samedi 28 juin 2008

Livre blanc, armée, changement

Un comité d’experts a publié un « livre blanc » sur ce que doit devenir l’armée française. Ce livre semble devoir inspirer les décisions du gouvernement. Un groupe d’officiers anonymes l’a critiqué.

  • Paradoxe : la « Grande muette » parle. Mais elle reste anonyme. Voilà ce que le sociologue Robert Merton appelle une « innovation ». Que dit-elle ? « déclassement militaire », « nous abandonnons aux Britanniques le leadership militaire européen », « la France jouera désormais dans la division de l’Italie ». Quant à la commission auteur du « livre blanc », elle souffrait d’une « sous représentation des militaires compétents » (y aurait-il des militaires incompétents ?).
Raison ? Emotion. Et l’émotion est respectable. Elle montre que quelque chose d’important a été touché. Tellement important qu’il est inconscient (d’où la maladresse de l’expression). Les militaires s’identifient à l’armée, tout ce qui lui nuit les affecte. Faisons-les s’exprimer sur leur malaise et l’on verra apparaître peut-être quelque grosse erreur de mise en œuvre. Par exemple, ils critiquent les « hypothétiques innovations » du plan, et semblent les attribuer à des « intérêts industriels ». Bien entendu, la critique peut venir de dinosaures, qui ont une guerre de retard. Mais l’homme n’est pas monolithique. Il est le terrain de tendances opposées. Pour l’amener à changer, il faut repérer chez lui ce qui est favorable au changement, et l’utiliser.
  • Le Ministre de la défense répond : la France « restera une des quatre puissances militaires de la planète ».
Le Ministre n’est pas un « leader du changement ».
  1. Il ne rappelle pas l’Armée à son devoir de réserve, il ne respecte pas le « code de loi » de la nation.
  2. Lui aussi « innove » au sens de Merton : le « livre blanc » veut que l'armée française entre dans l’OTAN, à condition que celle-ci soit dirigée par des Européens ; elle doit pouvoir « projeter » ses troupes pour contribuer à régler quelques crises locales, et gagner en productivité en remplaçant des hommes par des matériels ; est-ce cela une « grande puissance militaire » ?

Que devrait-il faire ?

  • Mettre au jour le conflit que fait naître le changement entre les valeurs fondamentales de l’entreprise (ou de la nation) : contraintes budgétaires, évolution des menaces, « grandeur » de la France…
  • Traduction. Par exemple qu’entendre par « grande puissance » ? Défendre le territoire de la France ? Étendre ce territoire ? Protéger ce à quoi nous croyons (liberté, égalité, fraternité…) ? etc.
  • S’interroger sur les moyens nécessaires au respect de ces valeurs nouvellement interprétées. Rôle des hommes et des satellites ? Confier une partie de la responsabilité de nos intérêts à l’OTAN, éventuellement en lui réclamant quelques évolutions ? Quel rôle conserver à l’armée nationale ?...

C’est en faisant avec rigueur cet exercice qu’il construira un changement solide, une armée ou une entreprise durables, et qu’il suscitera l’approbation générale.

Références:

  • Le Monde.fr, Un groupe de généraux dénonce l’imposture du Livre blanc de la défense,Mis à jour le 19.06.08 à 17h05.
  • Le Monde.fr, Livre blanc de la défense : deux des auteurs s’expliquent, Mis à jour le 18.06.08 à 14h58.
  • Sur Robert Merton : Terrorisme et Angleterre
  • Sur le leader du changement : Chester Barnard juge le dirigeant

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