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mardi 31 août 2010

Les causes de l’obésité

L’obésité a atteint des proportions étonnantes aux USA : 1/3 de la population est obèse. Le poids moyen des femmes d’1m62 appartenant au 90ème percentile de poids aurait augmenté de 70% en un siècle.

Alors que le poids de l’Américain serait resté stable pendant longtemps, il aurait progressé en deux paliers, après chaque guerre. Chaque évolution serait corrélée avec une révolution technologique : d’abord la voiture et la radio, puis la télévision et les fast foods.

Tout changement, y compris technologique, demande un accompagnement, pour qu’il n’ait pas des conséquences néfastes. 

Avenir de l’agriculture

The Economist estime que le monde doit s’inspirer du miracle agricole brésilien : « recherche, grandes fermes à forte intensité capitalistique, ouverture aux échanges et aux nouvelles techniques d’exploitation ». Autrement dit OGM et industrialisation à outrance. Ou encore la logique économique de la Révolution industrielle glorifiée.

Cependant, ce type d’agriculture est-il durable ? Peut-on en juger les conséquences sur quelques décennies ? Toutes les « révolutions vertes » ne battent-elles pas de l’aile (cf. l’Inde) ? Et avant de le généraliser ne serait-il pas mieux de réinventer un modèle basé sur le gaspillage ? 

Serge Antoine et le développement durable

Serge Antoine est à l’origine du concept de Développement durable en France. Aménagement du territoire, parcs nationaux, Ministère de l’environnement, DATAR, Club de Rome, Stockholm, Sommet Rio… ce haut fonctionnaire est partout, et partout pionnier. N’arrivant pas à savoir ce que signifiait Développement durable, j’ai pensé qu’il pourrait m’éclairer. Voici ce qu’il dit :
je n’ai aucune définition toute prête pour le développement durable et je ne veux pas en avoir. Les Français jugent que c’est une notion floue. Tant mieux. (…) La vraie question est de passer de l’état gazeux à l’état solide. (…) Cela signifie faire un peu plus de prospective à long terme, réintégrer des valeurs dans nos systèmes de choix, affiner des choix sociétaux, réaffirmer la solidarité entre les pays du Nord et les pays du Sud, être très attentifs aux transformations géophysiques, climatiques, environnementales. (…)
La politique de développement durable peut s’affiner. Elle se fait en marchant, un peu comme L’Homme invisible qui devient visible quand on lui pose des bandelettes. Il faut prendre conscience au fait qu’il s’agit là d’une véritable révolution culturelle, d’une révolution dans les comportements, surtout politiques, à laquelle nos habituels schémas d’analyse sont étrangers. (Il) faut éviter de prolonger la simple approche environnementale et (…) il est nécessaire de s’alimenter de manière systémique aux sources de l’économie, de la culture, du social en même temps que de l’écologie, (…) l’allongement en prospective est indispensable, (il) faut transformer tout le monde en “acteurs” et si possible monter des opérations multiacteurs, (il) faut jouer du volontariat et (…) les indicateurs de mesure du suivi sont indispensables.
Si je comprends bien, le « développement durable » est un concept invisible. Pour le préciser il faut procéder problème par problème, petit-à-petit, ses contours apparaîtront.

Élégant raisonnement. Malheureusement, il conduit actuellement à un empilage hétéroclite de mesures, possiblement contradictoires (énergie nucléaire = meilleur ami du développement durable ?). Cela fait penser au « Consensus de Washington » : dans les années 90 tout le monde était d’accord sur le fait que le capitalisme avait gagné la partie, mais chacun avait une idée différente de ce que cela signifiait. D’où une série de crises, de corrections du concept… Jusqu'à ce que le consensus n'en soit plus un. 

lundi 30 août 2010

Sales gosses

La vie en famille tendant à ressembler à de la conduite du changement, mes amis et mes clients me parlent de leurs enfants. Je découvre la crise de l’adolescence et surtout les dégâts que font les divorces. Une discussion récente m’a fait avoir l’idée suivante :

Le problème de l’adolescent serait un problème de repères. Il découvre un monde nouveau dont il ne comprend pas le sens. En donnant de la tête contre les murs, l’adolescent comprend qu’ils existent, et apprend les règles de la société. Sa vie prend un sens. Il se calme.

L’adolescent ferait donc comme certains de mes clients : ils me disent que ce qu’on leur demande n’est pas possible, afin que je leur démontre le contraire, et qu’ils en arrivent à se figurer comment mener à bien leur mission.

Le malaise de l’adolescent (de mes clients ?) serait accentué par le fait que depuis 68 notre société nage dans un grand « relativisme », et que l’Éducation nationale est son bastion. Du coup, selon une de mes expressions favorites, nous restons au stade « jeune con » mal dans sa peau, sans parvenir à devenir de « vieux cons », suffisants et contents d’eux.

Cela expliquerait aussi le succès de l’enseignement privé, qui a conservé quelques valeurs solides, rassurantes.  

Changement au Pakistan

Le Pakistan était féodal. De grandes familles possédaient les terres, les biens et gouvernaient les existences. L’urbanisation galopante fait émerger de nouveaux dirigeants politiques, issus du peuple. Seront-ils aussi favorables aux intérêts de l’Occident que leurs prédécesseurs ? (Upstarts Chip Away at Power of Feudal Pakistani Landlords.)

Obama mauvais politique ?

Obama et l’armée. Son salut est plus impeccable que celui du militaire de carrière, il maîtrise mieux les dossiers que lui, et il décide vite et bien, comme un militaire. Mais il ne veut pas que ça se sache, que ces guerres détournent le pays de ce qui compte pour lui : ses réformes internes. Et pour cela il s’inspire d’Eisenhower.

Mais est-ce bonne politique ? Ce que je crois sa droiture, qui le conduit à une grande discrétion, donc à un déficit d’image, fait qu’il prête le flanc à toutes les attaques. Ne devrait-il pas, comme nos politiques français, mieux promouvoir ses actions, quitte à compromettre un peu les intérêts de la nation ?

Peut-être pense-t-il qu’à long terme justice lui sera faite ? Une forme de respect pour son peuple ?

Compléments :
  • Le cas d’Eisenhower. Il savait ce que nous avons appris depuis, que l'URSS était dans un état déplorable. Il ne servait donc à rien de s’engager dans un surarmement, qui ne pouvait qu’être fatal aux finances de l’Amérique. L’histoire lui a donné raison : Kennedy n’a pas eu son intelligence. D’où déficit, renoncement à Bretton Woods (Nixon), ce qui ne règle rien. Depuis un demi-siècle l’Amérique vit à crédit. (Pour Eisenhower et Kennedy, voir le livre dont parle Grand expectations.)

Coutumes américaines

Élections sénatoriales américaines. Des candidats sont prêts à donner 25 à 50m$ de leur poche simplement pour pouvoir être sélectionnés par les primaires de leur parti. Michael Bloomberg a payé 100m$ pour se faire élire maire de New York (à chaque élection il dépense plus…).

Les coutumes américaines diffèrent des nôtres. Chez nous un homme riche qui ferait de la politique serait discrédité immédiatement, surtout s’il utilisait sa fortune pour se faire élire.

Du coup les Américains ont des candidats généralement riches, mais qui sont arrivés tard en politique après une vie active qui leur a ouvert les yeux. Chez nous nous avons des politiques généralement issus de la fonction publique et qui n’ont connu que l’appareil de leur parti et sont nourris de principes artificiels. Chaque système a ses avantages et ses inconvénients, mais aucun n’est exportable. 

dimanche 29 août 2010

Angleterre pacifique

Un billet récent laissait entendre division des nations et guerres fratricides étaient une fatalité.

Les Anglais le démentent. Ils sont une des rares nations à ne pas vouloir jeter l’immigré à la mer, et ce en dépit de fortes tentations. Pourquoi ? Parce que gouvernement de coalition : une politique extrême le ferait exploser.

Et s’il y avait là une solution à explorer ? (D’ailleurs, l’Allemagne n’est-elle pas à son meilleur quand elle est dirigée par une large coalition ?)

Gendarme du monde

L’Amérique dépense près de la moitié du budget militaire mondial. J’ai l’impression que l’Europe et le Japon jouent un tant soit peu les parasites, vis-à-vis d’elle, lui laissant policer le monde.

Du coup, on doit avoir le phénomène décrit par Mancur Olson : l’Amérique nous apporte le « bien commun » qu’est la paix mondiale ; à coût faible pour nous ; mais elle le fait d’une manière un peu bancale, qui n’est pas optimale pour la planète. (De même qu’une société pourrait construire une route pour les besoins d’une de ses usines : elle ne serait pas idéale pour les besoins du reste de la communauté.)

État carcéral

« En 2012, le ministère du travail prévoit que les États-Unis auront plus d’agents de sécurité privés que d’enseignants du secondaire » dit une étude de la répartition entre population productive et non productive d’un pays.  (Les improductifs de l'étude sont réduits aux personnes qui font respecter la sécurité.)

En 2002, 26% de la population américaine travaillait dans la sécurité, une proportion exceptionnellement élevée.

Explications possibles ? Une société qui ne contrôle pas « par construction » ses membres comme le font des sociétés moins individualistes (Allemagne, Japon…), ou peut-être aussi des inégalités qui ne sont pas acceptées par la population, et que la force doit faire respecter.

