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dimanche 30 juin 2013

HBR’s 10 must reads on Change Management

Un recueil d’articles de la Harvard Business Review concernant la conduite du changement. Le plus surprenant, peut-être, est que ce livre, pourtant fait de best sellers de la conduite du changement, va à l’encontre des pratiques de l’entreprise. Nos méthodes usuelles sont condamnées à l'échec ! 
  • On retrouve le fameux Leading change de John Kotter. Il explique que réussir un changement au résultat durable est beaucoup plus compliqué que ce que l’on pense. Et que les moyens pour ce faire sont beaucoup plus importants qu’on ne le croit. (Pourquoi nos changements ratent-ils ? Parce-que, contrairement à nos idées reçues, « la transformation est un processus, pas un événement ».)
  • Deux articles de Michael Beer montrent que les techniques programmatiques, traditionnelles, de conduite du changement, ne fonctionnent pas.
  • Un article sur la méthode DICE explique comment évaluer les chances d’un changement.
  • Une technique pour débloquer la résistance qui se produit lorsque le changement suscite chez nous des idées qui se contredisent.
  • Comment ne pas crever au champ d'honneur ? Et comment conduire le changement sans pouvoir.
  • Et quelques articles moins enthousiasmants, parce qu’ils me semblent plus difficiles à mettre en œuvre. Par exemple, un article sur le changement comme « tipping point », un autre sur le sauvetage d’un hôpital, et un dernier sur une tentative par le patron d’IBM de changer la culture de sa société. Ce PDG me semble avoir voulu recréer l’IBM des origines. Mais je ne suis pas sûr qu’il ait vu ce qui était nécessaire pour cela : un processus de création d'innovations qui donne un avantage décisif à l’entreprise. 
Un retour aux sources, pour moi. C’est en lisant ce type d’articles que j’ai compris que mon expérience était à la fois cohérente avec ce qui se disait des sciences du changement, et avait des choses à leur apporter.

samedi 29 juin 2013

Fin des BRICS

Que reste-t-il des BRICS ? Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud. En dehors de la Chine, qui décélère, le reste ne va pas très bien. Curieux. Pourtant on nous disait que c'était l'avenir du monde. (Un économiste de Goldman Sachs, Jim O'Neill, serait à l'origine du terme.) Quel est leur problème, d'ailleurs ? BRS sont tirés par des ressources naturelles. IC s'évertuent à faire mieux que l'Occident. Mais rien de très neuf ne sort de ce monde. Il manque d'un moteur. L'Occident demeure le berceau des principales industries mondiales.

Pourquoi, alors, nous a-t-on annoncé notre fin ? Peut-être parce que Marx n'avait pas tout à fait tort. L'Occident se livre une guerre de classes, entre dirigeants (plutôt que possédants) et dirigés ? Les premiers avaient intérêt à trouver des personnels plus dociles que les seconds ? Quitte, pour cela, à transférer aux BRICS leurs savoir-faire nationaux ?

Échec du changement : raisons

HBR‘s 10 must reads on Change Management donne deux article de Michael Beer.

Le premier, dit qu’en termes de conduite du changement l’optimum est une combinaison de l’approche « à la tronçonneuse », favorable aux intérêts de l’actionnaire, et de la prise en main du changement par les opérationnels de l’entreprise, favorable aux intérêts de l’entreprise. On combine alors dynamisme et durabilité du changement. (C’est la démarche que préconisent tous mes livres.)
BEER, Michael, NORIA, Nitin, Cracking the Code of Change, Mai 2000.

Le second montre que l’échec du changement vient d’une hypothèse erronée. On croit que le comportement de l’individu est conditionné par ses dispositions d’esprit, alors que c'est son rôle dans l'organisation qui est déterminant. En conséquence le changement porte sur ce que pense l’individu, alors qu’il devrait porter sur les conditions collectives de travail. Ce changement inefficace est dit programmatique. Il prétend imposer, d’en haut, une organisation des processus de travail fondée sur la théorie. Le changement efficace est « orienté problème » (task oriented). Il demande à un groupe d’opérationnels de résoudre un problème concret. La solution qu'il trouve, qui conduit à une nouvelle organisation du travail, à de nouveaux rôles, est généralisée. En partant de ce principe, on peut créer une « entreprise apprenante », qui expérimente en permanence. La direction donne les grandes lignes du changement. En partant de la périphérie, et en convergeant vers le centre, ses unités se livrent à des changements « orientés problème ». Et leurs découvertes sont diffusées. Démarche en 6 étapes :
  • Suscitez la volonté de changer grâce à un diagnostic conjoint des problèmes.
  • Développez une vision partagée des facteurs de compétitivité
  • Favorisez le développement des conditions nécessaires à la nouvelle vision, des compétences de l’appliquer, et de la cohésion pour la faire progresser
  • Diffusez la revitalisation à tous les départements, sans pousser d’en haut
  • Institutionnalisez la revitalisation grace à des politiques formelles, des systèmes et des structures… seulement après que la nouvelle approche fonctionne
  • Suivez l’évolution du processus de revitalisation, en ajustant en fonction des problèmes.
Beer, Michael, eisenstat, Russel A., spector, Bert, Why Change Programs Don’t Produce Change, 1990.

(J’ai discuté avec Michael Beer à l’époque où je travaillais aux versions préliminaires de mon premier livre. Je lui dois la phrase « les organisations tuent la mise en œuvre du changement ». Nous partageons le même point de vue :  la façon dont le changement est mené aujourd’hui est désastreuse. Là où nous différons, c’est qu’il est extérieur au changement, alors que je suis en plein milieu. Et cela change beaucoup de choses. )

Evaluer un changement : la méthode DICE

Soit un changement divisé en une quantité de sous-projets, comment faire pour s’assurer qu’ils vont réussir ? Les évaluer. La méthode est relativement simple. Il faut noter de 1 (bon) à 4 (mauvais) chaque projet sous 5 angles.
  • Durée. Y a-t-il des revues régulières du projet ? (D)
  • Compétence et moyens de l’équipe projet (I).
  • Niveau d’engagement de la direction (C1).
  • Niveau d’engagement du management intermédiaire (C2).
  • Effort supplémentaire demandé aux employés du fait du changement (E).
Si le score du projet, D + 2I + 2C1 + C2 + E, est au dessous de 14, il est bien parti. Au dessus de 17, c’est mal engagé. Entre les deux, c’est incertain.

(SIRKIN, Harold L., KEENAN, Perry, JACKSON, Alan, The Hard Side of Change Management, octobre 2005.)

Commentaire : 
  • En réalité, l’évaluation ne va pas de soi. Les critères sont ambigus. Mais, ce n’est pas grave. Au contraire. Tout l’intérêt de la méthode est de forcer au débat et à l’interrogation.
  • Plus curieusement, le bon changement n’est pas celui dont tous les sous-changements sont garantis de réussir. Le bon changement contient une part d’expérimentation, donc de risque. Le changement doit donc être vu comme un portefeuille de projets dont certains ont le « droit » d’échouer.

jeudi 27 juin 2013

Ose penser

"Quand j’étais à l'école, ils m'ont demandé ce que je voulais être plus tard. J'ai répondu 'heureux'. Ils m'ont dit que je n'avais pas compris la question, et je leur ai répondu qu'ils n'avaient pas compris la vie. " Jean-Jacques Auffret publie une citation par jour (inscription ici). Celle-ci est de John Lennon.

Et elle m'a plongé dans une profonde réflexion. Elle m'a rappelé une histoire racontée par Christian Kozar. On présente un colis à un comité de direction et on lui demande ce qu'il y a dedans. Les hypothèses fusent. On fait la même chose avec des enfants. Ils ouvrent la boîte.

Nous sommes programmés par la société. C'est certainement utile, mais cela peut se révéler un piège. Pour l'éviter il faut, probablement, "oser penser", comme disait Kant.

Résistance au changement et objectifs contradictoires

La résistance au changement peut s’expliquer par le heurt, inconscient, entre des objectifs contradictoires. Comme résoudre ce blocage ?

Demander au résistant ce qui l’empêche de mettre en œuvre le changement. Réponse : le reste de l’organisation ne fait pas ce qu’il devrait. Qu’arriverait-il s’il le faisait ? En fait, la personne réagirait mal ! C’est son propre comportement qui provoque le blocage. Que se passerait-il si elle avait un comportement différent ? C’est là que l’on en arrive à la « grande hypothèse » sur elle-même qui explique réaction et blocage. Elle pense qu’avoir un comportement différent révèlerait son incompétence. Arrivé là, on peut l’aider à dépasser cette limite (qui peut être imaginaire).

KEGAN, Robert, LASKOW LAHEY, Lisa, The Real Reason People Won’t change, novembre 2001, in HBR’s 10 must reads on Change Management, Harvard Business Review School Press, 2011.

mercredi 26 juin 2013

50 ans de France Culture

J'ai entendu dire que France Culture avait 50 ans. Je m'attendais à une série d'émissions, mais rien n'est venu. D'ailleurs, ce n'est pas très clair. D'après Wikipedia, France Culture aurait eu des ancêtres jusque en 46. Son nom actuel daterait du 8 décembre 63...

Je ne sais pas depuis quand j'écoute France Culture. J'ai dû commencer par les émissions matinales, peut être dans les années 80. Puis quelques émissions dans la journée. Notamment les jeux littéraires. Je dois à France Culture d'avoir découvert que je comprenais quelque chose à la philosophie. Tout s'est arrêté, je ne sais plus quand. J'ai le souvenir d'une prise de pouvoir par une équipe de gens insupportables. Qu'est-ce que je leur reprochais ? Peut-être d'avoir cédé au penchant naturel de la chaîne : son caractère anxiogène. Elle s'est fait une spécialité de la fiction misérabiliste atroce, et du sermon, que Bossuet n'aurait pas désavoué. Son nom la prête peut être à croire qu'il n'y a qu'une culture (au sens ethnologique du terme), la sienne. Danger : dérive totalitaire et impérialiste. Justement ce qu'elle dénonce chez les autres. En 2008, cherchant un stimulant pour ce blog, quelque chose qui me fasse réagir sans efforts, j'ai repris mon écoute. De même que je me suis réabonné à The Economist. Mais la chaîne avait changé. Les combattants de la vraie foi y sont moins nombreux. Ce qui demeure a quelque-chose de très français. Des moyens extraordinairement modestes, une forme d'amateurisme, mais aussi un grand sens du devoir. Cela me fait penser à la description de nos voitures par un ingénieur allemand : on ne comprend pas comment cela peut rouler. Mais ça roule, et plutôt bien.

