Remarque paradoxale d'un article traitant du désir des gouvernants de « parler d’une seule voix » lors d’une crise :
- Le gouvernement rêve d’émettre un message cohérent et unique. Pourquoi ? Pour ne pas créer de panique dans la population.
- Mais la société (= nous) ne panique pas. Face à l’incertitude, elle tend plutôt à s’entraider. Elle interprète un discours unique comme une manipulation. En outre, chaque segment de la population ayant un point de vue particulier a besoin d’un message adapté. Finalement, c’est d’une diversité d’opinions que l’on construit ses idées. En bref, ce dont a besoin la population, c’est d’informations, mêmes contradictoires, pas d’être rassurée. C’est que l’on parle à son intellect, pas à ses émotions. Elle sait se faire une opinion et en déduire un comportement approprié.
Les gouvernements tendent à croire que leur peuple est fait d’individus disjoints les uns des autres, et dénués d’intelligence, dont le comportement obéit aux ordres, comme une machine. Alors que la société est solidaire par définition, et son comportement s’adapte au mieux aux informations qu’elle reçoit.
Curieusement, cette dernière description est celle que les économistes font des marchés financiers. Or, eux, sont constitués d’individus isolés, qui spéculent en période faste et se débandent en période de crise (aléa moral). Comment se fait-il que notre élite prenne la société pour une machine, et le marché pour un être parfait ?
- « Une incitation à parler d’une seule voix peut aussi être une stratégie pour contrôler le comportement des autres ». Les gouvernants n’ont peut-être pas peur d’une panique. Ils craignent, plus probablement, que les populations ne fassent pas ce qu’ils veulent. Si nous recevons une information cohérente, se disent-ils, notre comportement sera celui qu’ils désirent.
- Quand au marché, c’est lui qui fait leur fortune. Par conséquent, ils sont logiquement persuadés qu’il est parfait et que tout contrôle est nuisible.
Compléments :
- L’article : CLARKE, Lee, CHEES, Caron, HOLMES, Rachel, O’Neill, Karen M., Speaking with One Voice : Communication Lessons from the US Anthrax Attacks, Journal of contingencies and crisis management, septembre 2006.
- March et Simon ont fait la même observation : la littérature du management nous prend pour des machines. MARCH, James G., SIMON, Herbert A.,Organizations, Blackwell Publishers, 2ème edition, 1993.
- Et maintenant, ce qu’il faut faire : Qu’attend l’organisation du dirigeant, en temps de crise ? et, surtout, Communication de crise.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire