité de résilience semble se constituer au gré des « rencontres significatives ». L'homme établit une « base de sécurité » (de plus en plus large ?) à partir de laquelle il peut explorer le monde.

En réalité, rien n’est jamais perdu. Quand il s’agit de se reconstruire, l’homme est plein de ressources. Notamment, il semblerait que la « narration », mettre des mots sur sa vie, lui donner un « sens », soit critique. Ce serait une caractéristique propre à l’homme moderne, en comparaison, par exemple, avec l’homme de Neandertal. Mais ces mots doivent avoir quelque chose d’exact. Mentir à quelqu’un sur un moment traumatique, par exemple sur les premiers temps de son enfance, est nuisible.

Bref, l’homme est à la fois étonnamment résistant et fragile.

Tout cela ne dit pas ce qu’il faut faire face au stress et au traumatisme. La solution se trouve peut-être dans l’avant dernier chapitre. Il traite des limites de nos capacités de résilience. Les limites qu’il ne faut pas franchir. Quelles sont-elles ? « La solitude ( ; ) le non sens (…) l’impossibilité de donner sens à son fracas ( ; ) la honte (…) se placer (…) en retrait des relations qui aident à la résilience ».

Cyrulnik, Boris, Jorland, Gérard, (sous la direction de), Résilience, connaissances de base, Odile Jacob, 2012.

dimanche 21 septembre 2014

Qui est Xi ?

The Economist s’intéresse à la Chine de M.Xi. Après le pouvoir collectif, retour au modèle Mao. L’élite chinoise aurait pensé que seul un homme seul pouvait mener les réformes que demande le pays. Ailleurs dans le monde, le dit pays tente, avec plus ou moins de bonheur, de monter un ensemble d’alliances dans lesquelles l’Amérique (et l’Occident) ne soit pas. « Nouvel ordre mondial. »

La Russie a gagné la guerre d’Ukraine. Mais, des deux côtés, il fallait un armistice. Le danger maintenant est l’incurie endémique du pouvoir Ukrainien. D’une manière générale, les frontières de l’Europe sont en flamme. Elle tente de « repenser sa stratégie de sécurité ». Ce qui n’est pas simple compte-tenu des divergences d’intérêt entre ses membres. Le retour de M.Sarkozy pourrait être une chance pour M.Valls. Enfin un opposant ! M.Renzi semble enlisé. L’Angleterre croît fort, crée des emplois, mais les impôts ne rentrent pas. Trop de pauvres. Trop de dépendance vis-à-vis des salaires de la City. Politiquement, l’anti élitisme a le vent en poupe. Il en est de même en Allemagne. Où, de plus, les minorités musulmanes deviennent anti-sémites. En Suède, les démocrates sociaux arrivent au pouvoir sans pouvoir gouverner. Ce qui pourrait aussi être le cas de Mme Clinton, si elle était élue.

Les USA montent une alliance pour combattre l’Etat Islamique. Vues les différences d’intérêts entre tous les courants qui parcourent le Moyen-Orient, on peut se demander combien elle tiendra. En attendant, cette situation de chaos fait les affaires du nouveau président de l'Egypte, rare îlot de calme dans la région.

Huawei s’en prends à IBM, HP et Cisco, il veut devenir un leader des systèmes d’information. Apparemment, il a les moyens de réussir. Quant à Sony, ça ne marche pas très fort. Il faudrait restructurer, ce que ne semble pas vouloir son PDG. Air France est en grève. Ses pilotes n’ont pas pris conscience des multiples menaces qui planent sur la tête des compagnies traditionnelles. En attendant on empile de plus en plus de pauvres dans les avions, et on donne de plus en plus de place aux hommes d’affaires. L’avion moderne est à l’image du capitalisme. On ne sait pas assez que l’entrepreneur a une vie de chien. Et il est généralement atteint « d’hypomanie, un état psychologique caractérisé par énergie et confiance en soi, mais aussi nervosité et prise de risque ».

Supprimer la monnaie ferait du tort aux criminels, et rentrer beaucoup d’impôts, et cela faciliterait le combat contre la déflation, par la possibilité d’imposer des taux négatifs. Les fonds de pension ne croient plus aux miracles des hedge funds. (Leur modèle économique : vendre de l’illusion ?) Acheter des actions d’Alibaba, qui vient d’entrer à la bourse de New York, serait hautement risqué. (Spéculatif ?)

Pour combattre l’effet de serre, il faut réutiliser l’esprit du protocole de Montréal, « financement généreux et coopération ». Tactique qui a eu la peau du trou d’ozone. Et l’étendre aux hydrofluocarbones. Ce ne serait pas la fin du problème, mais un premier pas vertueux.

Le degré d’altruisme de l’homme varie aléatoirement entre l’hyper altruisme et la psychopathie. Napoléon a nuit à la France, qui de puissance européenne dominante est devenue second couteau. 

Hollande déprimé ?

Faute de télé, je vis la dernière intervention de M.Hollande par les comptes-rendus que l'on m'en fait. Et j'en tire de curieuses impressions :

On me décrit soit un président qui est dans le déni, soit un président qui a renoncé à se battre. Mais, n'est-ce pas là le syndrome même du deuil ?, me suis-je dit. Il rencontre des circonstances uniques, pour lesquelles il n'était pas préparé. Après tout, ce n'est pas un politique ordinaire, c'est-à-dire un survivant. Et, les fonds de l'Etat sont tellement bas, qu'il ne peut plus faire ce qu'ont fait ses prédécesseurs : dépenser. Bref, il subit le changement = deuil. Ce qui est équivalent à dépression. 

Mais on se sort des deuils. Et le propre des dépressions est d'être une remise en cause. Et si M.Hollande était en train de se réinventer ?

