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samedi 31 janvier 2009

Réveillons le dirigisme français ?

L’apathie du gouvernement est bizarre : le dirigisme français pourrait faire des miracles.

Que nous dit-on ? Que si l’on veut éviter la destruction de la planète, il faut moins de carbone, de pollution…

Or, on sait assez bien ce qu’il faut faire pour évitre cet avenir funeste. En outre, l’économie mondiale est à genoux et demande de l’aide. Aux destructions près, la situation est celle de l’après seconde guerre mondiale. Et si c'était le bon moment pour que le dirigisme français (dont les grands commis ont essayé de se transformer, à contrecœur, en fauves du capitalisme mondial) reprenne du poil de la bête ? Dépoussiérons le Polytechnicien ?

Un ami analyste me dit que les énergies renouvelables peuvent créer une grosse activité économique (je vais me renseigner). Le billet précédent parle du nucléaire. Mais il n’y a pas que cela : nos maisons sont mal isolées, j’ai entendu quelque part que les habitations suédoises consomment 25% d’énergie de moins que les nôtres (à climat non comparable !). Pourquoi ne pas faire comme Barak Obama ? Et pourquoi ne pas réinventer aussi automobile et avion ? Ils ne font pas que consommer, ils utilisent des matériaux dont la fabrication est extrêmement polluante. Et l’industrie du papier ? Pourquoi, mieux, ne pas revoir nos modes de vie. Je me souviens d’une mission menée pour le conseil régional d’Alsace, où l’on m’avait dit que, grâce aux technologies de l’information, il était possible d’amener les services publics à côté des administrés, et donc éviter à la fois aux employés (qui animaient des succursales locales et n’avaient plus à aller à Strasbourg) et aux dits administrés de se déplacer. Peut-être que quelques idées de ce type pourraient nettement réduire nos émissions polluantes ? Et fournir le stimulant dont l’économie a besoin ? Voilà un chantier pour nos grands esprits !

J’y vois aussi l’intérêt de passer du macro-économique (des investissements énormes qui se perdent en fumée, ou donnent peu à court terme), au micro-économique, à une intervention là où ça ne va pas.

Je m’interroge. Ne serait-ce pas un moyen de répondre au malaise français, qu’exprime peut-être notre Black Thursday (A time of troubles and protest) ? Les milliards d’Euros de relance, ça ne parle pas. Ce que j’aimerais, c’est que l’on me garantisse que mon emploi ne va pas trépasser. S’il existait des mécanismes qui permettent de donner un coup de main à ceux qui passent un mauvais moment, ça calmerait leurs angoisses.  

Compléments :

  • Le plan de Barak Obama, qui va dans la direction des idées de ce billet, mais avec un pays qui s’y prête moins bien que la France : Relance par l’investissement.
  • Pour adopter une telle politique, le Président de la république doit-il faire le deuil du plan qu’il voulait mettre en œuvre ? (Sarkozy en panne ?) Mais peut-être peut-il combiner ses idées d’efficacité avec une France plus dirigiste ? Peut-être ne s’agit-il que d’éliminer ce qui n’allait pas auparavant, sans le casser totalement ?

Boum nucléaire

Avant de rencontrer Areva, je ne m’étais pas rendu compte de l’énormité des perspectives de l’énergie nucléaire.

Nouvel intérêt pour la question. Et je retrouve un article de 2006 : The Nuclear Option: Scientific American, qui synthétise les travaux d’une commission d’enquête américaine (MIT) :

  • Il semblerait que pour éviter les effets néfastes de l’effet de serre, il faut réduire de 8 milliards de tonne les émissions de dioxyde de carbone, d’ici 2050. Tripler la capacité de production nucléaire permettrait une économie de 0,8 à 1,8 milliard de tonnes.
  • Ce triplement représente une production d’un million de Mégawatts, soit pas mal de centrales (elles produisent un millier de mégawatts, mais on envisage de plus petites tailles – 100 millions). Très bonne nouvelle pour AREVA qui semble dominer le marché.
  • En 2006, le nucléaire n’était pas compétitif face au pétrole et surtout au charbon. Les choses s’inversent si l’on fait entrer dans l’équation des primes à l’émission de dioxyde de carbone. De surcroît, les coûts de construction des centrales pourraient nettement décroître, avec les gains de productivité qui devraient accompagner leur généralisation (les coûts de construction pourraient être réduits de 25%, et la durée de 5 à 4 ans, par ailleurs le prix des équipements pourrait être ramené au niveau de celui des autres centrales).
  • Les risques ? Le texte n’est pas inquiétant. 

Les gouvernements doivent rendre l’avenir prévisible

Décidément Frank Knight, économiste des années 20 oublié jusqu’à peu, revient en trombe…

Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI, le cite et reprend les idées de Ricardo Caballero (Nearly) nothing to fear but fear itself) : le monde est figé par la peur. Le banquier ne prête plus, le consommateur ne consomme plus. L’État doit rendre à nouveau le monde compréhensible. En prenant en charge ce que les banquiers croient risqués ; par une politique de travaux, qui garantit l’activité économique et l’emploi, etc.

En particulier tout le monde voulant des obligations d’état, l’état peut en produire beaucoup et s’en servir pour alimenter l’économie, là où personne ne veut aller. Indirectement les investisseurs investissent dans des actifs risqués.

L’idée est intéressante, c’est ce que les économistes appellent un arbitrage : le marché est effrayé, il donne une énorme prime à la sécurité et sous-estime radicalement tout le reste, qui est sous évalué. Il y a de bonnes affaires à faire, pour l’état, et pour ceux qui ne sont pas disloqués par la peur.

Compléments :

  • Texte de Ricardo Caballero sur les raisons et les solutions à la crise.
  • Dans son histoire de l’économie, Galbraith ne consacre que quelques mots à Knight (GALBRAITH, John Kenneth, L'économie en perspective, Seuil, 1989).

L’Asie en difficulté

L’Asie souffre.

Elle est victime d’un double mouvement. Elle était lourdement exportatrice. La chute de la consommation à l’Ouest est un coup dur. Malheureusement ce n’est pas le pire : la consommation interne est aussi déprimée, et ce depuis longtemps, notamment du fait de la récente augmentation des prix de la nourriture et de l’énergie, et de sévères politiques monétaires de contrôle de l’inflation. En pourcentage du PIB, la part des salaires est en recul constant !

Pour se tirer de ce mauvais pas, il est possible qu’elles aient à faire l’exact inverse de ce qu’elles ont fait jusque-là : pousser leur consommation interne. En augmentant les salaires, donc en arrêtant de favoriser les industries capitalistiques (qui emploient peu de main d’œuvre) ; en aidant les importations, et en réduisant les exportations, donc en augmentant les taux de change ! ; en établissant une politique de sécurité sociale qui permette une réduction de l’épargne de sécurité.

Compléments :

La France comme modèle ?

Dans la crise, le modèle français, naguère décrié, retrouve des couleurs (Claire Guélaud, Le Monde du 30 janvier) dresse un tableau flatteur de l’efficacité de notre modèle économique :

En comparaison avec ce qui se fait ailleurs, il semblerait que l’on découvre brutalement que notre système marche vraiment bien : protection sociale (avec redistribution d’un tiers du revenu moyen), système de retraite, déficit budgétaire, tissu économique (qui a su garder son industrie), système bancaire.

Heureusement que la crise est survenue : ce que l’on loue maintenant, hier devait disparaître.

Sarkozy en panne ?

vendredi 30 janvier 2009

Sarkozy en panne ?

Article de Françoise Fressoz du Monde.fr (Nicolas Sarkozy face au syndrome du pays régicide, 28 janvier).

Nicolas Sarkozy doute. Il semble avoir crû que le passage en force était possible, que ses prédécesseurs, échaudés par 68, étaient trop prudents. Il suffisait d’annoncer des réformes, puis de les appliquer.  Et il pensait savoir les réformes dont la France avait besoin. Au début, tout s’est passé comme prévu. Plus maintenant.

Il paraît piégé : il ne peut pas répondre à l’inquiétude en expliquant que « avec son État omnipotent et ses amortisseurs sociaux, la France n’est pas le pays le plus mal armé pour résister à la crise », parce que cela va « à l’encontre de ce qui avait été dit pendant la campagne présidentielle ».

Je me demande si le Président de la République ne se trompe pas :

  1. Il n’est pas possible de prévoir l’avenir. Il faut s’y adapter. Première erreur. 
  2. Seconde erreur : lorsque le passage en force marche, c’est qu’il a détruit ce qui était essentiel à l’édifice.
  3. Je soupçonne que le président de la République a été élu pour sa capacité à mettre en œuvre le changement, pas pour son programme (qui l'a compris ?). Je crois qu’il ferait bien de balayer ses idées préconçues, de ne pas parler en termes de solutions, mais de problèmes, et de discuter avec nous des moyens de les résoudre. Les Français sont des adultes.

Du bon usage de Nicolas Sarkozy

Cause de la crise : le grand déséquilibre

La crise viendrait du mécanisme suivant. Les pays émergents ont retenu de la crise de 97, qui a ravagé le sud-est asiatique, que, pour se protéger des crises, il faut épargner. Pour placer leur épargne, ils investissent sur le marché financier américain. La demande de placements sûrs dépasse l’offre, et l’Amérique se met à inventer des placements pseudo sûrs. Ils ne le sont pas : crise.

Réflexions :

  • Pourquoi la Chine n’a pas été victime des dits placements « pseudo sûrs » ? Probablement parce qu’elle a investi dans ce qui était réellement sûr : les dettes de l'état américain, par exemple. Ce qui signifierait que le reste du marché (notamment les fonds de pension) n’a plus eu que du dangereux à acheter. Non seulement les pays émergents ont suscité la naissance d'une offre risquée, mais en plus ils ont coupé au reste des investisseurs l’accès à ce qui était sans risque !
  • Nouvel échec de la théorie économique. Elle affirme que quand la demande augmente, le prix de l’offre croît. Ce n’est pas le cas. Quand la demande croît, l’offre s’enrichit de produits dangereux, le marché triche.
  • Le déséquilibre se maintient. Une relance par la consommation ne semble pas donc intelligente : la consommation tend à aller vers des produits des pays émergents, donc à entretenir le cercle vicieux. Le problème est plus l’emploi que le pouvoir d’achat. Il vaut probablement mieux que l’Ouest développe sa capacité de production propre (donc son infrastructure), qui fournit de l’emploi, et force indirectement les pays émergents à taper dans leur bas de laine pour soutenir leur économie, et donc à réduire le grand déséquilibre.

Compléments :

  • Sur le mécanisme de la crise : The Economist en petite forme.
  • Sur le mécanisme de triche : Crise financière et lait frelaté.
  • Dans mon premier livre, j’ai donné un autre exemple de l’inefficacité du modèle classique de l’offre et de la demande : quand des entreprises sont en concurrence parfaite, il est rationnel qu’elles trichent et proposent des prix qui sont au dessous de leurs coûts, histoire d’éliminer leurs concurrentes. Si bien que toute l’industrie crève. 

jeudi 29 janvier 2009

La France soigne son image ?

Que penser de ce « jeudi noir » ? 

Il semble être extrêmement populaire puisque deux sondages disent que même les sympathisants de droite lui sont favorables en majorité. D’un autre côté, tous les gens qui sont autour de moi l’ont découvert récemment. Ils ont découvert, en même temps, qu’il était populaire. Je fréquente un segment non représentatif de la population ? Tellement peu représentatif que même les enseignants qui s’y trouvent étaient surpris ?

Comme prévu RFI est en grève. Mais pas le métro. Les lignes proches de chez moi roulent à raison de deux rames sur 3, alors que jusqu’ici toutes les grèves les fermaient totalement, ou presque (j’habite une sorte de Triangle des Bermudes de la RATP). Je m’attendais à faire de la marche à pieds. Des collègues me disent que tout va correctement, et qu’il n’y a pas un chat dans Paris !

Pour essayer d’en savoir plus sur ces sondages, j’ai cherché des informations sur Internet. J’ai trouvé quelques blogs de journaux. Pas grand-chose sur le détail des sondages. Je pensais que les commentaires m’expliqueraient la nature des inquiétudes qu’ils manifestaient. Ce qui m’a surtout frappé est que la plupart de ceux que j’ai trouvés étaient opposés à la grève, et même très virulents. Les arguments favorables me semblaient assez théoriques et conventionnels (« défense du service public »), sans beaucoup d’émotion. En tout cas, rien de ce que je cherchais.

J’entrevois une explication. On apprend lorsque l’on fait des sondages que ceux qui s’expriment spontanément sur un sujet sont ceux qui sont particulièrement motivés par lui (c’est un échantillon biaisé). Il est donc possible que les personnes gênées par la grève (= suffisamment motivées pour écrire un commentaire) soient très énervées, mais qu’elles soient relativement minoritaires. Et que la grève ne déchaîne pas d’enthousiasme communicatif chez ceux qui lui sont favorables.   

Je n’ai toujours pas compris ce que cette grève exprimait réellement. Serait-ce une réaction au billet précédent ?

Quand la Présidence tchèque a voulu construire une œuvre d’art à l’image de l’Europe elle a cherché ce qui représentait le mieux chaque pays. Pour la France ? La grève. Des billets comme le précédent nuisent à cette image. Quelle meilleure réaction que d’organiser un « jeudi noir », d’arrêter l’économie, en plein milieu d’une crise ? Et « Jeudi noir », n’est-ce pas bien trouvé ? Black Thursday est le nom du début du Crash de 29. Ça parle immédiatement à tout Anglo-saxon, et probablement même aux Allemands. Contrairement à l’Anglo-saxon (Greed and Fear), le Français rit des crises, il aimerait même pouvoir les provoquer ?

Qui dira après cela que nous ne savons pas communiquer ?

mercredi 28 janvier 2009

Le Parisien deviendrait-il sympathique ?

Are the Chinese turning the French into Danes? l'affirme.

Une campagne de la mairie de Paris aurait convaincu le Parisien que le seul moyen pour que son industrie touristique résiste à la concurrence chinoise est de devenir sympathique.

L’auteur regrette la disparition d’un art de vivre centenaire.

Affaire à suivre.

L’Etat comme assureur de l’économie

Ricardo Caballero explique que l’état doit décharger les banques de l’incertitude.

Les banques américaines étant susceptibles d’être paralysées par la peur, l’Etat doit jouer le rôle d’assureur en cas d'incertitude imprévisible.

Ricardo Caballero pense qu’ainsi l’économie pourrait éviter la rétraction que l'on dit inévitable. Débarrassée de l’inquiétude, l’économie reprendrait sa vie, là où elle l’avait laissée.

L’idée est un peu étrange. En effet si l’on regarde la théorie de Knight, à laquelle Caballero se réfère, celui qui assure les membres de l’entreprise contre l’incertitude doit récupérer en échange ses profits. Les banques ne feraient plus de pertes et de profits. L’état jouerait donc le rôle de l’entrepreneur, ce qu’il ne sait pas faire. Ce qui semble plus dans ses cordes est une économie dirigée, avec banques nationalisées. Mais ce système ne marche pas très bien hors des périodes de crise. En outre, il peut être pris de tentations incompatibles avec les libertés individuelles.

Compléments :

Chine et Japon : sortie de crise rapide ?

Ce qui semble vertueux aujourd’hui était ce que The Economist dénonçait hier (Early in, early out et Strong as an ox).

  • La Chine devrait se tirer mieux de la crise que ce qui avait fini par se murmurer. Son secret ? La mainmise de l’état sur l’économie. Les banques lui appartenant, elles n’ont pas de vague à l’âme, elles prêtent à qui on leur demande de prêter. Les entreprises d’état n’ont plus le droit de licencier.
  • Quant au Japon, 50% de sa production part à l’exportation. Et elle est spécialisée en électronique et automobile. D’où récession brutale. Mais l’amortisseur social japonais devrait permettre au pays de se redresser rapidement. En particulier les retraités qui prêtaient main forte à l’économie vont revenir à la maison, et ainsi éviter la croissance du chômage. L’avenir semble devoir être peu glorieux : le ressort est cassé, le pays est vieux, il boîte. 

The Economist en petite forme

Commentaire sur un dossier traitant du système bancaire.

The Economist, jadis le champion du libre échange, n’est qu’à un pas du communisme. Il défend le capitalisme par habitude. Le cœur n’y est pas. Nationalisation est partout. Pour sauver la face ? Le journal demande à ce que cette nationalisation ne dure pas trop.

L’analyse de la crise reprend ce qui est apparu ailleurs dans ce blog. Les pays anglo-saxons ont été victimes d’un énorme afflux d’argent qui, comme d’habitude dans ce cas, a suscité une spéculation. La source de ce flux sont les économies des pays en développement qui, échaudés par la crise de 97, ont pensé qu’ils devaient se protéger en accumulant autant qu’ils pouvaient.

Ce qu’il y a peut-être de plus inattendu dans cette analyse est la description du système financier comme un mécanisme à très haut risque, quasiment impossible à maîtriser : « la finance moderne est défectueuse, instable et susceptible à l’excès ».

Il semble impossible d’éviter la crise, que n’importe quoi peut susciter, l’innovation bien sûr, mais même la stabilité qui fait que les prudences s’endorment. Et une fois que c’est parti, plus possible de freiner : « le système élimine ceux qui réfléchissent pour les remplacer par ceux qui croient ». Et alors c’est un concours d’effets pervers. J’en ai découvert de nouveaux. Par exemple un phénomène appelé « réflexivité » : quand tout le monde croit que quelque chose est juste, elle devient fausse. Autre exemple : quand on tente d’éliminer le risque, on le rend plus imprévisible et dangereux.

La finance est éminemment instable parce que « une telle part du métier et de prendre des paris ». « La finance se nourrit de confiance et de défiance et amplifie celui qui croît ».

Que faire ? Pas de solutions très claires « un mélange de stabilité imposée par l’état et d’initiative privée ». Il semble que le mieux que l’on puisse espérer est de « choisir son type de crise ».

mardi 27 janvier 2009

Économie et irrationalité

Évolution des théories économiques.

La théorie économique orthodoxe part du principe que l’homme est rationnel, c'est-à-dire qu’il prend des décisions parfaites. Depuis des années cette idée est attaquée. Mais l’édifice ne vacille pas réellement. Jusqu’à cette crise.

D’un seul coup, l’économiste considère que l’homme est totalement irrationnel.

Rationalité et crise estimait que les investisseurs avaient des seuils ; que la crise leur a fait dépasser ces seuils, si bien qu’ils sont perdus. Il faut leur créer de nouveaux seuils.

Le billet précédent exhume la différence entre risque et incertitude de Frank Knight. L’idée est élégante. Le risque est modélisable par une loi de probabilité. L’incertitude est totalement incertaine. Pour Knight le rôle de l’entrepreneur est d’absorber l’incertitude et c’est pour cela qu’il reçoit un « profit », ce qui reste après que la rémunération du prévisible soit payée. (En gros le profit reçu par Bill Gates, c’est sa fortune moins le salaire dû à un dirigeant).

Pour Ricardo Caballero les investisseurs sont paralysés par l’incertitude. Ordinairement ils l’ignorent. Mais quand elle survient, ils la croient la règle absolue (i.e. la crise ne pourra pas avoir de fin). Comme dans le cas précédent, il faut les débloquer par un gros choc, pour les ramener dans un environnement prévisible.

C’est pourquoi il y a un consensus entre gouvernants et économistes pour annoncer d’énormes plans de relance.

Compléments :

  • Ces théories semblent aller dans le sens d’une de mes constatations : les dirigeants actuels (et les investisseurs) sont des « managers » et pas des « leaders » (ou des entrepreneurs). Voir Qui sont nos dirigeants ?
  • Pour Benoit Mandelbrot, il n’est pas question d’incertitude, mais de risques mal modélisés : Le financier face au risque.
  • Le point commun entre les économistes est qu'ils ont de totales certitudes. Et qu'ils n’hésitent jamais à risquer nos vies pour leurs idées. Aussi, ils ne jurent que par la psychologie : ils n’ont pas encore découvert que l’homme appartenait à une « société » (et donc qu’ils devraient étudier la sociologie – voir une application dans : Crise financière et lait frelaté). 

lundi 26 janvier 2009

Crise financière et lait frelaté

Ricardo Caballero, du MIT, explique la crise (A global perspective on the great financial insurance run : Causes, consequences, and solutions (Part 1), www.vox.eu 23 janvier 2009) :

  • Premier acte : le monde a énormément d’argent à placer. Mais ne trouve pas où investir. D’autant plus qu’il cherche ce qu’il y a de plus sûr.
  • Acte II : les financiers créent massivement du produit sûr, en faisant des mélanges de plus en plus inextricables de réels placements sans risque avec des subprimes.

Cela rappelle le scandale du lait frelaté chinois : le paysan n’arrive pas à répondre à la demande, alors il met des additifs dans son offre. Mort de nourrissons.

Application du modèle d’adaptation de Merton : un changement brutal met l’homme en face d’une problématique à laquelle sa culture l’a mal préparé. Elle lui fixe des objectifs inatteignables (devenir riche, vite), et elle lui impose des moyens peu pratiques pour cela (fournir des placements sans risque, ou traire des vaches), alors il « innove » (au sens de Merton), c'est-à-dire qu’il triche avec le moyen.

Solution du mal ? Faire évoluer la culture. Choisir des objectifs raisonnablement accessibles (vivre confortablement), et procurer des moyens pour ce faire d’utilisation peu compliquée. En particulier, l’homme seul a une faible capacité de résolution de problème, le groupe est nettement plus efficace ; rompre l’isolement de l’homme diminue le risque qu’il fait courir à la société. 

La présentation du modèle de Merton : Braquage à l'anglaise. Allusion à l’épisode du lait frelaté : Bernard Kouchner et les droits de l’homme.

dimanche 25 janvier 2009

La malle de Singapour

En 1930 Hong Kong, c’était l’exotisme, les jonques et le danger. Et de vieux Anglais, qui se sentaient chez eux dans cette Chine « qu’ils avaient créée ».

Jean Harlow y joue une pécheresse au grand cœur (il semblerait que le terme technique soit « floozy », et qu’il se soit appliqué à tous les rôles de sa courte vie), qui tire Clark Gable des griffes d’une aristocrate anglaise raffinée.

Renversement de valeurs ? D’ordinaire la pécheresse trouve la rédemption dans une bonne action qui lui est fatale, mais ne part pas avec le gros lot. Ou rêve américain ? Une femme qui a le courage de quitter son pays, sans rien, à la conquête de l’Est. Sa morale est un peu chancelante, mais elle est là quand il le faut. L’Américain tel qu’il aimait se voir ?

Insondables mystères de l’économie

Pourquoi l'économie devrait-elle se contracter ?

Un consensus se dégage, comme quoi l’économie a vécu au dessus de ses moyens (Dégonflage de l’économie ?, Etat de l’automobile mondiale). Il va dorénavant falloir produire et consommer moins.

L’économiste Jean-Baptiste Say se retourne dans sa tombe. L’économie est un échange : plus les entreprises produisent, plus leurs employés gagnent, plus ils achètent. Cercle vertueux. Produisez toujours plus, n’importe quoi même. Exemple des subprimes : prêt à des insolvables, ils achètent une maison, cela fait grimper le prix de l’immobilier ; grâce à ces gains, ils peuvent à nouveau emprunter, cette fois-ci pour consommer.

Malthus n’était pas d’accord : manifestement, comme aujourd’hui, il y avait des moments où le monde avait trop produit.

Une piste possible. Y aurait-il des limites culturelles à ce processus ? Passé un point la tentation de ne pas respecter les règles du jeu est irrésistible : le consommateur est las de consommer ? Les classes dirigeantes accaparent plus qu’elles ne devraient ? Certains pays accumulent au lieu de dépenser ?

Les crises sont-elles la conséquence de ce phénomène ? Une tentative un moment victorieuse de donner raison à Jean-Baptiste Say, puis le retour à la réalité (donc recul brutal) ?

