samedi 28 février 2009

Désagréable innovation

Olivier Ezratty (billet précédent) tire de son voyage un rapport sur les technologies de l’innovation en Asie. Je n’accroche pas.

Je ne peux m’empêcher de penser qu’en grande partie c’est de « l’art pour l’art ». à quoi cela peut-il servir ? D’accord avec Galbraith : l’entreprise doit nous manipuler pour nous faire consommer ce qu’elle produit (L’ère de la planification) ?

Il me semble que la principale caractéristique de l’innovation est d’être dangereuse. Elle est le fait de personnes hyperspécialisées. Elles ne perçoivent du monde que leur technologie particulière. Elles pensent détenir quelque chose d’essentiel, et sont prêtes à tout pour nous l’imposer. (Si nous n’en avons pas vu l’utilité, c’est évidemment que nous sommes stupides !)

Paradoxalement moins l’innovation a d’intérêt, plus leur réussite est certaine : nous n’y prêtons pas attention. C’est probablement ainsi que les Chinois n’ont pas su se garantir des invasions : je soupçonne qu’ils méprisaient trop les barbares pour en voir le danger (à commencer par celui que représentait l’Occident).  

Compléments :

Innovation et culture

Olivier Ezratty, qui revient d’un voyage en Asie (délégation emmenée par Nathalie Kosciusko-Morizet), observe que la manière d'innover d'un pays est marquée par sa culture (Retour de Corée et Japon – culture et innovations).

  • Japon replié sur lui-même. D’où, notamment, un énorme intérêt pour la robotique. Le robot évitera d’avoir recours à un personnel immigré pour s’occuper des personnes âgées.
  • Quant à la Corée, reconstruite à neuf, elle aime la nouveauté. 

Rira bien qui rira le dernier

False comfort in Europe, un billet de The Economist, annonce que les systèmes de protection sociale de la zone euro ne sont qu’apparemment bénéfiques, ils vont se retourner contre elle en phase de reprise.

L’argument est intéressant, par les hypothèses implicites qu’il fait :

  1. Il estime que l’économie est plus importante que l’homme : la souffrance du licencié ne compte pas devant l’efficacité de l’économie. Ne serait-il pas temps qu’on cherche à la mettre à notre service ?
  2. Il croit qu’il y aura reprise. Mais, comme le dit le billet précédent, les mécanismes de marché ne savent pas résoudre une récession ayant des conséquences inadmissibles pour le peuple. Ce qui a rétabli les économies « développées » des années 30, ça a été la guerre, et son dirigisme, pas le marché.

Complément :

Apocalypse now ?

Jean-Noël Cassan s’inquiète : un Think Tank prédit la catastrophe, et Le Monde relaie son opinion. La crise peut-elle très mal tourner ?

Il me semble que, ces trois dernières décennies, nos élites ont détricoté ce que leurs aînés avaient construit en réaction à 29, et ses conséquences : la montée du totalitarisme et la guerre. Elles ont à nouveau permis à la finance d’être opaque et incontrôlable, et ont en partie défait les protections sociales qui évitaient au petit peuple un sort qui le pousse à la révolte. À cela s’ajoute l’arrivée en trombe de pays émergents, qui ont adopté les recettes d’un capitalisme qui semblait triomphant (pour ceux qui n’ont pas déjà subi une crise du fait de son adoption - cf. Consensus de Washington). Et puis, il y a un possible dérèglement climatique et moult tensions régionales qui pourraient déboucher sur des crises majeures.

Citation de l’article :
Dans cette édition où il est question que la crise entre, au quatrième trimestre 2009, dans une phase de "dislocation géopolitique mondiale", les experts prévoient un "sauve-qui-peut généralisé" dans les pays frappés par la crise. Cette débandade se conclurait ensuite par des logiques d'affrontements, autrement dit, par des semi-guerres civiles. "Si votre pays ou région est une zone où circulent massivement des armes à feu (parmi les grands pays, seuls les Etats-Unis sont dans ce cas), indique le LEAP, alors le meilleur moyen de faire face à la dislocation est de quitter votre région, si cela est possible."
Selon cette association, formée de contributeurs indépendants issus des milieux politiques et économiques et de professionnels européens de différents secteurs, les zones les plus dangereuses sont celles où le système de protection sociale est le plus faible.
La crise serait ainsi à même de susciter de violentes révoltes populaires dont l'intensité serait aggravée par une libre circulation des armes à feu. L'Amérique latine, mais aussi les Etats-Unis sont les zones les plus à risques. "Il y a 200 millions d'armes à feu en circulation aux Etats-Unis, et la violence sociale s'est déjà manifestée via les gangs", rappelle Franck Biancheri, à la tête de l'association. Les experts du LEAP décèlent d'ailleurs déjà des fuites de populations des Etats-Unis vers l'Europe, "où la dangerosité physique directe restera marginale", selon eux.
Ce scénario serait vraisemblable s’il n’existait aucun moyen de contrôle de telles instabilités. Or, ce n’est pas le cas. Les grands pays sont riches et puissants, en dépit de la crise. Et interventionnistes. Ils ne portent pas les cicatrices d'une guerre mondiale et ne sont pas en proie au nationalisme des années 30. Leurs protections sociales demeurent beaucoup plus développées qu’alors. En particulier je ne vois pas pourquoi les USA se livreraient à une guerre civile, à aussi court terme, alors que ça n’a pas été le cas dans les années des « raisins de la colère ».

Compléments :

vendredi 27 février 2009

Notre discours économique se répète ?

Dans The Affluent Society (Mariner Books, 1998), John Galbraith fait une analyse des théories économiques. Pour lui, elles ne font qu’exprimer des avantages acquis, au mieux l’expérience limitée, et l’époque, de ceux qui les ont conçues. Dans ce qu’il considérait comme désuet dans les années 50, on retrouve des idées actuelles :
  1. Le Darwinisme social de Spencer (1820 – 1903), qui aurait inventé la phrase « survie du mieux adapté ». Son idée était que le bon fonctionnement du marché demandait l’élimination du plus faible. Cette théorie servait à justifier les grandes fortunes du début du 20ème siècle (Rockefeller : « ce n’est pas une tendance mauvaise des affaires. C’est simplement la réalisation d’une loi de la nature, d’une loi de Dieu »). Bizarrement elle a été remise à la mode par la Nouvelle économie (Pour un salarié adaptable ?).
  2.  « Cependant, l’argument de Ricardo pour laisser tout au marché – sans laisser la compassion interférer avec le processus économique – était essentiellement fonctionnel. L’oisiveté n’étant pas subventionnée et la substance n’étant pas gaspillée, plus était produit et le bien-être général serait ainsi augmenté. » Travailler plus pour gagner plus ? (Il faut ajouter que Ricardo avait une vision déprimante du monde : il y aurait toujours abjecte pauvreté.)
  3. Marx : « Le problème était que le pouvoir d’achat des travailleurs ne restait pas à la hauteur de ce qu’ils produisaient. Une crise devenait inévitable. » La relance par la consommation ?
Discours économique : science ou idéologie ? Et idéologie qui a échoué ? Ne serait-il pas temps d’avouer notre ignorance, et de nous mettre, ensemble, à chercher une solution ? (Forcément dans une voie qui n’a pas encore été explorée.) Sur ce sujet : L’économie n’est pas une science.

jeudi 26 février 2009

Chômage

90.000 nouveaux chômeurs. J’entends dire qu’il y a beaucoup d’emplois précaires parmi eux. Et on envisage d’arriver à 3m de chômeurs d’ici peu (Alerte rouge).

Mais n’a-t-on pas voulu cette précarité de l’emploi pour donner plus de souplesse à l’entreprise ? La théorie libérale veut que cette flexibilité permette au marché de l’emploi de se diriger vers les industries nouvelles, qui surgissent d’une crise causée par l’entreprise coupable de laxisme, et justement punie.

Théorique ? On imagine mal un maçon chassé du bâtiment devenir informaticien ? D’ailleurs n’est-ce pas toute l’économie qui est punie ? Où se diriger alors ? Et plus il y a de chômeurs, plus l’inquiétude grandit, moins l’on dépense et plus la crise grossit.

Comme le disent fort bien les économistes (Les gouvernements doivent rendre l’avenir prévisible), une relance par n’importe quoi ne peut fonctionner que si elle redonne confiance au pays. C’est ce que semble essayer de faire avec un certain talent Barak Obama, chez lui.  