Etre un leader du changement, sans y laisser sa peau

L’essence du leadership se trouve dans la capacité de donner de mauvaises nouvelles et de soulever des questions difficiles d’une façon qui amène les gens à se saisir du message plutôt qu’à tuer le messager.
Les organisations tendent à éliminer ceux qui veulent les changer. Comment survivre à ce phénomène ?
  • « Agissez dans, et au dessus de la mêlée ». Il faut être à la fois dans l’action et capable de prendre du recul, pour voir où va le changement.
  • « Courtisez les tièdes ». Ne pas transiger avec ce à quoi l’on croit.
  • « Mitonnez le conflit ». Il faut à la fois stimuler agressivement la remise en cause, et savoir relâcher la pression lorsque menace l’éclatement.
  • « Faites résoudre les problèmes par ceux qui en ont la responsabilité ». Ne pas se placer en première ligne.
  • « Gérez-vous ». Notamment en évitant le piège du désir de tout contrôler, qui transforme ses collaborateurs en assistés.
  • « Blindez-vous ». Ce qui demande d’observer des rites qui permettent de maintenir son équilibre en dépit des aléas, d’avoir un confident, et « d’interpréter les attaques comme des réactions à son rôle, et non à sa personne ».
HEIFETZ, Ronald A., LINSKY, Marty, A Survival Guide for Leaders, juin 2002, in HBR’s 10 must reads on Change Management, Harvard Business Review School Press, 2011.

mardi 25 juin 2013

Rationalité relationnelle

Contrairement à ce que croit la science économique, l'homme ne serait pas rationnel, il n'optimiserait pas son intérêt individuel. Il serait relationnellement rationnel. Il chercherait à optimiser l'intérêt du groupe. C'est du moins ce que dit un article. Il semble redécouvrir les idées des sophistes. Mais ceux-ci pensaient aussi que l'homme cherchait l'intérêt collectif, à condition qu'il y trouve le sien (justice).

Changement et radicaux tempérés

Les « radicaux tempérés » sont des individus qui changent l’organisation de l’intérieur, par usure lente. Ils poussent patiemment les valeurs auxquelles ils croient, sans céder à la pression sociale, mais sans être inconvenants. Un portrait du résistant au changement ? En tout cas, voilà qui montre qu’il n’y a aucune raison de sacrifier au conformisme ce qui compte pour nous. On peut transformer l’entreprise par le bas.
Les fins (des radicaux tempérés) sont ambitieuses, mais leurs moyens sont banals. Ils sont fermes dans leurs engagements, mais souples dans la façon de les remplir. Leurs actions sont modestes mais peuvent se répandre comme des virus. Ils aspirent à un changement rapide, mais ils font confiance à la patience. Ils travaillent souvent seuls, mais ils rassemblent. Au lieu de défendre avec véhémence leurs objectifs, ils conversent. Plutôt que de se battre contre de puissants ennemis, ils cherchent de puissants amis. Et, face au revers, ils continuent à avancer. (Meyerson, Debra E., Radical Change, The Quiet Way, octobre 2001, in HBR’s 10 must reads on Change Management, Harvard Business Review School Press, 2011.)

lundi 24 juin 2013

Le Bac comme rite républicain?

J'entendais, ce matin, Stéphane Rozès dire à France culture qu'il considérait le Bac comme un rite républicain. Il est vrai que non seulement c'est la marque d'un passage d'une phase de la vie dans une autre, mais surtout c'est quelque-chose devant laquelle nous sommes tous égaux. D'ailleurs, sans Bac et sans service militaire, où les Français se retrouveraient-ils ? L'éducation ne deviendrait-elle pas un ghetto, chaque classe sociale ayant ses lieux d'éducation ? Ne deviendrions nous pas une société de classes, justement ?

Il y a quelques temps, je lisais un article dans Les Echos, qui appelait à la fin du Bac. Quand tout le monde a le Bac, à quoi ce diplôme sert-il ? Simple bon sens, comme on le disait à l'ère du Président Sarkozy. D'autant qu'un des signataires du papier était un ingénieur des mines (élite de polytechnique, donc de l'intelligence). Mais la complexité de la société déroute le bon sens, comme le dit la systémique. A moins que ce bon sens n'ait lui-même une intention cachée ?

Monde agité

Quelques nouvelles du monde et de l’économie.
Nouveau président iranien. Apparemment, c’est la même chose, mais à visage humain. Manifestations au Brésil. « Les marches sont un signe que (les Brésiliens) découvrent qu’ils paient des impôts et qu’ils méritent des services publics corrects, et pas uniquement des stades flambant neufs. » En Afghanistan rien ne va plus. Un équilibre peut-il être trouvé entre les forces en présence ? À savoir l’armée afghane, les Talibans basés au Pakistan, les résistants locaux, les combattants venus de l’extérieur, et l’aide américaine. Au Baloutchistan voisin, le terrorisme fait rage. Histoire compliquée entre Sunnites, Chiites et généraux.  En Syrie, M.Obama ne veut pas intervenir, mais il a la main dans l’engrenage. En Afrique, il semble suivre une politique discrète, mais judicieuse, contrairement à celle de M.Bush, qui tendait à s’enflammer pour des régimes peu recommandables. Le premier ministre turc a choisi la confrontation, avec son peuple et le reste du monde. Mais la démocratie pourrait avoir gagné, tout de même. L’économie russe aurait vécu de ses acquis, dévaluation et sous capacité. Elle s’essouffle faute d’investissements. L’Angleterre tente « un changement radical de la culture bancaire » : la criminalisation des fautes de management. The Economist craint pour l’avenir de la City. Par ailleurs, les Polonais reprochent à l’Angleterre la légèreté de son attitude vis-à-vis de l’Europe. Dommage. A l’opposé de la position française, ils étaient ses alliés naturels. M.Barroso, en dépit de ses louables convictions libres échangistes, s’est mis trop de monde à dos pour pouvoir continuer à diriger la commission européenne. Réforme des retraites, en France. M.Hollande avance lentement et prudemment. Curieusement The Economist trouve que c’est un vice quant il s’agit de lui, et une qualité quand cela concerne Mme Merkel.

Les « attaques par déni de service » sont en croissance sur Internet. Une des causes en serait la faible protection des serveurs, qui peuvent ainsi être utilisés par les pirates pour relayer leur offensive. Le groupe Murdoch a survécu aux scandales anglais et s’est enrichi. Par ailleurs, les groupes de presse mondiaux se débarrassent de leurs acquisitions exotiques pour se concentrer sur ce qui a les meilleures perspectives. (Le câble aurait le vent en poupe.) Alcatel (dont le prix de l’action a baissé de 86% depuis 2006) suivrait l’exemple de ses concurrents, et se spécialiserait dans le transport de données à haut débit. Les transformations à faire sont douloureuses. Les licenciements devraient être massifs. « La souffrance est loin d’être finie. » Les cimentiers vont mieux, le marché est bon, et ils ont fini par absorber les malencontreuses acquisitions qu’ils avaient faites. Mais ça ne devrait pas durer. En Italie, l’industrie de la mode pourrait disparaître, faute de travailleurs qualifiés. Le G8 s’en prend à l’évasion fiscale. Mais, vue l’importance qu’a pris le phénomène, l’exercice est difficile. Les économistes découvrent qu’ils ne peuvent pas négliger l’influence, colossale, des très grandes entreprises dans leurs calculs.

Finalement, ce serait la guerre avec le Japon, plus que l’invasion occidentale, qui aurait réveillé la Chine. 

dimanche 23 juin 2013

Le temps des révoltes ?

Une amie me disait qu’elle avait l’intuition d'un mouvement violent en France. Ne vivons-nous pas, partout dans le monde, une période de grands mécontentements ? me suis-je dit. Brésil récemment, Turquie, Suède, Syrie, Iran, Printemps arabes… Et peut-être aussi Tea party. (Les manifestations du mariage pour tous me semblent s’inscrire dans nos rites nationaux.) Ces mouvements auraient-ils des causes communes ? Si j'entends ce que disent les médias : non. Les conditions sont partout différentes.

Je me suis alors souvenu d’une histoire. Elle m’a été racontée par un anthropologue. Il est intervenu pour une usine dont le personnel se mettait en grève sans raison (et sans revendication). Explication ? Déshumanisation du travail par automatisation à outrance. Les grèves étaient les seuls moments où les employés pouvaient retrouver un peu de chaleur humaine.

Et s’il en était de même pour notre société ? Non seulement il y a eu individualisation, mais aussi perte de sens. Collectivement, nos causes sont au plus médiocres. Nous ne croyons même plus au communisme, à l’éducation pour tous, à la science, à la conquête de l’espace ou au progrès. Individuellement, c’est encore pire. Et si le mérite premier des révolutions était de donner un peu de sens à la vie ? 

Qu’est-ce qui manque à l’université ?

Il y a quelques temps, j’écoutais une discussion entre un universitaire américain qui a publié un ouvrage sur les grandes écoles françaises, et un professeur d’université, académicien. J’en ai retenu que ce qui faisait la force des grandes écoles était les classes préparatoires. Et que les premières années universitaires américaines avaient pour but d’être des classes préparatoires… C’est-à-dire qu’elles apportent une méthode de travail à celui qui arrive dans l’enseignement supérieur.

Et si c’était, avant tout, ce qui manquait à nos universités ? 

samedi 22 juin 2013

Et si c'était l'Allemagne qu'il fallait aider ?

Ce blog a fini par penser que loin d’être un pays riche et prospère, l’Allemagne va mal. On me disait d'ailleurs, il y a peu, que les salaires sont bas, et, qu'en plus, on paie cher pour sa retraite et sa santé (500 à 700€ par mois pour l’équivalent d’une mutuelle) ! Mais surtout elle est face à un problème inquiétant. L’injection d’immigrants dont elle a besoin semble mettre en cause les fondations de sa culture. Contrairement à celles des USA et de la France, cette culture n’est pas faite de principes intellectuels abstraits qui se veulent universels. Ce qui facilite l’intégration de nouveaux arrivants, à qui l'on demande d'adhérer à une forme de contrat. C’est une culture du sang, de la langue, de la vie en commun, du lien social physique, de la socialisation. D’ailleurs, l’Allemagne n’est pas une, elle est fédérale, elle est, elle-même, un assemblage de communautés qui cohabitent.