Ne me dit-on pas, aussi, qu'il a voulu communiquer, alors qu'on lui déconseillait de le faire. Or, parler est un moyen de se libérer du stress. Et si M.Hollande utilisait la télé, là où nous employons un ami ou un psy ? 

Curieuse théorie, sans nul doute. 

samedi 20 septembre 2014

Uber fait mordre la poussière au taxi

A San Francisco, trois fois moins de courses en taxi. Grâce à Uber. Et ce en seulement 2 ans. 

J'imagine que cela a du faire quelques dégâts chez des gens modestes qui n'avaient pas besoin de cela. Et qui ont probablement peu de moyens de faire autre chose. A moins de travailler pour Uber ? (Mais est-ce très rentable ?) Est-ce comme cela que doit se conduire le changement ? Et s'il était temps de réécrire le mythe du progrès, celui qui veut que le bon capitaliste, porteur de l'innovation, balaie les mauvais pauvres, défendant leur gagne pain ? 

L’Allemagne d’Elisée Reclus

Elisée Reclus semble avoir vu l’Allemagne comme l’antithèse de l’idéal qu’il avait en tête (« la lâcheté par excellence est le respect des lois ») :
Avec toute sa volonté, sa ténacité et sa force, l’allemand (…) aime à se mouvoir par grandes masses, il se plaît à suivre la méthode même dans les folies et la discipline lui est facile. 
Il leur est recommandé d’apprendre à vouloir et d’user de leur initiative : chacun d’eux doit se sentir une partie de l’Etat.
(L’objectif du système éducatif :) développer chez l’enfant l’esprit d’aveugle dévouement à l’Etat et à ceux qui le représentent. 
Le Germain seul a droit au titre d’homme. 
La discipline (…) est devenue l’âme de la nation, et cette âme a revêtu un caractère mécanique.

vendredi 19 septembre 2014

L'Ecosse et le coup du Québec

L'Ecosse reste dans le Royaume Uni. Est-ce la tactique "Québec" qui a marché ? Le gouvernement britannique a promis que l'Ecosse aurait les mêmes avantages à l'intérieur de la Grande Bretagne, qu'indépendante. Mais sans le risque de l'indépendance.

Ce mouvement de mauvaise humeur aura au moins eu un avantage : ce qui semble avoir été une cause du mécontentement a été entendu :
“As negotiations commence on a future settlement for Scotland, the focus must be on ensuring that any new powers are used to boost Scotland’s economic competitiveness, unleash enterprise and attract further investment.” (Article du FT)
Paradoxe ?
  • La promesse faite à l'Ecosse s'étend à l'ensemble du Royaume Uni, elle signifie que le local aura un plus grand pouvoir qu'aujourd'hui de s'administrer. 
  • La phrase ci-dessus semble signifier, au contraire, une action volontariste, centralisée donc ?, pour renverser le cours que suit la politique anglaise depuis Mme Thatcher. 
Changement du rôle de l'Etat ? L'Etat comme "donneur d'aide" ? "Etat stratège" d'Augustin de Romanet ?...

Dans tous les cas, l'Angleterre fait face à un changement compliqué. Espérons qu'il sera salutaire.

Elisée Reclus, les grands textes

La France est anarchiste, par nature. Voici ce à quoi m’a fait penser ce livre.

Protestant ayant renoncé à être pasteur, polyglotte, Elisée Reclus (1830 1905) fut un géographe éminent. Il a parcouru le monde qu’il a décrit. Il fut tenu en très haute estime par l’ensemble de l’Occident. C’était aussi un anarchiste qui a participé, pacifiquement, à la Commune.

Son œuvre semble décrire ce qui survient aujourd’hui. Mondialisation et délocalisations. L’Occident a un avantage technologique. Il doit diffuser ses connaissances, bénéfiques, à l’humanité. Mais, avant cette phase égalitaire, de fortes disparités se creuseront. En effet, les riches des pays riches iront chercher la main d’œuvre pauvre des pays pauvres. Phase explosive. Ainsi, il était persuadé que la colonisation était une malédiction pour l’Occident. Une sorte de solution de facilité qui avait empêché le progrès social.

QU'EST-CE QUE L'ANARCHISME ?
Comment entendait-il l’anarchisme ? « L’anarchie (…) est la plus haute expression de l’ordre. » Son idéal serait réalisé le jour où « la moralité sera assez haute et assez forte pour que la loi cesse d’être nécessaire ». Maître mot : égalité entre tous.

Le chemin pour y parvenir est le progrès. Il fait passer l’humanité du conflit et de la lutte des classes à l’entraide. L’humanité atteint un niveau supérieur de conscience. Elle se découvre elle-même.

L’important est de donner une forte morale à l’enfant. Ensuite, il saura faire le bien. Le mouvement gagnera le monde par capillarité, les gens de bien formant une « libre association en vue du bien commun ». « Là où l’autorité impose, de l’extérieur, une carapace à l’homme, l’idéal anarchiste propose à l’inverse de renforcer le squelette. » Et cette humanité vivra en harmonie avec le reste de la nature. L’éducation joue donc un rôle décisif dans ce projet. Il faut développer l’enfant dans la logique de sa nature. Ce qui signifie de commencer par le considérer comme un individu digne de respect.

Elisée Reclus. Les grands textes, présentés par Christophe Brun, Champs Classiques, 2014. 

jeudi 18 septembre 2014

Disrupter le disrupteur

Petite histoire apparemment. Mais étonnamment riche d'enseignements. Je me demande même si elle ne s'applique pas à la Chine... 


François Bourgeois est (par vocation ?) du côté du "disrupté". Des entreprises installées confrontées à un concurrent véloce et innovant. Dans cette vidéo il raconte une expérience fondatrice. Du temps du Minitel... 