Cette organisation sociale ne vise donc pas à l’optimisation de la richesse de la nation (cf. Adam Smith), en mettant le maximum de monde au travail. L'inégalité semble plutôt son principe. Ce qui ne signifie pas forcément un complot des riches contre les pauvres, car l’individualisme semble produire naturellement ce phénomène (The logic of collective action).

Compléments :
  • Cet article m’a particulièrement frappé parce qu’un de mes livres fait une analyse similaire de l’entreprise. L’entreprise américaine (et la nôtre par imitation) tend à s’organiser selon le modèle défini par Taylor : un très grand nombre de cols blancs (dirigeants, contrôleurs de gestion, qualiticiens, consultants, acheteurs… et leurs très coûteux progiciels de gestion) contrôlant des cols bleus et des sous-traitants sans qualification et sans défense. Ce mode d’organisation est beaucoup moins efficace qu’une démocratie de personnels qualifiés contrôlés par une culture forte. Il parait justifié non par sa compétitivité, mais parce qu’il donne aux dirigeants de ces organisations des revenus sans commune mesure avec ceux qu’ils auraient obtenus dans un modèle démocratique. 

samedi 28 août 2010

Rom théorique

Je suis un Martien pavlovien. Dans un billet, Hervé Kabla décrit les Roms. Eh bien, pour moi c’étaient des êtres théoriques. Je n’avais pas mis de visages sur le concept. Ce qui ne m’a pas empêché d’écrire à leur sujet. Ce blog réagit mécaniquement à l’événement.

Ce que dit Hervé est que le Rom est quelqu’un que je rencontre tous les jours depuis toujours, et qui fait tellement partie de mon paysage que je ne le vois pas comme quoi que ce soit de particulier. Bien sûr, un dirigeant de CCI m’a parlé des problèmes que posaient ses campements qui s’installent rarement où il faut, et qu’il a beaucoup de mal à faire déplacer. D’une manière générale les Roms semblent être une source de frustration pour certaines administrations et populations locales. Mais c’est bien peu par rapport aux calamités qui nous affligent par ailleurs ! Pourquoi faire un tel raffut à leur sujet ? (D’ailleurs raffut semble le terme adapté : le gouvernement aurait pu les déplacer sans bruit. Le bruit était certainement son objectif.)

Mais il y a une bien plus grande surprise : c’est à quel point ce geste ridicule rencontre d’écho dans la population. Le sondage le plus favorable aux Roms donne l’exclusion à 48% contre 42. Plus exactement ce qui est inattendu est le décalage brutal entre le discours des journalistes et ce que pense une large part de l’opinion publique. Y a-t-il deux France aux valeurs antinomiques, celle qui domine étant extraordinairement minoritaire ?

Mais pourquoi la nation devrait-elle être homogène ? Ce n’est pas parce que l’égalité est une de nos valeurs qu’elle devrait être réalisée. Au fond, le pays a toujours été divisé, il n’y a aucune raison qu’il se soit fondu en un bloc par miracle.

Et si la nouveauté était que, justement, le gouvernement ait décidé de nier cette fiction ? Que notre division soit utilisée par lui à des fins politiques - tactique de Nixon ?

En tout cas, l’élite des médias lui a emboîté le pas. Réaction épidermique et dogmatique totalement disproportionnée, disant, par exemple, que les Nazis ont entamé leur plongée dans l’abîme en diabolisant les Roms (une universitaire interviewée par RFI il y a quelques jours).

Alors, à quand une élite politique qui chercherait à nous unir ? Un B.Obama français ?

Mais qu’a-t-il gagné à vouloir rassembler sa nation ? La haine de tous. C’est un monstre pour les Républicains, alors qu’il fait leur politique, et les démocrates le haïssent, infiniment plus que leurs adversaires, pour ne pas avoir déclenché un Grand soir purificateur.

Voici une leçon pour l’apprenti leader du changement. Celui qui veut le bien collectif court le risque quasi certain de ne se faire que des ennemis. Il est bien plus sûr de choisir un camp et de se lancer dans une saine lutte fratricide.

Compléments :
  • Tough-guy Sarko.
  • De Gaulle voulait unifier la France. Mitterrand et Pompidou se sont mis d’accord pour se la diviser

Solo pour une blonde

Film de Roy Rowland, 1963. Mais comment a-t-on pu ressortir un tel navet ?

L’acteur principal est la caricature du Peter Sellers de La Panthère rose. Tout petit, beaucoup plus large que haut, pas de cou, un chapeau ridicule et un trench-coat qui l’embarrasse. Et il est supposé être un tombeur. Explication : c’est l’auteur du livre dont est tiré le film, il a voulu jouer les héros…

C’est curieux que l’imaginaire d’après guerre ait eu besoin de ce type de personnage, de détective privé, gros dur, imbibé d’alcool, et qui tombe amoureux comme une midinette. Peut-être reflet d’une époque sans liberté de mœurs, où l’homme rêvait à la fois de la femme idéale et de conquêtes multiples ? 

vendredi 27 août 2010

Intelligence collective ?

La taille du cerveau humain ne semble pas exceptionnelle, simplement corrélée à la taille du corps. Une nouvelle fois je me demande si ce qui fait notre particularité n’est pas simplement notre capacité à créer en groupe.

Herbert Simon définit ainsi notre « rationalité limitée » : être rationnel est obtenir ce que l’on veut, et l’homme construit un environnement (la société) dans lequel il sait ce qu’il peut vouloir et comment l’obtenir. Sa rationalité est limitée à cet environnement.

Effectivement le règne de la raison ne s’est imposé que lorsque la société a été suffisamment organisée, pour que l’homme sache obtenir ce qu’il voulait d’un monde qui n’était plus anarchique. J’observe aussi que les sociétés chaotiques (moyens-âges occidental et chinois) ont développé des modes de pensée qui poussaient l’homme à accepter son sort (cf. Bouddhisme et Christianisme).

Compléments :

jeudi 26 août 2010

Rôle du capital investissement

Les fonds de capital investissement seraient essentiels à une économie capitaliste, la bourse n’étant pas apte à réformer les entreprises, ces fonds les sortent de la côte, ce qui leur donne la tranquillité nécessaire pour les réformer. Mais ils ont fait perdre beaucoup à ceux qui leur ont prêté l’argent de leurs montages à effet de levier. Voilà ce que dit, en substance, Less pomp and circumstance.

Ce qui ne me convient pas tout à fait. Les fonds que j’ai rencontrés semblaient surtout chercher des gains rapides (rarement plus de 5 ans). Ils sont peuplés exclusivement de financiers dont la logique est celle de « l’arbitrage », pas de la vision stratégique.

On n’a pas encore trouvé mieux que l’État pour sauver des industries mal gérées…

Compléments :

Indépendance de la presse

Je suis régulièrement réveillé par la voix sentencieuse d’un journaliste de France Musique en lutte contre le gouvernement.

Quel est l’intérêt de cette information ? (En dehors de me faire sortir de mon lit avant son début ?) Intérêt identique à celui de la presse communiste de mon enfance ?

Idem pour les films que défend France Culture. J’imagine qu’elle se croit le devoir de faire connaître des personnalités méritantes. Mais c’est contre-productif : comment faire confiance à une pensée militante !

Quand les journalistes comprendront-ils que notre capacité intellectuelle n’est pas inférieure à la leur ? Qu’ils doivent nous donner des informations, pas nous dire quoi penser ? 

Malédiction de l’euro ?

Les Anglo-saxons se gaussent des prétentions délirantes de la zone euro : elle veut faire revivre l’étalon or.

Les économies des pays ne fonctionnent pas à la même vitesse. Garantir un taux de change constant force, comme l’a découvert la Grèce, le peuple au sacrifice : réduction de la protection sociale, des salaires, des emplois. La démocratie entre alors en jeu, et renverse les gouvernements qui font respecter l’orthodoxie économique. Au passage les spéculateurs auront fait des fortunes colossales.

Pour corser les choses, et précipiter le chaos, il y a un effet pervers. Un tel système demande un ajustement à la fois de l’économie excédentaire (l’Allemagne) et de l’économie déficitaire (la Grèce ou la France). Mais la première ne voit pas pourquoi se transformer. Par conséquent les ajustements se font systématiquement vers le bas – et inutilement douloureusement, déflation. (Paper chains.)

Certes, mais ceci signifie que le changement est difficile, non qu’il est impossible. D’ailleurs, cela fait au moins vingt ans que nous le vivons, sans qu’aucune de ses crises n’ait disloqué l’attelage. Et peut-être avons nous quelques atouts ? Une protection sociale (pour éviter des chocs trop importants) et un État (pour coordonner les ajustements) forts ? Les Anglo-saxons ne  désirent pas les acquérir. Ils espèrent donc notre échec ?

Compléments :
  • Ce qui rend acceptable le changement européen est probablement, donc, la protection sociale. Attention, à ne pas trop l’affaiblir ? Méfions-nous du conseil de l’économiste anglo-saxon pour qui ce système plombe notre efficacité économique ?
  • Histoire du système monétaire international.




mercredi 25 août 2010

Angleterre inégalitaire

D’une certaine manière la théorie de M.Sarkozy selon laquelle en imposant celui qui veut s’enrichir, on appauvrit la nation semble infirmée par l’expérience anglaise :

Depuis les années 80 l’inégalité croit rapidement en Angleterre. Mais il n’y a pas eu la flambée de talents que l’on attendait. Les riches se sont enrichis « La Grande Bretagne est le plus socialement immobile des pays de l’OCDE, pour qui ce club de pays riches a des données », et les pauvres se sont appauvris : « « broken Britain », comme certains nomment la pauvreté endémique et le désœuvrement trouvés dans certains quartiers désolés », c’est tout. (Great aspirations.)

Et l’économie locale, fort sinistrée, n'a pas profité d'un élan créatif sans précédent.

Compléments :

Schizophrénie française

Ce qui est curieux est qu'à un moment où l'organisation de la planète traverse une zone de turbulence, où le chômage est à des sommets, où l'euro risque de nous contraindre à des révisions déchirantes, où notre modèle est en crise existentielle... notre gouvernement paraît avoir un seul programme politique, une seule idée, la sécurité. Ce qui est encore plus inattendu, compte-tenu de cette obsession, est que les budgets de la police sont en diminution marquée, si j'en crois la radio.

De même l’État se décharge de plus en plus de ses responsabilités sur les chambres de commerce, alors qu’il leur coupe les vivres et aimerait qu'elles se comportent comme des entreprises. Nos « champions nationaux » sont encouragés à conquérir le monde à coup d’acquisitions, alors qu’ils n’ont pas d’argent…

Comment expliquer cette schizophrénie ? Le gouvernant croit que ce qui sonne juste doit être faisable, il ne se préoccupe pas des contradictions entre ses propos ? Le Français n'a aucun sens pratique, il croit au miracle de la parole ?...

Prison privée

Privatiser les services de l’État est supposé les rendre plus efficaces. Le cas des prisons aux USA montre les limites de ce raisonnement.

Une fois un contrat obtenu, la prison privée est en situation de monopole. Par conséquent, elle augmente ses tarifs, et réduit ses services. Parallèlement, ses syndicats d’employés et ses entreprises sont redoutablement efficaces pour amener le pouvoir politique à durcir sa politique de répression.

Faire jouer les forces du marché sans effet pervers est extrêmement complexe…

Pakistan explosif ?

Les malheurs qui s’abattent sur le Pakistan vont-ils plonger le pays, et nous avec, dans le chaos ?
  • Son gouvernement est risiblement inefficace et corrompu, et haï par la population.
  • L’armée et des mouvements extrémistes, les seuls à agir, comptent bien tirer les fruits de leurs efforts.
  • Mais la population, dans sa grande majorité, est humble mais droite et modérée. Une fois de plus elle absorbera la calamité.
Le pays devrait donc continuer à avancer en boitant et en souffrant.

    mardi 24 août 2010

    Roms et gens du voyage

    Ces derniers temps j’ai découvert un vocabulaire nouveau : « Roms et gens du voyage ».

    Cela m’a rappelé une chronique entendue il y a quelques années sur la BBC. On y disait, un peu tristement, que les trains anglais avaient des horaires aléatoires, mais que les compagnies ferroviaires avaient de beaux noms, et que des voix charmantes y annonçaient les retards - colossaux. Il en était de même pour Enron, qui avait un code d’éthique que les universitaires donnaient en modèle.

    Nous avons cru qu’il suffisait de repeindre les maux du monde en couleurs riantes, et de faire des autodafés de ceux qui ne parlaient pas bien, pour faire de la planète un paradis ? 

    Grand moment de l’hypocrisie bien pensante, de terrorisme intellectuel ? Ou monde dominé par des intellectuels, des diplômés, des gens dont la réalité n’est que mots ? 

    Contre la générosité.

    Une étude semble montrer que l’homme n’aime ni l’égoïste, ni le généreux, qui nous fait sentir que nous ne sommes « pas bien ». (Too good to live.)

    En fait, je me demande si ce n’est pas une illustration d’un des principes trouvés par Robert Cialdini : la logique de la société est de rendre ce que l’on a reçu, si quelqu’un donne « trop », nous devons aussi rendre « trop », ce qui ne nous va pas.

    Celui qui veut être généreux, par conséquent, doit faire comme si il n’avait rien donné, pour ne pas se faire d’ennemis.  

    M.Smith au Sénat

    Film de Frank Capra, 1939.

    Une fois de plus l’homme simple et pur fait triompher la justice, et suscite la rédemption de quelques brebis égarées, et la perte de celles qui se sont excessivement corrompues (voir par exemple Un shérif à New York). C’est la recette du Tea Party.

    Plus surprenant, je retrouve ici ce que dit l’ouvrage que je lis actuellement. Il parle du rejet par l’Allemagne d’avant guerre de la rationalité pour l’intuition et de la ville corruptrice pour la nature pure et saine. Une pensée qui a mené au Nazisme. La haine du capitalisme et du progrès était-elle massivement répandue à l’époque, partout dans le monde occidental ? 

    Vues les souffrances des peuples, alors, c’est compréhensible, mais pourquoi y aurait-il des âmes pures qui savent naturellement le bien et le mal ? Outre que c’est la faillite de la raison, comment les reconnaître de l’extérieur ?

    Autre thème récurrent : celui de la corruption. Un capitaine d’industrie fait dire ce qu’il veut à la presse d’un État entier. Effrayant qu’une nation puisse être autant soumise à l’intérêt individuel. Ce qui me rappelle une émission entendue récemment sur Werner von Braun : la marine américaine, pourtant totalement incompétente, s’était fait confier le programme de missiles américains, et von Braun, le champion mondial du sujet, était laissé oisif. En fait, c’est remarquable que l’Amérique puisse fonctionner en dépit de tant de stupidité.

    Raison ? Mon hypothèse provisoire est que l’Américain est increvable. Quand il croit être dans le vrai, il ne lâche pas. Les supérieurement magouilleurs gagnent la première manche, mais lorsque le pays est victime de leur logique poussée à l’absurde, son pragmatisme lui fait donner la parole à ceux qui ne l’avaient pas. Sorte de sélection naturelle ?

    lundi 23 août 2010

    Éloge du déclin

    Répondant à mon billet de ce matin, un professeur japonais explique que le déclin du Japon est dû  à la sagesse de son peuple.

    Il a retrouvé, un peu avant le reste du monde, ce que savaient ses ancêtres : il y a plus important dans la vie que produire pour produire.

    Mais un pays peut-il s'isoler des autres ?

    Radeau de la Méduse

    Émission de radio, hier. Je ne savais pas que La Méduse s’était échouée sur un banc de sable par beau temps. Son capitaine n’avait jamais navigué. Pour le gouvernement de la Restauration, la loyauté d’un homme était plus importante que sa compétence.

    Il en aurait fallu peu pour éviter le drame. Le capitaine semble avoir cru que commander s’était en faire à sa tête, que se fier aux autres, lire une carte (!), ou sonder le fond était preuve d’incompétence.

    Métaphore du « déchet toxique » ? Nous sommes placés dans une organisation rarement pour nos compétences, bien plus souvent pour notre adhésion à ses valeurs. Ne comprenant pas ce qui est attendu de nous, nous pensons impressionner nos collègues par nos airs avantageux. D'où erreurs fatales. L'organisation voit le danger, il en faudrait peu pour l'éviter, mais comment peut-elle nous aider sans nous froisser, et puis doit on douter d'un dirigeant ?

    Ceci est le rôle du « donneur d’aide ». En fait, le capitaine de la Méduse en avait choisi un. Mais, il s’agissait d’un philosophe qui n’avait aucune connaissance des environs. Là aussi le parallèle avec l’entreprise est frappant. 

    Japon en déclin

    Il semble que contrairement à ce que me disent les amis qui y vivent, le Japon soit devenu un pays où « l’inégalité des revenus est au dessus la moyenne des pays riches », où « 14% des enfants sont élevés dans la pauvreté », et où « le travail temporaire ou partiel (...) a cru de un cinquième à un tiers de la population active en 20 ans ».

    The Economist, à son habitude, se demande pourquoi le pays demeure paralysé et ne réagit pas.

    N’est-ce pas simplement parce qu’il ne voit rien de motivant dans les solutions qui lui sont proposées ? Il a pensé protéger sa civilisation en transcendant les valeurs de l’Ouest, or, c’est le contraire qui s’est passé. Faut-il persévérer dans l’erreur ?

    Compléments :

    Les amours d’Astrée et de Céladon

    Film de Rohmer, 2007. Seul Rohmer pouvait vouloir faire revivre un succès littéraire du XVIIème siècle, dans l’esprit de l’époque. (Mais fut-ce une bonne idée de faire jouer les acteurs dans les champs et les prés : ils ne semblent pas très à l'aise, et je ne suis pas certain que ce qu'imaginait le lecteur correspondait à cette réalité ?)

    Les personnages d’Honoré d’Urfé parlent comme ceux de Rohmer. Peut-être que ce qui rend ses films si particuliers est qu’il a saisi quelque chose de typique à notre culture, une certaine forme d’esprit, d’élégance, qui n’aurait pas sombré avec l’Ancien Régime, et que l’on trouve, par exemple, chez Madame de Sévigné ou le duc de Saint-Simon ?

    Aussi, étranges espaces que crée l’imaginaire des peuples. Alors que nous nous rêvons en sorciers ou en vampires, l’élite du 17ème siècle s’imaginait en bergers et en nymphes. L’homme a-t-il besoin de se projeter dans des univers où il lui est plus facile d’obéir aux règles sociales que dans le monde qu’il habite ? Moyen de supporter son sort, mais aussi d’intérioriser les valeurs de son temps ?

    Compléments :

    dimanche 22 août 2010

    Angleterre héréditaire

    Je tombe par hasard sur un article parlant d’une vieille famille anglaise, les Sackeville, et du château de 365 pièces qu’elle possède depuis 1603.

    Inconcevable en France qu’une famille noble ait pu se maintenir au fait de la fortune et des honneurs pendant plus de 4 siècles. Particularité de l’Angleterre que lui enviait Tocqueville : les privilèges y sont héréditaires

    Contre l’énergie éolienne

    Il semblerait que l’implantation d’éoliennes aux USA rencontre la résistance de militants écologistes. Cas classique de résistance au changement ?

    Ceux qui trouvent que les éoliennes causent des méfaits à l’environnement sont ceux qui vivent à proximité, mais ne profitent pas de leurs bénéfices financiers, et à qui, en quelque sorte, on les a imposées (cas de la famille Kennedy). Pour les convaincre, il faut que la décision d'installation vienne d’eux (qu’ils soient responsables du changement), même s’ils n’en profitent pas directement. Ou, comme en Europe, qu’obéir aux directives du gouvernement soit une caractéristique culturelle. 

    Supply chain et conséquences imprévues

    Pendant quelques décennies le monde des affaires a vécu à l’heure de la « supply chain ». Il s’agissait de configurer l’entreprise de façon à chercher, partout sur la planète, le moins disant, et à en tirer profit.

    On découvre progressivement que l’on avait oublié quelques coûts cachés dans ces calculs.
    • Une grande partie des gains viennent de ce que les pays émergents ne respectent ni les droits de l’homme, ni la durabilité de la planète. Ce que les multinationales n’avaient pas prévu, c’est que cela pourrait être découvert et rejaillir sur leur image de marque (Huile de palme).
    • Maintenant, on apprend que le tourisme médical peut ramener au pays quelques maladies contre lesquelles on ne sait pas lutter… 

    samedi 21 août 2010

    Intelligence du troupeau

    On parlait de « guerre des talents » aux USA, en France, N.Sarkozy expliquait que l’impôt décourageait ceux qui créaient la richesse, les salaires des dirigeants ont été plus que décuplés… Or, de plus en plus on découvre que les capacités de l’individu ne sont rien par rapport à celles du groupe.

    Et on en vient même à admirer les insectes, qui semblent capables d’une sorte d’intelligence de groupe ultra-efficace, et totalement dénuée des « leaders » des livres de management.

    Après les décennies du tout individuel, redécouvririons-nous les vertus de la société ? 

    Évolution du sport

    Le sport a connu un changement majeur : il est devenu une activité économique.

    Résultat ? Quelques gens extrêmement riches, beaucoup moins de spectateurs (les matchs sont diffusés par des chaînes payantes – en Angleterre l’audience des rencontres internationales de cricket a été divisée par 3), et de la publicité exclusivement pour de la nourriture qui n’est pas saine. En outre, il est l’excuse des hauts salaires des dirigeants, qui se décrivent dorénavant comme des champions.

    Le sport est à l’image de la transformation de notre société. (How did sport get so big.)

    vendredi 20 août 2010

    Soins intensifs

    On se rend compte de plus en plus que le corps est infiniment plus sophistiqué qu’on ne le pense, et que nos traitements pourraient faire plus de mal que de bien, y compris dans les cas apparemment les plus désespérés.

    D’ailleurs, il semblerait qu’en dépit des moyens extrêmement rudimentaires dont disposaient les chirurgiens, seul un faible pourcentage des blessés des batailles anciennes décédait (de l’ordre de 5%).

    L’évolution de la médecine paraît ressembler à ce que je suggère pour les changements de l’entreprise : ne pas passer en force, mais comprendre le corps et seulement alors, et si c’est utile, chercher à l’aider, et encore en utilisant ses mécanismes propres. 

    Histoire récente de l’Allemagne

    A force d'accumuler des billets, j'en arrive à une idée curieuse : et si l’Allemagne avait joué un rôle dans l’histoire récente de l’Europe dont elle n'était pas consciente ? Mon analyse du moment :
    • Réunification. Le chancelier Kohl intègre l’Allemagne de l’Est à égalité avec l'Ouest. La population de l’Est (25% de celle de l’Ouest), se révèlera fort improductive : en dépit de mille milliards d'€ d'investissement le PIB de l'Est n'a pas bougé. Pour ne pas mécontenter l’opinion, M.Kohl emprunte plutôt que de lever l’impôt. La dette de l’Allemagne rejoint le niveau de celle des USA. 
    • Pour permettre cette politique il a besoin de ne plus respecter les critères de Maastricht. Du coup toute l’Europe s’en affranchit. Ce manque de rigueur est à l’origine des problèmes actuels de la Grèce, et de l’Europe en général. Ensuite, l’économie allemande pompe énormément de capitaux (dette), le mark augmente et déstabilise la politique des changes européenne (qui tente de réaliser l’euro), d’où une série de crises, ailleurs en Europe.
    • J’imagine, à ce point, qu’il prélève tout de même sur son économie ce dont il a besoin pour payer ses dettes. Ce qui la plombe. Pour rectifier la situation, le chancelier Schröder adopte une politique libérale qui comprime le système de protection sociale, et réduit de 20% le coût du travail. D’où nouveau déséquilibre européen, et incitation à imiter les réformes allemandes. Or, l’économie de l’Allemagne était naturellement bien placée pour tirer parti de la fortune des pays émergents. (Germany's economy: Back above the bar again.)
    Contrairement à ce que pensent les Allemands, ils n’ont pas été les seuls à faire des sacrifices. Il est même possible que nous en ayons fait avant eux : la crise des années 90 n’a-t-elle pas suscité un fort chômage en France, par exemple ?

    Même si l’on se place sur le plan économique, on peut s’interroger sur la vertu des uns et des autres. Les réformes allemandes, qui maintenant sont le lot de l’Europe, semblent en grande partie due à une unification faite selon des critères politiques et non économiques : l’Europe a intégré d’autres pays de l’est, sans que cela lui fasse aussi mal.

    Compléments :

    Les rendez-vous de Paris

    Film de Rohmer, 1995. Toujours aussi dépaysant, et pourtant filmé dans les lieux où je passe ma vie.

    Éternelle question : y a-t-il vraiment des gens qui parlent comme les acteurs du film ? D’ailleurs l’évolution des mœurs n’a-t-elle pas modifié les rapports humains depuis que Rohmer a eu l'idée de son oeuvre, il y a près de 70 ans ?

    Mais il me semble que ce qui paraît son sujet, le décalage entre nos actes et nos paroles, est un fait de société durable.  

    Autre éternelle question : pourquoi est-ce reposant ? Parce, comme les films japonais, il est question de vie quotidienne, des petits tracas et bonheurs qui l’emplissent, et que cela ne demande à l'homme de se transformer, invraisemblablement ? 

    jeudi 19 août 2010

    Entrepreneuriat social

    Je découvre que l’entrepreneuriat social est à la mode aux USA et surtout en Angleterre, depuis que ces pays doivent faire des économies massives.

    La bureaucratie administrative étant évidemment inefficace, il s’agit d’utiliser le génie entrepreneurial pour la remplacer. Deux réflexions :
    • Chez nous on parle « d’économie sociale ». Elle fonctionne bien et peut recevoir des « délégations de service public ». Cependant, faire fonctionner une association, une mutuelle ou une coopérative est d’une grande complexité, et demande beaucoup de temps et d’efforts. C’est beaucoup moins une question de moyens que d’hommes. Parier sur un miracle rapide semble illusoire.
    • Le modèle anglo-saxon n’est pas clair : on y parle beaucoup d’argent, pour accélérer les succès actuels. on compte aussi sur le dévouement individuel – économies obligent. Mais n’y a-t-il pas risque d’un retour à de vieux démons : faire payer les pauvres pour les services qu’on leur rend, et essorer l’État de surcroît (cf. « workhouses » du 19ème siècle et prisons privées américaines) ? 

    Stratégie de B.Obama

    On annonce la déroute des démocrates aux prochaines élections. Que va faire B.Obama me demandé-je ? Rien. En fait, la situation est compliquée.
    • Dans son camps, il est aux prises avec des bienpensants militants qui l’accusent d’être un vendu, qui n’a pas fait les réformes radicales dont ils rêvaient – et qui révulsent la majorité du pays.
    • Il avait suscité l’intérêt de nouveaux électeurs, mais ils sont probablement déçus qu’il n’ait pas créé le paradis terrestre qu’ils attendaient.
    • À droite, il est l’incarnation du mal (= un socialiste).
    C’est peut-être là qu’est l’espoir pour lui : le Tea party et Sarah Palin semblent en passe de faire élire des candidats républicains inexpérimentés et caricaturaux. Ils pourraient susciter une réaction de rejet supérieure à celle que provoquent les démocrates. Dans tous les cas, s’ils sont élus, on peut se demander comment fonctionnera le pouvoir législatif. 