Sur le même sujet : Le Français a-t-il besoin d’argent ?

Indépendance des Antilles

Hier j’entends parler d’un sondage du Figaro : 51% des métropolitains veulent l’indépendance des Antilles.

Je crois reconnaître ici quelque chose de familier. Il y a quelques années l’état voulait vendre 1F la société Thomson. Elie Cohen avait fait la remarque suivante :

L'Etat est à l'origine de la situation financière très dégradée de Thomson et Thomson Multimédia invoquée pour justifier cette cession. Lorsque, dans les années quatre-vingt, Thomson a décidé d'acheter RCA General Electric aux Américains - on peut discuter ou pas ce choix -, le gouvernement de l'époque l'a approuvé mais il n'a pas donné les moyens à l'entreprise d'effectuer cette acquisition, affaiblissant a priori l'entreprise. Quand l'Etat dit aujourd'hui que l'entreprise est percluse de dettes, qu'elle ne vaut rien et qu'il faut la céder pour le franc symbolique, je rappelle que l'Etat n'a pas joué son rôle d'actionnaire. La recapitalisation proposée aujourd'hui pour la cession à Daewoo est d'autant plus scandaleuse que ce qui est accordé maintenant a été refusé pendant des années à Thomson.

Je veux rappeler également les conditions assez singulières du rachat de RCA, tenant là aussi à l'impécuniosité du groupe et au rôle de l'Etat. Thomson a cédé l'usage des brevets d'électronique grand public à General Electric jusqu'en 1998 contre le versement d'une somme fixe. Chose que chacun ignore, les dépenses de recherche-développement d'aujourd'hui ne sont pas couvertes par les produits des brevets d'hier, puisque Thomson n'a pas accès aux produits de ces brevets, déstabilisant encore plus la situation financière du groupe. Il est raisonnable d'espérer qu'à partir de 1998 Thomson retourne à une situation de rentabilité normale après recapitalisation. Céder l'entreprise à Daewoo est particulièrement absurde!

Et les Antilles ? De grandes ambitions, pas les moyens de les mener à bien (Histoire des Antilles), et maintenant on en veut à ceux qui en subissent les conséquences de leurs protestations ? Et l’Université française ? On lui reprochait son incompétence, on soupçonnait qu’il serait facile de tirer de sa fainéantise d’importants gains de productivité, et on découvre qu’il faut la recapitaliser, avant d’en attendre quoi que ce soit (Réforme de la recherche (suite)) ?

Toute la France n’est-elle pas là ? Une ambition démesurée, dont on n'a pas les moyens, une politique dysfonctionnelle qui met la nation dans une situation impossible, finalement des manifestations de mécontentement, et, la cause ayant sombré dans l’oubli, l’envie de punir le comportement inconvenant ? N’avons-nous pas élu notre président pour être l’arme de la vengeance divine, sans réaliser que nous étions tous coupables (et lui avec nous) ? 

mercredi 25 février 2009

Après l’ultralibéralisme le beau temps ?

La théorie de Galbraith (billet précédent) invite à se demander ce qui peut remplacer l’ère des marchés rois.

À quoi ressemblerait l’économie idéale ?

Probablement beaucoup à l’ère des planificateurs : l’entreprise est un être complexe, qui, par nature travaille en groupe. Elle doit être protégée des manigances financières à courte vue, et des intérêts myopes de l’individualiste.

Mais cette planification ne doit pas être rigidité : comme le disait Galbraith, elle ne doit pas chercher à rendre l’avenir prévisible en manipulant nos valeurs et notre psychologie pour que nous achetions ses produits aux prix et dans les quantités qui lui sont nécessaires, et pour que nous passions notre vie à produire l’inutile. L’entreprise doit apprendre à s’inscrire dans les mécanismes sociaux sans chercher à les plier à sa paresse intellectuelle. De même cette planification ne doit pas transformer l’homme en machine, à la mode taylorienne.

Les techniques pour ce faire, existent, et elles sont adaptées à la nature de nos organisations. Ce sont elles qu’examinent mes livres (ordinateur social).

Mais surtout, l’économie idéale doit être au service de l’homme (ce que le disait aussi Galbraith) pas l’inverse. Parce que l’économie est malade, la planète ne vit plus. Est-ce normal que l’économie nous ait asservis ?

Il est possible qu’une économie qui apprendrait à tirer profit des règles sociales, sans les trafiquer, finirait par servir l'homme.

Une utopie ?

Le problème qui affecte le monde est celui du « free rider ». Ce que je traduis par parasitisme, plutôt que par « passager clandestin », comme on le fait d’ordinaire : le free rider peut payer son billet, pas le passager clandestin. L’individu a plus à gagner à profiter de la société qu’à y contribuer. Mais si le parasite se multiplie la société disparaît. Il a donc parfois intérêt à se faire oublier, à laisser se développer des mécanismes sociaux. Alors, il vote Obama. C’est pour cela qu’il est plus facile d’être ultralibéral en France qu’aux USA ; quand on est grand commis de l’État, que lorsque que l’on dirige une PME sous-traitante de l’automobile.

Les sociétés contrôlent le parasitisme de deux façons :

  1. Elles nous « codent » pour jouer l’équipe. C’est le rôle de l’éducation. C’est à cause d’elle qu’il nous semble bien d’aider les vieilles personnes à traverser, plutôt que de les occire pour leur voler leurs économies.
  2. Elles favorisent le développement de processus d’autocontrôle, voire d’élimination du parasite. Par exemple, il est difficile de ne pas obtempérer au code de la route, sans risquer un accident.

Le premier mécanisme demande du temps. L’individu change extrêmement lentement et nous sommes massivement individualistes. Sauf crise grave, nous ne changerons pas en profondeur. L’émergence de leaders « sociaux » tels que Barak Obama n’est que l’exception qui confirme la règle.

Quant aux processus d’autocontrôle que nous possédons. Je doute de leur robustesse. L’individualiste déterminé est redoutable. Au mieux, j’ai espéré qu’en permettant d’utiliser plus facilement les mécanismes sociaux, les techniques dont parlent mes livres donnent un avantage déterminant à ceux qui sont « orientés sociétés ». D’ailleurs, elles ont un intérêt qui ne devrait pas être indifférent à l’individualiste : elles permettent aux talents de s’exprimer, et de profiter du haut-parleur de l’organisation pour se faire connaître. Le mécanisme est identique à celui de l’équipe sportive : les talents individuels y sont bien visibles, et ne pourraient se manifester sans l'équipe.

Bien sûr, Darwin a son mot à dire. La société n’est pas faite que de parasites. Et un individu est probablement le terrain de tendances opposées : sociales et parasitiques. La sélection naturelle fera notre future société à l’image de ceux qui auront su tirer leur épingle du jeu. Si la crise favorise, par exemple, l’émergence de réseaux d’entrepreneurs qui, pour éviter le manque de cash, ont su faire une efficace combinaison de leurs compétences, et créer un sentiment d’appartenance de leurs équipes, elle pourrait être plus solidaire qu’aujourd’hui.

Compléments :

  • Un exemple d’une société marquée en profondeur par une crise : BCE, hypothèses fondamentales, valeurs officielles.
  • Sur les problèmes de « free rider » et leurs modes de contrôle : The logic of collective action, Governing the commons.
  • Sur l’efficacité remarquable de quelques champions à tirer parti des règles de la société : Alain Bauer.
  • Darwin et le changement.
  • L’optimisme quant à l’évolution de la société doit être prudent. Il y a 25 siècles, Platon décrivait une situation qui ressemblait beaucoup à la nôtre. On s’interrogeait déjà sur la « vertu politique », les qualités nécessaires à l’homme pour que la société puisse exister (CHÂTELET, François, Platon, Gallimard, 1965).

De la planification au marché

Retour à L’ère de la planification, pourquoi a-t-elle cédé la place à notre « ère du marché roi » ?

Les planificateurs avaient raison

Le diagnostic était juste. Oui, il faut des années pour concevoir une nouvelle voiture, et cela coûte des milliards. Pour cela, il faut donc un marché prévisible. Oui, ce travail est d’une infinie complexité et il ne peut supporter l’intervention d’un manager qui ne le comprend pas (un financier par exemple). Oui, les changements qui ont été apportés à l’entreprise ont été des échecs, qui en ont réduit la durabilité. Oui, la crise nous a démontré à nouveau que l’entreprise devait être indépendante des marchés financiers si elle voulait survivre.

