"mais mon ravissement était devant les asperges, trempées d’outre-mer et de rose et dont l’épi, finement pignoché de mauve et d’azur, se dégrade insensiblement jusqu’au pied — encore souillé pourtant du sol de leur plant — par des irisations qui ne sont pas de la terre. Il me semblait que ces nuances célestes trahissaient les délicieuses créatures qui s’étaient amusées à se métamorphoser en légumes et qui, à travers le déguisement de leur chair comestible et ferme, laissaient apercevoir en ces couleurs naissantes d’aurore, en ces ébauches d’arc-en-ciel, en cette extinction de soirs bleus, cette essence précieuse que je reconnaissais encore quand, toute la nuit qui suivait un dîner où j’en avais mangé, elles jouaient, dans leur farces poétiques et grossières comme une féerie de Shakespeare, à changer mon pot de chambre en un vase de parfum." (Proust devant l'asperge de Manet - et du côté de chez Swann.)
Le délice des senteurs du pot de chambre. Il n'y avait que Proust pour le dire ? L'art se rit des conventions sociales ? Ou amour de soi porté au paroxysme ?
Le pot de chambre serait-il plus important, dans l'oeuvre de Proust, que le "petit pan de mur jaune" ?
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