    Minuit dans le jardin du bien et du mal

    Film de Clint Eastwood, 1997.

    Je n’étais pas allé voir le film à sa sortie, en le soupçonnant d'être intello et abstrait. J’avais tort, j’ai passé un bon moment.

    Mais, au fond, n'est-ce pas un film très moral ? Il montre que l’on peut être homosexuel dans le sud des États-Unis sans pour autant être condamné pour meurtre par la société, et que l’on peut, même, être noir et homosexuel et être sympathique.

    Justification : occupons nous de ce qui est de notre niveau et laissons Dieu juger ce qui est du sien. (Et qui d'ailleurs pourrait nous paraître laid ou sans intérêt, alors qu'il contribue à la beauté du monde ? cf. la parabole du tableau ?)

    mercredi 18 août 2010

    Quel avenir pour l’Irak ?

    L’Irak est dans une situation précaire. Le pays n’est pas gouverné. Sa classe dirigeante, arrivée dans les bagages de l’armée américaine, n’était pas faite pour diriger, mais pour comploter, comme toute opposition en exile. Les voisins du pays (l’Iran, la Turquie, la Syrie, la Jordanie, l’Arabie saoudite et les pays du Golfe) tirent les ficelles du gouvernement.

    Bref, anarchie et forte possibilité de prochaine dictature.

    Ce qui est curieux dans cette histoire est l’impréparation de ce changement (mais, si on avait cherché à le préparer, l'aurait-on fait ?). Au fond c’est une illustration d’un biais de nos élites occidentales : pour elles les problèmes du monde n’ont que des solutions simples, issues de leur esprit. 

    Amérique low cost ?

    Surprenant article : du fait de la crise, les centres d’appel trouveraient l’Américain meilleur marché que l’Indien. Comment interpréter cette nouvelle ?

    Je croyais que pour des années encore le salaire des personnels indiens serait hors d’atteinte des nôtres. Dans les coûts pris en compte, y aurait-il autre chose que le salaire ? Les Américains, qui n’ont pas de salaire minimal ?, seraient-ils prêts à toutes les extrémités ? Mais peut-on vivre avec un salaire indien en Amérique ?

    Les oiseaux

    Hitchcock, 1963.

    Film surprenant, qui ne ressemble pas aux autres œuvres d’Hitchcock. D’habitude ce sont des aventures humaines interminables. Là quelques actions intenses, et c’est la nature contre l’homme.

    J’ai l’impression que cette histoire a inspiré des films d’horreur, sans rapport avec son thème, comme La nuit des morts vivants (où l’on a remplacé la mouette par le revenant), ou Fog (toujours avec des revenants).

    Aussi, comme d'habitude, une blonde glaciale saute sur un beau brun viril et une histoire psychologique compliquée, cette fois-ci de relation mère fils. Sont-ce les ressorts de processus mécaniques, « professionnels » à l’anglo-saxonne, qui garantissent le suspens, comme je le pensais dans ma jeunesse, ou faut-il y rechercher l’empreinte de l’inconscient d’Hitchcock, comme le croit l’intello français ?

    mardi 17 août 2010

    Dette européenne

    Le prix de la dette allemande et française est au plus bas. Remarques :
    • À qui profite le crime ? Qui achète cette dette ? Manœuvre des pays émergents pour maintenir l’euro à un cours élevé et rendre ses exportations sous compétitives, donc, à terme, détruire son tissu économique ?
    • Danger ? Si l’Europe fait comme la Grèce et l’Amérique et continue à vivre à crédit sans réforme structurelle, elle va connaître, comme la Grèce, des moments extrêmement désagréables ? 

    Pakistan

    Pourquoi sommes-nous indifférents au sort du Pakistan ? Pourtant son malheur semble dépasser ceux d’Haïti ou d’Indonésie, en 2004, qui ont déchaîné notre compassion ?

    D’ailleurs, égoïstement, nous aurions intérêt à aider le Pakistan, pays fragile, malmené par le sort, qui pense le plus grand mal de nos valeurs et de notre comportement, et pourrait nous causer de sérieux tracas dans les prochaines décennies.

    Période peu favorable ? Il me semble surtout que c’est une illustration d’un des grands théorèmes du marketing : l’opinion de la population est faite par des leaders d’opinion, en grande partie la presse. Or ceux-ci sont visiblement indifférents au Pakistan : ce que je capte des informations radio parle massivement de « gens du voyage » qui auraient des problèmes de parking.

    Il serait intéressant d’étudier ce qui déclenche l’intérêt des leaders d’opinion.

    En tout cas, il y a ici un enseignement : une bonne idée, un grand livre, un produit révolutionnaire… ne sont strictement rien sans un puissant marketing. Penser que le marché laissé à lui-même peut produire le meilleur des mondes innovant est une illusion ridicule.

    Compléments :
    • De même que ce qui compte dans la carrière d’un politique ne sont pas l’intelligence de ses idées (au contraire ?), mais ses capacités à s’élever dans l’appareil du parti. Fils d’appareil.

    Mosquée américaine

    Vif débat aux USA. Faut-il accepter la construction d’une mosquée à proximité de l’emplacement du World Trade Center ? Une intéressante réflexion sur le sujet :
    • D’un côté il y a les principes fondateurs et la raison : liberté de religion (probablement le fondement d’une nation conçue comme un asile contre l’intolérance) et ne pas confondre Islam et Al-Qaïda.
    • De l’autre il semble qu’il y ait quelque chose d’autre que ces grands principes, une identité nationale qui se définit par une sorte de jurisprudence. Et celle-ci impose des contraintes implicites, en particulier aux religions : les Mormons ont renoncé à la polygamie, et les Catholiques à leur zèle réformateur.
    • Peut-être que ce que reproche l’Amérique d’en bas à l’Islam, c’est de ne pas accepter ces règles culturelles implicites, c’est de demander d’être Musulman avant d’être Américain (ce que montre l'insensibilité au symbole qu'est le WTC).
    Type de raisonnement qui s’applique à la France ? Pourrait fournir un juste milieu entre le Charybde d’une gauche dogmatique et bornée, et le Scylla d’une droite qui transforme tout fait divers en appel à la haine ?

    Compléments :

    Globalizing Capital, Histoire du système monétaire international

    Eichengreen, Barry, Globalizing Capital, Princeton University Press, 2008.

    Le système monétaire international passe par plusieurs étapes :
    • Newton fait une erreur dans ses calculs de prix relatifs des métaux, qui va amener l’Angleterre à avoir pour seule monnaie l’or. Révolution industrielle, l'Angleterre est la super puissance économique mondiale et le monde adopte l’étalon or.
    • Il fonctionne jusque en 1914, en quelque sorte par un heureux hasard. L’Angleterre est à la fois le pays qui fournit son équipement (machines, bateaux...) au monde et qui lui prête, d’où équilibre de son taux de change. En outre celui-ci est la seule préoccupation de la banque centrale anglaise.
    • Ce n’est plus le cas après guerre. L’arrivée de la démocratie et des syndicats fait que de nouvelles préoccupations entrent en jeux (emploi, salaires) qui bloquent les ajustements de taux. De même la banque centrale doit jouer les prêteurs de dernier ressort et sauver le système bancaire quand il menace d’être en faillite. Les marchés financiers ne trouvent plus le système crédible. L’entre deux guerres sera une période d’instabilité et de crise.
    • Bretton Woods tire les conséquences de cette période agitée. Il prévoit un système d’ajustement des taux de change, le FMI qui supervise les politiques économiques nationales et fournit des financements, et un mécanisme de contrôle des flux financiers qui permette de tenir compte des intérêts humains. Contrairement à ce que l’on croit aujourd’hui, le système est mal conçu et tient par miracle. Seul le système de contrôles est relativement efficace. Mais il s’écroule sous la montée des flux de capitaux internationaux. Il semblerait que l'ensemble ait tenu tant que l’Europe et le Japon, en développement, ont accepté de payer l’effort militaire américain. Il a sombré quand ils ont jugé qu’ils avaient d’autres intérêts.
    • Et ce qui a suivi ressemble beaucoup à un nouveau Bretton Woods. Cette fois-ci, les pays émergents remplacent Europe et Japon pour financer le déficit et la consommation américains. Les nations ont adopté plusieurs types de gestion de leurs taux de change : ceux pour qui l’exportation jouait un rôle relativement faible ont des taux flottants ; l’Europe qui échange beaucoup entre soi a adopté une monnaie unique (l’équivalent de l’étalon or) ; ce qui reste a cherché à ancrer sa monnaie à celle d’un partenaire économique majeur.
    Ce que montre surtout cette étude est que ce système est en changement permanent et que les nations s’y adaptent par essai et erreur. Une fois qu’une technique semble fonctionner elle est adoptée par tous. Par ailleurs, les pays ressemblent à des dominos : impossible de poursuivre seul une stratégie, fatalement on doit se plier au modèle qui s’est imposé chez les autres. Enfin, il existe une dimension majeure d’expérience : les institutions des pays s’adaptent progressivement aux exigences de la globalisation. Il y a apprentissage.