Capitalisme de don Quichotte ? Doute. À chaque vague, certains s’enrichissent. Certains restent à zéro. Si bien que lorsqu’elle déferle les premiers perdent un peu de hauteur, mais les autres se noient.

Compléments :

BBC assiégée

Les temps changent. Il y a quelques années, on reprochait à la BBC son attitude hostile au capitalisme. Aujourd’hui on s’indigne qu’elle ne relaie pas une demande de donnation aux victimes des derniers affrontements en Palestine.

Son argument ? La BBC se doit d’être impartiale, et elle pense que diffuser l’appel ressemblerait à une prise de position.

Que lui dit-on ? Que son indépendance n’est valable que tant qu’elle ne s’oppose pas à ce qui est manifestement juste.

Pour en savoir plus, un article de la BBC : BBC resisting pressure over Gaza.

La grande manipulation

Quand j’ai démarré le travail qui a conduit à 3 livres et à un blog, mon ambition était petite : parler de techniques de conseil en management. Je ne savais pas où cela allait me mener. Parmi mes découvertes : le détournement des concepts fondateurs de notre culture occidentale.

Les philosophes des Lumières voulaient la victoire de la « raison », l’homme utilisant son cerveau pour décider, seul. Il se dégageait de la dictature des conventions. Le progrès c’était l’émergence progressive de la raison. Le processus du progrès ? La confrontation permanente avec le néant, l’incertitude, nécessaire au mécanisme même de la pensée. Elle est remise en cause, la destruction d’une certitude par une autre.

Aujourd’hui, il semble que deux tendances s’affrontent, qui ont, sur le fond, le même effet.

  1. Pour la pensée anglo-saxonne, qui nous influence grandement, le choix rationnel, c’est obtenir ce que l'individu désire. Le progrès ? La marche de la technologie, qui accumule le bien matériel, et nous endort dans la béatitude d’un avenir tout tracé. La démocratie ? Le libre échange ! Et nos décisions ? Les sciences du management sont, le plus officiellement du monde, des sciences de la manipulation. Les écoles de management enseignent comment utiliser les sciences humaines pour faire nos quatre volontés. Soit en utilisant les lois de notre culture pour déclencher chez l'homme le réflexe désiré, soit, au contraire, en les modifiant pour mettre la société à son service (c’est le rôle de la télévision et de la publicité). Résultat ? Ceux qui ne peuvent se défendre contre cette influence sont transformés en « consommateurs ». La culture qui était supposée infléchir l’instinct pour conduire au bien de l’humanité est maintenant faite à l'image des vices de certains.
  2. Tout Charybde a son Scylla, semble-t-il. Tout TF1, son service public. Notre élite intellectuelle, appuyée par la presse, nous dicte nos idées. Que l’homme prétende penser est indécent. Un événement survient ? L'individu doit avoir une opinion spontanée. Il doit savoir, et savoir comme ceux qui savent qu’ils détiennent la vérité.

Ces deux forces sont convergentes. Elles vont à l’exact opposé de ce qui définit notre civilisation, peut-être même depuis les Grecs : la libre pensée individuelle. Est-ce une étape nécessaire ? Le premier réflexe de celui qui pense par lui-même est d'imposer sa pensée à l’autre ? Sommes nous les petits soldats de deux communautés, sœurs et ennemies, des « libres penseurs » les plus évolués, qui détiennent les leviers du pouvoir et s’affrontent pour la domination du monde ?

Les étapes de ma réflexion :

samedi 24 janvier 2009

Qui sont nos dirigeants ?

Bizarre comportement des dirigeants de l’économie : un moment ils nous aspergent de leur suffisance, l’instant d’après, ils appellent à l’aide. Observations, réflexions et quelques théories familières à ce blog :

  • L’enfant. Le comportement du dirigeant ressemble à celui d’un enfant dans un bac à sable, tout gonflé de l’admiration qu’il inspire à sa maman, puis se jetant dans ses jupes après un gadin.
  • Le bon élève. Le manager est un bon élève. Il a tout réussi. Ce qui l’a convaincu qu’il était infaillible. Et son existence s’est déroulée dans un monde prévisible qu’il dominait. Son comportement étrange vient peut-être de là : en phase de bulle ascendante, le monde obéit à ses équations, il revit ses triomphes scolaires, il exulte de contentement de soi. S’en est presque intenable. Puis éclatement. Inconnu. Plus rien ne marche. Anomie. Le manager est l’expert de l’exploitation des règles de la société, son meilleur élève, et là il n’y a plus de règles. Alors il demande de l’aide, il est perdu. L’État substitut de sa maman ?
  • Entrepreneur. Contraste avec le comportement de l’entrepreneur qui accumule les défaites et se relève sans cesse. Seul. Pour Frank Knight le rôle de l’entrepreneur est de nous isoler de l’incertitude, de construire pour nous un monde prévisible. Curieux : l’entrepreneur construit un monde prévisible ; le manager y triomphe et élimine l’entrepreneur ; alors survient l’imprévu ; le manager n’est pas l’homme de la situation.
  • Leader et manager. La théorie de John Kotter. Le leader ressemble à l’entrepreneur. Le leader est celui qui sait conduire le changement. On le reconnaît parce que, très jeune, il a eu raison contre tout le monde, et a fait valoir son point de vue sans moyens. Et lui aussi est étouffé par le manager.
  • L’optimisme. Au lieu de sélectionner nos dirigeants sur leurs succès, pourquoi ne pas les tester sur la façon qu’ils ont de se relever de l’échec ? De survivre à l’incertitude ?

Compléments :

vendredi 23 janvier 2009

Etat de l’automobile mondiale

Je continue sur ma lancée automobile : article de The Economist (The big chill).

  • Il y a une surcapacité d’une dimension inattendue : 94 millions de voitures, soit 34m de plus que ce que le monde peut absorber ! Et crédit en panne, or 2/3 des voitures sont achetées à crédit en Europe, 90% aux USA.
  • Ceux qui semblent devoir gagner : Toyota, qui a mis beaucoup d’argent de côté (50md$), et le groupe VW : bonnes voitures, bien placé sur les marchés porteurs. Honda serait solide.
  • Mercedes et BMW se sont laissé séduire par les bénéfices faciles du marché du leasing anglo-saxon. Aujourd’hui fort mal en point. Et il va leur falloir réduire la consommation de leurs futurs modèles.
  • Fiat va mieux, mais a beaucoup de ses œufs dans le panier brésilien. Sa stratégie est de devenir gros en fusionnant avec d’autres constructeurs.
  • Renault a deux modèles qui ne se vendent pas (Laguna et Megane) et Nissan est très exposé au marché américain.
  • Le looser absolu : Chrysler, petit, marché sinistré, produits d’une qualité désastreuse. GM, qui semble avoir des réserves de bons modèles, devrait survivre, mais l’ombre de lui-même. Ford s’en sortirait mieux.

Bien faire son métier et ne pas se laisser tenter par l’argent facile serait-il encore le meilleur moyen de se garantir des crises ?

Dégonflage de l’économie ?, Renault demande l’aide de l’État.

jeudi 22 janvier 2009

Dégonflage de l’économie ?

Et si on était en face d’un « downsizing » de toute l’économie ?

Le billet que cite Renault demande l’aide de l’État se demande si l’automobile ne doit pas se reconfigurer pour produire beaucoup moins de voitures. Si elle a pu en vendre autant jusque-là, c’était du fait de l’excessive facilité de crédit.

Et si l’économie mondiale avait réussi à dépasser, quelques années durant, son rythme de croissance naturel ? Et si elle devait maintenant revenir là où elle aurait dû être ?

Si oui, qui en a profité ? Les autres vont-ils être éliminés par le réajustement ?

Début de dégonflage ?

De la rationalité

Évolution d’une définition.

J’utilise souvent la définition que donne Herbert Simon de la rationalité : être rationnel c’est savoir comment atteindre ses objectifs (par exemple, si je veux acheter une glace, je sais où et comment en trouver une).

Ce n’est pas ce que disent les philosophes : utiliser la raison, c’est faire ce que l’on doit, donc le bien de l’humanité.

L’économie a tordu l’idée de rationalité, d’un concept social et moral elle en a fait une idée égoïste.

Compléments :

Rationalité et crise

Leigh Caldwell (Models of bounded rationality and the credit environment, 21 janvier, www.voxeu.org) observe que les modèles économiques classiques qui supposent l’homme « rationnel » (et qui servent à dicter leurs décisions aux gouvernants) ne marchent pas, particulièrement dans la période actuelle.

L'économie doit découvrir la psychologie humaine.

En particulier, il semblerait qu’il y ait des effets de seuil. Ce qui pourrait expliquer, par exemple, le comportement actuel des banques, c’est qu’elles sont tétanisées par la peur provoquée par le dépassement de seuils psychologiques. Pour les en sortir, il faut un choc qui leur fasse perdre leurs repères, et les force à remettre en marche leur raison. 

Renault demande l’aide de l’État

Il y a peu, Carlos Ghosn parcourait les campus des MBA pour donner des leçons de leadership.

Il ressemble en tout point à l’Américain, d’ailleurs, gestion uniquement financière, et, quand la crise survient, le fauve exige la protection de l’État.   

Leçon de leadership : être un leader c’est ne pas avoir le sens du ridicule.

Gros équipementier automobile : avenir radieux ?, Fabricant automobile : mauvaise passe.

Microsoft licencie

Grand moment de management.

Crise. Le bénéfice trimestriel de Microsoft atteint un niveau inquiétant, 4,17 milliards de $. Logiquement Microsoft licencie 5000 personnes, soit 1,5md$ d’économies (un peu moins de 400 millions par trimestre – ce qui correspond à peu près à la décroissance du bénéfice – 11%).

Microsoft a perdu plusieurs milliards$ en essayant de mettre au point des moteurs de recherche qui puissent concurrencer Google (Google, Microsoft et Olivier Ezratty), ça n’a inquiété personne. Et que dire de sa politique d’acquisition ? Il y a quelques temps Microsoft voulait acheter Yahoo! plus de 3 fois son prix actuel…

Le manager américain a un réflexe pavlovien : crise = licenciement. L’employé n’est pas un homme, il n’a pas de droits. Il vit dans une sorte de Guantanamo. Le seul qui en ait est l’actionnaire. Et quand, en son nom, le manager a mis au chômage le marché et qu’il a ruiné son entreprise, il appelle l’État à l’aide.

mercredi 21 janvier 2009

Début de dégonflage ?

Tony Jackson dans Why are the banks in crisis again (FT.com du 19 janvier) :

  • Les banques « estiment déjà que le gouvernement est la meilleure solution ». Elles ont fait le deuil de leur indépendance.
  • Si le secteur bancaire européen doit retrouver son volume de prêts pré bulle, il doit le réduire de 4.700md€ ! (après, seulement !, 800md de baisse ces derniers temps). L’économie aura à revoir son fonctionnement.
  • Prenant son cas particulier en exemple l’auteur observe qu’en 20 ans le salaire des banquiers a triplé. « la banque va sortir méconnaissable de tout cela ».

Compléments :

Entreprise 2.0

Intervention de Solofo Rafeno au club télécom

Adopter le web 2.0 pour l’entreprise, c’est utiliser des outils de type Facebook pour construire une communauté de ses clients. Je découvre. Quelques réflexions :

  • Bénéfice : mise à jour automatique de ses bases de données client. Mais seule une partie d’une clientèle doit se servir de ce type d’outils ? Et puis, une base de données ça se qualifie par contact direct ; connaître son client est le travail du commercial. Et aimerais-je que des informations sur moi soient stockées n’importe où ? (Et la CNIL ?)
  • Bénéfice : les clients amènent de nouveaux clients, qui s’inscrivent dans vos bases de données, ami des amis. Phénomène connu, mais il utilise les réseaux humains : on passe notre vie à suivre l’avis de nos amis. Qu’est ce que l’électronique apporte de mieux ?
  • Bénéfice : améliore la relation client dans l’après-vente. « intérêt d’avoir un système où les gens se défoulent » Probable. Beaucoup d’entreprises n’ont plus de service de relation client. Difficile de faire pire.
  • Une participante a interdit l’usage des outils du Web2.0 dans son entreprise. Si nos fournisseurs nous font entrer dans leur communauté, on ne saura plus où donner de la tête ?
  • Un participant : cet outil donne de remarquables résultats avec des petites communautés (« avoir la main sur le pouls d’une petite communauté ») très intéressées par les produits de l’entreprise, une sorte d’avant-garde. Peut-être y a-t-il là quelque chose de solide ? Avant de mettre en place un outil 2.0, l’entreprise doit identifier qu’elle a une communauté pilote intéressante ?
  • Les outils 2.0 semblent être adoptés très lentement (même aux USA, qui aurait 2 ans d’avance sur la France, seulement 2000 entreprises seraient équipées). Est-ce une question de génération ? Il faut attendre l’arrivée des jeunes ? Dirigeants ringards ? Résistance culturelle ? Le dirigeant fait beaucoup de choses et est sollicité de toutes parts. Ce type d’outils est-il une priorité absolue pour lui ? Si oui il faut adopter les voies usuelles pour l’approcher. Non s’attendre à ce qu’il fasse le premier pas. Et c’est un outil de relation client, comme le CRM :  si une entreprise veut l’adopter, elle doit modifier son organisation, la façon dont elle travaille. Celui qui offre le service doit apporter le service qui accompagne les ERP. Il doit avoir une offre clé en main. Marché pour grand cabinet de conseil ?

Technologie qui cherche un usage ? Le monde des technologies de l’information n'a pas encore compris que pour vendre quelque chose à une entreprise il faut lui expliquer à quoi cela lui sert, et l’aider à modifier son organisation pour qu’elle puisse l’utiliser ? Il n’est pas certain que les ERP soient un gros bénéfice pour l’entreprise, mais les consultants savent comment les vendre.

Réflexion marginale. Échange avec un voisin. Les nouvelles générations semblent shootées au jeu électronique. Sont-elles la voie de l’avenir ou des junkies déstructurés que l’entreprise va devoir réadapter pour qu’ils aient un minimum d’utilité ?

Compléments :

mardi 20 janvier 2009

Obama : drôle de discours

Le Monde.fr publie le discours de Barak Obama.

Étonnant. Critique la plus terrible qui soit du précédent régime, sans laisser de prise à la critique.

L’image fondamentale, peut-être, du discours, est celle de la minuscule communauté qui a créé l’Amérique. Comme elle, l’Amérique d’aujourd’hui est faible, pauvre, entourée d’ennemis, dans la nuit, le froid et la solitude. Mais elle est porteuse d’un idéal démesuré, un idéal humaniste et spirituel. Comme elle, elle ne peut compter que sur ses valeurs et sur les siens. Presque rien. L’histoire de l’Amérique d’aujourd’hui est peut-être celle d’un départ de zéro, dans l’inconnu, inquiétude terrible, mais aussi immenses possibilités de poser les premières pierres d’un monde tel qu’il devrait être, un monde qu’elle ne verra pas, mais dont seront fières les prochaines générations. Une Amérique pénétrée de ses devoirs.

On ne peut imaginer plus grand contraste avec l’Amérique précédente. Celle d’une petite élite de surhommes suffisants, pleins de leur génie, de leur succès et de leurs droits, sûrs de ne devoir rien à personne, de dominer la nature et leurs contemporains, et, paradoxalement, porteurs d’un projet minable, petitement matérialiste.

Il ne reste à l’Amérique à la fois pas grand-chose et quelque chose de considérable : ses idéaux. Et c’est parce qu’elle n’a à la fois pas grand-chose et tout à perdre qu’elle n'a jamais été si redoutable. Qu'elle sera impitoyable avec ceux qui croyaient pouvoir profiter de ses péchés pour faire oublier leurs vices.

Le Reengineering du corps humain

Neil H.Shubin explique que le corps humain porte la trace des évolutions qu’a subies l’homme pour devenir ce qu’il est (This old body, Scientific American de janvier).

Du coup le corps humain est loin d’être parfaitement adapté à sa fonction actuelle, d’où des hernies ou le hoquet. Ce dernier viendrait de notre passé amphibien : quand le têtard est en plongée, le système qui provoque le hoquet chez nous permet à l’eau qu’il aspire de ne pas arriver dans ses poumons.

Il y a un quelques années ce type d’observations a conduit à la mode du « reengineering ». L’idée était de reconstruire les entreprises de zéro, en espérant doubler leur productivité (i.e. réduire par deux leurs effectifs, d’où un immense succès auprès des dirigeants). Bien sûr, ce fut un désastre. Pourquoi personne n’a-t-il encore proposé de reconcevoir l’homme ?

Compléments :

  • HAMMER Michael, Rengineering Work: Don’t Automate, Obliterate, Harvard Business Review, Juillet - Août 1990.
  • The economist, Corporate Amnesia, 20 Avril 1996 (les résultats de la mode du reengineering).

PSA Peugeot Citroën contre une montée de l'Etat dans son capital

(article de La Tribune.fr du 20 janvier)

Pour Christian Streiff, pas question de voir l'Etat entrer au capital de PSA Peugeot Citroën, le groupe qu'il dirige. Le patron du constructeur automobile estime qu'une aide publique ne doit pas y être subordonnée, selon une interview publiée sur le Figaro. (…) "l'Etat n'a pas à se substituer au management de l'entreprise, ni à ses actionnaires" et que "c'est à eux qu'il appartient de trouver les meilleurs équilibres entre besoins de financement, rémunération du capital et attente du marché".

Questions :

  1. Si PSA n’a pas besoin de l’Etat, pourquoi celui-ci lui imposerait-il ses conditions ? Mais si ce n’est pas le cas, pourquoi PSA aurait-il son mot à dire ?
  2. Frank Knight, généralement vu comme un pape de l’économie classique, défend une théorie qui me semble très orthodoxe : la justification de l’entreprise est son efficacité supérieure dans la gestion des intérêts de la société. Alors, n’est-ce pas à la société de juger de cette efficacité ? Et donc de retirer au dirigeant son mandat s’il ne l’exerce pas correctement. Par exemple s’il dissipe les compétences de la nation (par une gestion maladroite, en perdant son savoir-faire de construction d’automobile…), ou s'il n’emploie pas aussi largement qu’il le devrait sa population ? Une fois de plus : intérêt de l'avis du P-DG?
  3. Dans le modèle français, cette sorte de « délégation de service public » a un visage particulier. Les grands commis de l’État sont détachés dans le public pour gérer ses grandes entreprises. Le P-DG de PSA appartient au Corps des Mines : en défendant les intérêts de son employeur, ne trahit-il pas sa mission ?

Compléments :

lundi 19 janvier 2009

Individualisme

Un point sur l’avancement de mes réflexions concernant l’individualisme. Il me semble à la fois une caractéristique de notre temps, et une (la) cause de nos difficultés actuelles.

Tout d’abord l'individualisme est une caractéristique sociale. Nous sommes tous plus ou moins individualistes. Pas de coupable, ou tous coupables.

Dilemme du prisonnier

Avant de créer ce blog, j’étais arrivé à la conclusion que l’individualisme suscitait le dilemme du prisonnier : quand l'individu est guidé par son intérêt, il fait le mal de la société, donc le sien, à long terme (exemple : 12000 Américains passés par les armes). Ce mécanisme est lié à celui de l’aléa moral, la non solidarité du tissu social, qui permet les crises (Crises et risque).

Lutte des classes

The logic of collective action m’a laissé voir que l’individualisme pouvait amener à des stratégies plus complexes, conduisant une minorité à exploiter une majorité. Et une organisation de la société en classes.
À ce point on a un « individualisme dans l’espace ».

Lutte des générations

Mais ce que semble montrer l’analyse de la crise, c’est que l’individualisme joue aussi dans le temps. On peut lire les événements récents comme la conséquence de notre désir de faire payer à nos descendants nos excès. Dans ces conditions, la science économique ne serait qu'une rationalisation de ce désir, un moyen de justifier nos penchants asociaux.
  • Tout ce qui est abondant, ou plus exactement ne passe pas par les mains de l’homme, est gratuit. Or, c’est aussi ce qui a le plus d’importance pour nous : l’eau et l’air, par exemple. De ce fait, ils sont gaspillés. Jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus. C’est alors qu’ils acquièrent un prix (eau minérale).
  • De ce fait nous pouvons déshériter nos enfants, consommer en toute bonne conscience leur héritage. Et les bulles spéculatives permettent à un groupe social de s'enrichir au détriment de ses semblables.
L’innovation, au moins telle qu’on l’entend aujourd’hui, ne serait donc pas la création de quoi que ce soit d’important pour l’humanité, mais un vol de ce qui aurait dû lui revenir. Et ce à très grande échelle (mise en danger de l’espèce humaine ?). L’innovation c’est le vol ? La science économique serait-elle un moyen de faire sauter les garde-fous qui évitaient un gaspillage éhonté ?...

Parasitisme des structures sociales

L'individualiste ramène tout à lui. En particulier il parasite toute l’infrastructure sociale (cf. service public), parce que ces organes sociaux ont un énorme pouvoir, et qu'il veut le détourner à son profit. (Comme illustration, voir la description de Tawney du protestantisme comme protestation contre le détournement d'un organe social, l'Église, au profit de quelques-uns.)

Le marché en otage

Probablement, les marchés n’ont rien de mauvais en eux-mêmes. Mais ils ont été infiltrés par l’individualisme, qui les utilise pour à son profit. Aujourd’hui, par exemple, ils semblent attaquer tout ce qui est fragile. (Les investisseurs parient contre la reprise économique, Les marchés parient sur l'explosion de la zone euro.)
Alors il devient une arme qui disloque une société et permet d'en extraire de grandes richesses pour celui qui en tire les ficelles. D'ailleurs, s'il a eu une telle faveur dans le monde anglo-saxon, n'est-ce pas parce que certains de ses groupes sociaux l'ont mis à leur service ? 

Sciences de la manipulation

Par ailleurs l’individualiste est un as des sciences humaines, dont il se sert à des fins de manipulation. Il exploite les règles qui gouvernent nos comportements pour nous mettre à son service (cf. le succès des « sciences de l’influence » aux USA – exemple : Totalitarisme et management).

Ceci semblerait déboucher sur l’utilisation naturelle de ce que Bateson a appelé le « double bind » (Double contrainte et stretch goal) : utiliser la lettre des lois pour en trahir l'esprit. Les deux ne sont pas sur le même plan : la lettre est de l’ordre de la raison, du conscient, alors que l’esprit est de l’ordre de l’inconscient.

Par exemple, nous ne savons pas pourquoi nous montrons du respect à telle ou telle personne (aux personnes âgées, à un supérieur, un client…) ; mais ce respect a sa contrepartie (reconnaissance, protection…) ; l’individualiste ne va pas accomplir sa partie du contrat, alors que notre inconscient nous fera faire la nôtre. Nous trouverons cela injuste, sans savoir l’expliquer, ou nous défendre. (Perfide Albion.)

Typologie de l'individualisme

Y a-t-il différents individualismes, ou plusieurs niveaux ?
  • L’individualisme français ou le « petit chef » (Le petit chef, mal français). Il veut imposer aux autres, ce qui lui passe par la tête (ce faisant, il réalise mécaniquement un « double bind » : d’un côté le respect qui lui est dû, de l’autre l’imposition de son arbitraire).
  • Pour l’Anglo-saxon, ou « Greed and Fear ». Il oscille entre un désir aveugle, et une peur incontrôlable. Ce désir est-il de consommer, ou de posséder ? Il est certain que la possession joue un rôle fondamental dans la pensée anglo-saxonne.
Le Français semble obéir au principe de l’honneur (cf. d’Iribarne), reliquat social ? L’Anglo-saxon aurait réussi à se dégager de cette dépendance ? Il ne dépendrait plus, dans son modèle ultime, que de ses instincts primaires ? Individu à l'état pur ?

dimanche 18 janvier 2009

Nationalisons les banques

Au moins aux USA.

Link exchange cite Willem Buiter, important économiste, qui semble rejoindre une de mes conclusions précédentes (Fear is back on Wall street).  

Platon, Shakespeare et Louis XIV

L’actualité n’est pas toujours le sujet de ce blog…

J’ai eu la surprise de voir (dans l’œuvre de Norbert Elias) qu’on n’a pas toujours porté Shakespeare en grande estime. À l’époque où la France faisait l’opinion des élites, il était même vu comme méprisable. On lui préférait Racine, Corneille et leurs équivalents. Ils donnaient le spectacle des vertus les plus nobles, alors que Shakespeare parlait de la vie quotidienne, dans ses hasards et sa bassesse.

Il est possible que Platon ait donné raison à Louis XIV : l’art ne doit pas risquer de faire croire à l’homme que ses vices sont des vertus, qu'il est bien dans sa médiocrité. 

Compléments :

  • Platon pour les nuls
  • Certains auteurs font même du vice une vertu : Uderzo et Goscinny, Adam Smith, notamment, et plus généralement tous les publicitaires.   

Presse d’opinion

Poursuite de ma réflexion sur la presse (Mal de la presse).

J’ai dit que nous avons une presse d’opinion. Elle veut nous dicter notre pensée. Elle obéit à des principes que l’on ne discute pas. Les journaux américains étaient massivement pour Obama ; lors du referendum européen, la presse était unanimement favorable au oui… Au moins, à l’époque de l’affaire Dreyfus, la presse était-elle divisée.

Lundi soir je suis passé à côté d’un petit groupe de manifestants du côté des Halles, j’ai cru comprendre qu’il ne s’agissait pas de dénoncer les violences de l’Armée israélienne, mais d’une attaque systématique contre Israël, depuis sa création, et même contre le grand Rabbin de France… Je ne suis pas loin de penser qu’Hervé Kabla a raison lorsqu’il dit que la presse « attise les haines ».

Qu’aurait-elle dû faire ?

  • Offrir l’image de la division. Au moins, certains n’auraient pas eu la certitude que l’affaire était jugée.
  • Mais pas de l’impuissance. Une fois de plus, la presse s’est déchaînée, sans que son acharnement ne paie. Demain on n’entendra plus parler de Gaza. Bientôt la presse n’aura plus aucune crédibilité. Notre démocratie y aura-t-elle gagné ?
  • Avant de donner une opinion, la presse doit enquêter à charge et à décharge, et nous informer de ses découvertes. Elle ne doit pas se contenter de désigner des coupables. Elle doit apprendre à proposer des démarches pratiques que les adversaires puissent mettre en œuvre. Elle doit livrer un combat qu’elle puisse gagner, même avec une faible probabilité.

Quel est le rôle de la presse ? Nous donner ce dont nous avons besoin pour nous faire une opinion.

Ça ne signifie pas qu’elle ne doive pas avoir d’opinion. Mais que son opinion stimule notre réflexion, qu’elle ne veuille pas la tuer. La presse, dans son ensemble, doit donner le spectacle du conflit d’idées qui provoque le débat, fondement du processus démocratique. 

Paix en Palestine

J'arrive en fin d'un débat de RFI. Un invité explique qu'il y a peu de chances de paix entre Israéliens et Palestiniens. Une majorité d'Israéliens ne croit qu'en la seule vertu de la force ; un grand nombre d'Arabes pensent que le temps et la démographie jouent pour eux et qu'ils chasseront Israël de Palestine. 

Dans ces conditions la paix ne peut être que provisoire. Comment la rendre durable ? 2 idées :
  • Paix des braves, comme en Irlande : les belligérants s'épuisent et finissent par se rendre compte qu'ils ne peuvent pas venir à bout de l'autre, peut-être à s'estimer. En tout cas à se respecter.  
  • Les opposants trouvent un projet commun, et comprennent que l'autre leur est utile, leur apporte quelque chose qu'ils ne peuvent obtenir seuls. 

Ces mécanismes semblent inhérents à la constitution de groupes humains : Le respect ou la mort ?

Les investisseurs parient contre la reprise économique

Drôles de mécanismes financiers, les investisseurs, qui ont provoqué la crise, en trichant avec la réalité, en tirent maintenant profit, en l’accélérant ! Des organismes qui sont payés pour nuire à la société ?

Une bande de plus en plus grande d’investisseurs utilisent un mélange de vente à découvert et de Credit Default Swaps pour parier contre les entreprises qui ont une grosse exposition à un besoin de refinancement. Comme la prime de leurs CDS augmente (= les conditions de crédit se détériorent), ces sociétés trouvent de plus en plus difficile de vendre de nouvelles dettes. (…) Les primes de CDS impliquent que 10% des entreprises américaines vont faire faillite. The Economist, The great dilution.

Plus inquiétant : est-ce que le mauvais état des fonds d'investissement ne vient pas de l’incompétence de leurs dirigeants, non de leur nature même ? Mieux gérés, n’auraient-ils pas pu être acycliques, ne jamais pâtir des hauts et bas de l’économie ? La vidant de son sang jusqu’à sa destruction complète ?

Compléments :

samedi 17 janvier 2009

French connection

Quand la France donne des leçons au capitalisme mondial.

J’aime les vieux films : pour le prix d’une histoire, on plonge dans le passé.

Je me suis renseigné sur ce qu’avait été cette French connection, sur Wikipedia. Ce n’a pas été une parenthèse de l’histoire, quelques bandits français arrivés par hasard dans l’élite mondiale. Non. Grâce à la Mafia corse, la France, pendant plusieurs décennies, a fourni jusqu’à 90% du marché américain de la drogue.

Démonstration inattendue que notre industrie locale peut, quand elle le veut, en remontrer aux plus grands, sur leur terrain.

Beau temps pour les technologies de l’information

Peu exposées à la crise et beaucoup de potentiel ?

Elles semblent moins faites d’air chaud (cf. le peu d’ampleur de la bulle 2.0), donc moins de risque de gueule de bois. Elles seraient même utiles à l’entreprise. Donc les économies de crise les menacent peu. Partant de cette base, solide ?, les applications qui émergent actuellement promettent un beau développement. Une fois la crise passée.

Voilà ce que pense The Economist (Here we go again).

La fin du Web 2.0

vendredi 16 janvier 2009

Les marchés parient sur l'explosion de la zone euro

Un article de Jean Quatremer.

L’écart entre taux d’intérêt que paient les pays de la zone Euro pour leurs dettes a brutalement augmenté. Auparavant, le marché ne faisait pas de différence entre ses membres. Puisque dorénavant il en fait, c’est qu’il pense qu’ils vont se séparer.

The Economist (L’Euro, qu’en dire ?) avait noté le phénomène il y a quelques temps. C'était un bien : il force les pays les moins sérieux à plus de rigueur, pour ne pas sortir de la zone.

Mais ce renchérissement des taux, qui, comme souvent en régime capitaliste, est un cercle vicieux, est particulièrement pervers en période de crise : plus le pays s'endette pour redresser son économie, plus le marché doute de lui, lui fait payer chère sa dette et complique son redressement.

La zone Euro envisage de demander à ses membres de promettre la rigueur une fois la crise passée, et de créer des obligations européennes : chacun paierait ses emprunts au même prix.

J’en reviens à mes idées de Greed and Fear. Il me semble que contrairement à ce que pensent les Anglo-saxons, les marchés ne « veulent »  pas le bien de l’humanité, mais ont été infiltrés par ce qu’elle a de plus abjecte. Ils essaient de s’enrichir par destruction du tissu social, en exploitant ses failles, ses alliés objectifs, qui sont nos tendances à l’individualisme, au chacun pour soi. Dans le cas de l’UE, ce pourrait être l’orgueil allemand, qui est las de devoir supporter tant de médiocres, ou, parallèlement, des parasites (le « free rider » de la théorie économique) qui exploiteraient le groupe à leur profit et le condamnerait à mort pour inefficacité.

La solution ? C’est la solidarité et un contrôle accru de la gestion des pays de la zone. Ce qui ne me tue pas, me rend plus fort, aurait dit Nietzsche. Mérite du marché ?

