Cependant au fur et à mesure qu’avance la description par Thucydide du « désordre », non seulement les institutions sociales principales succombent à la nature humaine, mais le langage lui-même subit une dégénérescence similaire. L’iniquité morale s’accompagnait d’une hypocrisie égoïste à tel point que « les mots devaient changer leur signification ». Dans son travail remarquable sur Les mots représentatifs, Thomas Gustafson parle d’un archétypique « Moment thucydidien », lorsque la corruption des gens et des mots ne fit qu’un. (…) quand les mots étaient traduits dans la guerre à mort pour le pouvoir, injuste devint juste et juste, injuste. Comploter devint de « l’auto-défense », l’hésitation prudente fut condamnée comme « vile lâcheté », la violence frénétique était de la « virilité », être modéré, c’était en manquer. Les serments ne tenaient guère face à l’intérêt de les trahir. Le seul principe qui demeurait, remarque l’auteur classique W.Robert Conner, était « les calculs de l’intérêt personnel. Maintenant toutes les conventions de la vie grecque – les promesses, les serments, les supplications, les obligations vis-à-vis d’un parent ou d’un bienfaiteur, et même la convention ultime, le langage lui-même, cédèrent. C’est le bellum omnium contra omnes de Hobes. »Un exemple, fascinant. C’est au nom de la « liberté » que la soft power anglo-saxonne et ses lobbys nous imposent leurs intérêts.Vendre est un combat pour la liberté. Le sens même de libéralisme a été réinterprété.
Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Depuis 68, et la libération de l’homme, l'individualisme est déchaîné. Guerre de tous contre tous. Il s’agit d’avoir le dernier mot. On joue au lavage de cerveaux. Plus rien n’a de sens, sinon celui de justifier l’intérêt de quelqu’un. (Ce n'est pas pour autant qu'il faut condamner la liberté. Il faut chercher à mieux l'employer, me semble-t-il.)
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