    Commentaires :
    • Un livre qui n’a pas grand-chose à voir avec ceux d’économie. Ici pas d’équilibres automatiques et miraculeux, mais des changements permanents où l’on voit le rôle déterminant des variables humaines, non économiques, négligées par les économistes.
    • J’en garde l’image d’un système économique qui passe de déséquilibre en déséquilibre, et qui s’ajuste par crise. Nous sommes tous dépendants les uns des autres, les choix d’un pays pouvant devenir les nôtres, demain, par contagion (cf. le cas des réformes allemandes). Dans ces conditions l’autisme français, notre fermeture sur nous même, notre insensibilité aux autres, notre croyance en notre pouvoir, est suicidaire. Cela nous condamne à subir les bouleversements du monde. Il faut regarder ce qui se passe ailleurs, ce qui doit nous permettre d’intervenir pour éviter qu’un changement étranger ne nous soit défavorable. (Par exemple, il aurait peut-être été intelligent de donner un coup de main à l’Allemagne lors de sa réunification, ça nous aurait évité aujourd’hui de devoir subir sa politique de rigueur.) Et même lorsque nous ne pouvons pas influer sur le cours des événements, au moins en les voyant arriver nous pouvons nous y préparer.
    • Plus généralement, le monde n’a pas besoin de quelque dispositif miracle, mais d’un système d’ajustement dynamique qui cherche à trouver des solutions ad hoc aux problèmes que posent les transformations, imprévisibles, du monde.
    Compléments :
    • Par ailleurs, ce texte montre que l’analyse de Galbraith sur la période de Bretton Woods était à la fois juste et fausse. Oui, l’économie américaine était tirée par ses dépenses militaires, mais, non, le système n’était pas stable, on n’avait pas trouvé la recette de la « société d’opulence ». 
    • Quant à la zone euro, elle semble avoir une vraie logique et être bâtie sur du solide, ayant été construite à une période particulièrement peu favorable. Ses obligations jouiraient d'un effet d'échelle (d'où peut être la spéculation qui a plombé les « PIGS »), ce qui en ferait une alternative forte à la dette américaine. Mais est-ce une bénédiction ?

    lundi 16 août 2010

    France.fr

    France.fr, qui semble être le portail Internet de la France, est à nouveau en fonctionnement après un lancement raté le 14 juillet. Hervé Kabla devrait être satisfait.

    Lancement raté ou louable honnêteté ? Notre culture n’est elle pas celle du bricolage et de l’approximation ? De la prétention à la grandeur, et des moyens qui ne la suivent pas ? Or, France.fr n’est-il pas l’image de notre nation ?

    En tout cas l’affaire fait s’interroger sur les procédures d’appel d’offres de l’administration. En effet, le mal de France.fr aurait été un simple problème d’hébergement (qui n’a pas résisté à 25.000 connexions !?). La capacité à faire son travail n’était pas en haut des critères de sélection ? Sans compter qu’OVH, le plus gros hébergeur français, n’était pas dans l’appel d’offres… ce n’était pas une question de prix, non plus ?… 

    Baisse des prix de la restauration

    Alors que les restaurateurs tendaient à méchamment dépasser l’inflation, ils sont maintenant au dessous. Rupture de tendance. Un changement gouvernemental qui aurait réussi ? 

    Mais le changement attendu s’est-il produit ? Les restaurateurs ont-ils embauché comme prévu ? Dans quelle poche est allé l’argent que leur a versé l’Etat (dont il a aujourd’hui fort besoin) ? Difficile de répondre.

    D’ailleurs, qui est responsable du changement ? La mesure gouvernementale seule ? Le mécontentement de voir des prix en éternelle hausse, et la pression sociale qu’il sous-entend ? La crise qui a réduit la capacité à dépenser du Français ?...

    Et si l’efficacité de la mesure avait, simplement, été d’attirer notre attention sur les tarifs des restaurants, de faire de ces derniers des ennemis publics ? 

    Réforme de l’Éducation nationale

    À la réflexion, je pense que j’ai été injuste avec mon instituteur de CM2. L’Éducation nationale d’avant 68 ne faisait, effectivement, pas appel à l’intelligence. Elle était coupable de ce qui fait échouer le changement : elle nous disait comment et pas pourquoi. C’est la logique de l’ordre.

    Au fond, un enseignement qui ne s’adresse pas à l’intelligence est totalitaire. Il forme, par l’échec répété, des « collaborateurs », qui obéissent sans comprendre. Il me semble aussi créer des hypocrites, qui disent adhérer à des valeurs auxquelles ils ne croient pas : je constate régulièrement que le premier talent du bon élève est de plaire à l’enseignant ; quant à ce que dit son cours, ils n’en a pas la moindre idée – quelle importance ?

    Les « gauchistes » réformateurs de l’Éducation nationale ont dû essayer de dire « pourquoi ». Ils étaient plein de bonne volonté. Malheureusement, ils ont échoué. Ils ont rendu l’enseignement encore plus incompréhensible qu’avant, et ont donné un avantage décisif à l’enfant qui pouvait être aidé.

    D’où vient leur échec ? Certaines choses doivent être apprises d’abord et comprises ensuite ? Pour les autres, ils ont été incapables d’arriver au pourquoi ? Ils ont continué à faire du « comment », en apparemment plus facile, en fait en beaucoup plus délayé, et beaucoup moins compréhensible ?

    Compléments :
    • Ce type d’enseignement explique aussi peut-être que nous ayons nous aussi tendance à donner des ordres, à nos enfants ou à nos entreprises : « apprend l’anglais, mettez en place ce logiciel ». D’où la résistance que rencontrent nos changements : ils sont vus comme dictatoriaux et arbitraires. (Délinquance juvénileRéforme des hôpitaux et malédiction du moyen.)
    • Une organisation qui impose à ses membres des règles fortes et incompréhensibles peut être une explication du taux de suicides élevé de pays apparemment fort civilisés comme le Japon : une formation par l’échec est destructrice. 

    Histoire de l’Allemagne

    Rovan, Joseph, Histoire de l’Allemagne, Seuil, 1999. Voici l’histoire de l’Allemagne vue par un Allemand. J’en retiens :
    • Une définition inattendue de la germanité, à laquelle pas grand-chose de l’Europe n’échappe. C’est avant tout l’empire de Charlemagne, dont la vocation était d’être le protecteur du christianisme et de la civilisation occidentale, d’être « au dessus » des autres États. C’est aussi les territoires qui ont été conquis par les Germains. L’Allemagne et l’Autriche en premier, mais aussi, pas loin, Les Pays Bas, la Suisse, la Flandre, l’Alsace, la Lorraine, la Bourgogne, la Provence (ex Lotharingie). Et les pays frères : Angleterre et les pays nordiques. La France a mal tourné, ses rois francs ayant été assimilés par leurs administrés. Mais il y a aussi les anciennes colonies de l’Est.
    • Ces prétentions à l’immensité se sont heurtées à une structure étatique fragile. Empereurs faibles, élus, trois siècles de lutte avec le Pape… Puis, réforme de Luther, qui débarrasse l’Allemagne de son lien avec Rome, et éclatement de l’empire en principautés fortes et homogènes. Depuis toujours, l’essence de l’Allemagne c’est le fédéralisme. La guerre de Trente ans puis les guerres révolutionnaires transforment l’Allemagne en une sorte de non man’s land. Elles suscitent une réaction de révolte contre la France, qui devient l’ennemi héréditaire.
    • La nation allemande se construit contre les principes de la France révolutionnaire, démocratie, raison, individualisme, universalisme. C’est avant tout un montage théorique, fait par des universitaires. On réinvente un passé moyenâgeux glorieux, « une communauté de sang et de destin », un peuple ayant une supériorité biologique, un droit à l’hégémonie européenne, qui « devra se donner un mode d’être politique qui lui soit propre », une histoire tragique faite de « machinations et de trahisons ». Tout ceci est mû par une volonté de « force et de puissance », mais aussi par le succès matériel.
    • Bismarck tente de réaliser cette nation. Mais, bien que brillamment orchestrées, ses manœuvres séparent définitivement Allemagne et Autriche, et laissent un édifice fragile aux prises aux forces centrifuges (notamment Alsace Lorraine, qu’il a été forcé à acquérir par son opinion), causes des futurs conflits et de l’extension territoriale actuelle, réduite au minimum, de l’Allemagne.
    • Le demi-siècle d’après guerre a été avant tout motivé par la recherche de « calme » et « d’ordre ». Mais, quelles seront les forces qui pousseront l’Allemagne dans les prochaines décennies ? Joseph Rovan semble penser que sans Europe forte, « une vraie puissance politique et militaire », l’Allemagne pourrait choisir « une voie nationale particulière ». Mais laquelle ?

    dimanche 15 août 2010

    Net neutrality

    Avant-hier, je parcours un article de The Economist sur une manip de Google et Verizon. Si je comprends bien, il s’agit de construire un Internet a plusieurs vitesses, de faire ce que les économistes appellent de la « discrimination » : mauvais service pour les pauvres, bon pour les riche. (Tristes) réflexions spontanées :
    • Hypocrisie anglo-saxonne : la devise de Google « don’t be evil » ne tient pas longtemps face à ses intérêts. Une fois de plus la fin justifie les moyens. Zéro de conscience.
    • Comment survivre dans un monde libéral où l’individu isolé doit faire face à des monstres comme Google, qui ont des moyens et des connaissances infiniment supérieurs aux siennes et qui peuvent le déposséder sans même qu’il s’en rende compte ?
    Sur ce, hier, je tombe sur un article qui parle de manifestations contre cette manœuvre. Elles reprennent mon argument « don’t be evil », mais, plus subtilement, elles rappellent à Google qu’il doit son existence même à un Internet gratuit. Nouvelles réflexions :
    • Force de la démocratie américaine, qui s’est adaptée aux conditions du libéralisme.
    • Investissement que cela représente : le peuple doit avoir la capacité de décoder les manœuvres de multinationales peuplées d’équipes d’experts surpayés qui ne poursuivent qu’un intérêt unique, et ont une capacité au coup de Jarnac colossale (lobbying) ; il faut aussi que des gens veuillent bien se mobiliser et passer leur week-end à manifester.
    Curieuse culture double : d’un côté l’intérêt aveugle et monomaniaque, de l’autre une abnégation totale, et une détermination toute aussi monomaniaque, le héros des films hollywoodiens et le Tea Party. 