Ce que l'on apprend est évident. Et pourtant, c'est le contraire de ce que l'on entend. Tout d'abord, le "disrupté" est en position de force ! Il a la notoriété, les clients, le cash. Le "disrupteur", lui, est extrêmement fragile. Il vit de bluff et d'expédients (que, parfois, la morale peut réprouver, si elle a le temps de se manifester). 

Solution, évidente, donc : lui couper l'herbe sous le pied. Puis profiter du répit pour mettre la technologie qui faisait sa force au service du "disrupté". Il faut "disrupter le disrupteur". Cela demande à l'entreprise de se réinventer. Mais, une fois de plus, le problème n'est pas où on le trouve. Ce qui stresse l'entreprise ce n'est pas le changement. C'est l'absence de réaction de sa direction ! Un dirigeant qui agit est toujours bien accueilli !

Mais alors, pourquoi, souvent, le "disrupté" est-il victime de l'innovation ? La gestion ! Pour maximiser sa rentabilité, l'entreprise avait supprimé tout ce qui lui permettait d'évoluer. 

Pour réussir ce changement, je pense qu'il faut trois types de talents au dirigeant :
  • Il doit savoir trancher vite et bien.
  • Il doit comprendre le potentiel de l'innovation et le relier aux intérêts stratégiques de son entreprise (ce n'est ni le fou-furieux de la technologie qui encombre nos entreprises, ni le roi philosophe à la Platon, l'évaporé que produit notre éducation nationale). 
  • Ce doit être un "leader". Il doit mettre son organisation en formation meute. J'entends par là que s'adapter à une vague d'innovations signifie expérimentation, donc une entreprise qui va être malléable et vive, au moins durant quelques temps. 

La réinvention du capitalisme

Lorsque j'étais à l'Insead, il y a plus de 20 ans, on m'a enseigné qu'il fallait optimiser la "valeur actionnaire". Pourquoi ? Parce que le "marché savait". Et voilà comment on a réinventé le capitalisme, me semble-t-il... 

Dans cette vision anglo-saxonne, celui qui possède le capital possède l'entreprise. L'anthropologue s'étrangle. Une entreprise est une société humaine, avec sa "culture", par exemple. Et tout le monde participe à une société, elle n'appartient à personne en particulier. L'employé invente, parfait, transforme, il contribue à l'identité de l'entreprise, à sa force. Pour couper l'herbe sous le pied à cet argument, les capitalistes ont réinventé le taylorisme. L'employé non actionnaire applique des procédures. On ne lui demande plus que sa force de travail, sa partie animale. On le paie pour ce qu'il fait. Il n'a pas d'autres droits. Et on le met en concurrence pour qu'il coûte le moins possible. Pour le faire travailler, il faut des gardes chiourmes. Ceux-là reçoivent des actions. (C'est la théorie de l'Agence : intérêts communs entre actionnaire et management.) Voilà pourquoi les entreprises sont redevenues des bureaucraties. 

Le capitalisme est une maladie du système monétaire. La monnaie a pour seul usage de faciliter les échanges. Le capitaliste a parasité ce système. Il accumule la monnaie pour en priver le système. Pour cela, il est devenu un génie du "jeu de la valeur". Un jeu de manipulation par lequel on convainc l'autre qu'il vaut moins que soi.

Peut-être qu'à une époque l'accumulation de moyens en quelques mains a permis la révolution industrielle. Mais, aujourd'hui, il semble qu'elle n'ait plus pour seul usage que de constituer une société de classes. Un monde à la Mad Max. 

mercredi 17 septembre 2014

Change TV : le changement ça s'apprend

Beaucoup d’entreprises rencontrent des difficultés. Normal. C'est le métier qui veut cela. Pour les résoudre, leurs dirigeants doivent « conduire le changement ». Seulement, comment faire ? Par quel bout attaquer la question ?


L’émission Le changement ça s’apprend veut leur donner des idées. Des idées utiles et concrètes. Faciles à appliquer. Qui leur parlent. Des idées qui viennent de l’expérience d’autres entrepreneurs. Voilà mon cahier des charges. 

Je vais interviewer des dirigeants, ou des acteurs clés d'un changement. Et les faire parler de leur expérience. Nous allons réaliser des vidéos de ces entretiens. Pour cela, Neoxia me prête main forte (www.neoxia.com). Jean-Baptiste Paccoud et son équipe m'apportent leur savoir-faire et leurs installations. 

L’émission est construite sur deux principes :
  1. Thème : un problème qui concerne beaucoup d'entreprises. Il doit être perçu comme critique. Ce peut être une question de survie de l’entreprise, ou, simplement, de frustration. L’interviewé doit apporter une solution simple et efficace à cette question. Il la tire de son expérience.
  2. Maintenir l'intérêt du spectateur en éveil. Les vidéos sont courtes, sans temps mort. Elles doivent être denses  en information, sans que celle-ci soit indigeste.
La série est accessible en cliquant sur l'onglet "change TV" de ce blog, ainsi que sur le blog de Neoxia. 

Vous êtes un dirigeant, un acteur du changement, vous avez une histoire édifiante à raconter ? N'hésitez pas à me contacter. 

Quand 68 a réinventé l'école...

68 a réécrit notre définition de l'école. Pour les Lumières, la IIIème République, Clémenceau, Jaurès et les autres, l'école devait libérer l'homme. Elle devait lui apporter la capacité à penser par lui même et donc à se dégager des systèmes qui avaient pour objet unique son asservissement. 68 a clamé que l'école c'était l'esclavage, le formatage de l'enfant par les intérêts des puissants. 