Pourquoi le monde de la planification a-t-il disparu ?

Dans les années 80, on parlait de l’attaque des Japonais, de l’incapacité de la production de masse à y résister. Ça ferait sourire aujourd’hui. Les Japonais ? Tigres de papier ? Le désormais très célèbre Paul Krugman expliquait déjà que le Japon était incapable de gagner en productivité.

Il est aussi possible que les mammouths planificateurs aient subi une crise darwinienne. Peut-être produisaient-ils trop ? La croissance n’est pas infinie, il faut périodiquement savoir se réinventer. (C’est ce qu’ont découvert récemment les banques : il existe un moment où plus personne ne veut emprunter et où une bulle spéculative ne peut plus que se contracter.)

Mais ces mammouths n’ont-ils pas aussi été dynamités de l’intérieur ? IBM, qui a été le premier à tomber, a été victime de la prise de pouvoir d’apparatchiks, alors qu’il était au sommet de sa gloire. Ils ont suspendu son innovation et l’ont géré comme un monopole, avant de trafiquer ses comptes. Depuis, toutes les décennies l'économie américaine et parcourue par des vagues de de créativité comptable, et des scandales qui en résultent.  

Quand j’étais à l’Insead, dans les années 90, on m’expliquait que l’entreprise devait être un chaos innovant et agressif, mort à la bureaucratie rigide ! On me disait que l’investisseur était parfaitement rationnel et qu’il fallait vider les entreprises de leur argent : le marché savait mieux le gérer qu’elles. Et pour transformer l’entreprise, il fallait un « leader », capable de conduire le changement, de détruire les bureaucraties. Le succès populaire des théories sur la conduite du changement vient de là (il a démarré très tôt aux USA).

Galbraith condamnait déjà ces théories, qui sont très anciennes, dans les années 60. Elles ne correspondent à aucune réalité, encore moins à une démarche scientifique. Quand on les a appliquées, on s’est rendu compte qu’il avait raison. Pures idéologies. Idéologies individualistes.

Je soupçonne que la société planifiée, probablement contraignante, est devenue progressivement insupportable à l’homme. Ce qui s’est traduit par les événements de 68 et par la prise de pouvoir d’un management individualiste qui a désossé la grande entreprise pour se nourrir de sa carcasse.

Prise de pouvoir du management financier

Galbraith explique que ceux qui ont le pouvoir sont ceux qui maîtrisent la ressource rare de l’économie.

À l’ère des planificateurs, le monde était dominé par une technologie compliquée, pour la mettre au point, il faut des réseaux de technologues. La technostructure avait le pouvoir.

Aujourd’hui, c’est probablement les organismes financiers qui ont pris le pouvoir. Ils sont dirigés par des MBA, des managers financiers. Les patrons d’entreprise ont été leurs complices. Même formation, mêmes valeurs. Contrairement à leurs prédécesseurs, ils se sont généreusement associés aux succès de l’entreprise (mais, bizarrement, pas à ses pertes : ils conservent d’énormes salaires). Pour ces gens, mettre en avant l’intérêt de l’actionnaire avait un sens. Pas question, bien sûr, d’enrichir l’actionnaire ordinaire, qui, comme le dit Galbraith, n’a aucun pouvoir parce qu’il est éparpillé. Non. Celui à qui cette mesure était destinée, c’était eux.

D’où une hypothèse : la ressource rare était probablement financière. Ces managers ont mis la main sur les circuits d’alimentation financière de l’économie.

Incapables de comprendre le métier de l’entreprise, ils ont mené des stratégies financières à courte vue : elles devaient « libérer sa valeur ». Ils ont rompu avec la logique technique complexe de l’entreprise, se sont désintéressés de ses processus et de ses produits, pour réaliser des économies rapides (délocalisations menées sans aucune méthode, externalisations de fournisseurs internes remplacés par une sous-traitance de crève-la-faim en concurrence parfaite…). À l’image des pionniers d’IBM, ils ont fait un feu de paille des acquis de leurs prédécesseurs. L’identification qui s’était développée entre l’employé et l’entreprise planificatrice s’est dissipée : à quoi cela sert-il de faire la fortune de profiteurs incompétents ?

Compléments :

Blogger : pour une fin digne

Finir sa vie avec élégance, et même faire de sa fin le symbole de sa vie, a été une préoccupation des élites des grandes civilisations passées. On avait un peu oublié cette préoccupation. J’en suis un exemple : mon travail sur le changement refuse obstinément d’envisager la fin de l’entreprise. Et pourtant, en période de crise, qui sait s’il verra l’aube suivante ?

Heureusement, Hervé Kabla rappelle cette tradition (anxiété de survie) et explique comment la respecter (anxiété d’apprentissage). Quelques bonnes pratiques : Rédiger son dernier billet sur un blog d’entreprise.

Complément :
  • La tradition grecque a fait de la fin des philosophes le symbole de leur vie (JERPHAGNON, Lucien, Histoire de la pensée, tome 1, Tallandier, 1989). En particulier pour Socrate, dont le procès est à l’image de son combat, ses trois accusateurs représentant les trois maux de la cité (CHÂTELET, François, Platon, Gallimard, 1965).

mardi 24 février 2009

Sarkozy se recroqueville?

Un journaliste du Monde, interviewé par RFI, explique que notre président se désintéresse de notre opinion : la crise est responsable de notre mécontentement. La politique qu’il mène sera finalement récompensée. Deux observations :

  • À chaque fois que je fais une présentation sur le changement, on me parle de la dictature du marché, de la nécessité pour l’entreprise de donner rapidement des résultats. Visiblement, il n’y a pas de dictature de la démocratie. Isolé dans son bunker et ses certitudes, le président français attend les prochaines élections.
  • Charles de Gaulle coupable ? Responsable mais pas coupable. S’il a érigé le bunker, il pensait qu’il le défendrait de politiciens irresponsables, pas du peuple. Quand il s’est senti désavoué (référendum de 69), il est parti.

Compléments :

  • Charles de Gaulle : sa biographie par Jean Lacouture.
  • Ma réponse à la première question : j’explique que ce que demande le marché, ce ne sont pas des résultats, mais de montrer que l’on a compris comment les obtenir, puis que le scénario (grossier) présenté se réalise (c’est comme cela que Barak Obama me semble procéder).
  • Sarkozy en panne ?

Drôle d’Obama

Le président Obama est surprenant :

  1. Il donne des chiffres, il s’engage : il veut réduire le déficit américain par 2, remettre au travail plusieurs millions d’Américains. Pourtant on ne lui demandait rien : il n’est même plus en campagne (alors il parlait vaguement de « changement »). D’ailleurs, « performance », « évaluation » n’est-ce pas que pour les autres ?
  2. Au lieu d’actes de foi, il explique ses raisonnements. La guerre d’Irak et les réductions d’impôt de George Bush ont creusé le déficit, sans guerre et avec des impôts on devrait le combler. On est dans la situation de la crise de 29, il veut adapter aux circonstances actuelles ce qui a permis de rétablir le pays (Obama Provides Details of His Plan to Create 2.5 Million Jobs)…
  3. Au lien de s’entourer d’amis, il a recruté ses ministres pour leurs compétences (Obama construit son équipe (2)).
  4. Il ne cherche pas à passer en force. Il serait favorable à la nationalisation des banques, mais, le pays n’y étant pas disposé, il épuise les alternatives (Will he or won't he?).

Obama serait-il un démocrate ?

No drama Obama, Une pensée pour Barak Obama.

lundi 23 février 2009

The New Industrial State: Galbraith et l’ère de la planification

The New Industrial State, (Princeton University Press, 1985) de John Kenneth Galbraith est un livre important.

