La philosophie de l'antiquité et du Moyen-âge. Un livre exceptionnel. Non seulement plein d'humour, mais surtout Lucien Jerphagnon a une connaissance de son sujet qui est confondante.
Il me semble qu'il y a une forme de continuité dans la pensée. On y retrouve toujours les mêmes thèmes. Seulement, on s'intéresse à une question plutôt qu'à une autre, et, de temps à autre, il y a des sortes de retournement d'interprétation.
J'en retiens que tout commence avec les présocratiques, des penseurs pratiques. Ils me semblent préoccupés d'expliquer le monde et le changement. En particulier la question de l'un et du multiple : comment se fait-il qu'il semble qu'il y ait un principe unique, alors que le monde est multiple, dans le temps et l'espace ? Héraclite voit le principe de l'évolution du monde comme celui de l'harmonie qui nait du conflit entre opposés, Pytagore conçoit la nature comme faite de fractions du tout. Ce que nous voyons étant la réalisation de principes abstraits.
Avec Socrate et les philosophes qui lui succèdent, c'est l'émergence de la pensée moderne. Il y en a pour tous les goûts. Platon et Aristote, les cyniques, les stoïciens, les épicuriens et les sceptiques.
Platon et Aristote s'intéressent, comme leurs prédécesseurs, au tout. Platon pense que l'on peut trouver la vérité dans sa raison. Aristote croit à sa déduction de l'observation. Les autres écoles s'intéressent à l'individu, et à son épanouissement. Les cyniques appellent à retrouver la nature derrière la culture trompeuse, les stoïciens cherchent le bonheur dans le devoir, les épicuriens dans l'absence de souffrance, et les sceptiques se méfient des pièges de la raison.
Ensuite, le Romain, parvenu cherchant un vernis culturel, transforme le Grec en précepteur. On fait l'exégèse des textes, éventuellement on les déforme, mais on ne crée pas. Alors que la philosophie dominante est le stoïcisme, à la fin de l'empire romain se fait jour une aspiration mystique. C'est le temps du néoplatonisme et du christianisme. Le néoplatonisme est un mélange de toutes les philosophies grecques, ascendant platonisme. Saint Augustin crée le christianisme moderne. Il a longtemps cherché la philosophie qui lui convenait. Il va la constituer en fusionnant une version un peu médiocre du néoplatonisme et les fondements chrétiens, à proprement parler, qui, venus du peuple, portent, outre les influences initiales, ses superstitions. Si bien que la pensée grecque ne disparaîtra jamais.
Le Moyen-âge est l'histoire, me semble-t-il, de la subversion progressive de la pensée chrétienne par l'Aristotélisme. Du mysticisme par le pragmatisme. Aristote était mal connu jusqu'aux alentours de l'an mil, où on le retrouve grâce aux philosophes arabes et juifs. Oxford et la Sorbonne l'exploitent de façons différentes. Les uns en tirent des applications pratiques, et préparent l'avènement de Newton et de la science moderne, les autres l'utilisent pour des débats métaphysiques abscons.
Voilà ma lecture. A vous d'en avoir une autre.