Du coup, il n'y a plus eu que les riches qui ont accepté de formater leurs enfants. (En particulier les intellectuels qui avaient produit ces théories.) L'éducation des pauvres a désormais cherché leur épanouissement. C'est devenu la fabrique du crétin.

Le marché a remplacé les droits de l'homme. Et ce sans révolution. 

(Nouvel épisode dans ma série Moment thucydidien.)

mardi 16 septembre 2014

La France, dictature soviétique ?

Derrière tout général de l'Etat major, il y a maintenant un énarque, me disait un ancien officier. Ce qui m'a fait penser à deux choses :
  • C'est un montage soviétique. Sur le modèle révolutionnaire français, le KGB était supposé représenter le peuple. A côté de chaque décideur important, il y avait donc un membre du KGB. 
  • La France est dirigée par l'ENA depuis bien longtemps. Je doute que peu de gens estiment que ce soit une réussite. L'ENA fera-t-elle mieux à la tête de l'armée ? Mon interlocuteur en doutait. 
Le problème actuel de la France serait-il que le pyromane a pris les commandes de la brigade de pompiers ?

Entreprise : de l'essorage à la relance ?

Je vois passer le résumé suivant :
Five years after the end of the Great Recession, rising corporate profits aren’t translating into rising prosperity, and much of the blame, says this economics professor, belongs to stock buybacks. Between 2003 and 2012, fully 449 of the S&P 500 devoted 54% of their earnings – some $2.4 trillion – to buying back their own stock on the open market. Another 37% of earnings were devoted to dividends. That left precious little either for investment in productive capabilities or for higher incomes for employees. Even investors are worried that these companies aren’t investing in future growth. So why is this happening? Simply put, corporate executives are being paid mainly in stock, and buybacks raise its price in the short term. (article complet ici.)
Les entreprises me semblent effectivement dans une situation compliquée. Elles doivent relancer la machine qu’elles ont essorée, mais sans beaucoup de moyens, car elles doivent maximiser leurs marges, dividendes, cour de bourse… Le dirigeant veut donc des choses qui lui rapportent immédiatement. De façon à en parler à la Bourse. Pour cela il aimerait mettre la main sur un savoir-faire qu’il n’a pas. Comme le target costing à une époque dans l’auto, ou le mode projet, le Juste à Temps… 

Mine de rien mon papier sur la méthode Münchhausen est révolutionnaire. Il signifie que pour redonner son efficacité à l’entreprise, il faut réduire son embonpoint. En fait, c’est une reformulation du Lean au sens « poids de forme ».

lundi 15 septembre 2014

Kant et Onfray

« Agis seulement d'après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle. » dit Kant. Idiot répond Michel Onfray. Imaginons que pendant la guerre, un Juif vienne chez vous. Puis qu'arrive la Gestapo. Avez-vous un Juif chez-vous ? Comme vous aimez la vérité, vous répondez oui. Kant n'a plus qu'à se rhabiller.

D'autres auraient trouvé insupportable la délation, et auraient constaté que Kant leur donnait raison. En fait, Kant donne raison à tout le monde. Il nous dit d'être en règle avec notre conscience. Ce qui élimine peut-être l'hypocrisie, mais pas grand chose d'autre. En particulier que certains trouvent bien de commettre un génocide et d'autres non.

Onfray me semble aussi avoir loupé une subtilité. Nul n'est forcé de répondre par oui ou non à une question... On peut aussi répondre par l'indécidable. Paul Watzlawick raconte l'histoire de Freud qui veut quitter l'Allemagne. Le pouvoir nazi lui demande, en échange de son accord, d'écrire quelque-chose de gentil sur lui. Sur quoi, Freud invente l'équivalent du "like" de facebook. Cela satisfait ses interlocuteurs, mais ça ne trompe personne d'autre. (Que l'humour juif soit un humour de l'absurde serait-il l'effet de la sélection naturelle ?) 

La guerre de 70 métaphore de la France et du changement

Elisée Reclus, grand géographe, anarchiste et communard pacifique, explique ainsi la guerre de 1870. 
  • Acte 1. Napoléon III tombe. Le peuple de Paris se réjouit. Maintenant, il peut faire la guerre à l'Allemagne. 
  • Acte II. Pour les généraux l'ennemi est maintenant à l'intérieur. Peut-être aussi est-il bien plus facile d'écraser quelques communards que d'affronter Bismarck ? Ils collaborent avec l'Allemagne. Charmée, celle-ci assiste à une lutte fratricide. (Ce qui expliquerait la fameuse reddition de Bazaine qui se rend, lui et une grosse partie de l'armée française, sans combattre.)
On retrouve le scénario de la défaite de 40. (Marc Bloch explique a peu près de la même façon "l'étrange défaite".) Et peut-être notre défaite actuelle. Nos divisions internes ont laissé la place libre au modèle du marché, anglo-saxon. Comme durant l'occupation allemande, nous réalisons maintenant que cela ne nous va pas. Car nos valeurs communes sont bien plus importantes pour nous que ce qui nous divise. Parviendrons-nous à nous libérer ? Et par nos seuls moyens ?

dimanche 14 septembre 2014

Spécial indépendance écossaise

Indépendance écossaise. La classe politique anglaise veut refaire le coup du Québec, en 1995 : on promet à l’Ecosse que, si elle reste, elle aura plus d’autonomie que si elle part. Mais les Ecossais semblent amalgamer les Anglais de tous bords à des Conservateurs, qu’ils exècrent. On n’est plus dans le domaine de la rationalité. Curieusement, étant un réservoir de votes pour les Travaillistes, l’indépendance de l’Ecosse signifierait que l’Angleterre deviendrait durablement conservatrice. Par ailleurs, même si l’Ecosse ne fait pas sécession aujourd’hui, elle pourra la faire demain. Cette perspective affaiblira considérablement l’Angleterre. Quant à dire ce que serait une Ecosse indépendante… Beaucoup de dettes, une population vieillissante, un poids économique démesuré de grandes banques qui pourraient être tentées de partir… Et probablement la nécessité d’inventer une nouvelle monnaie. Une union monétaire avec l’Angleterre étant presque plus compliquée que l’équilibre périlleux de la zone euro. En fait, l’Angleterre va vraiment très mal. Après les eurosceptiques de droite, voici les écologistes de gauche. Le pays semble se disloquer...