Que faire ? Me dis-je. Mon changer pour ne pas changer serait-il en échec ? Mais, quid de la méthode Huguenots ? L’Allemagne sait probablement intégrer d’autres communautés. Et, quid de la méthode Christophe Faurie ? J’ai participé à des collaborations avec des entreprises allemandes, dans ma jeunesse. Quand je suis parti de chez mon employeur du moment, les dites entreprises m’ont fait savoir qu'elle seraient heureuses d'examiner ma candidature. Je soupçonne que la communauté peut intégrer quelqu’un qui sait jouer avec ses règles. Mais, il faut probablement que l’élément extérieur apporte une compétence à laquelle elle accorde de la valeur.

Cependant, il n'est pas certain que l'Allemagne puisse tenir un tel raisonnement. La pensée allemande est procédurale, ou séquentielle. Elle n'est pas propre à l'abstraction comme la nôtre. Et si nous devions donner un coup de main aux Allemands ? 

Réinventons l'avenir du monde !

La rencontre d’Hannah Arendt, des Pygmées et des Limites à la croissance amène ce blog à proposer un projet au monde !

Résumé des épisodes précédents. Le mal que dénonce Hannah Arendt, Rousseau, Lévi-Strauss et beaucoup d’autres, vient de l’invention de la société, à l’occasion de celle de l’agriculture. Le groupe humain a recherché la stabilité. Elle l’a conduit à s’isoler du monde. Du coup, il a été incapable d’en voir poindre les changements. Il les a donc subis, décuplés. Or, au lieu d’essayer de s’y adapter en groupe, il a fait porter le changement sur l’individu. Au lieu d’être « organisationnel », le changement a été « individuel ».

La résilience est la solution à ce problème. Il s’agit de construire notre monde sur les principes de celui des Pygmées. C'est-à-dire de laisser se développer des communautés aussi différentes les unes des autres que possible, auto coordonnées. Ces communautés regardent l’incertitude dans les yeux. Elles en tirent parti, grâce à la combinaison de leurs savoir-faire spécifiques (d’où l’importance d’une diversité maximale).

Hannah Arendt oppose travail, condition de l’esclave (= individu obéissant exclusivement à ses impératifs physiologiques), à l’action politique, condition de l’homme. Il me semble qu’elle a tort (mais tout est une question de définitions). Je pense que le travail est non seulement nécessaire, mais le moyen de connaître la réalité, qui n’est pas humaine. Il faut mêler travail et politique. Comment ? La politique au sens d’Hannah Arendt est l’action de l’homme en communauté. Le plus important, à mon avis, est d’acquérir le réflexe politique. Ce qui peut être fait dans n’importe quel groupe humain, entreprise, association, commune… Il faut donc sortir l’individu de l’isolement dans lequel le plonge la division des tâches et l’individualisme. Il doit continuer à travailler, raisonnablement, mais il doit aussi s’engager dans un groupe. Une fois entraîné à l’action politique, il pourra s’intéresser au fonctionnement des strates supérieures de la société humaine. Et y agir.

Reste le problème de la déshumanisation de l’homme par le progrès et la science, dont parle tant Hannah Arendt. J’imagine qu’à partir du moment où l’incertitude sera un mode de vie, et qu’elle ne forcera plus l’humanité à des changements individuels redoutables, l’homme aura moins la tentation de retourner sa science contre lui-même. La communauté étant la condition naturelle de l’homme, si j’en crois Hannah Arendt et les Pygmées, il devrait aller mieux. 

vendredi 21 juin 2013

Hannah Arendt, rejet de la science et Pygmées

Parmi les provocations d’Hannah Arendt, il y a ce qui m'apparaît comme un rejet de la science. Mais, peut-on s’opposer à un mouvement aussi puissant ? Ne répond-il pas à une sorte de besoin irrépressible de l’homme ? me suis-je demandé. (L’affaire n’est pas aussi claire : elle traite Heidegger, qui voulait revenir à une sorte de Moyen-âge, de « dernier des romantiques ».)

Son argument : l'homme est conditionné par son environnement. Ce qui fait l'homme est une communauté. La vérité est définie par ce que ce groupe est d’accord pour dire qu’elle est vraie. A partir du moment où l’homme, à cause de la la lunette de Galilée, a découvert ce qu'il ne pouvait pas voir, et a commencé à douter de ses sens, c’était fini. La vérité n’était plus celle du groupe. Elle lui était extérieure. L’homme n’était plus homme.

Mais voilà que je me suis mis à discuter avec un ethnologue. Il a vécu chez les Pygmées. Et je comprends que les Pygmées partagent le point de vue d’Hannah Arendt. En effet, on a des preuves qu’ils ont renoncé à une forme de progrès (la métallurgie). Mieux, ils ont mis en pratique une idée qui semble capitale chez Hannah Arendt : le monde comme un ensemble de communautés. La forêt serait un écosystème de communautés, humaines ou animales. Chaque communauté connaît les lois du comportement des autres et agit en fonction. Pour le reste, rien de ce qui nous tourmente (par exemple la peur de la mort) ne trouble le Pygmée. Son bien suprême est la joie de vivre. Ou était. Car il a été liquidé par le progrès, qui a abattu sa forêt.

jeudi 20 juin 2013

La coiffure, métaphore du changement français ?

J’ai gardé mon premier coiffeur 40 ans. Il avait été champion du monde de coiffure. Mais, curieusement, il s’était installé à Argenteuil. Il est vrai qu'à l'époque c'était une banlieue rouge mais qui n'était pas considérée comme mal famée. Il est parti à la retraite. J’en ai trouvé un nouveau. Pas un champion du monde, mais quelqu’un qui avait connu l’apprentissage chez de grands professionnels. Nouvelle retraite. J’ai testé alors les coiffeurs du quartier. Belles boutiques appartenant généralement à une chaîne. Inscription sur ordinateur, pour spamming. Employés qui disent en cœur « bonjour Madame Machin » lorsqu’une cliente entre. Et mécanisation. De 30 minutes aux ciseaux (au rasoir, à Argenteuil), on est passé à 10 minutes à la tondeuse. Augmentation de prix de 50%. De bien plus puisque la coupe étant mal faite, il faut se faire tondre plus souvent. Voilà une inflation que nos génies de l'INSEE n'ont pas vue ! Et je comprends que la mode soit au crane rasé. 

Métaphore du changement de notre société ? Le marketing a remplacé la compétence. La marque et la machine ont remplacé l’artisan. Le propriétaire de la dite marque s’est enrichi en exploitant des personnels sans qualification. Et le pauvre s’est fait pigeonner. Le coiffeur qui, hier, vivait à Argenteuil, maintenant est à Hollywood ?

Le gros de notre croissance aurait-il été un numéro de prestidigitation ? Un bel artifice qui nous a fait croire au père Noël pour nous voler notre bourse ? Et si la vraie croissance était devenue impossible, parce que nous avons détruit ce qui lui était nécessaire ?

Traité de libre échange : la France négocie

Paris a sans doute grillé toutes ses cartouches en se battant pour l’exception culturelle. «Cela fait partie, avec le siège du Parlement à Strasbourg et la politique agricole commune, des constantes politiques françaises», se justifie un diplomate hexagonal, tout en reconnaissant qu’il va désormais être difficile d’agiter le veto français pour défendre la réglementation sur les OGM ou les normes sanitaires. «La Commission a bien joué avec l’exception culturelle : elle a pour longtemps cornerisé les Français», admire un diplomate européen. (L'article.)
 La France négocie un traité de libre échange. Un tel traité, par définition, définit des lois qui contraignent notre démocratie. Or, nous y entrons dans une position étonnante. Face à l'Amérique et à ses lobbys, l'Europe est divisée. Sauf en ce qui concerne la France, haïe de tous. Dans ces conditions, on aurait pu s'attendre à ce que notre gouvernement rassemble nos forces derrière lui. Pas du tout. Aucun débat. Il part au combat la fleur au fusil. D'ailleurs, il n'a même plus de fusil.

Hannah Arendt et la provocation

Les prises de position d’Hannah Arendt ont quelque-chose d’extraordinairement choquant. Par exemple, elle accuse Marx d’avoir glorifié le travail, d’en avoir fait la principale valeur de la société. Or, le travail c’est l’esclavage ! Les Grecs l’avaient bien compris, dit-elle. Mais, ce n’est pas ce que voulait faire Marx ! Il cherchait, probablement, à défendre le prolo, l’opprimé, en montrant que sans lui la société crèverait de faim. Le travailleur, méprisé jusque-là, devait être respecté. Il était essentiel.

Elle a fait pire. Parmi ses faits d’armes, elle a (implicitement) accusé les Juifs d’avoir collaboré avec le pouvoir nazi, et elle a défendu la ségrégation aux USA. Le choc qu’elle a provoqué a été d’autant plus fort que ses arguments n’ont pas été entendus. Par exemple, en ce qui concerne la ségrégation, elle pense, avec les sciences humaines, que c’est la communauté qui fait l’homme. Par conséquent extraire une personne de sa communauté, pour la faire entrer dans une communauté prétendument supérieure (le Noir qui étudie chez les Blancs), est la pire des oppressions. C’est une destruction de l’individu. 

Hannah Arendt évoluait dans un monde théorique. La réalité humaine n’y était pas présente. Elle n’avait pas compris que l’homme n’est qu’émotion. Et que la conduite du changement, c’est passer de l’émotion à la raison. J’ai enfin trouvé un désaccord entre elle et moi. 

mercredi 19 juin 2013

Et si la crise de l'euro venait d'un malentendu ?