Il explique la période qui nous a immédiatement précédés. Elle était marquée, aux USA, par la « technostructure » et la planification. Comment en était-on arrivé là ? La technologie, ses énormes investissements et ses très longs temps de cycles. Il n’était plus possible de s’en remettre aux hasards du marché : l’avenir devait être prévisible. Aussi de très grandes entreprises s’étaient-elles constituées qui n’en dépendaient plus. Elles y étaient parvenues par plusieurs moyens : leur marketing façonnait le citoyen qui leur était nécessaire (travaillant et dépensant de façon prévisible, programmé pour consommer, insatiablement, leurs produits – qui ne répondaient à aucune véritable nécessité) ; leur organisation en oligopoles de monstres dominant un secteur économique permettait une collusion implicite qui stabilisait les prix ; en distribuant relativement peu à leurs actionnaires elles disposaient de ressources qui les rendaient indépendantes des marchés financiers ; même les syndicats avaient un rôle de stabilisateur. Dans cette organisation, l’État keynésien d’après guerre était une pièce clé. Parce qu’il était très gros il pouvait réguler la demande par ses dépenses et ses impôts. Il leur fournissait aussi les marchés captifs de l’armement et il prenait en charge les recherches trop incertaines. Surtout, il leur apportait la ressource critique sans laquelle pas de technologie : un personnel hautement qualifié.
Ces entreprises étaient dirigées par une « technostructure » de salariés, s’identifiant totalement à leurs objectifs. La complexité de leur métier les rendait dépendantes de ces nuées d’experts, qui ne décidaient qu’en comités, le rôle du management se réduisant à édifier correctement ces équipes. Le pouvoir était au groupe. Le danger ? L’interférence extérieure. C’est pour cela qu’il s’était isolé de toutes les influences néfastes, à commencer par celles d’actionnaires (éparpillés et donc impuissants), et de dirigeants, qui n’auraient rien compris à ses processus complexes.
Pourquoi cet édifice apparemment inébranlable a-t-il chu ? En quoi peut-il nous en dire long sur les caractéristiques de notre société ? Les forces qui ont façonné notre crise ? Pourquoi cette question est-elle à l’origine de mon métier, la conduite du changement ?... Questions pour de prochains billets. 

dimanche 22 février 2009

Obama devant Jésus

Un sondage trouvé chez Bigger than Jesus.

On s’y interroge sur ce qu’est un héros, on y voit qu’Obama devance Jésus, et qu’il est toujours bien vu de marcher sur l’eau : le pilote qui a posé un avion sur l’Hudson n’est pas loin derrière eux.  

Chine et capitalisme

La Chine peut-elle être un grand du capitalisme ou sera-t-elle définitivement un gros lourdaud, maladroit et peu efficace ?

C’est une question que je me pose depuis longtemps. Beaucoup pensent que la puissance économique d’un pays va avec sa taille. Je crois qu’il faut aussi compter avec sa culture. L’économie est un jeu très bizarre, qui a été inventé par l’Occident. Même le Japon, qui, un temps, a absorbé avec enthousiasme la culture occidentale, est aujourd’hui rattrapé par son passé, et se trouve en situation défensive, inconfortable.

Si je lis correctement Time to change the act, les fondamentaux économiques de la Chine ne semblent pas propres, pour le moment, à en faire une locomotive. Elle héberge des industries qui souvent se délocalisent au gré du prix de la main d’œuvre. Actuellement elles quittent le pays. Elle tend à une stratégie de « marque blanche » qui n’offre pas la protection du capital de marque. La qualité de sa production est un problème endémique. Le Japon est aussi passé par là, mais la Chine va-t-elle suivre le chemin japonais ? Surtout, il y a un système de propriété pas clair, avec des frontières difficiles à discerner entre état et privé, ce qui n’encourage guère les entreprises à l’efficacité ou à l’innovation.

Compléments :

Modèle Allemand

L’intérêt de la crise est, qu’en les poussant à leurs limites, elle montre le fonctionnement des modèles économiques locaux.

A thousand cries of pain  explique que le fameux Mittelstand allemand est constitué d’entreprises qui dominent leurs marchés d’une manière inattendue (jusqu’à 90%). Comme il est à l’exportation et de biens d’équipements, il souffre beaucoup (1/4 des employés travaillent pour l’exportation). On apprend aussi que ces entreprises dépendent, par tradition, beaucoup plus des banques que leurs équivalents européens. Ce mauvais moment ne devrait pas durer : le plan de relance allemand est efficace ; le pays a fait de douloureuses réformes par le passé, qui l’ont rendu très concurrentiel (réduction du coût de main d’œuvre). 

Napoléon

Histoire des Antilles me ramène à un vieux souvenir. Celui du tome 2 des Mémoires d’outre tombe, le seul volume de la série que j’ai trouvé intéressant. (Le reste est d’une geignardise complaisante et d’un égocentrisme insupportables à mon goût.)

C’est l’histoire de Napoléon, que Chateaubriand s’entête à considérer comme un grand homme. Napoléon était une sorte de condottiere qui n’était lié à aucun pays en propre. Il cherchait une nation qui lui permette d’avoir le destin d’Alexandre. Il était remonté comme un jouet mécanique pour enchaîner campagne militaire sur campagne militaire. S’il n’y avait pas eu Waterloo, il aurait probablement rasé l’Europe. Il est d’ailleurs surprenant que les millions de victimes dont il est la cause ne soient pas considérées comme un crime contre l’humanité. Et il paraît tout sauf grand : son ambition s’adapte aux conditions dans lesquelles il se trouve.

Les Misérables ?

La radio ce matin parle d’une Anglaise, vedette de « reality shows », à qui il reste peu de temps à vivre et qui vend ses derniers instants à la télévision.

Son idée serait de collecter autant d’argent que possible, de façon à éviter à ses enfants d’avoir la même enfance qu’elle.

Ça ma fait penser à Fantine, des Misérables. Faut-il pousser plus loin l’analogie ?

samedi 21 février 2009

France : super appareil

La Surdité gouvernementale s’explique.

Rupture : l'effet boomerang, par Françoise Fressoz dit que, dans son impatience, Nicolas Sarkozy n’arrête pas de déplacer les préfets : ils n’ont plus le temps de prendre des nouvelles de leurs environs. L’État, traditionnellement mal entendant, est devenu totalement sourd. Il est aux ordres.

L’appareil, mal français.

La Chine sort de l’économie de marché

L'offensive mondiale de la Chine pour "sécuriser" ses matières premières :

Production de minerais et d’énergie : la Chine achète tout ce qu’elle peut. L’Australie est en coupe réglée (Rio Tinto, Fortescue Metals, OZ Minerals…), le Brésil presque autant, le pétrole de Sibérie va profiter d'une exploitation chinoise…

Tout cela est rendu nécessaire par une relance qui construit de l’infrastructure. Ou par une volonté de s'extraire du diktat d'une très dangereuse économie de marché (Stratégie de la Chine) ?

Complément :

Mal de la PQR

Pour survivre, la presse d'annonces migre sur Internet me fait me demander si je n’avais pas vu juste.

Pour la presse quotidienne régionale, l’équivalent du 4x4 de GM semble avoir été le gratuit d’annonces. Ça rapportait beaucoup et ce n’était guère fatiguant en termes d’intelligence éditoriale. Et en plus ça profitait à plein de la bulle immobilière. Pas de chance : il n’y a plus de bulle et Internet vampirise l’annonce.

Or, cette vache à lait permettait de financer l’achat de très modernes machines, sans que l’on ait à se poser la question de leur nécessité. Maintenant, il faut acquitter ses dettes. Donc licencier.

Comme GM, la PQR va devoir revenir à son métier : produire l’information dont a besoin le tissu local. Triste réveil.

Idée initiale : La presse et son avenir (suite).

Histoire des Antilles

Quatre siècles d'incompréhensions : les ressorts de la crise des Antilles.

Une surprise : lorsque la Révolution abolit l’esclavage, la Martinique demande l’asile politique à l’Angleterre. Le rétablissement de l’esclavage par le grand Napoléon met la Guadeloupe et Saint Domingue à feu et à sang. Saint Domingue devient Haïti et la Guadeloupe est reprise en main par les propriétaires martiniquais (Békés).

Puis les réformes finissent par arriver, mais, à chaque fois, on ne veut pas froisser les intérêts dominants. Si bien que le pays d’aujourd’hui reste extrêmement proche de son organisation coloniale : une minuscule classe possédante, une dépendance quasi-totale vis-à-vis de la métropole, une population que l’on désire humble et disciplinée.

Résultat : flambées de colère périodiques. Celle que nous vivons appartient à une longue série. 

vendredi 20 février 2009

Sémiotique de la crise

Le professeur Jean-François Marcotorchino m’envoie une analyse sémiotique du discours actuel sur la crise. Par Jean Maxence Granier. Question : où se situe le mien ?

Une modélisation en 4 cases

  1. A Crise = accident. Issue : on revient à la situation antérieure à la crise (2007).
  2. B Crise = folie passagère. Issue : retour à un capitalisme sain.
  3. C Crise = mutation. Issue : un capitalisme repensé.
  4. D Crise = rupture. Issue : autre chose que le capitalisme, voire le chaos.