L’UE est aux mains de Mme Merkel, comme le prouve la composition de Commission. En Suède, le centre droit, libéral, devrait perdre les élections. Croissance, mais inégalités et chômage. Le nouveau gouvernement devrait être fragile. Mais moins belliqueux à l’endroit de la Russie que son prédécesseur. Ukraine : trêve. Visiblement les efforts de M.Abe pour sortir l’économie japonaise de sa torpeur sont en train d’échouer.

M.Obama forme une coalition hétéroclite pour lutter contre l’Etat Islamique. Son opinion publique est à nouveau favorable à une guerre. Problème : la dite coalition ne tiendra pas plus longtemps que le dit Etat Islamique. Si l’on veut éviter des troubles continuels dans la région, il faudrait veiller à ce que des Etats s’y installent qui satisfassent toutes les communautés locales. M.Obama ne semble pas intéressé par ce travail. En Afrique du sud, les services d’espionnage sont à la solde du gouvernement.

On disait que les pays émergents allaient rapidement rattraper les pays riches. Ce n’est plus le cas. Leur croissance accélérée venait de la facilité moderne de construire des chaînes d’approvisionnement qui exploitaient leur main d’œuvre et leurs matières premières. Mais ils n’ont pas su se créer une capacité de production autonome. A l’exception de la Chine. Chine qui aurait acquis un savoir-faire remarquable pour accélérer le cycle de développement des produits. En copiant le plus rapidement possible les innovations des autres nations.

Apple le « world leading gadget maker » change d’identité. D’une entreprise refermée sur elle-même, il devient un écosystème. Publicité et Internet. Tout ce que l’on fait sur Internet est enregistré. Qu’on le veuille ou non. Puis on est mis dans des catégories de comportements pathologiques. Vide juridique total. Solution ? Un Internet payant qui serait non policier. Ou un mouvement populaire qui forcerait le législateur à intervenir. Netflix attaque le marché français. Mais ne compte pas y payer ses impôts. The Economist lui promet le succès de McDo. 

Les entreprises achètent leurs actions pour en augmenter le prix, quitte à s’endetter (en outre, la dette réduit l’impôt). Du coup, elles n’investissent plus. Mais, il semblerait que, sous la pression des fonds de pension, la mode change. Les banques émettent un nouveau type d’obligations. Leur particularité est de perdre toute leur valeur dès que la banque a des ennuis. Ce qui pourrait produire quelques effets pervers.

Qu'est-ce qui fait une éducation nationale efficace ? Ni le salaire, ni la taille des classes. La compétence de l'enseignement, et le dispositif qui le soutient. 

Pourquoi avons-nous des idées sous la douche ?

Pourquoi avons-nous des idées sous la douche ? Apparemment parce qu'ordinairement, notre pensée se bloque dans un sillon. Sous la douche, plus de contrainte, la pensée se libère et sort des sentiers battus.

Ce qui pose la question d'un enseignement qui n'est que sélection par le bachotage et qui prétend ainsi identifier des innovateurs...

samedi 13 septembre 2014

Peut-on être "ceinture noire" de changement ?

Black belt de Lean. Je découvre une entreprise où tout le monde est certifié. Y compris en conduite du changement ! Mais peut-on être certifié champion de conduite du changement ? Si cela pouvait être le cas, pourquoi notre gouvernement et tous les patrons de la terre ne courent-ils pas acquérir leur diplôme ?

Le judo peut être vu de deux façons. C'est un art de vie. Un rituel. Chaque pas vers la sagesse est noté d'un "dan". Ou, c'est un art de combat. Les champions ne sont pas très hauts dans la hiérarchie des dans. 

Il en est de même du changement. C'est un art de l'action. Et l'action s'oppose au rite, donc au dans et aux ceintures. Ce n'est que lorsque l'on est un praticien champion que la technique peut vous être utile. Sinon, elle vous transforme en ritualiste impuissant.

Le marché crée-t-il de l'emploi ?

Il y a quelques temps, je parlais de "moment thucydidien". On nous a lavé le cerveau. 

Ne serait-ce pas le cas avec la création d'emploi ? Dans les années 60, il n'y avait pas de chômage, et le SDF était inconnu. Depuis que le marché domine la planète, le chômage et l'exclusion sont partout. Il y a même de plus en plus de "travailleurs pauvres". Et s'il y avait un lien de cause à effet ?

Et si c'était la société humaine qui créait l'emploi ? C'est-à-dire qui répartissait entre ses membres ce qu'ils ont collectivement produit ? Et si le marché était un mode de répartition par nature "injuste" ? (Et inefficace : il semble un mode d'exploitation par destruction plutôt que de création.)

vendredi 12 septembre 2014

L'enfer, technique de conduite du changement, et conséquences

Printemps des peuples ? Découvriraient-ils qu'on les a emmenés en bateau ? Et s'ils éjectaient les partis de gouvernement et toutes leurs politiques ? 

Résultat d'une technique de conduite du changement inventée par Platon. Platon estimait que seul le philosophe pouvait diriger la cité. Et, pour mener le peuple, il fallait lui raconter des fariboles. Platon est l'inventeur de l'enfer.