Discussion avec une franco-allemande. 
  • Ce qui la frappe en France, c’est l’importance que le Français accorde au travail. Il se définit même par son travail. Le travail envahit la vie privée. Il empêche toute prise de recul. Ce qui ne peut qu’être contreproductif. L’Allemand travaille 35h, puis se consacre à autre chose. C’est pour cela que le travail en Allemagne peut être heureux et efficace !
  • Pourquoi les Allemands en veulent-ils aux Grecs ? Non parce qu’ils sont paresseux, mais parce qu’ils ont menti. En Allemagne, lorsque quelqu’un a un problème, il en parle, et la collectivité l’aide à régler la question. L’Allemagne est construite sur la confiance. En Grèce, comme en France, la relation sociale est construite sur la défiance.
Pas étonnant que rien n’aille entre nous, ce que nous disons est interprété à l’opposé de sa signification réelle !

Hannah Arendt et moi

Au fond, j’ai une très curieuse relation à Hannah Arendt. J’ai lu son livre sur le totalitarisme il y a une dizaine d’années. Il ne m’avait pas ému. Ce qu’il décrivait était ce que je voyais tous les jours. L’entreprise fonctionne comme une meute, soumise au bon vouloir de son patron, qui la restructure à sa guise. J’avais déjà noté le phénomène à mon entrée au cours préparatoire (CP). La classe avait déjà un leader, un petit bonhomme hyperactif, qui en faisait ce qu’il voulait.

Peu après le livre sur le totalitarisme, j’ai acheté la Condition de l’homme moderne. Mais je me suis vite arrêté. Car j’y ai perçu un grave danger. J’y ai vu un raisonnement extraordinairement élégant. C’était le signe certain des menaces du jeu de l’esprit qui se perd dans les plaisirs gratuits de son propre fonctionnement. Ce que les démonstrations de mathématique et les raisonnements philosophiques ont en commun. Je gardais donc le livre pour le jour où mon corps m’aura trahi.

Ce qu’il y a d’extraordinairement étrange dans cette affaire, c’est que je viens de découvrir que je rejetais l’œuvre d’Hannah Arendt au nom d’un des principes qui lui tiennent à cœur. Elle s’est toujours battue contre le mal absolu de l’introspection !

En y réfléchissant, il me semble que c’est la maladie professionnelle de la philosophie, et, plus généralement, de la pensée. Pour parvenir à penser, il faut se retirer du monde. Il faut le voir de l’extérieur. Il faut s’abstraire de ses règles, qui contraignent notre esprit. (Rien de neuf : les Grecs disaient comme moi, il y a 2500 ans, au moins.) Mais, alors, il y a le risque de se faire piéger par les délices de l’abstraction, de la « raison pure ». Il faut être capable de s’en tirer pour revenir au monde. Et ce va et vient est douloureux. Avant de rencontrer Hannah Arendt, je le représentais comme le bond du dauphin, qui passe de l’eau froide et sombre à l’air brûlant et lumineux. Ou encore comme ma difficulté à m’y retrouver entre les personnalités de mes parents, l’un étant penseur contemplatif, et l’autre être d’action. Et moi l’un ou l’autre, alternativement.

mardi 18 juin 2013

Qu’est-ce que j’enseigne donc ?

Peut-être serait-il temps que je m’interroge sur ce que j’enseigne ? Mon premier livre avait plu à Henri Bouquin. De ce fait, il m’a demandé d’enseigner. Mais sans me préciser quoi. C’était sa façon de faire : il s’entourait de gens qu’il appréciait et il les laissait faire. Il s’appliquait sa définition du contrôle de gestion : « organiser l’autonomie ». je donne donc un cours de conduite du changement. J'explique comment faire changer les organisations. Ce qui est relativement original. Aujourd’hui, l’équipe du CREFIGE de Dauphine a changé, le programme aussi. Je ne suis pas sûr que les élèves s’y retrouvent.

A Primer on Organizational Behavior (James L.Bowditch, Anthony F.Buono, Marcus M. Stewart) décompose l’enseignement du management en deux :
  • Les techniques utiles au management (comptabilité, finance, marketing… c’est ce que l’on appelle souvent les sciences du management).
  • Le comportement des organisations (en France on parle de sociologie des organisations), qui se divise encore en deux :
  1. Comprendre le comportement des organisations, et des hommes dans les organisations, et les mécanismes qui entrent en jeu. Ce qui fait intervenir des modèles théoriques (sciences humaines).
  2. Développer les compétences qui permettent d’agir au sein d’une organisation (par exemple de prendre des décisions dans l’incertain). Ce qui ne peut se faire que par l’expérience.
Curieusement, les écoles de commerce ou d’ingénieur enseignent surtout les techniques. (En sommes-nous toujours à la fiction de « l’organisation machine », qui se dirige par des équations ?) Mon enseignement, quant à lui, porte sur l’action de l’homme sur l’organisation. Autrement dit le changement. Pour cela, j’utilise les sciences du management et les sciences humaines comme outils, sans les étudier dans leur globalité, mais en n’en retirant que ce qui sert au changement. Et ce, parce que seul le changement m'intéresse. Mais aussi parce que je partage l'opinion de Kurt Lewin : « Si vous voulez vraiment comprendre quelque chose, essayez de le changer. » Je ne crois pas aux descriptions statiques, mais à l'action. 

En résumé, pour être un manager, il faut acquérir deux choses : des techniques et les compétences pour les mettre en œuvre. Mon enseignement porte sur les compétences nécessaires à la transformation des organisations (plutôt qu’à leur bonne marche). 

Qu’est-ce que le conseil en conduite du changement ?

Jusqu’ici, je ne m’interrogeais pas sur ce qu’était le conseil en conduite du changement. C’est ce que je fais, voilà tout. Mes clients me connaissent et sont donc d’accord avec moi. (Plus exactement, ils veulent ce que je fais, et ils se moquent du nom qu’il porte.) Mais, depuis quelques-temps, je suis interrogé sur la question par des étrangers. J’ai fini par leur expliquer qu’il y avait deux types de conduite du changement. Le mien, et celui des autres.
  • La façon ordinaire dont on mène le changement en France est dite « programmatique ». Le dirigeant prend une décision. Elle donne lieu à un programme. L'entreprise doit l'appliquer. Dans cette approche, la conduite du changement consiste à aider les employés de l’entreprise à s’adapter à une nouvelle organisation du travail. Une partie émergée de ce type de conduite du changement est souvent une formation à l’utilisation d’un système d’information.
  • Pour ma part, j’interviens dans des changements menés différemment. On peut caractériser ce type de changement de deux façons équivalentes l’une à l’autre. En premier par le fait que le changement est trop complexe pour être conçu du haut de la pyramide sans consultation du bas. Le « programme » doit être mis au point par l’ensemble de l’organisation. (En conséquence, les changements dans lesquels j’interviens sont programmatiques, mais à programme conçu par l’organisation.) En second, peut être plus clairement, parce que mon client risque souvent sa carrière dans ce changement.
Ces deux définitions ont une conséquence pour la façon dont le conseil en conduite du changement est mené.
  • La manière traditionnelle produit une conduite du changement en aval du changement. 
  • Pour ma part, j’interviens essentiellement en amont du changement. Puis, éventuellement, pour m’assurer qu’il se déroule correctement. 

lundi 17 juin 2013

Avenir de Polytechnique

On s’interroge sur l’avenir de Polytechnique. Il se trouve que j’ai rencontré un directeur d’un département d’une des écoles d’application de Polytechnique. Il résumait ainsi ce qui lui semblait le problème majeur du polytechnicien : la disparition du service militaire. Le polytechnicien n’est plus que cela, un technicien, il ne sait plus ce qu’est un homme, ou un groupe humain. Comment diriger le monde quand on le prend pour une équation ? 

Y a-t-il un pilote dans l’avion ? L’Allemagne dirige l’Europe

« Les Allemands ont une vision biaisée de la crise de l’euro (« elle est due à des défaillances des économies de la périphérie »), une interprétation incomplète de leur succès économique (« on a réussi parce qu’on s’est serré la ceinture ») et une conscience limitée des liens entre leur économie et les autres (« l’Allemagne doit être protégée du désordre extérieur »). » The Economist dresse un portrait inquiétant d’une Allemagne autiste. C’est un pays qui souffre. Où le travailleur est pauvre, et l’entreprise riche. Il s’est imposé la rigueur. Et il pense que c’est la solution aux problèmes de l’Europe. Mais il se trompe sur toute la ligne. Il doit son succès en grande partie à la chance (« fabriquer les bonnes choses au bon moment », un euro faible, et avoir laissé filer son déficit, sans respecter le traité de Maastricht…), et les décisions unilatérales qu’il prend, comme sa politique énergétique ou le réinvestissement désastreux de ses surplus, sont des échecs et peuvent avoir des conséquences déplorables sur l’Europe. Un espoir tout de même : le pays vieillit vite, il devra absorber une grosse immigration. Cela le forcera à transformer les principes même de sa société, qui sont aujourd’hui une forme de ségrégation. A noter que la courbe des salaires allemande (plate) semble se distinguer de celle de toutes les nations occidentales, pas uniquement de celles d’Europe du sud. Dumping social ?

Chaque peuple a ses obsessions. Les Allemands s’opposent à la BCE, qui distribue leur argent. La France s’inquiète de son « exception culturelle ». The Economist s’étonne d’un comportement « suicidaire ». Apparemment, « la menace principale vient d’Internet et du développement des services de vidéo à la demande ».

La Turquie aurait une curieuse interprétation de la démocratie : la minorité n’a aucun droit. Le style de M.Erdoggan est le passage en force. Et il va continuer sur cette ligne. Il faut espérer qu’il ne laissera pas ses partisans écraser les mécontents.

Au Japon, la montagne promise par le premier ministre accouche d’une souris. Les réformes attendues ne sont pas annoncées. Peut-être après les élections ? Mais la résistance au changement semble forte au sein de son parti.

La Chine va-t-elle intervenir au Mali ? Elle aimerait cultiver une image de coopérant pacifique.

La banque fédérale américaine parle de réduire ses achats de dette américaine,  l’argent qui était allé s’investir dans les pays émergents (4000md$ depuis 2009) pourrait être rapatrié. De ce fait, les émergents vont traverser des moments difficiles, mais un désastre majeur n’est pas à attendre. (Le moteur de leur économie doit passer de la consommation tirée par un crédit facile, à l’exportation.)

En dépit du gaz de schiste américain, le prix du pétrole est élevé. Ce serait l’Arabie Saoudite qui jouerait les régulateurs. Il y aurait peu d’espoirs que les prix baissent à terme.