Maintenant, à moi de parler.

Les mécanismes du changement

Pas tout à fait d’accord avec les 4 cases. Mon opinion s’est construite sur mon expérience des transformations d’entreprise à laquelle j’ai essayé de donner une portée un peu plus universelle, en cherchant à y raccorder ce que la science avait dit sur le sujet. J’ai trouvé un assez grand accord entre science et expérience.

Pour moi l’évolution est irréversible. Certes, je dis souvent que l’entreprise tend à l’homéostasie (A), mais s'il est vrai que les changements de l’entreprise échouent la plupart du temps, il en reste toujours des traces. Une sorte de handicap rémanent qu’il a fallu compenser par un gain de productivité.  Le changement qui réussit me semble assez bien modélisé par l’ethnologie (cf. Schein, Lewin…) : il joue sur la culture de l’entreprise, en mettant plus ou moins en avant certaines de ses valeurs préexistantes (hypothèses fondamentales). Ce qui est cohérent avec B. Cependant, il me semble qu’il s’agit d’une réinterprétation du code de loi de l’entreprise, avec ajout de codicilles (C). Le passage en force peut conduire à une destruction du système (D). Exemple : gains de productivité de l’entreprise qui la privent de son savoir faire, des réformes post 68 qui ont détruit l’ascenseur social ou les syndicats… Mais le système garde toujours un lien avec le précédent. La pensée moderne se reconnaît dans la pensée grecque ou dans la pensée chinoise des origines. La révolution française n’a pas touché aux structures fondamentales de la société française (cf. Tocqueville).

L’effet de serre illustre différemment ces idées. Pendant des siècles l’humanité a accumulé des cochonneries dans son écosystème, sans conséquence apparente. Les mécanismes d’autorégulation avaient le dessus. Jusqu’à franchissement d’un seuil. On entre, après une transition, dans un autre mode de régulation. Cependant, si elle survit, l’humanité continuera à s’appuyer sur certaines des recettes qui ont fait son succès.

Ma lecture de la crise

  • Nous sommes passés d’une phase de capitalisme dirigiste (après guerre), à une phase ultralibérale (80 – 2000). La première était caractérisée par un contrôle du marché quasi-total par une technostructure qui dirigeait des états keynésiens puissants et de grandes entreprises planificatrices. La seconde a vu la dislocation de l’état et des entreprises au profit d’une classe de managers financiers apatrides, dirigeants d’entreprise ou d’organismes financiers, qui s’appuyaient sur la doctrine de la liberté totale des marchés.  
  • À cela s’est ajoutée la « mondialisation ». Dorénavant l’ensemble de la planète semble obéir aux mêmes règles du jeu capitaliste. Les nouveaux joueurs ont-ils contribués à l'achèvement des phases précédentes ? En favorisant la déstabilisation de l’édifice planifié (offensive japonaise, crise pétrolière des années 70 / 80), ou en accélérant la débâcle de l’ultralibéralisme (en encourageant sa tendance naturelle à la spéculation) ?
  • Globalement le monde me semble chercher un équilibre entre la liberté qui est due à l’homme (libéralisme) et la nécessaire solidarité humaine, le fait que l’homme est un animal social. L’histoire récente de l’humanité oscillerait entre le Charybde d’un individu qui nierait son appartenance sociale, et le Scylla du refus de l’individualité. La prochaine étape de la sinusoïde est probablement un accroissement de la dimension sociale. L’amplitude de la sinusoïde pourrait s’affaiblir ? C’est ce que j’espère.
  • Par définition, la vie épuise les ressources qui lui sont nécessaires. Elle est obligée périodiquement de s’adapter (Darwin). Mais le capitalisme a vraisemblablement poussé ce mouvement à l’extrême. Son principe fondamental (Adam Smith) est la croissance de la production d’une année sur l’autre. Une croissance exponentielle, qui explique peut-être la fréquence des crises que nous subissons. Peut-on éviter d’être brutalisés aussi souvent et aussi méchamment ? N’y a-t-il pas un risque que le capitalisme amène, en marche accélérée, l’individu aux limites de sa capacité d’adaptation ? Il me semble qu’en passant du matériel (le modèle de Smith) à l’immatériel (la valorisation du service que la société nous rend depuis la nuit des temps), le capitalisme pourrait, sans apparemment se renier, trouver une voie plus durable, réinventer le passé.

Compléments :

jeudi 19 février 2009

Réforme de la recherche (suite)

Le Monde apporte des témoignages qui donnent une image inattendue de la réforme de l’enseignement :

  1. Ce serait la plus importante réforme de la législature (François Fillon). Mais pourquoi ne pas le dire ? Quels vont en être les bénéfices ? Fin des crises, le plein emploi… ? Pourquoi Barak Obama n’y a-t-il pas pensé ?...
  2. Paradoxalement la réforme répondait aux attentes des universitaires. Laissés pour compte depuis des décennies, mal payés, pas de moyens, des conditions de travail qui se dégradaient, des élèves en surnombre… ils avaient besoin de secours. Oui, il faut « une modulation des services et des carrières », oui « des choses pourraient se régler à l’échelon local » (de l’université). Le gouvernement est parti de là pour accuser l’université des maux qu’elle subissait, et réduire ses effectifs (cause des déficits de la nation ?).
  3. Méconnaissance totale, incompréhensible, du dossier. Le gouvernement parle d’évaluation, alors qu’on apprend que la carrière de l’universitaire français est un parcours du combattant de concours, d’épreuves, d’évaluations ! On lui oppose le modèle anglo-saxon, que l’on ne connaît pas. Et a-t-on la moindre idée de la mission de la recherche ? La pensée gouvernementale est d’une indigence inconcevable : l’objectif du chercheur est de publier ! Pour rendre l’université performante il faut l’évaluer. Performance et évaluation, tout le programme tient en deux mots ! Rien d’étonnant que la recherche et l’université semblent inutiles à notre gouvernement. À quoi sert de chercher quand on connaît la vérité, et qu’elle est aussi simple ? à quoi sert l’éducation nationale, depuis la maternelle ?

Je trouve ici, non la preuve que notre démocratie porte l’idéologie la plus primitive au sommet de l’État, mais l'illustration fascinante d’une problématique importante de conduite du changement.

Les organisations ont une sorte de « système immunitaire », qui fonctionne comme celui du corps. Il rejette tout ce qui lui est étranger. À commencer par celui qui veut les transformer. Quels sont ceux qui le traversent ? Le « donneur d’aide », qui lui est nécessaire pour résoudre ses problèmes, ou le parasite.

Tous les deux sont empathiques. Ils ont compris les maux de l’organisation, et ils lui disent ce qu’elle ne savait même pas formuler. Mais le donneur d’aide a l’intérêt de l’organisation en tête ; le parasite, le sien propre. L’un apporte sa compétence d'aide à la résolution de difficultés, l’autre une solution préconçue.

Complément :

Nourrir l’humanité

Pour nourrir l'humanité, il suffirait de moins gaspiller vient à mon secours (Progrès à tout prix).

Grand argument en faveur des OGM : sans eux la planète va crever de faim. En fait, une quantité colossale de nourriture est perdue (les USA en gaspilleraient 100md$, à comparer à un programme alimentaire mondial de 3,5md$). Un meilleur usage permettrait de nourrir une population 50% plus nombreuse (monde de 2050). Et le recyclage des déchets éviterait que l’agriculture serve à des besoins autres qu’humains (alimentation du bétail, agrocarburants).

Mais comment réaliser ce changement ? Les économistes affirment que l’entreprise est l’esclave de la main invisible du marché. Par conséquent, les gouvernements doivent piper les lois du marché pour qu’il serve les intérêts de la société (cf. taxes sur le carbone).

Compléments :

mercredi 18 février 2009

Le Français a-t-il besoin d’argent ?

Dans le billet précédent Nicolas Sarkozy semble chercher l’argent d’une relance par la consommation. Est-ce la solution au problème français ?

Ce qui grippe actuellement l’économie américaine et fait envisager la nationalisation des banques est l’incertitude : chacun ayant peur se recroqueville. Paradoxalement le phénomène paralyse toute la société, et non, seulement, la minorité susceptible d’être atteinte. D’où l’inefficacité d’une relance par la consommation : quand on a peur, on épargne.