C'est bien cette technique qui pourrait être en train d'éclater à la face de notre gouvernement. On réalise soudain qu'il n'y a pas d'enfer ? Que l'enfer, c'est sa politique ?

Ce n'est pas fini. On en arrive au plus étrange. Les premiers films de Polanski ont pour héros un petit personnage qui lutte contre le mal. Il finit par perdre. Et il s'en trouve très bien. Eh bien, c'est comme cela que je vois nos gouvernements. Ils vivent dans un monde en blanc et noir. Si la colère gronde, s'ils prennent peur, ils vont croire que le mal a vaincu, qu'ils doivent s'allier avec lui. Sans compter, qu'au fond, ils ont beaucoup à y gagner dans une collaboration. 
Nous sommes quelques-uns à avoir couché avec l'Allemagne ... et le souvenir nous en restera doux (Brasillach)
Ce n'est pas le peuple qui veut l'extrémisme, ce sont ses gouvernants qui le lui imposent !

(Polanski : Rosemary's baby, Le bal des vampires, Répulsion.
Il existe une raison supplémentaire de la résistance de nos gouvernements à un changement qui ne serait pas la seule expression du "mal". C'est que leur passif n'est pas totalement net. Un malencontreux génocide par ci, une réforme maladroite, qui a donné l'entreprise français au fonds de pension américain, par là... tout ceci est un peu embarrassant si cela venait à être découvert. Alors, plutôt que d'affronter cette désagréable réalité, on préfère croire à un peuple pourri par le vice.)

Elite de copieurs ?

Ce qu'il y a de curieux dans la transformation de la France, entreprise, service public... C'est qu'elle s'est faite par copie de ce qui existait ailleurs. Air France, par exemple, est devenu un transporteur comme un autre. 

En 40, on a copié les Allemands, maintenant, c'est les Américains. Mais ces modèles ne nous conviennent pas. Je deviens FN ? FN et UMPS même combat. Refus de penser. Ce qui manque à notre "élite", c'est justement cela. Elle ne sait pas penser. Elle n'a pas été formée pour

Nous devons réapprendre à penser. Il faut inventer quelque-chose qui nous est propre. Quant aux modèles du passé, ceux du FN, ils ont été défaits. 

jeudi 11 septembre 2014

Sommes-nous cyniques ?

Mon dernier billet concernant François Hollande m'a amené à me demander si nous n'étions pas devenus cyniques. Plus rien ne nous révolte, parce que nous n'avons plus d'idéaux. Ce qui est terrible. Puisque cela signifie une totale inaction. L'acceptation implicite de l'ordre établi. 

Ce qui m'a fait penser à mes élèves. Extérieurement, ils ressemblent à ce que je viens de dire. Ils sont terrorisés. Par exemple de ne pas trouver d'emploi. A tel point qu'ils ne refusent rien de ce que leur demande leur employeur. D'Internet aussi. Beaucoup utilisent des pseudonymes. Mais, quand on les connaît mieux, ils ne sont pas comme cela. Ils me paraissent même avoir une pensée assez libre. 

Un espoir, alors ? Brisons la pensée unique, et nous libérerons une France de gens bien ?

Progrès et changement

Je reviens sur la notion de progrès. Dans le précédent épisode j'opposais Kant aux Chinois. Kant pense qu'il faut que pour que la vie soit vivable, il faut l'espoir d'une amélioration ; les Chinois estiment que le rite a cette fonction.

Pour ma part, j'en arrive à croire que progrès doit être entendu au sens de progression, et pas d'amélioration imparable. La vie nous fait traverser des coups de Trafalgar qui nous forcent à nous transformer. Un homme n'est donc pas quelque chose de figé, mais un processus de réinvention permanent. (Hannah Arendt dit renaissance.) Ces coups du sort sont aussi un moyen de rebattre les cartes. Ils donnent l'espoir d'améliorer sa situation. ("Méliorisme" des pragmatistes ?) Mais on ne gagne pas toujours.

mercredi 10 septembre 2014

Ecosse, hirondelle de l'Europe ?

L'Ecosse va-t-elle se séparer de l'Angleterre ? Brutalement, cela semble possible. Mais l'électeur ne va-t-il pas se raviser en dernière minute ?

Panorama of the Battle of Culloden.jpg


Pour ma part, il me semble que cette affaire est un pari. Au moment où l'Angleterre pourrait quitter l'UE, une Ecosse européenne pourrait avoir quelque-chose de séduisant. Sans compter que l'incertitude, surtout quand elle est de cette taille, sourit à l'esprit entreprenant... 

Between 1979 and 1981 Scotland lost a fifth of its workforce. Again, the old industrial cities of north and central England suffered similarly. But many Scots believed they had been singled out
L'indépendance, tentative pour renverser une politique destructrice ? Début de révolte des peuples européens ? Une révolte contre les gouvernants et les politiques appliquées à l'Europe depuis 30 ans ? Et si The Economist avait raison de craindre une scission de la zone euro ? Et si nos gouvernants devaient rapidement faire preuve d'un peu d'imagination, s'ils ne veulent pas voir les extrêmes, leur seule alternative actuelle, prendre la pouvoir ?