L’Angleterre est devenue le champion de la lutte contre l’évasion fiscale. Le G8 aurait adopté une nouvelle stratégie « mettre sa maison en ordre ». Ce qui semble signifier la transformation de son système d’imposition des entreprises « qui remonte à l’époque ou les actifs principaux des entreprises étaient fixes ». En dépit de l’émergence d’un consensus sur le sujet, les obstacles sont formidables. A commencer par l’empilage de sociétés écrans qu’utilisent les entreprises, et la complaisance du Delaware et du Nevada.

L’Amérique, PRISM et l’espionnage des données Internet. Comme d’habitude, elle respecte la lettre pour trahir l’esprit. L’espionnage porterait principalement sur les « métadonnées » (pas le contenu du message, mais des informations sur l’échange en lui-même). Elles étaient mal protégées par une réglementation qui remonte à l’époque du téléphone fixe. En outre, les entreprises d’Internet emploient apparemment des personnels de l’Etat, qui ne leur rendent pas de comptes. Ce qui leur permet de protester de leur innocence. L’affaire montre aussi les liens étroits entre les services d’espionnage et les entreprises privées. On passe aisément des uns aux autres. (J’imagine qu’outre de belles carrières on doit aussi y faire de belles fortunes.) Avantage du scandale : les entreprises découvrent qu’elles sont espionnées (par l’Etat américain !). Voilà qui est bon pour les consultants !

Google achète Waze. Surtout, pour le retirer des pattes de ses concurrents ? Le streaming a le vent en poupe (écouter de la musique que l’on choisit, sans l’acheter). Solidement installé dans sa nouvelle stratégie d’iMitation, Apple le propose, après tout le monde. Menace pour iTunes ? Ou pour les radios ? L’autoradio serait le prochain client du streaming.

Le câble de carbone allège l’ascenseur et permet de construire des immeubles de plus de mille mètres, et de relier les satellites à la terre. Ascenseur pour les étoiles.


dimanche 16 juin 2013

Quand les syndicats défendent un patron

Je lisais dans les Echos du 13 juin une déclaration de SUD favorable au patron d’Orange, actuellement inquiété par la justice. Un syndicat qui défend un patron, cela peut paraître étrange.

Pas en France. Notre culture nationale est celle de la fronde contre l’autorité, pas contre celui qui la porte.

Attaquer l’hypocrisie française

Mon billet sur la Poste dit quelque chose d’étonnant. La Poste assure une forme de service public, alors que ce n’est pas dans sa mission. Sommes-nous arrivés à cette situation par une forme d’injonction paradoxale ? (L’Etat a des moyens de pression forts sur les grandes sociétés françaises, leurs dirigeants appartenant à la communauté de ses cadres supérieurs.)

Mais le problème n’est pas là. Il me semble celui de notre paresse intellectuelle. En procédant ainsi, l’Etat est innovant au sens de Robert Merton. Il triche. Dans ce cas, si mon diagnostic est juste, il affaiblit la Poste. Et d’ailleurs, il donne un fâcheux exemple : chaque maillon de la chaîne de l’Etat n’est-il pas encouragé à jouer de l’injonction paradoxale sur le chaînon inférieur ? Une explication du spectacle surprenant dont me parlent mes étudiants : d’un côté des pauses d’une durée invraisemblable, de l’autre certains personnels surmenés ?

Le gouvernement aurait-il pu faire autrement ? Je suis à peu près sûr que s’il s’était donné la peine de poser le problème qu’il avait à résoudre, il lui aurait trouvé des solutions rigoureuses. (À commencer par le fait que les collectivités locales n’ont pas besoin de bureau de poste, mais de certains services qu’il apporte.)

Je suis aussi à peu près sûr que notre « perte de compétitivité » vient de là : l’accumulation de choix non assumés. 

samedi 15 juin 2013

Bien, mal et télé grecque

Cette semaine j’ai entendu France Culture s’indigner de la fermeture, par le gouvernement grec, de la télévision publique grecque. Les Echos (du 13 juin) pour leur part citent le gouvernement grec qui parle « d’un coût de fonctionnement de 3 à 7 fois supérieur à celui d’autres chaînes de télévision et compte de 4 à 6 fois plus de personnel ». Il y aurait aussi « 6 services comptables, qui ne communiquent pas entre eux ». Les réformes sont bloquées par les syndicats. Le gouvernement, cette fois, croyait que le temps du coup de force était venu.

Bref, il n’y a probablement ni bon ni mauvais, mais un affrontement d’intérêts particuliers, qui ont pris l’intérêt public en otage. Dans de tels moments, le risque Thatcher est grand : un traitement qui tue le patient.

(Complément : la télévision publique grecque = 12% d'audience... Et annoncer cette fermeture aurait été une manœuvre politique de génie...)

Tout savoir sur médias sociaux et B2B

Médias sociaux et entreprise : l'histoire d'un changement provoqué par une innovation. Et qui se fait par tâtonnements, comme toujours.  Un remarquable choix de témoignages sur la pratique des réseaux sociaux par l'entreprise. On y découvre que la problématique de "l'eréputation" soulève des problèmes extrêmement complexes, et que l'on ne peut pas tout dire sur Internet ; que le community manager est à la fois essentiel et à inventer (pas de formation) ; qu'il existe des logiciels qui démasquent ceux qui sont venus voir votre site et ce qu'ils ont regardé ; que le blog joue un rôle très important dans la communication de l'entreprise à ses clients entreprises, mais qu'il doit être rationnellement conçu pour cette mission (ce qui n'est pas le cas du mien !), etc.

Rien de très simple ici. Bien maîtriser les réseaux sociaux demande certainement beaucoup de travail, de pratique, de professionnalisme et aussi de talent. Investissement lourd, qui me paraît en outre demander une réflexion stratégique de haut niveau. (Avantage à la grande entreprise ?) Le jeu en vaut-il la chandelle ? J'ai tendance à penser que, dans des contextes favorables, les réseaux sociaux peuvent révéler des personnes exceptionnellement douées pour les utiliser (cf. l'exemple d'Hervé Bloch). Il me semble aussi que dans certains domaines, leur usage est obligatoire. Il correspond aux attentes du marché. Pour le reste, c'est moins certain.

vendredi 14 juin 2013

Le changement, ça s'apprend

Mon quatrième livre est sorti...

C'est le résultat de dix ans d'enseignement et de multiples révisions de supports de formation ou d'intervention, de présentations, de cas, d'exercices, et de la combinaison finale de tout ceci... Sa quatrième de couverture est fidèle à mes intentions - modestes, et extraordinairement ambitieuses. 
En trente ans, le monde s’est métamorphosé. Et nous, avons-nous changé ? « Le changement nous à pris à la gorge », selon l’expression de Churchill. Les causes de la crise sont là.
Nous devons « changer pour ne pas changer » dit ce livre. Nous devons saisir les occasions de faire triompher ce qui compte pour nous. Et changer n’est qu’une question de techniques. C’est du travail, pas un miracle. Le changement, ça s’apprend !
Très pédagogique, cet ouvrage est destiné au manager ou à l’étudiant. Il présente les fondamentaux de la conduite du changement, des outils pratiques et des conseils mais aussi de nombreux exercices d’application et des cas tirés de situations réelles.
(Acheter chez Studyrama ou Amazon...)

Pour en savoir plus...

DEUX PARTIES
  1. Une introduction aux grandes questions que soulève la conduite du changement : le sujet en bref, exercices de familiarisation et références d'approfondissement. 
  2. Cas d'application (réels).
GRANDS THÈMES
  • Comment préparer un changement ? En quelques questions. 
  • Qu’est-ce que le changement ? Définitions et conséquences. 
  • Psychologie et changement : deuil, injonction paradoxale, irrationalité et résistance au changement. 
  • De l'importance d'une pensée systémique pour bien aborder le changement. 
  • L’animation ou le contrôle du changement. 
  • L'anthropologie, science, par excellence, du changement. 
  • La communication dans le changement. 
  • Décoder une organisation : le paradoxe. 
  • Aborder un changement, et conseils pratiques. En particulier, rattraper un changement mal parti.

Le marketing remplace le médicament !

Discussion sur l’industrie pharmaceutique. On me dit qu’elle ne fait plus de recherche parce que c’est « risqué » ! Mais justement, c’est parce que c’est risqué que ça rapporte beaucoup, et qu’il y a peu de concurrents ! La force d’un laboratoire c’est d’assumer ces risques mieux que d’autres !

Que font-ils alors ? Du marketing, pour pousser à l’achat (on m’a parlé de partenariats avec Coca Cola !) et de l’externalisation pour réduire les coûts ! Et les laboratoires préfèrent l’OTC, non encadré, aux médicaments de prescription, qui le sont. Mais qui va nous soigner, demain ?

Il y a ici un très étrange phénomène. Je l’avais déjà noté dans l’assurance, et bien entendu, dans la banque. Les entreprises se sont mises à considérer leur métier comme trop risqué. Elles ont cherché à faire porter ce risque par d’autres. Du coup, elles ont perdu leur savoir-faire. Bientôt, elles ne vaudront plus rien. Avec elle, c’est notre héritage collectif qui disparaît. 

Le whistleblower dans la culture américaine

Le scandale de PRISM a été révélé par un whistleblower. Le whistleblower est une notion typiquement américaine. Elle désigne un subalterne qui dénonce au monde les malversations de sa hiérarchie. (Il semblerait que le terme fasse référence à l’arbitre qui siffle les fautes.) Depuis que je lis sur l’Amérique, il n’est question que de ça. Le whistleblower est le héros américain. Mythe de l’individu porteur du bien face à une société incarnation du mal ?

Mais PRISM est aussi une illustration, avec Guantanamo ou la guerre des drones de M.Obama, de l’aisance avec laquelle l’Amérique s’assoit sur ses lois et sur les principes qui fondent son modèle.

Et si sa redoutable presse et ses whistleblowers ne faisaient que compenser ses tendances au totalitarisme ?

La fin de l’avantage concurrentiel

Il est temps de dépasser le concept même d’avantage concurrentiel durable. A sa place, les organisations doivent se forger un nouveau chemin vers la victoire : capturer rapidement des opportunités, les exploiter de manière décisive, et passer à autre chose avant même qu’elles soient épuisées. 
Harvard Business School Press annonce une de ses nouvelles publications. Comme d’habitude, à la manière d’un film hollywoodien. Comme d’habitude, le livre « montre comment quelques-unes des entreprises qui réussissent le mieux utilisent cette méthode pour se battre et gagner ».