Et s’il en était de même pour la consommation française ? De quoi les consommateurs ont-ils peur ? Du licenciement ? N’est-ce pas ce que dit le programme électoral de notre président ?

Un moyen de les rassurer ? Leur assurer un avenir. La flexisécurité prévue par le candidat Sarkozy pourrait être une bien meilleure solution que de distribuer de l’argent qui risque de ne pas être dépensé.

Compléments :

À qui appartient le profit ?

Débat. Pour Nicolas Sarkozy, l’entreprise doit partager ses revenus avec l’employé. Pour Madame Parisot, le salarié a son salaire, l’actionnaire doit garder son dividende. À qui appartient le profit ?

Historiquement, l’entreprise et son profit ont eu différents propriétaires.
  1. Pour Marx le détenteur du capital (des machines) possédait l’entreprise et non celui qui y trimait.
  2. Galbraith identifie le mécanisme suivant : l’actionnariat des grandes entreprises s’éparpille et le pouvoir effectif se concentre chez un minoritaire, qui s’en sert pour dépecer l’entreprise. Progressivement une « technostructure » de salariés s’empare de sa direction. Sa stratégie est d'anéantir toutes ses dépendances : au marché (en orientant ses choix), au capital (en vivant sur fonds propres et en réduisant les dividendes).
  3. Années 80, managers et organismes financiers prennent le pouvoir sur l’économie. Ils adoptent le modèle que l'on m'a enseigné en MBA : l’entreprise doit se vider de ses ressources pour les distribuer à ses actionnaires et à son management (eux).
2008. Sans réserves, les entreprises s'effondrent.

Pour l’économiste Frank Knight, l’entreprise appartient à celui qui en porte « l’incertitude », c'est-à-dire la partie du risque qui n’est pas assurable. Sa rémunération est le profit. Toutes les autres parties prenantes n’ont pas accès au profit, parce qu’elles ne risquent rien : l’employé reçoit un salaire, l’investisseur la rémunération de son capital (un intérêt).
Logiquement, celui qui possède l'entreprise doit réinjecter le profit accumulé en cas de difficulté. Application : le modèle des années 80 n’a pas fonctionné parce qu’il n’a pas restitué à l’entreprise ce dont elle avait besoin pour passer la crise. Elle n’a plus de propriétaires. Nous avons vécu une ère de parasitisme.
Alors, à qui appartient le profit ? Ça dépend. Quelques cas particuliers :
  • Si les actionnaires ne sont pas prêts à aider l’entreprise en cas de difficultés, il ne leur appartient pas. Il appartient beaucoup plus à ceux qui prennent le risque de licenciement.
  • Si l’entreprise reprend son autogestion pré années 80. C’est l’entité globale qui assume le risque, personne en particulier, les managers sont à nouveau des salariés, les actionnaires des rentiers.
  • Dans le modèle de l’économiste Ricardo Caballero, c’est l’Etat qui porte l’incertitude, c’est donc lui qui prend en charge l’entreprise (L’Etat comme assureur de l’économie). C’est le modèle français d’après guerre.
  • Les partisans les plus orthodoxes de l’économie de marché ont, depuis toujours, assigné un rôle social à l’entreprise. L’entreprise existe parce qu’elle rend à la société un service que personne d’autre ne peut mieux lui rendre. C’est ce que disent aussi bien Frank Knight que Warren Buffett. Dans ce modèle, l’entreprise appartient, en fait, à la société, qu’il ne faut pas confondre avec l’État. L’entrepreneur n’en a qu’une charge provisoire. S’il finit sa vie avec un profit, il le restitue à la société (tradition des entrepreneurs anglo-saxons).
Compléments :

mardi 17 février 2009

Surdité gouvernementale

La France a une image effroyable à l’étranger : des inconscients qui se révoltent pour un rien. Les événements actuels montrent que cela ne tient pas seulement à l’inconstance du peuple, mais à la façon dont il est dirigé.

La contestation universitaire vient d’horizons inattendus. Un ami professeur émérite, jusque-là très favorable au gouvernement, me dit que les universitaires ont le sentiment d’avoir été personnellement insultés. Les Antillais semblent partager ce sentiment.

Ce matin un pontife socialiste explique, à la radio, que le gouvernement n’entend que la crise, et que celui-ci est particulièrement sourd.

Notre président n’aurait-il pas mal interprété l’histoire : il a reproché à ses très sourds prédécesseurs, de n’avoir pas été assez « courageux », c'est-à-dire pas assez sourds ? De Gaulle, d’ailleurs, lui avait montré la voie. Il avait réformé l’état pour qu’il puisse imposer ses idées au peuple, en muselant tout ce qui pouvait ressembler à un contrepouvoir.

Et si la France n’était pas ingouvernable parce qu’anarchique, mais parce que considérée comme anarchique ?

Compléments :

Progrès à tout prix

Le principe d'anxiété, par Gérard Courtois : France stupidement anxieuse ?

Deux pièces à charge : les OGM qui ont été démontrées sans risque, et un démontage d’une antenne de Bouygues Télécom ordonné par un juge, qui estimait que bien que le risque ne soit pas démontré :

Dès lors que les plaideurs "ne peuvent se voir garantir une absence de risque", leur "sentiment d'angoisse" est donc légitime et le "préjudice moral" avéré, affirme ce jugement.

Conclusion :

Sauf à admettre une société craintive, affolée par la moindre innovation scientifique, minée par le sentiment de vulnérabilité, obsédée par le risque zéro. Bref, taraudée par la mort, puisque la vie elle-même, que l'on sache, présente quelque risque !

La France est peureuse, elle refuse le progrès ? Argument faible, j'en ai peur. Les Lumières appelaient progrès la prise de pouvoir de la raison sur les affaires humaines. Insensiblement le progrès est devenu avancée technologique, et on s'en sert dorénavant pour écraser toute velléité de débat démocratique (ce qu'est un jugement), toute tentative d'usage de la raison ! 

Qui aimerait avoir des antennes de téléphonie mobile à côté de chez soi ? L’histoire a montré que l’anxiété scientifique avait ses raisons d’être. Le cancer, par exemple, demande des décennies pour se manifester (cf. l’amiante, la radioactivité qui a été mise à toutes les sauces lors de sa découverte, ou même la cigarette).

D'ailleurs, ne peut-on pas avoir un progrès technologique avec un risque raisonnable : il y a sûrement un moyen d’éviter de placer des antennes à proximité d’habitations ? The Economist affirme que le capitalisme, et le progrès technologique, ont donné tort à Malthus : ils se sont renouvelés à chaque crise. Pourquoi seraient-ils incapables de trouver des moyens à risque minimal de nous nourrir ou de nous informer ? Serions-nous, et nos scientifiques les premiers, prisonniers d'une énorme paresse intellectuelle ? Les Lumières : une illusion ? Nouveaux âges des ténèbres ?

Compléments :

La banque torpille l’entreprise

La crise et sa créativité infinie en effets pervers, aujourd’hui la catégorie LBO.

Beaucoup d’entreprises sont surendettées. Les banques laissent vivoter les moins solides. Elles ne peuvent rien en tirer. Par contre elles utilisent la moindre excuse pour retirer leurs prêts des plus solvables, les condamnant de ce fait (Return to earth).

Fonds de LBO : temps difficiles

Famille et religion

Dans le même journal (billet précédent), je trouve une idée inattendue (Why do believers have more babies ?) : certains scientifiques pensent que de grandes familles prêtent au sentiment religieux.

Mary Eberstadt, a research fellow at the Hoover Institution in Stanford, California, has suggested several ways in which the experience of forming a family might stimulate religious feelings among parents, at least some of the time. She notes that pregnancy and birth, the business of caring for children, and the horror of contemplating their death, can stimulate an intensity of purpose that might make parents more open to religious sentiments. Many common family events, she reasons, might encourage a broadly spiritual turn of mind, from selfless care for a sick relation to sacrifices for the sake of a child’s adulthood that one might never see.   

Nouveau cercle vertueux : plus il y a de grandes familles plus la religion gagne du terrain et plus les familles s’étendent. Et inversement : dès que la famille se disloque la religion régresse.

Compléments :

Déchets nucléaires (suite)

Nouveaux déchets nucléaires :

Commentaire d’une photo d’un article d’Intelligent Life (The big chill) : « à Mourmansk, au moins 100 sous-marins nucléaires équipés de têtes nucléaires chargées gisent dans le port ».

Peut-être faudra-t-il envisager, un jour, de s’intéresser à ce type de déchets ?