L'Allemagne en guerre contre le numérique

Surprenant ? La société allemande semble se liguer contre Google. Avec à sa tête l'industrie.
And then there are Germany’s manufacturers. They fret they will lose out from digitisation. In this age of “big data”, the thinking goes, profits will migrate from physical products to data about them. (L'article.)
La France est présentée comme anti tout. Et l'Allemagne comme une sorte d'idéal du business. Il me semble qu'il en est tout autrement.
  • Uber a été interdit dans toute l'Allemagne
  • dans le cadre des négociations UE / USA de libre échange, la proposition américaine qu'une entreprise puisse saisir la justice contre un Etat a fait violemment réagir l'Allemagne ; 
  • l'Allemagne sort du nucléaire, etc.
Ce qu'il y a d'étrange, c'est que l'Allemagne peut faire n'importe quoi, on la respecte. La France, quand à elle, fait beaucoup de bruit, mais ne s'oppose à rien. Et pourtant (de ce fait ?), on la méprise.

mardi 9 septembre 2014

Changement à Radio France

Mon enquête sur France Musique m'amène à Radio France. Son dirigeant est "le bel ami du XXIème siècle". Passé de droite à gauche, il doit à son physique avantageux, à Frédéric Mitterrand, et à son talent de manipulation des ficelles (faiblesses ?) de la classe dirigeante une ascension fulgurante. Sa politique semble être celle du "digital". Formule magique qui épate le politique ? Promet-elle des économies qui ne déplaisent pas à un gouvernement aux abois ? Même si Radio France doit y perdre son âme ? 

C'est étrange, mais je me demande si, au fond, notre gouvernement ne hait pas la gauche. Prolongement décomplexé de la politique de Nicolas Sarkozy ? Phénomène Tony Blair ? 

Changement et psychologie

Chaque individu a en lui une modélisation de la réalité. (Par exemple, X pense qu'il est irrésistible.) Et il agit en fonction. (Il drague toutes les minettes.) Ce qui marche (optimisme - il drague de plus en plus) ou non (dépression - il se replie sur soi).

Aujourd'hui, on nous dit que cette forme de dépression est un refus du changement et du progrès. C'est une tautologie : tu es mauvais parce que tu échoues. 

Au contraire, il faut chercher à comprendre ce qui ne va pas. Cela vient d'une modélisation de la réalité qui ne marche pas. Faire passer quelqu'un d'une modélisation de la réalité qui ne marche pas à une modélisation qui marche s'appelle... le changement !

Ce processus demande, généralement, l'aide de la société. Il est très difficile de le mener à bien seul. 

(Un exemple, selon moi, de ce qu'il ne faut pas faire.)

lundi 8 septembre 2014

Changements à France Musique

France Musique se transforme en FIP (ou en Radio Classique) ? Musique en continu, plus de concerts ? J'enquête. Et je trouve un article de Télérama, qui semble parler d'un nettoyage au Karcher.

Exemple type du changement sommaire ? On annonce que France Musique est peuplée de nuls. Et cela sur la seule opinion de l'auteur du jugement, qui, apparemment, ne connaît rien à la radio. Eh puis, surtout, taux de pénétration trop faible ! Aucune justification, bien entendu. On va faire bien mieux. Et, pour commencer, on vide tous les "producteurs". C'est-à-dire, tout ce que l'on peut licencier ad nutum ? Et si le véritable objet du changement était la baisse de 5% du budget de la chaîne dont parle l'article ? L'Etat réforme à la tronçonneuse ?

(Suite de l'enquête : ici.)

L'Amérique noire d'Obama

Il ne fait pas bon être noir en Amérique. Un tiers de ceux qui ont entre 20 et 30 ans sont en prison ou en liberté surveillée. En moyenne le noir est dix fois moins riche que le blanc. Et il existe une sorte d'apartheid qui ne dit pas son nom. Les noirs pauvres ont été repoussés dans des sortes de ghettos, isolés des blancs par des leaders communautaires et une classe moyenne acceptable. Surtout, ils ont été expulsés des centres-villes, et se retrouvent dans des banlieues qui ne sont pas équipées pour aider le pauvre. Les années 2000 - 2010 ont été celles du "déclassement". Ne serait-ce que parce que le noir a été massivement victime des "subprimes". 

A cela, il faut ajouter une police qui a utilisé les énormes fonds qu'elle a reçus pour s'armer comme pour l'Iraq, une tradition de manifestations réprimées dans le sang, et un usage systématique des statistiques qui permet de détecter le criminel avant qu'il n'ait commis un crime...

(L'étude vient d'ici : François Bonnet & Clément Théry, « Ferguson et la nouvelle condition noire aux États-Unis », La Vie des idées, 2 septembre 2014. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Ferguson-et-la-nouvelle-condition.html)

Et M.Obama dans tout ceci ? J'entendais une émission dire qu'il ne pouvait rien faire, car il est noir. 

Parce qu'il est noir, il ne peut pas faire ce que ferait tout être humain ? M.Obama aurait-il démontré que le noir n'est pas humain ? 

dimanche 7 septembre 2014

Notre Europe, création de l'Angleterre

L'Europe actuelle est l'oeuvre de l'Angleterre. Une citation :
Back (at the turn of the millenium) the country was arguably the most influential in the union. The Lisbon Agenda to make the EU “the most competitive and dynamic knowledge-based economy in the world”, launched in 2000, was a triumph for liberal British reformism (a fact often forgotten amid today’s breathless talk of unilateral vetos and repatriations). The 2004 expansion, too, was a great victory for British diplomacy. Even after the prospect of British membership of the euro zone faded, London continued to set the agenda—in the choice of Jose Manuel Barroso over the federalist Guy Verhofstadt to lead the 2004-2009 and 2009-2014 Commissions, for example. In short: Britain was at the forefront of debates about the future of Europe and its neighbourhood. 
Cela ressemble au portrait de l'UE que tout le monde fuit aujourd'hui, l'Angleterre en premier. Etrange qu'on ne le dise pas plus souvent...

Libanisation de l’Ukraine ?