Nouveau, vraiment ? Voici ce que dit Tocqueville du commerce maritime américain.
Le navigateur européen ne s’aventure qu’avec prudence sur les mers, il ne part que quand le temps l’y convie, s’il survient un accident imprévu, il rentre au port, la nuit il serre une partie de ses voiles et lorsqu’il voit l’Océan blanchir à l’approche des terres, il ralentit sa course et interroge le soleil. L’Américain néglige ces précautions et brave ces dangers. Il part tandis que la tempête gronde encore la nuit comme le jour, il abandonne au vent toutes ses voiles, il répare en marchant son navire fatigué par l’orage et lorsqu’il approche enfin du terme de sa course, il continue à voler vers le rivage comme si déjà il apercevait le port. L’Américain fait souvent naufrage mais il n y a pas de navigateur qui traverse les mers aussi rapidement que lui. Faisant les mêmes choses qu’un autre en moins de temps, il peut les faire à moins de frais.  
(...) Le navigateur américain part de Boston pour aller acheter du thé à la Chine. Il arrive à Canton y reste quelques jours et revient. Il a parcouru en moins de deux ans la circonférence entière du globe et il n'a vu la terre qu’une seule fois. Durant une traversée de huit ou dix mois, il a bu de l’eau saumâtre et a vécu de viande salée, il a lutté sans cesse contre la mer, contre la maladie, contre l’ennui, mais à son retour il peut vendre la livre de thé un sou de moins que le marchand anglais, le but est atteint.
Et n’est-ce pas comme cela que les entreprises ont été conduites ces derniers temps ? N’est-ce pas pour cela qu’elles ont détruit leur avantage concurrentiel ? Et si la règle du jeu était, au contraire, de construire de nouveaux avantages concurrentiels, en cherchant à exploiter au mieux ce que l’on sait, encore, mieux faire que les autres ? 

jeudi 13 juin 2013

La Poste doit-elle ré humaniser la société ?

J’ai assisté à un débat sur l’avenir de la Poste. Il m’a fait découvrir bien des choses.

La Poste et les postes européennes en général arrivent au moment d’un changement peut-être « violent ». Le trafic des lettres baisse nettement. La Poste croyait compenser les conséquences de cette baisse par les revenus de la Banque Postale, mais, par les temps qui courent, les banques rapportent peu. A cela s’ajoute le fait que la Poste aurait maintenu une mission de service publique implicite, que l’Etat ne rémunérerait pas totalement. Par exemple, elle posséderait 17000 bureaux de postes, alors qu’il ne lui en faudrait que 7600 (voire moins), elle prendrait en charge une partie du surcoût (246m€ dont 170 payés par l’Etat). De même, un membre de l’ARCEP faisait remarquer que la Poste doit assumer un rôle d’employeur local !

Les épisodes précédents sont curieux. 1992, les postes européennes demandent à Bruxelles de leur donner des lignes directrices. Livre vert. 2011, année de la libéralisation totale. Rien ne s’est passé. Car, même là où la libéralisation avait été anticipée, la concurrence est inexistante (10% au mieux, 0,5% en France). Aucun modèle n’en est sorti. On a cru un temps à la poste néerlandaise. Mais, dès qu’elle a été entre les mains du marché, elle a perdu ses activités lucratives. Ce qui reste fait peine à voir. En fait, ce n’est pas la libéralisation mais sa menace qui a fait merveille : elle a permis d’obtenir entre 30 et 40% de gains de productivité ! Voilà qui aurait compensé jusqu’ici la baisse de trafic !

Et l’avenir ? Augmenter méchamment les prix ? Ça marche à l’étranger, sans avoir causé un effondrement du trafic. Mais, attention à se garder des idées reçues ! Le « prospectus » par exemple est loin d’être condamné. C’est une aide à l’achat appréciée de beaucoup de gens. En outre, la dématérialisation avance lentement. Elle ne touche que 10% des factures des opérateurs de télécom, au mieux. Et elle n’intéresse pas ceux que l’on pensait (i.e. les jeunes CSP+). Et il y a plus subtil. Longtemps le facteur a été un lien social critique. Par exemple, on abonnait une personne isolée à un journal, afin que le facteur vienne la voir régulièrement. Or, le recours à la communication électronique, la déshumanisation des relations entre entreprise et individu sont de plus en plus mal vécus. En outre, les mairies aimeraient mutualiser les services qu’elles rendent à leurs administrés : recensement, relèves de compteurs… Et si la Poste devait changer pour ne pas changer ? Réinventer sa raison d’être, le service entendu au sens premier du terme, afin de ré humaniser la société ? 

Politique et esclavage

Tirant le fil de ma pensée, j’en arrive à me dire que le précédent billet de cette série a quelque chose d’idiot. Je reproche au Français de se comporter comme la CGT, de n’être capable que de condamner, jamais de proposer quoi que ce soit de constructif. Autrement dit de ne pas faire de « politique » (politique = action pour faire avancer la nation). Mais, cela prend beaucoup de temps ! J'en suis un exemple. Au fond, ce blog est la matérialisation de mon action « politique ». Et il est devenu (du moins, en ce qui concerne la collecte de la matière qui l'alimente) le cœur de ma vie. Et je parviens, difficilement certes !, à combiner mon travail avec cette réflexion ! Tout le monde n'a pas cette chance. 

D'ailleurs, ça ne s'arrange pas. Ne nous dit-on pas de « travailler plus » ? The Economist, par exemple, le répète sans cesse. Or, Hannah Arendt oppose travail (physiologique) avec action (politique). Le propre de l’homme digne de ce nom est l’action, le politique. Le travail, c'est pour l’animal, « bête de somme », ou l’esclave, chez les Grecs. J'en arrive donc à me demander si l’on n'a pas voulu nous asservir. Et si, pour cela, on s'était emparé du politique, fonction de direction, en nous rejetant dans les fonctions d’exécution ?  Pour réussir, ne suffisait-il pas d’appeler « travail » l’action politique favorable aux intérêts de l'élite, et « oisiveté », la nôtre ?  Mais, comment créer une société sans esclaves ?
  • Faire accéder tout le monde au politique. C’était probablement l’idée de la IIIème République. La mission de l’Education nationale. Mais, je ne suis pas sûr que ce soit suffisant. Si j’en juge par ma propre expérience, développer une conscience politique demande énormément de temps (une vie). Et il est difficile d’agir correctement : je découvre sans arrêt que ce que je croyais était faux.
  • Seconde idée : « changer pour ne pas changer ». Trouver un moyen d’amener la société à se développer d’une façon à ce que la tentation de parasitisme du politique par l’intérêt particulier soit mise au profit de la société. Il n’est pas impossible que c’ait été le cas après guerre. Alors, le développement économique était tel que l’utilitariste avait mieux à faire dans l’entreprise que dans la politique.

mercredi 12 juin 2013

L'exception culturelle contre la France ?

Curieusement, il se pourrait que j'aie vu juste. La Commission européenne jouerait habilement de l'exception culturelle française, pour faire avaler à notre pays, sans discussion, un traité de libre échange.

Où l'on voit les ressorts du succès du Canard Enchaîné : un gouvernement qui, parce qu'il nous croit incapable de les comprendre, nous masque ses décisions, qui sont, en réalité, stupides ?

Le mal français : le syndrome de la CGT ?

Et si la France souffrait du syndrome de la CGT ? me suis-je demandé en écrivant le billet précédent. La CGT ne signe jamais aucun accord. N’en est-il pas de même de nous ? Nous ne voulons jamais participer à un débat constructif. Nous préférons réagir quand il est trop tard. N’est-ce pas pour cela que nos gouvernants nous masquent leurs intentions ?

Pourquoi sommes-nous ainsi ? Parce que nous sommes paresseux ? Il est plus facile de dénoncer une injustice que de prendre une décision juste ? Parce que notre société est paternaliste ? Notre rôle social n’est pas de penser ?... En tout cas, cette caractéristique culturelle nous a coûté cher. Après des années d’illusions, nous découvrons que nous sommes des perdants de la globalisation. Et The Economist nous enjoint de reconnaître que nous « n’avons plus les moyens » de ce que possédaient nos parents. Que faire ? Notre tactique traditionnelle, sanctionner le pouvoir, est en défaut. En effet, il ne peut s’appliquer qu’à nous mêmes. Si nous l’utilisons, nous nous enfonçons encore plus.

Et s’il était temps que le Français s’intéresse au monde extérieur, et à la politique ? Qu’il sorte de son repli sur soi, pour agir ? 

mardi 11 juin 2013

Nationalisme dépassé ?

J'entendais, hier, dire que le problème de l'Iran était la multiplicité de ses communautés. En dehors de quelques pays d'Occident, cette question semble générale. Au fond, l'Occident a imposé une forme sociale qui lui était propre (cf.THIESSE Anne-Marie, La création des identités nationales, Seuil, 2001) au reste du monde, qui se débat avec une structure qui ne lui est pas adaptée.

Il serait peut-être temps de se demander comment régler ce type de problème autrement qu'en parlant de lutte entre le bien et le mal, ou en appliquant un modèle démocratique qui ne signifie rien pour des gens dont l'appartenance communautaire est première. Et il n'est plus question d'avoir recours aux modèles assimilationnistes que nous avons employés.

François Hollande : haut fonctionnaire normal ?

François Hollande semble désirer, avec Mme Merkel, renforcer la dimension politique de l’Europe. Mais que va-t-il faire ? Ce n’est pas clair. Copier l’Allemagne ? Après tout, c’est une fédération démocratique... Mais le plus curieux n’est pas là. M.Hollande veut amener cette démocratie par des moyens non démocratiques ! Il ne veut pas en parler au peuple français. Il aurait été échaudé par une expérience malheureuse. Mais, peut-on créer une démocratie en reniant les mécanismes démocratiques, au motif que l’on n’en obtient pas ce que l’on en attend ?