(Déchets nucléaires.)

Stratégie de la Chine

La Chine semble vouloir s’assurer un accès sûr aux matières premières. Prise de participation dans Rio Tinto d’abord, mines en Afrique

La Chine aurait-elle peur des mécanismes du marché ? Tentative pour s’en extraire ?

Je tends à croire qu’elle cherche à stabiliser le monde, comme elle l’a fait jadis de l’Asie (Démocratie ou dirigisme ?). Autre possibilité : un monde à part avec une grande muraille autour ?

Mais ces stratégies peuvent-elles réussir dans un jeu dont les règles ont été créées par d’autres et pour d’autres ? (Dynamique Grande Bretagne, Méfiez-vous de l’Occident.)

lundi 16 février 2009

Dynamique Grande Bretagne

J’ai probablement sous-estimé la vitalité anglaise.

Un commentaire à un billet sur la Grande Bretagne laissait entendre qu’elle se sortirait rapidement de ses difficultés actuelles du fait de sa flexibilité. J’en doutais.

Or, il semble que l’économie du pays serait beaucoup moins financière que je le pensais : Industrie : le Royaume-Uni devant la France, explique que je faisais la même erreur que le président de la République. L’économie locale est diversifiée et inventive.

Britain's fallen star  prédit même une rapide sortie de crise. On a eu tort de comparer l’Angleterre à l’Islande (Waterloo anglais ?). Les banques pèsent lourd, certes, mais elles sont pour beaucoup étrangères. Leur mauvaise santé n’affecterait que modérément le pays.

Si le prix de la dette anglaise (ici aussi, sa situation initiale était meilleure que celle de la France) reste faible, l’Angleterre pourrait sauver son système financier, et profiter d’une grosse dévaluation de la Livre pour relancer son économie et exporter ses difficultés à l’étranger.  

Ne pas intégrer la zone Euro, pari risqué mais brillant ? La perfide Albion a plus d’un tour dans son sac ? 

dimanche 15 février 2009

Déchets nucléaires

Où sont passés les déchets nucléaires ?

Le nucléaire a le vent en poupe (Boum nucléaire). Jadis on s’inquiétait de ses déchets. Le problème serait-il résolu ?

Non. Il semblerait que l’on n’ait pas trouvé mieux que de les stocker. Mais, on ne sait pas où les mettre. On les laisse provisoirement à proximité des centrales. Un moyen de stockage qui ne résiste pas trop mal au temps (au moins sur un siècle) et aux terroristes (les centrales sont gardées et bétonnées)… 

Angleterre nombriliste

L’adoption de l’Anglais par la planète a un effet inattendu sur le citoyen britannique (English is coming) :

Notamment parce qu’il n’a plus à apprendre de langues étrangères, lui et ses journaux se désintéressent du monde extérieur, qu’ils perçoivent comme délicieusement hostile. 

Salaire des banquiers

Thomas Philippon étudie les banquiers et leur salaire.

  • Parallèle frappant entre les années 20 et maintenant. La déréglementation attire vers les banques l’élite universitaire, qui y donne libre cours à son génie inventif : « la régulation inhibe la possibilité d’utiliser la créativité et l’innovation de travailleurs éduqués et qualifiés ».  
  • Toutes choses égales par ailleurs, on a gagné, en moyenne, 40% de plus dans la banque qu’ailleurs.
  • Pourquoi les organismes de contrôle n’ont-ils pas été à la hauteur de leur mission ? Ils ne pouvaient pas payer autant que les banques et donc recruter des gens compétents.

L’individu est-il mécaniquement attiré par l’argent ? Pourquoi M.Philippon reste-t-il dans son université ? Ne pourrait-il pas gagner plus ailleurs ? Ou  pense-t-il qu’il n'y trouverait pas un travail aussi intéressant ? Pourquoi y a-t-il de pauvres gendarmes qui attrapent de riches trafiquants de drogue ?

Nos objectifs nous sont en grande partie enseignés par la société. Chester Barnard pensait que l’Amérique avait inculqué l’amour de l’argent à ses ressortissants pour les rendre malléables. Ça n’a pas eu que des avantages.

Compléments :

  • BARNARD, Chester, The Functions of the Executive, Harvard University Press, 2005.
  • Sur la modélisation par Merton de la décision humaine : Braquage à l'anglaise.

Technique de réforme de la France

S’il est parfois maladroit (Réforme de l’université), le gouvernement n’est pas toujours un réformateur inefficace. L’exemple de l’autonomie des Universités :

L'autonomie s'est trouvée alors parée des atours contradictoires que chacun voulait y voir. Les nostalgiques de 1968 et les rêveurs impénitents caressaient le mythe d'une autogestion enfin accordée. Les modernistes, de droite comme de gauche, se voyaient déjà à la tête de pôles d'excellence, délivrés d'une tutelle tatillonne et technocratique, les empêchant de grimper dans le classement de Shanghaï.

La France est une société d’individualistes qui se haïssent. Jouer sur ses divisions permet d’obtenir d’elle ce que l’on veut. On peut ainsi, par exemple, transformer la majorité en minorités hostiles les unes aux autres que l’on écrase les unes après les autres.

Est-ce la technique qui est employée aux Antilles ? Va-t-elle être dorénavant utilisée systématiquement ? En tout cas, elle est aussi vieille que le monde. Elle est fondamentale dans l’art du pouvoir chinois et elle a été poussée à un degré de sophistication étonnant par l’empire britannique. Elle est typique de l’individualisme.

Compléments :

Alain Bauer

J’aperçois deux articles parlant d’un certain Alain Bauer, dans le Monde. Puis, par hasard, je tombe sur une fiche biographique. Qui est donc cet Alain Bauer ?

Je m’attendais qu’on parle de lui à l’occasion d’une nomination considérable. Pas du tout. Il s’agit d’une chaire du CNAM ! Mais le cas est intéressant. Il me semble illustrer certaines de mes thèses :

I – il faut juger sur les actes pas sur les paroles

On se demandait ce qu’entendait le gouvernement par sa réforme de l’Université. En faire une copie conforme de l’Université américaine ? Pas du tout : la présidence crée une chaire d’université et nomme à sa tête une personne qui suscite la contestation de certains de ses pairs (Nous contestons la nomination de M. Bauer, par Michel Lallement, Christine Lazerges et Philip Milburn).

De la surdité, Surdité collective

II – Comment arriver à la tête d’un appareil

Alain Bauer a toutes les caractéristiques d’un champion de la conduite du changement. Il a une capacité admirable à arriver au sommet de toutes les organisations dans lesquelles il entre. Il est ou a été membre de tellement d’organisations que les citer revient à réécrire sa fiche biographique qui est d’une longueur et d’une densité sans beaucoup d’équivalents. L’exemple de ses postes d’enseignement, une infime partie de son activité (il a été notamment Grand maître du Grand Orient) :

De 1990 à aujourd'hui, Alain Bauer assure parallèlement des fonctions d'enseignant à l'Institut de criminologie de Paris (université Paris II-Panthéon Assas), aux universités Paris I-Panthéon Sorbonne et Paris V-René Descartes, à l'Institut d'Études Politiques (IEP) de Paris, à l'Ecole Nationale de la Magistrature, au Centre National de Formation Judiciaire de la Gendarmerie Nationale, à l'Ecole Nationale Supérieure de la Police, au Centre National de Protection et de Prévention (CNPP), au Center of Terrorism du John Jay College of Criminal Justice de New York (États-Unis), à l'Académie de Police criminelle de Chine et à l'Université de droit de Pékin. Depuis 2003-2004, il est également Secrétaire général de l'Institut des Hautes Études de Sécurité Intérieures (IHESI, devenu INHES, Institut National des Hautes Études de Sécurité), de l'Institut Alfred Fournier et de l'Institut Européen des Sciences du Religieux (IESR). Il est ou a été aussi Administrateur de l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et de la Fédération des Professionnels de l'Intelligence Économique (FEPIE). Valérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur du gouvernement Sarkozy-Fillon, vient en outre de créer au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) une Chaire de criminologie qui lui a été immédiatement attribuée.

Et, à seulement 46 ans, il a publié une trentaine de livres.

Je dis parfois (Les appareils créent l’idéologie) que ne pas être alourdi par une pensée trop complexe est une condition favorable à une ascension rapide. Serait-ce le cas ici ?