Ukraine. Les tanks russes passent à l’offensive et font reculer l’armée ukrainienne. Situation compliquée. Armée faible, de plus en plus constituée de seigneurs de guerre qui veulent jouer un rôle politique. L’Ouest use de la sanction. Mais les sanctions ne marchent pas si bien qu’on le dit. Y compris en Iran. Cependant, M.Poutine a un point faible. Son opinion n’aime pas que ses soldats se fassent tuer. Ce qui est le cas. L’idéal, pour lui, serait une Ukraine anarchique.

En Allemagne, un équivalent du Tea Party s'impose, à l'extrême droite. Après die Linke, à l'extrême gauche. Politique devenant chaotique, et Mme Merkel contrainte à la rigueur. En France, la tendance Rocard aurait pris le pouvoir avec M.Valls. Europe. La crise a renforcé le rôle des nations, au détriment de celui de l’UE. Angleterre. M.Cameron va bien mal. Subitement, les indépendantistes écossais gagnent des points ; l’aile droite de son parti se révolte ; et surtout, le niveau de vie de l’Anglais n’est pas brillant.

« A mesure que la guerre divise l’Iraq et la Syrie selon des lignes sectaires, toute action américaine contre l’Etat Islamique risque, sans le faire exprès, d’aider l’Iran et les Shiites, de ce fait renforçant le sentiment des Sunnites d’être des victimes, dont se nourrit l’Etat Islamique. » Israël est, lui aussi « en face d’un choix déplaisant ». S’allier ou non avec Assad. En attendant, il étend ses colonies.

Au Brésil, Marina Silva pourrait être le prochain président. Mais le système politique est chaotique. Pourra-t-elle gouverner ? Au Japon, M.Abe remanie son gouvernement. Acte désespéré ? Au Pakistan, l’armée joue toujours un rôle décisif, mais il n’est plus question qu’elle prenne le pouvoir. En Inde, M.Modi semble beaucoup plus populiste que réformateur.

Aux USA et en Angleterre, les stages sont généralement non payés. Cela favorise l’accès à l’emploi des gosses de riches. Les salaires des pays riches baissent. « Une reprise, saine et durable, dans les pays riches, demeurera illusoire aussi longtemps que durera la pression sur les salaires. »

L’Allemagne se ligue contre Google. L’industrie allemande a peur que l’économie numérique ne lui vole sa valeur. Matières premières. Les banques se séparent de leurs activités dans ce domaine. Les négociants spécialisés s’intègrent verticalement en récupérant, en particulier, les installations dont se débarrassent les producteurs, qui cherchent à améliorer leur rentabilité… 

Le droit en Chine

Histoire d'un procès chinois. Un vendeur à la sauvette a maille à partir avec des agents municipaux. Après moult vexations, il en tue un. La puissance publique canonise le mort. Ce qui signifie que le vendeur va recevoir la peine capital. Un avocat décide de s'appuyer sur la loi. Il obtient une peine de mort avec sursis. Observations personnelles :
  • En Chine, le politique prime la loi. Autrement dit, c'est la société qui a le dernier mot.
  • L'avocat joue considérablement de l'opinion publique. Il semble chercher à ce que des groupes de pression s'identifient au meurtriers. Il parvient même à toucher une corde sensible chez les collègues de la victime (les agents municipaux font un travail dangereux et non officiel). Cependant, il doit tenir compte de ce qui est acceptable ou non par l'opinion officielle. Il fait passer les messages auxquels il tient de manière indirecte. (Je me serais cru dans une mission de conduite du changement !)
  • Le fait que la loi commence à s'imposer en Chine amène à se demander s'il ne s'agit pas d'une contamination de l'Ouest. Mais, peut-on faire autrement dans un monde globalisé, qui a besoin de règles claires et précises pour guider les transactions de gens qui ne se connaissent pas ? 
  • L'arrivée de la loi et du droit peut amener celle des droits de l'homme, donc l'individualisme ?
Judith Bout, « Les nouveaux usages du droit en Chine contemporaine », La Vie des idées, 25 août 2014. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Les-nouveaux-usages-du-droit-en.html

samedi 6 septembre 2014

Ukraine, Russie et sanctions

Dans la crise ukrainienne, les sanctions s'empilent. Est-ce efficace ? 

Initialement j'ai cru à la révolte d'un peuple. Insensiblement l'affaire se transforme en une guerre économique contre Vladimir Poutine. Si j'en crois The Economist, le calcul des leaders du camp occidental (Anglo-saxons en tête, Européens suivant lâchement ?) est que le peuple russe va plier, et éjecter M.Poutine. Mais, qui aimerait être considéré comme un coupable ? Qui accepterait d'être contraint par la force à faire le contraire de ce qu'il veut ? 

D'autant que les USA semblent maintenant s'allier au peu reluisant M.Assad, en Syrie. Ce qui laisse entendre que l'on ne reproche pas tant à M.Poutine son action en Ukraine que de vouloir faire preuve d'indépendance vis-à-vis des intérêts des USA ?

Et si nous étions repartis dans une guerre froide larvée ? Avec une Russie repliée sur elle-même, et qui joue de son pouvoir de nuisance ? En transformant l'Europe, entre autres, en un chaos ?

PS. J'avais écrit ce billet lorsque je suis tombé sur un article du Nouvel Economiste. Même genre d'idées. L'OTAN a besoin d'un ennemi pour justifier son budget dit-il. Et l'Europe a commis l'erreur de ne pas chercher à s'entendre avec la Russie.
L’Europe a été surprise par la réaction pourtant prévisible de la Russie, un pays qu’elle ne comprend pas car finalement, au cours des deux décennies écoulées, les élites européennes n’auront pas fait l’effort d’écouter et de chercher à comprendre ce qu’était réellement aujourd’hui devenue la Russie contemporaine.