    Nietzsche pour les nuls


    Tanner, Michael, Nietzsche, A Very Short Introduction, Oxford University Press, 2000.

    Nietzsche n’a pas construit de « système » : son œuvre n’est pas cohérente. Chaque ouvrage débouche sur une impossibilité que le suivant essaie de résoudre – d’ailleurs ses textes ne prétendent même pas à la cohérence interne ; les concepts pour lesquels il est fameux (le surhomme par exemple) n’ont pas de descendance dans son œuvre… Parmi les idées que j’ai cru comprendre :
    • Le problème à résoudre serait : comment vivre dans un monde inhumain (absurde ?) ?
    • Première solution (mauvaise) : se lamenter sur son sort (romantisme).
    • Seconde solution (meilleure) : renoncer à son individualité et à la raison, se dissoudre dans un groupe en quelque sorte façonné par une sorte de tragédie totale, qu’a essayé d’écrire Wagner.
    • Troisième solution : le surhomme. Le surhomme est celui qui transcende l’abjection du monde. 
    Le mal de la société serait sa culture, les règles qui guident nos comportements. Elles nous (Allemands ?) font souffrir. Il faudrait les détruire et en réinventer de nouvelles. Travail de surhomme. Qu’est-ce qui ne va pas ? Elles auraient été conçues par les esclaves, à l’insu de leurs maîtres, pour réduire en esclavage ces derniers.

    Commentaires :

    D’ordinaire, je dis que les philosophes mettent en équation l’expérience de leur âge, et que leur enseignement est utile à condition de se trouver (au moins partiellement) dans les conditions dans lesquelles ils ont vécu. Pas facile de tester cette théorie avec un livre aussi court et qui donne aussi peu d’éléments de contexte. D’ailleurs, la philosophie de Nietzsche semble plus indiquer des pistes que des solutions (systèmes).

    Mais il est tentant de reconnaître l’idée, courante en Allemagne à l’époque, selon laquelle la race germanique, supérieure, est aux prises, depuis un millénaire, avec une sorte de fatalité. De même on retrouve la négation de la raison, l’homme fusionnant avec le groupe, et le surhomme, qui ailleurs est le guide du groupe.

    Quant aux enseignements utiles, j’ai du mal à les distinguer, sinon en négatif. Les solutions aux problèmes du monde ne passent ni par une destruction de notre culture – effectivement manipulable - ni par un abandon de la raison, mais, à mon avis, par l’usage de la raison pour faire évoluer notre culture, autrement dit par la conduite du changement.

    Compléments :

    samedi 14 août 2010

    Performance économique de l’Allemagne

    On entend partout parler de la performance économique exceptionnelle de l’Allemagne. Il semblerait qu’elle en ait déduit qu’elle avait eu raison contre l’avis du reste du monde, et qu’il serait bien qu’elle s’en détache, à commencer par les tires-au-flanc européens.

    Ce qui est curieux est que l’on oublie que l’Allemagne a connu une grosse récession. Et si l’un était lié à l’autre ? L’Allemagne a structuré son économie pour qu’elle exporte : elle navigue donc avec celle des pays étrangers ?

    Mais ce n’est pas la raison qui ramènera l’Allemagne sur terre, comme le dit le billet précédent. The Economist se demande si la mauvaise santé des USA ne pourrait pas lui rappeler plus vite que prévu qu’elle n’est pas un extraterrestre.

    Compléments :
    • Le premier article que cite ce billet explique pourquoi les Allemands sont devenus brutalement aussi peu généreux. Plus que l’oubli de la honte hitlérienne la raison en serait le traitement libéral que leur a fait subir G. Schröder. Pour rendre l’économie allemande compétitive, il a fort affaibli son système de protection sociale. L’Allemand étant conscient désormais de la précarité de son sort est devenu mesquin. 

    Prison

    L’Amérique et l’Angleterre parlent de plus en plus de moins enfermer. Intéressante question de conduite du changement.
    • Il est bien connu qu’une politique répressive est contreproductive. Mais voilà, frapper fort gonfle une cote de popularité. Défaite de la raison.
    • Aujourd’hui le ratio de prisonniers par rapport à la population est 9 fois plus grand aux USA qu’en Allemagne. Le coût de cette politique est devenu insupportable. Soudainement la raison revient. Un exemple de changement par la crise.
    Quant à la France elle est encore dans l’âge des ténèbres.

    Compléments :
    • Un billet sur le sujet, Glorious failures, décrit plusieurs expériences qui auraient dû réussir, et qui pourtant ont échoué. Toutes montrent que le changement est fragile dans un environnement qui lui est hostile. 

    École

    Période de films japonais. On y parle beaucoup des études du futur époux. Le système scolaire japonais semble avoir le même objectif premier que le nôtre : trouver une place à l’individu dans la société.

    Chez nous un de ses soucis est d’éviter à une classe dominante de se reproduire, par conséquent ses critères de sélection sont aussi peu que possible liés à la culture (d’où l’importance des mathématiques, la capacité à y réussir semblant faiblement génétiquement transmissible).

    J’entendais il y a peu N.Sarkozy dire que notre processus d’intégration ne fonctionnait plus. Il me semble que la cause principale en est la désagrégation de ce système scolaire.

    Je me souviens d’un instituteur déclarant à sa classe, à la rentrée de 1969, que dorénavant l’école ne serait plus idiote, qu’elle ferait appel à l’intelligence. Le principal défaut de notre système éducatif est qu'il est irrationnel. Il fait subir à l’enfant un traitement inhumain, d’autant plus que ce qu’il enseigne et ses critères de sélection sont sans rapport avec les talents utiles à la fonction à laquelle il prépare (cf. le commentaire de JP. Schmitt sur l’incompétence de nos managers). Plus la qualité de la formation dispensée par l’Éducation nationale s’est dégradée et plus ce mode de sélection est devenu ridicule, et plus on a cherché à le court-circuiter (cf. enseignement privé, cours particulier, voire formation à l’étranger).

    Mais en cherchant à améliorer l'Education nationale nous lui avons fait perdre sa fonction essentielle : l'intégration sociale. Éternel problème : notre intérêt personnel s’oppose à celui du groupe, donc à notre intérêt à long terme. Et aussi danger de la raison, qui est myope. (C'est un exemple de ce que le sociologue Robert Merton a appelé unintended consequences of social action.)

    Reconstruire une société égalitaire semble un exercice difficile. De formidables privilèges ont été reconstitués, or il a fallu une révolution pour abolir ceux qui les ont précédés. 

    Été précoce

    Film d’Ozu, 1951.

    Les films d’Ozu se ressemblent : mêmes décors, mêmes acteurs, même histoire : l’éclatement de la famille lorsque les enfants se marient. Ce qui semble indiquer qu’il y a, au Japon, un lien parent / enfant exceptionnellement fort.

    Culture complexe dans laquelle l’homme a beaucoup de devoirs. Pas facile de faire passer ses sentiments dans ces conditions, d’autant plus que ce que l’on dit est généralement le contraire de ce que l’on ressent. Les membres de cette société doivent certainement être doués d’une grande empathie pour faire la part des choses. D’où, peut-être, l’importance des signaux (brefs échanges de regard, sourires) qui échappent aux conventions.

    L’héroïne décide seule de son époux. Réaction contrariée de sa famille : « elle ne s’est pas faite toute seule », on ne peut pas prendre une décision aussi importante que le mariage seul. Mariage comme acte social ? Ou, plutôt, le mariage qui réussit demande un travail de préparation qui exige l'intelligence collective, vue la complexité de la vie et des règles sociales ?

    vendredi 13 août 2010

    Canicule russe

    L’été en France a été frais, alors que l’on m’avait parlé de canicule. Incertitudes de la météo ? Ou la canicule s’est-elle arrêtée en chemin, en Russie ? Erreur géographique ? Pas de réponse à cette question, mais ce type de bouleversement météo semble avoir deux explications possibles :
    1. « Événement bloquant », qui stoppe une zone de haute pression, et qui serait lié à la basse activité solaire actuelle.
    2. El niño, un réchauffement du Pacifique de début d’année, qui produit une vague de chaleur qui se déplace lentement autour de la planète.  

    Intervention de l’État

    The Economist s’inquiète d’un nouvel accès d’interventionnisme étatique. Il est vrai que créer des champions nationaux aboutit régulièrement à des désastres (cf. Bull, FT, Crédit Lyonnais…).