Américanophile, il effectue au début des années '90 un stage de six mois à la Science Application International Corporation (SAIC), dont il est devenu par la suite Vice-président pour l'Europe. La SAIC, considérée comme une vitrine des services secrets américains, est un groupe administré par d'anciens directeurs de la CIA et travaillant essentiellement pour le Pentagone. Spécialisée dans les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication, elle contrôlait notamment à l'époque la société "Network Solutions" qui gérait seule l'ensemble des noms de domaine sur Internet. Depuis cette période de "formation", Alain Bauer prône des méthodes policières répressives inspirées par certaines thèses sécuritaires en vigueur dans les milieux néo-conservateurs américains, parfois très peu compatibles avec le respect des libertés et le droit à la vie privée.   

samedi 14 février 2009

Que se passe-t-il aux Antilles ?

Il semblerait que l’on s’y agite. La cause serait une réforme présidentielle :

On vivait depuis cinquante ans sous le paternalisme gaulliste. Nicolas Sarkozy n'est pas du tout dans cette démarche. Il est là pour appliquer une logique libérale, sans se soucier ni du haut ni du bas de la société. L'Etat providence est en train de s'écrouler sous nos yeux et la situation prend de revers la classe politique locale.

On espère aussi quelques économies ?

La loi de développement économique, présentée au Parlement à partir du 9 mars, devrait incarner cette orientation fondée, selon le chef de l'Etat, sur "un développement endogène, créateur de richesses pour tous".

Les Antilles étant totalement dépendantes de la Métropole, soit ses habitants s'adaptent, soit ils crèvent. Enfin une réforme facile à mener. 

OGM et scientifiques

J’ai entendu cette semaine la radio parler d’une étude affirmant l’innocuité des OGM, et d’un article du Figaro qui nous aurait encouragés à suivre l’avis des scientifiques qui l’avaient rédigée.

Au passage j’ai découvert que démontrer les risques des OGM était à notre charge. Pourquoi l’industrie pharmaceutique n’a-t-elle pas, elle aussi, exigé que nous lui démontrions la nocivité de ses produits ? Plus d’autorisations de mise sur le marché. Grosses économies.

Idée suivante : pourquoi un scientifique devrait décider à la place de la nation ? J’en suis arrivé à l’étrange conclusion que le scientifique est la personne la plus mal placée pour prendre une décision qui engage la collectivité. Pourquoi ?

  • Depuis ses origines il a été étroitement spécialisé. Son opinion est exceptionnellement biaisée. Un facteur favorable à cette spécialisation est l’inadaptation sociale. Newton, par exemple, n’était pas loin d’être autiste. Lisez les biographies de grands scientifiques : je doute que vous ayez envie de leur confier la planète.
  • En fait, par construction, le scientifique est un irresponsable. Quiconque a fait des études scientifiques sait qu’à leur base, il y a l’approximation. On fait un modèle de la réalité, on en déduit des conclusions. On les applique, et on teste. Tant que ça ne va pas, on bricole. Une fois un résultat satisfaisant obtenu, on s’arrête. L’hypothèse scientifique majeure est là : sur le long terme nous sommes tous morts. Après nous le déluge et l’effet de serre. Le scientifique n’a pas d’enfants. L’exemple du « génie génétique » :

Principe : on a constaté que les gènes donnaient certaines propriétés aux êtres vivants, d’où l’idée d’utiliser le gène de l’un pour donner ses propriétés à un autre. En réalité, plus la science explore la génétique plus elle comprend qu’elle ne sait rien : par exemple, les gènes ne semblent pas aussi individualistes qu’on le supposait. Par ailleurs, le transfert de gène est, au mieux, un bricolage : on bombarde une plante avec un assemblage génétique complexe, en espérant que le gène intéressant saura trouver son chemin. Si la plante présente les caractéristiques désirées on a réussi. Sinon, nouveaux essais.

Comment va évoluer le nouvel être vivant ainsi créé ? Que va donner son patrimoine biologique bricolé ? L’agglomérat de gènes qui lui a été transmis ? Que vont-ils faire dans la nature ? Quel impact vont-ils avoir sur les êtres vivants qui vont les consommer ?... On n’en sait rien, c’est pour cela que certains scientifiques proposent d’adopter, pour s’assurer de l’innocuité des OGM pour la vie de la planète, les procédures appliquées aux médicaments. Cest un minimum. Ce minimum est au dessus de nos moyens : les tests nécessaires rendraient non rentables les OGM. On espère donc que les OGM n’auront pas d’effets néfastes.

Inutile scientifique ? Non. Simplement, il doit expliquer à la société ses étroites connaissances, et lui laisser faire ce qu’il ne sait pas faire : prendre des décisions. Chacun son travail.

Compléments :

La France dans la tourmente

Ce blog répète ce qui se dit ailleurs. Comme la France n'intéresse personne, je n'ai pas tellement d'idées sur ce qu'elle devrait faire face à la crise. Un début de réflexion.

Un récapitulatif pour commencer. Ce blog segmente en deux le monde :

  1. Les cigales. Les dépensières, Amérique en tête, dont les ménages et les entreprises ont fait d’énormes dettes.
  2. Les fourmis. Les mercantilistes (Chine, Allemagne et Japon), qui empilent plus qu’elles ne dépensent. Pas uniquement de l’argent, mais aussi des savoir-faire et des capacités de production dont elles privent les cigales, qui ne peuvent plus gagner leur vie, donc payer les exportations des fourmis. Le mercantilisme est une forme guerrière du protectionnisme.

La combinaison de ces deux phénomènes aurait créé la crise. Les cigales doivent reconstituer leurs stocks de protection et leurs capacités de production ; les fournis sont dépendantes de l’incurie des cigales : elles doivent apprendre à consommer et revoir leur stratégie de destruction du tissu économique adverse. Il semble que, pour une nation donnée, il y ait un équilibre à trouver : un niveau raisonnable d’exportation, de dette, de capacité de production nationale. Il correspond à l’état de robustesse actuel de l’économie mondiale ?

Et la France ? Elle est plutôt cigale. Mais pas excessivement. Manque de rigueur ? Son côté latin ? Ou mal américain, incorrectement diagnostiqué ?

  1. Le mal américain n’est pas le seul fait des banques. C’est la croyance qu’il suffit d’installer les lois du marché quelque part, pour que le meilleur des mondes en résulte. Pour l’entreprise cela signifie une gestion uniquement financière, et l’incapacité à développer son assurance sur la vie, l'avantage concurrentiel (ce qui demande une compréhension intime de son métier). Conséquence : entreprise peu durable, et, à terme, disparition de l’écosystème de sous-traitants qui vivait en symbiose avec elle. Or la crise est favorable à ce mal. Sous couvert de nécessaire rigueur, on fait ce qui serait bloqué en des temps meilleurs. On me dit, par exemple, que les opérateurs de télécom diminuent massivement leurs dépenses de recherche et de sous-traitance, pour maintenir leur rentabilité. Comme ils n’ont pas changé de modèle économique (construit sur la recherche et la sous-traitance), ils hypothèquent leur avenir. 
  2. La disparition des mammouths pourrait laisser de la place aux « jeunes pousses ». Mais la France leur offre-t-elle un terrain propice ?
  3. À ceci s’ajoute le mal anglais : l’injection des lois du marché dans le service public. La destruction de l’aide aux plus défavorisés qui en résulte a un effet pervers : il les force à économiser. Ce qui n’est pas bon pour l’économie.

L’élite française avait été contaminée par son admiration du modèle anglo-saxon. Sait-elle encore d'où viennent ses idées ? N’y voit-elle pas une invention originale (donc brillante) ?D'ailleurs, ne fait-elle pas face à un dilemme : gérer une entreprise en développant sa compétence est (apparemment) compliqué quand on ne connaît pas son métier, de même qu’utiliser le service public pour le bien collectif ? (Deux exemples d’anxiété d’apprentissage.) Risque de résurgence d'un vieux réflexe de notre élite : « du pain et des jeux » ? Encourager nos vices : subventionner certaines clientèles, tirer parti de nos penchants xénophobes…

Mais il n'y a pas que du noir dans notre culture : le pays est dirigé par des (anciens parfois) grands commis de l'Etat qui ont longtemps mis l'intérêt collectif avant le leur ; ils ont été formés pour résoudre des questions complexes. S'ils ne cèdent pas à la tentation de la facilité, ou à leur anxiété d'apprentissage, l'espoir est permis.

Compléments :