Richard Baldwin fait état d’une étude qui estimerait à 30 ou 40 millions les pertes d’emplois du secteur des services causées aux USA par la combinaison des faibles salaires émergents et des nouvelles possibilités des télécoms.
Il fait remarquer que les choses ne se passent pas comme cela : les emplois ne sont pas éliminés mais déplacés. Les millions perdus sont recréés ailleurs. Les services que peut produire l’Inde ne sont pas ceux que peut produire l’Amérique, par conséquent l’Inde achètera les services de l’Amérique et réciproquement, de même que les voitures allemandes n’ont pas condamné la production française.
Heureusement qu’il en est ainsi : l’économie mondiale est un échange. Si un pays ne peut pas acheter, parce que son peuple est au chômage, l’autre ne peut pas produire. Par conséquent, il est fort difficile de voler des emplois sans que ça vous retombe sur le nez.
Et ce n’est pas comme cela que ça se passe ordinairement. Un ami travaille avec les USA, il a sous-traité la partie la plus simple de sa « relation client » au Pakistan. Cela lui permet de se dégager de cette tâche qu’il n’aime pas et de faire ce qui compte vraiment pour ses clients, dont il multiplie le nombre.
On est dans une situation qui ressemble à celle de l’automatisation. Il y a gain de productivité pour une personne donnée. Le temps dégagé lui permet de développer des compétences qui jusque-là n’étaient pas présentes, d’enrichir le monde de ce qu’il ne connaissait pas.
Mais tout n’est pas rose. Comme le dit Alfred Sauvy, la machine ne crée pas le chômage, par contre elle force le pays à de douloureux changements, et ces frottements sont, eux, responsables du chômage. Il suggérait que l'état guide la transition, un genre de flexisécurité danoise.
Compléments :
- SAUVY, Alfred, La machine et le chômage, Dunod, 1993.
2 commentaires:
L'analogie avec l'automatisation est très bonne, avec l'Inde en tête des fournisseurs de services informatiques par exemple. C'est la voie necéssaire pour une start-up de la silicon valley qui doit faire face à des couts de plus en plus élevés. Development, communications/marketing, prospections de ventes, toutes ces taches peuvent etre aujourd'hui delocalisees. Non seulement c'est une reduction de couts, mais la difference de fuseaux horaires aide meme a compenser la perte de productivite due a la communication a distance. Les innovations precedentes ont supprime beaucoup d'emplois, et ceux-ci ne se retrouvaient pas ailleurs (peut etre sous la forme d'emplois high tech mais le ratio n'y etait pas 1 pour 1). Aujourd'hui pour un poste que je ne peux pas m'offrir aux US, deux-trois personnes en Inde auront un emploi. C'est pas ideal pour les chercheurs d'emploi du pays, mais les nouveaux employees participent a l'economie du leur et des autres. Y-a-t'il une difference avec les autres vagues d'automatisation? Je pense que non, mais il faut absolument equiper nos etudiants pour qu'il se prepare au changement.
Tous ces problèmes d'emplois sont passablement compliqués.
Ton commentaire me donne plusieurs idées :
1) la délocalisation (comme pour mon ami) te donne les moyens d'acheter ce que tu ne pouvais pas acheter. Quand on lance une entreprise on peut avoir une "secrétaire" pakistanaise, mais pas américaine. Il n'y a pas de perte d'emplois.
2) grâce à l'économie tu gagnes "plus", ce que tu réinvestis ailleurs, par exemple ça te permet de faire appel à du personnel de service. Il y a déplacement de l'emploi.
Cependant, je me demande s'il n'y a pas des délocalisations destructrices. Celles qui consistent à déplacer le savoir-faire d'un pays 1 dans un pays 2 (cf. automobile). Du coup, le dit pays 1 peut ne plus avoir grand chose à proposer aux échanges mondiaux.
Il serait mieux dans ce cas de chercher à développer le savoir faire de 2 sans déshabiller 1. La concurrence amènerait les pays à se spécialiser (cf. France et Allemagne) et, globalement, on y gagnerait une offre plus riche. (En fait, c'est le modèle d'Adam Smith, pour qui la Richesse des nations vient de la spécialisation.)
Tout ça n'est pas très scientifique...
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