Si la zone résiste, il « s’intéressera » probablement à d’autres proies moins coriaces (À vendre, pays pauvre). 

Compléments :

À quel jeu joue SUD ?

Dans SNCF en grève, je trouvais le syndicat SUD indifférent au sort des Français et à la crise. La preuve de ce que l’individualiste vit en bulle. J’ai peut-être tort.

Un souvenir m’est revenu en tête. Lors d’une précédente grève, le syndicat SUD s’était plaint qu’elle n’était pas assez dure, et qu’elle n’avait pas encore fait de mal à l’économie.

Et si la coïncidence grève longue, crise n’en était pas une ? Et s’il y avait là une volonté de mettre la société à genoux ? Pour qu’une France chômeuse renverse un régime honni ? Allemagne années 30 ?

À étudier de plus près. 

jeudi 15 janvier 2009

À vendre, pays pauvre

Article que m’expédie Dominique Delmas. On y dit que les pays riches (Chine, Corée du Sud, Pays du Golfe), qui n’ont pas de les terres pour nourrir leurs populations, achètent celles des pays pauvres, qui n’ont pas plus les moyens de nourrir les leurs.

Nouvelle forme de colonialisme : la Corée achète ainsi la moitié des terres arables de Madagascar ! (J’ai entendu un Malgache dire, sur RFI, que la Corée ne paierait même pas d’impôts !)

Ces terres sont payées. Ce sont les lois du marché, non ? Ce sont celles de l’offre et de la demande.

On ne pouvait pas rêver de démonstration plus claire de ce qu’elles permettent aux riches d’exproprier les pauvres !

D’où une question : voulons-nous subir les lois du marché, suivant la doctrine fondatrice de l’économie moderne (cf. la Main invisible d’Adam Smith), ou mettre le marché au service de l’humanité ?

Plus exactement, ne serait-il pas judicieux que nous cherchions à maîtriser les effets dévastateurs du marché, avant que ceux qui en sont victimes ne nous fassent payer leur mécontentement ?

GROSSACK, Irvin M., Adam Smith : His Times and Work, Business Horizons, Août 1976.

SNCF en grève

Hier, en attendant le départ d’une réunion, je lis Les Échos. La gare Saint Lazare est fermée, et le syndicat Sud, minoritaire à la SNCF (15% des syndiqués), mais mieux représenté dans la gare ci-dessus, a réussi à contourner les lois sur le service minimum, et à faire durer une grève plus d’un mois.

Pourquoi une telle grève ? Si elle est aussi terrible, c’est que sûrement que la situation est grave. Quelque-chose comme une atteinte aux droits de l’homme ? L’employeur fait subir une violence insupportable à ses employés, les réduit à la mendicité ? N’est-ce pas pour ces situations que le droit de grève a été donné aux employés ? La raison doit être d’autant plus sérieuse qu’elle justifie de faire souffrir un peu plus des Français inquiets pour leur emploi, et de menacer l’équilibre des entreprises.

J'en viens à m'interroger sur les lois : sommes-nous supposés suivre leur lettre ou leur esprit ? Les lois sont-elles des guides, ou des indications ? Est-ce que l’attitude des employés de la SNCF est conforme à l’esprit du service public, à celui du service minimum ?

C’est bizarre, mais ce comportement me rappelle exactement celui des financiers qui ont mis le monde en faillite. Leur jeu, à eux aussi, est de trahir l’esprit des lois, en en respectant la lettre. Ils appellent cela « l’innovation ». Et eux aussi sont totalement indifférents au sort de la société.

Crash de 29 : mécanisme, McKinsey réforme l’entreprise, McKinsey explique la crise, Perfide Albion.

Greed and Fear

Les Anglo-saxons disent que ce qui pousse les marchés est « Greed and Fear », l’avidité et la peur. Je n'avais jamais compris ce qu'ils entendaient par là.

Actuellement c’est la peur qui domine, une peur irrationnelle, primaire. Les financiers sont décomposés. Un ami qui a assisté à une rencontre d’investisseurs y a vu des gens perdus. Leur seul espoir ? La politique de relance d’Obama. Et encore ils n’y croient pas. Ils ne voient pas le fond du précipice. Ils ont le vertige.

Et en période faste ? Ils n’écoutent que leur intérêt immédiat, animal, ils ont les yeux plus gros que le ventre, ils en veulent toujours plus, l’avenir du monde et le sort de leur prochain leur est indifférent.

Est-ce cela l’individu hors de la société ? Ou est-ce seulement l'Homo Oeconomicus ? Une sorte d’enfant, suprêmement couard, et qui n’obéit qu’à un appétit qu’il est incapable de maîtriser ?

Compléments : 

Fear is back on Wall street

Bizarre article portant ce titre sur CNNMoney.com (Colin Barr, 14 janvier).

Un expert explique pourquoi le secteur financier américain est à nouveau apeuré :

« Une partie du problème est que les entreprises qui ont fait des erreurs et ont pris trop de risques ont été soutenues », dit-il, « normalement, les concurrents profitent de la faillite des entreprises mal gérées, mais personne ne peut en profiter, puisqu’il n’y a pas eu de faillites ».

Larkin dit que le malaise du secteur financier montre le besoin de laisser quelques entreprises financières en difficulté faire faillite. Autrement, dit-il, les banques continueront de se retenir de prêter et l’économie continuera sa spirale baissière.

Il y a certainement des choses que je ne comprends pas. Les banques ont besoin de se nourrir de cadavres ? La Banque américaine est-elle incapable de vivre d’un marché stable ? A-t-elle besoin d’énormes perspectives de croissances fournies soit par une bulle spéculative, soit par la faillite de ses concurrents ?

Défaillance du marché ? Si les banques sont incapables de se faire confiance, et puisqu’elles sont essentielles au fonctionnement du pays, ne faut-il pas les nationaliser ?

mercredi 14 janvier 2009

Stratégie d’Israël

Pourquoi Israël est-il entré dans la bande de Gaza ?

The Economist rappelle un fait oublié. Israël a été jadis un pays minuscule, peuplé par des rescapés de massacres, et menacé par des voisins hostiles et nombreux. La doctrine du pays est définie en 1930 par Vladimir Jabotinsky : (…) pour survivre les juifs devraient construire un mur de fer de puissance militaire jusqu’à ce que les Arabes acceptent la permanence du pays. La défaite israélienne lors de la dernière guerre du Liban a-t-elle révélé les failles du mur de fer ? Les roquettes du Hamas étaient-elles coupables de beaucoup plus que de morts : elles menaçaient de démontrer l’inefficacité de ce qu’Israël considère comme son assurance sur la vie ? Survie en jeu ?

Dans Le Monde, Alain Dieckhoff explique justement que ce qui divise les gouvernants israéliens est là : Ehoud Olmert « a une sorte de revanche à prendre sur la guerre de 2006 et il recherche à partir en ayant rétabli la capacité de dissuasion de l’armée ». Ehoud Barak et Tzipi Livni craignent que la guerre devienne excessivement meurtrière.

Par ailleurs, on y apprend aussi que l’offensive avait probablement une rationalité : le Hamas serait dos au mur. « Le renverser n’est toujours pas un objectif, il suffit qu’il soit durablement affaibli. Lorsque les combats auront cessé, cela devrait se traduire par une trêve consolidée avec l’arrêt des tirs de roquette, un contrôle sur le trafic d’armes, notamment avec la frontière avec l’Égypte, et une réouverture large des points de passage pour répondre à une situation humanitaire qui ne fait que se dégrader ».

Compléments :

  • The Economist : The hundred years’ war.
  • Lemonde.fr : La trêve devient plus urgente pour le Hamas, 13 janvier.
  • Illustration possible de la théorie culturelle de l’entreprise (BCE, hypothèses fondamentales, valeurs officielles), quelque part dans l’inconscient collectif israélien, il y a peut-être l’idée mur de fer = sécurité, à chaque victoire militaire cette certitude se renforce. Lorsqu’elle est menacée, on cherche à la réaffirmer (nouvelle guerre).