Et si « haut fonctionnaire » était le meilleur moyen de modéliser le comportement de M.Hollande ? me suis-je demandé. Si l’on analyse les agissements de MM. Haberer, Bon, Descoings et quelques autres, on observe un schéma commun. Le haut fonctionnaire d’élite, celui qui est produit à quelques exemplaires, sait ce qui est bon pour le peuple. Mais il sait aussi que le peuple, lui, ne peut en être conscient. En conséquence, il bloque les systèmes de contrôle qui sont le principe même de la société française. Ainsi, il peut mettre en œuvre, sans handicaps, ce qu’il a en tête.

Mon hypothèse du moment est que M.Hollande est le complet opposé de ce que nous croyons. C’est un homme courageux qui a une stratégie. Il met en œuvre cette stratégie, que nous serions incapables de comprendre, en sous-main (voir ce qui est dit ici de l’action de M.Moscovici). Il sait que, lorsqu’il aura réussi, notre opinion de lui sera transformée. En attendant, contraint au mutisme, il doit affronter bravement notre mécontentement. 

lundi 10 juin 2013

Les relations internationales changeraient-elles ?

M.Obama rencontre M.Xi. Les relations américano-chinoises semblent s’apaiser. Syrie : on évoque une conférence. Hier, on parlait de l’affrontement du bien contre le mal. Seule l’intransigeance était acceptable. Aujourd’hui, le politique semble revenir à la mode. Pragmatisme ? On a vu ce qu’ont donné l’Irak, l’Afghanistan ou la Libye ? En Syrie, Charybde affronte Scylla : à qui accorder notre préférence ? Le conflit n’apporte que le chaos. Le politique peut le contenir. Mais il permet aussi de transformer la société, par d’autres moyens que la force. Le politique serait-il l’art de la conduite du changement ?

Daniel Cordier et le fascisme

Le décès du « militant antifasciste » dont je parlais il y a peu m’a remémoré une interview de Daniel Cordier, par France Culture. Il fut le secrétaire de Jean Moulin et un résistant. Si je comprends bien, au moment où il s’est engagé, Alain Cordier était ce qu’on appellerait un « fasciste ». C’est le spectacle de la vie qui l’a transformé. Un vieil homme portant l’étoile jaune l’a guéri de son antisémitisme, par exemple. Bizarrement, il avait sauvé au moins un Juif auparavant. Plus curieusement, peut-être, ce qu’il disait de la quasi inexistence des forces de la résistance semble signifier que les ex antifascistes d’avant guerre, qui étaient fort nombreux, avaient massivement choisi la collaboration avec le fascisme, au moins passive.

Faut-il juger les gens sur leurs idées, ou sur leurs actions ? 

XI Jinping, force tranquille dans un monde turbulent ?

Xi Jinping ou la force tranquille ? Contrairement à ses prédécesseurs, à peine nommé, il rend visite aux USA. Après avoir rencontré quelques partenaires des USA mécontents, histoire de montrer qu’il pouvait faire ce qu’ils faisaient en Asie. Qui veut la paix prépare la guerre ? D'ailleurs, les USA ont peut-être tout à gagner à encourager la Chine à faire chez eux ce qu'elle fait en Afrique. « Dans certains parties (du Mississipi) les gens ont une espérance de vie plus basse qu’en Tanzanie. » Le delta du Mississipi se dépeuple. Drame de la pauvreté.

En Europe, Mme Merkel et M. Hollande s’entendent. Et si c’était pour faire l’envers de ce qu’il faut ? («  Une bon accord verrait l’Allemagne approuver une union bancaire qui met en commun au moins une partie des risques de la zone euro, et la France accepter la nécessité de libéraliser son économie, renforcer le marché unique et abandonner les barrières au commerce international. ») Effectivement, l’union bancaire européenne partirait sur des bases fragiles. Pour qu’elle puisse se construire, la BCE devra faire preuve de talent, et probablement de pas mal de chance. Si elle réussit, les moyens dont elle aurait eu besoin dès le départ lui seront donnés progressivement. Si elle rate, la seule institution crédible de la zone euro sera discréditée. (Vue la complexité des règles à faire évoluer, c'était peut-être la seule façon de procéder, me dis-je.) En Allemagne, une succession de scandales élimine l’un après l’autre les successeurs possibles de Mme Merkel. Le président hongrois « recrée le modèle de gouvernement communiste ». Des sanctions européennes pourraient être contreproductives. Il est préférable d’attendre que la crise abatte son gouvernement.

Ailleurs, la poigne de fer de M. Erdogan serait à l’origine du mécontentement turc. Comme souvent, il pourrait périr par ce qui a fait son succès, et celui de son pays. « Polariser le pays est dans sa nature. Si cela continue, une décennie de stabilité économique et politique sous l’AKP pourrait en arriver à une fin pitoyable, voire tragique. » Bashar el Asad, grâce à l’aide iranienne, et du Hezbollah, a pris l’avantage sur ses opposants. En Libye, le chaos ruine les espoirs des pétroliers.
L’économie brésilienne ne va pas très bien. La volonté de sa présidente d’améliorer le sort de son peuple en « relançant la croissance en augmentant les dépenses publiques et le salaire minimum » ne semble plus fonctionner. Crise et ralentissement chinois ont atteint les exportations du pays. Et l’action de Mme Roussef est gênée par les mauvaises relations qu’elle entretient avec le secteur privé et les partis politiques brésiliens.

Une étude montre que les dirigeants se croient aimés, alors que leurs subordonnés construisent des coalitions qui leur sont hostiles. Ils tendent aussi à ne plus utiliser que les compétences qui les ont fait réussir, et à perdre leur capacité à décoder le comportement d'autrui. Mais, ils sont surtout coupés de la réalité. Ce qui les empêche de s’adapter. Curieusement, The Economist rejoint Hannah Arendt en pensant que la qualité première du leader doit être le « jugement ». 

dimanche 9 juin 2013

Le fascisme en France

Depuis quelques-temps, France culture parle du décès d’un « militant antifasciste ». Un jeune homme n’est plus qu’une étiquette : « antifasciste ». Et je n’entends rien sur son meurtrier. Sinon qu’il semble certain qu’il est coupable. (Le « militant » aurait pris un coup de poing après lequel sa tête aurait heurté une barre, mais c’est le coup de poing, pas la barre, qui a suscité la mort.) Pas besoin d’en savoir plus ?

Rien de neuf ? Peut-être que si : « antifasciste ». Cela veut-il dire qu’il y a des fascistes en France ? Et qu’il y en a tellement qu’un mouvement s’est constitué pour les combattre ? Que la France est fasciste ? Je trouvais pourtant notre société paisible. Je parcours le métro, les rues de Paris, je ne soupçonnais pas que je croisais des gens capables de vous envoyer dans un camp d’extermination.

D’ailleurs, compte-tenu de ce que l'on associe aujourd'hui à « fasciste », s’appeler « antifasciste » n’est-il pas une déclaration de guerre contre un groupe d'hommes ? N’est-on pas naturellement porté à l’action violente ? À la haine ? me suis-je demandé.

Mireille Havet

Au hasard de France Culture, je découvre Mireille Havet. Comme Madame de Sévigné, elle avait le talent d’écrire ce qu’elle pensait. Mais la chronique de sa déchéance a été sa seule œuvre. Elle meurt à 33 ans. La drogue. Elle désirait jouir de sa jeunesse. Elle aura connu une vieillesse laide et prématurée.

Était-elle à l’image des années folles ? La France s’est-elle détruite pour avoir voulu se saouler de plaisirs ? La suite de notre histoire est-elle une conséquence de la désillusion qui s'en est suivie ? Un enseignement aussi ? On ne peut pas éviter la vieillesse, à moins de choisir la vie courte et glorieuse d’Achille ? Autant bien s’y préparer ?

La Grèce au siècle de Périclès

Livre de Robert Flacelière, Hachette Littératures, 2008.

Grèce peu reluisante. Pitoyable Athènes quasi insalubre, avec ses rues tortueuses et sales, et ses maisons en torchis, dont il est plus facile de percer les murs que les portes. Rien de bien admirable dans sa justice, ou son armée. C’était d’ailleurs plus une aristocratie qu’une démocratie, tant était faible la proportion de citoyens libres. Et elle ne se sera pas comportée de façon très loyale avec ses colonies ou avec ses alliés grecs, qu’elle rançonnait, et massacrait à l’occasion. Sa fortune semble avoir tenu à un coup de chance. Elle a trouvé un filon d’argent, qui lui a permis de bâtir une flotte, qui lui a donné la maîtrise des mers. Le reste de la Grèce est moins bien connue qu’Athènes, mais encore moins remarquable. Dans cette histoire, le plus étonnant est peut-être que cette banalité, médiocrité ?, ait créé les conditions d’une créativité intellectuelle et artistique sans équivalent depuis. 

samedi 8 juin 2013

Sartre, intellectuel engagé

Cette semaine, j’ai entendu des bribes d’un entretien entre France Culture et la fille adoptive de Sartre.

Sartre a été reçu premier à l’agrégation de philosophie, mais a-t-il été un philosophe ? Traditionnellement, le philosophe a la capacité de se dégager du monde, et de ses idées reçues. C’est ainsi qu’il va chercher la « sagesse », et, éventuellement, nous la faire partager. Sartre semble avoir pris « engagement » au sens littéral. Il s'est trouvé prisonnier de la vie. Il a été ballotté par les événements. Ils l’ont empêché de réfléchir. A tel point qu’il a dû se droguer pour tenir le rythme de publication qu’il s’était imposé. 

Croissance fictive et immobilier

Nouvelle preuve à l'appui de la théorie d'une croissance fictive créée par l'Etat ? Un agent immobilier m'explique que la bulle immobilière actuelle est créée par les prêts à taux zéro de l'Etat. Ils ont donné à beaucoup de gens l'envie d'acheter des logements. L'offre n'ayant pas suivi la demande, cela a maintenu artificiellement élevés les prix.

J'imagine que cela a dû coûter fort cher à l'Etat : non seulement il a financé les prêts, mais en plus ces prêts ont servi à acheter des biens au dessus de leur valeur.

vendredi 7 juin 2013

Salaires du footballeur et du patron

Discussion familiale, et sujet de toutes les discussions familiales. Qui, du grand patron ou du footballeur, mérite le mieux son salaire.

Le footballeur a le dessous, initialement. Il sait à peine s'exprimer. Mais il y a pire : l'artiste ou le journaliste qui n'est employé que parce qu'il porte un nom connu, d'un parent. Argument décisif : le grand patron a de grosses responsabilité. Ce qui amène un contre. Car, encore faudrait-il qu'il les assume. Or, il peut couler une entreprise sans jamais être inquiété. Et il s'en tirera avec une retraite énorme.