    Mais ce qui est aussi vrai est que ce qui semble l’innovation du demi-siècle, Internet, a été portée par l’État, et que si 45% de l’électricité portugaise est renouvelable, cela est dû (notamment) à l’achat, et à la fusion, par le gouvernement portugais des réseaux de distributions d’énergie, privés jusque-là. Aussi, le gouvernement français a rénové, au sortir de la guerre, une industrie nationale paralysée dans son arriération.

    Il y a certaines actions économiques qui demandent une coordination nationale, et l’État est seul placé pour la réaliser.

    Compléments :
    • Sur la France : WORONOFF, Denis, Histoire de l’industrie en France du XVIème siècle à nos jours, Le Seuil, 1994. 

    jeudi 12 août 2010

    Transformation de l’entreprise japonaise

    La culture japonaise ne connaît pas le conflit social, elle n’aime pas l’étranger, elle décide infiniment lentement, par consensus… Pour profiter des énormes bénéfices des marchés émergents les entreprises japonaises veulent réformer leur culture. Pour cela elles cherchent à recruter des étrangers. (The new frontier for corporate Japan.)

    Ce n’est pas forcément une bonne idée, à mon avis. En effet, il est extrêmement difficile de faire cohabiter des cultures différentes, d’autant plus que la culture japonaise demeurera dominante. Il est mieux de rechercher, dans la culture concernée, ce qui est favorable au changement que l’on veut effectuer, plutôt que de la transformer artificiellement.

    Fin d’automne

    Film d’Ozu, 1960.

    Le film américain a besoin d’extraordinaire, de guerre des mondes, et de transformation victorieuse. L’homme y fait plier l’univers. Le film japonais se contente de la vie quotidienne, et de ses problèmes, sans solution. La vie est une aventure dont chaque instant est émotion discrète. Peut-être que ce qu’il aime n’est pas tant la réussite exceptionnelle que l’homme face aux infimes changements auxquels son existence le confronte ?

    Compléments :
    • Comme dans Voyage à Tokyo, il y a incommunicabilité entre parents et enfants, mais un étranger essaie de reconstituer un peu de l'affection manquante. Obsession d'Ozu ou fait social japonais ?

    mercredi 11 août 2010

    Économie manquante

    Discussion avec Jean-Pierre Schmitt : pourquoi autant de chômage ?
    1. Et si la réponse était que les forces créatrices de la nation ont été emmenées loin des contingences de l’économie réelle et se sont égarées dans un rêve non durable, à la fois financier, mais aussi immobilier et industriel (surcapacité). Bref des secteurs économiques se sont trop développés et ont empêché d’autres plus utiles de naître et de créer des emplois ?
    2. Mais ce raisonnement américain est-il juste pour la France ? Une étude dont je parle ailleurs explique notre chômage endémique bien plus simplement. L’État d’après guerre a construit des conglomérats dont une partie subventionnait l’autre. Dans les années 80 les hauts fonctionnaires qui les administraient, incapables de développer les activités en perte – car pas formés pour cela, s’en sont débarrassés.
    3. Pas totalement satisfaisant. Les Allemands, qui semblent avoir eu de meilleurs managers que les nôtres, ont défendu leurs conglomérats. Mais ils ont néanmoins un niveau de chômage comparable au nôtre. Une autre solution est chez Eamon Fingleton : la disparition de l’industrie. Le tertiaire crée le chômage, parce qu’il demande un haut niveau de qualification accessible à peu. En outre, il ne construit pas de solides avantages concurrentiels. L’industrie, elle, permet de conserver des emplois peu qualifiés. Or, l’industrie a fondu en Occident, y compris, semble-t-il, en Allemagne, qui aurait délocalisé à l’est.
    4. Autre analyse : notre économie, comme l'Amérique mais de façon moins marquée, est excessivement tirée par la demande de notre propre marché. Peut-être faudrait-il l’orienter plus vers les besoins de nos entreprises (gains de productivité) et des pays émergents, marchés excédentaires ?
    À creuser.

    Schizophrénie de gauche ?

    Voilà qui a fini par me frapper dans la communication socialiste :  d’une part, elle dit que la politique de sécurité du gouvernement a échoué, donc que le Français doit avoir peur, d’autre part, elle prend la défense instantanée des étrangers lorsque le gouvernement utilise un fait divers qui n’est pas à leur avantage pour en tirer matière à communication martiale.

    Erreur funeste ? L’insécurité perçue appelle naturellement, semble-t-il, une politique répressive qui ne peut que heurter l’éthique de la gauche, et lui faire se mettre à dos la nation. Or, cette insécurité perçue me semble avoir une cause : un pays qui fonctionne mal. Alors, pourquoi ne pas proposer de reconstruire, par exemple, le plein emploi ?

    Mais proposer quoi que ce soit d'original n'est-il pas au dessus du parti politique ? N'a-t-il pas besoin d'idéologie pré mâchée ? 

    mardi 10 août 2010

    Changement en Angleterre (suite)

    Nouvelles du programme de réduction des coûts anglais. Le secteur public devrait perdre 600.000 emplois ! Plus surprenant, l’improvisation est totale : annonces et démentis de fermeture se succèdent à rythme accéléré. Or tous les services de l'État sont concernés. Le lobbying est à son comble. (Britain Reels as Austerity Cuts Begin.)

    Les Anglais moins bons que nous en conduite du changement ? Toujours est-il que mon hypothèse selon laquelle des apprentis-sorciers les dirigent semble tenir de mieux en mieux.

    Compléments :
    • Vers un éclatement du gouvernement suivi du retour des travaillistes (dont la côte est en hausse alors qu’ils n’ont pas même encore élu leur chef) ? (Sure start.)

    Stratégie nationale de développement durable

    La France aurait adopté une « Stratégie nationale de développement durable ». Il semblerait qu’elle le fasse, comme beaucoup d’autres pays, depuis quelques années (2003). C’est une application (tardive ?) du sommet de Rio de 1992.

    Je n’avais pas vu passer l’événement, qui ne doit pas être très haut dans l’agenda d’un gouvernement qui pourtant cherche désespérément à nous parler.

    Comment va-t-il « mener le changement » ? En se donnant des « indicateurs » et en nommant un responsable du dossier par ministère. Ce sera probablement ce que mes cours appellent un « animateur du changement » : quelqu’un qui est capable d’avoir du pouvoir sans pouvoir (formel)… et sans moyens.

    Édition et changement

    Barnes et Noble, un spécialiste américain de la vente de livres et ancien énorme concurrent d’Amazon, n’est plus que l’ombre de lui-même (il vaut un peu plus d’un pourcent d’Amazon…). Il cherche un repreneur.

    Occasion de revenir sur le changement que connaît l’édition : sa grande affaire semble le livre électronique, et les lecteurs, les librairies ne seraient maintenant que des lieux où discuter littérature ou culture. Barnes et Noble semble désirer se transformer radicalement, et, curieusement, l’article observe que : « de tels investissements lourds ne s’entendent pas bien avec l’obsession du court terme de la bourse ». L’intérêt de l’actionnaire ne serait-il pas, après tout, l’intérêt de l’entreprise ?

    lundi 9 août 2010

    Dislocation de l’État

    Paul Krugman donne une image inquiétante de l’Amérique : on y démolit les routes, on rogne sur l’éclairage de celles qui restent, on réduit l’année scolaire et on licencie les enseignants… pour ne pas avoir à augmenter les impôts (principalement des plus riches). Quel peut-être l’avenir d’un pays sans infrastructure et dont les ressortissants sont incultes ? Est-ce cela le triomphe du capitalisme ?

    L’Amérique s’est convaincue que l’État n’était qu’incompétence, qu’il fallait le démonter. Plus possible maintenant de revenir en arrière.

    Curieux comme notre pensée a pu évoluer en quelques décennies. Jadis, l’État c’était le bien et l’efficacité. C’était la lumière qui éclairait la nation. Au moins en France, les fonctionnaires étaient issus de l’élite intellectuelle (cf. les instituteurs et les polytechniciens). Ils avaient choisi de « servir le pays » en renonçant aux bénéfices financiers qu’auraient pu leur apporter leurs talents employés ailleurs.

    Comment expliquer ce changement ? Mon hypothèse du moment est qu’il n’y a pas eu manipulation. Les idées qui dominent actuellement le monde sont extrêmement anciennes, Galbraith les trouvait dépassées dans les années 50. Ce qui a changé est peut-être les forces qui s’y opposaient : les contraintes de la société nous sont devenues insupportables. Victoire de l'individualisme. Dans ce nouvel environnement a triomphé ceux qui étaient le plus déterminés et les mieux préparés.

    Compléments :

    Chômage structurel aux USA

    Nouvel épisode de l’enquête sur le chômage aux USA. Je révise ma position :

    Certes les entreprises augmentent leurs bénéfices, réduisent leurs emplois, n’investissent pas… Mais ce serait parce qu’elle juge que leur marché va se contracter. Effectivement, dans de nombreux domaines (notamment l’automobile – peut-être aussi le transport aérien), l’industrie était en surcapacité.

    Ce qui signifie peut-être qu’un changement structurel est en cours : les précédentes décennies ont vécu d’illusions (dette, poids des banques…), l’économie se redéploierait. Problème : vers où ?

    Compléments :