Au fond, cette discussion pose une question. Quels sont les critères de jugement à employer ? Dans une société individualiste et de libre échange, qui clame que l'homme exceptionnel est un créateur de valeur, on peut penser que l'on va chercher à évaluer l'apport de la personne au groupe. Dans ce cas, le people dont le nom déplace des foules ou le footballeur qui marque ont un avantage déterminant sur le grand patron interchangeable.

jeudi 6 juin 2013

Refroidissement climatique

« L’atmosphère s’est réchauffée moins que (les scientifiques) l’avaient prévu durant la dernière décennie – et plus lentement que dans les années 90 ». « Une grande partie de la chaleur est partie dans les océans plutôt que dans l’atmosphère ». (L’article.)

On nage en pleine confusion, me semble-t-il. Quelle est la conséquence du réchauffement des océans ? Peuvent-ils relâcher la chaleur accumulée ? Les scientifiques qui s’occupent de la question ont-ils les compétences et un sens des responsabilité adéquats ? Ne serait-il pas une bonne idée de se donner des moyens corrects pour aborder ces questions ? Par exemple, une partie au moins de ceux que l’on se donne durant une guerre ? 

Pourquoi nos jugements sont-ils faux ?

Une Australienne s'installe en Amérique. Elle peste contre le pays et ses habitants. Un jour, très préoccupée, elle entre dans sa voiture. Machinalement, elle s'assoit à droite (en Australie, on conduit à gauche). Ne trouvant pas le volant, elle pense immédiatement : quel pays d'escrocs, ils fauchent même les volants !

Cet exemple vient d'un article de la Harvard Business Review. Je le trouve remarquable. Il montre comment fonctionnent nos mécanismes inconscients de décodage de la réalité. Ils reflètent des a priori, ridicules dès que nous sortons de l'environnement qui les a créés, et nous agissons sur leurs injonctions sans même réfléchir.

mercredi 5 juin 2013

La France et la politique des vaches sacrées

J'entendais ce matin France Culture parler des négociations de traités de libre échange entre l'Europe et les USA. Chacun y défend ses intérêts, si possible au détriment de ceux des autres. En particulier les USA, l'Angleterre et l'Allemagne. Et la France ? On peut être surpris qu'un sujet aussi important, qui peut décider de la vie ou de la mort d'un secteur économique, ne soit pas l'objet d'un débat public. Vieille tradition dirigiste ? En tout cas, si j'en crois France culture, contre les pressions de la City ou celles des exportateurs allemands, notre gouvernement combat pour notre exception culturelle !

Voilà qui fournit un extraordinaire moyen de négociation à nos partenaires : vous favorisez mes intérêts économiques ou j'attaque votre exception culturelle ! Que cache la hargne de notre gouvernement à défendre  notre culture ? (D'ailleurs, quelle culture ?) Un lobby ?

De l'usage du sophisme pour réduire le budget de la défense ?

Article sur le livre blanc de la Défense. Si je comprends bien, le gouvernement a trouvé une façon élégante de faire des gains de productivité permettant de réduire le budget de la défense. Il a fait l’hypothèse de collaborations européennes.

Or, elles n’ont jamais fonctionné et ne fonctionneront probablement pas avant longtemps, si elles fonctionnent un jour. Et il le sait parfaitement bien. 

Pourquoi, alors, ne pas regarder la réalité en face ? Et demander aux gens compétents d’être intelligents. C’est-à-dire de concevoir une défense avec les moyens du pays, si possible en évitant de suivre les modes venues des USA, qui ont d’autres ressources que les nôtres. Après tout, les Talibans afghans arrivent bien à leur tenir tête, avec un armement modeste... Et il y a un précédent. Marcel Dassault a conçu de très bons avions avec très peu de moyens… 

Pourquoi achetons-nous des drones ?

L’armée achète ses drones aux USA alors que nous sommes particulièrement gâtés en termes d’industrie de la défense. Qu’est-ce qui a pêché ? La Tribune montre une grande confusion. L’Etat hésite beaucoup ; il cherche à faire travailler ensemble des gens qui ne s’entendent pas ; on veut faire des programmes européens, alors que les armées européennes n’ont pas les mêmes besoins…

Je n’y connais rien, mais plusieurs choses me frappent dans cette histoire.
  • Les drones sont des sortes de maquettes évoluées : un des architectes du programme américain a conçu  dans son garage des équipements à la fois efficaces et peu coûteux . Pourquoi personne n’a-t-il développé un programme sur fonds propres ?
  • Pour cette même raison, quelle était la logique de chercher à fusionner les projets de Dassault et d'EADS ? Pourquoi n’avoir pas fait jouer la concurrence ?
Et si nous étions victimes d’une sorte de ritualisme ? L’Etat, techniquement incompétent, ne rêve que de fusions industrielles glorieuses et de projets européens ; les industriels, techniquement compétents, ne savent qu’attendre les ordres de l’Etat pour mieux l’essorer ? 

mardi 4 juin 2013

Le libre échange sauve le monde de la pauvreté

Grâce au capitalisme et au libre échange, le monde sort de la pauvreté, dit The Economist. Ce qui me laisse dubitatif. Ce qui ne me va pas est la définition même de pauvreté. Les indiens d’Amazonie sont pauvres, nos ancêtres étaient pauvres, les animaux sont pauvres. On est pauvre lorsque l’on n’obéit pas au modèle capitaliste. Tout le génie de l’Occident aurait-il été d’avoir défini le progrès comme le degré d’adhésion du monde à ses valeurs ?

M.Poutine, pour sa part, représente le mal. Il utilise la confrontation avec l’Occident pour se maintenir en poste. Il semble extraordinairement habile, et les Russes particulièrement crédules. « Le nombre de ceux qui croient que la Russie a des ennemis étrangers est passé de 13% en 1989 à plus de 70%. » En France, comme je le soupçonnais, M.Moscovici mène des manœuvres européennes sous-marines : « Quand il est devenu clair, l’année dernière, que la France n’allait pas atteindre l’objectif des 3% - bien avant que le gouvernement l’admette, il a commencé des discussions discrètes avec Olli Rehn, le commissaire européen à l’économie. Les deux hommes, l’un socialiste français, l’autre libéral finlandais, forment un curieux couple, pourtant ils ont construit une « excellente relation » ». En Italie, la coalition gauche, droite a gagné des élections. La montée du parti cinq étoiles est-elle irrésistible ? Et il y a encore du monde pour vouloir rejoindre l’Europe, et la zone euro. Curieusement. C’est maintenant au tour de la Lettonie. Elle veut échapper à « l’emprise de la Russie ». « En adhérant, elle gagnera un siège à la table de négociation, des coûts d’emprunt plus faibles, et elle attirera des investissements étrangers. Et, dites-le doucement, la Lettonie aurait accès aux liquidités de la BCE et aux fonds de sauvetage, au cas où la crise reviendrait. » En échange, la zone euro gagne une plaque tournante du commerce et de la circulation de fonds russes. Mais l’Europe aurait bien mauvaise grâce de se plaindre. N’est-elle pas chargée de tous les pêchés ?

Et maintenant, un voyage chez les bons. La Suède, grande donneuse de leçons économiques et morales, est en feu. « l’économie se débat avec une baisse de la demande de la zone euro et une monnaie forte ». L’Allemagne va-t-elle exporter son modèle d’apprentissage ? Pas simple. « La tradition de coopération entre l’Etat, les syndicats, les employeurs et les écoles a mis des générations pour se construire ». Et il n’est peut-être pas si bon que cela. En effet, il était déjà là lorsque l’Allemagne était en crise et surtout, « il apparaît que les connaissances acquises par un enseignement professionnel deviennent rapidement obsolètes ». Les jeunes espagnols les mieux qualifiés quittent leur pays. Or sa population vieillit vite. Qui va nourrir ses retraités ? En Angleterre, les jeunes partagent les valeurs de The Economist. Ils ne se mêlent pas des affaires des autres et se méfient de la protection sociale, contrairement à leurs parents. Malheureusement, ils ne sont pas prêts à se battre pour leurs idées. The Economist soupçonne que tout ceci est une question de conditionnement. Les USA envisagent de légiférer quant à l’usage des drones. Ils craignent que des nations mauvaises, Chine, Iran, Russie… ne suivent leur exemple et ne se mettent à frapper leurs opposants en dehors de leurs frontières. Mais est-ce bien utile ? L’Amérique ne nous a-t-elle pas simplement rappelé que la loi qui s’applique au monde est celle du plus fort ? Au Japon, les réformes économiques de M. Abe donnent des signes inquiétants. Les taux des obligations d’Etat grimpent alors que le pays est massivement endetté. Apprentis sorciers ? Décidément, M. Abe n’a pas de chance, il voulait faire voter une loi qui lui aurait permis de transformer aisément la constitution du pays, et de revenir à un nationalisme d'avant guerre, mais il ne semble plus pouvoir disposer de la majorité nécessaire. Heureusement, il y a la Chine. Le Japon fait des affaires avec les pays qu’elle inquiète (notamment la Birmanie). 

Technologie de l'information et destruction créatrice. La presse apprend à utiliser les informations véhiculées par les réseaux sociaux. Montée des plates-formes électroniques internationales créant un marché mondial du travail. Risque de « déplacer l’emploi vers les pays pauvres » ? En tout cas, il semble qu’il y ait une tendance au morcellement du travail : « entre un cinquième et un tiers des travailleurs américains sont maintenant des indépendants ou des intérimaires, ils n’étaient que 6% en 1989. » Le marché des serveurs (ordinateurs) change. On utilise des sous-traitants ou on les construit soi-même (Cisco) plutôt que de les acheter chez IBM ou HP.

L’entreprise privée veut conquérir Mars. Elle a trouvé un moyen de pallier son manque de ressources : il y a des volontaires pour prendre des risques. Soit d’un aller et retour sans escale, avec une probabilité d’un tiers de survie, soit d’un aller unique, avec installation. Pour le reste l’argent viendrait des droits de diffusion médiatique de cette forme de « reality show ». Mars n’est-il pas le nom approprié à des jeux du cirque ?