Un article explique que 4/5ème du 787 est fabriqué hors de chez Boeing. Que des accords avec des sous-traitants leur permettraient de participer directement à l’assemblage de l’avion. Sentant la menace, le personnel de Boeing est en grève. Il veut des augmentations de salaire. Ce qui encourage ses dirigeants à le pousser dehors. Qu’il est agréable de ne plus avoir à gérer que des sous-traitants !
Je me souviens avoir rencontré des employés de Boeing, dans les années 80. Ils déclaraient qu’on n’y construisait pas des avions, mais des carrières. Une entreprise qui a des dirigeants qui ne connaissent pas son métier n’est pas durable. L’histoire de l’entreprise américaine est une éternelle répétition.
Airbus est-il significativement différent de son concurrent ?
Avis aux amateurs…
Compléments :
- Striking differences, The Economist, 13-19 septembre.
- Autres exemples du triste sort de l’entreprise américaine : Service rendu à IBM, Dell, vie et mort, GM et Lean manufacturing.
4 commentaires:
La, je ne te suis pas du tout. Les grandes entreprises de ce monde, tout secteurs confondus, sot devenus de grands assembliers. De l'aero au BTP, du soft a l'alimentaire, pas un seul grand groupe peut se permettre de traiter l'integralite de la chaine: il faut sous-traiter. Cela permet de reduire certains couts, d'etre plus flexible, de s'adapter aux specificites des differents pays, etc. Boeing ne deroge pas a la regle, ni Boeing, ni Dassault Aviation. Et ce n'est pas pour autant qu'ils "oublient" leur métier. On peut etre un tres grand pilote sans etre un tres grand mecano...
J’entends bien tes remarques. Je n’ai aucune certitude, mais je pense que Boeing va trop loin dans ses délocalisations. Que, de ce fait, il perd des morceaux majeurs de sa compétence, qui est, en dernière analyse, ce qui fait sa valeur et sa durabilité. Quand Alcatel a eu liquidé ses usines, il s’est trouvé tout nu fasse à la concurrence mondiale. Ne faisant plus que du service, il était dans un jeu où le facteur clé de succès était le coût du personnel, et la capacité à la gestion de projet.
À l’appui de ma thèse, concernant Boeing :
1) tendance de l'industrie américaine au management top down, qui finit en destruction de l'entreprise (c'est un trait culturel que d'autres ont mieux illustré que moi).
2) Eamonn Fingleton (dont je parle à plusieurs reprises) observe que Boeing sous-traite des parties clés de son savoir-faire (les ailes je crois) après avoir dit que ce ne serait jamais le cas.
3) j'ai constaté (missions dans l’équipement automobile) qu'une erreur majeure des constructeurs automobiles américains et français (mais pas allemands et japonais) avait été de perdre leur compétence de conception d'équipements. Pour pouvoir optimiser un produit, il faut connaître le métier de ses sous-traitants, il ne faut pas se contenter de les mettre en concurrence.
4) Problème passager ? La sous-traitance de Boeing se révèle complexe à faire fonctionner (The Economist). Problème de mise en œuvre du changement. Ma vieille expérience me dit que la cause en est une absence de compétence professionnelle des organisateurs du projet. (C’est pour régler ce type de questions qu’on m’appelle !)
Quant à Airbus, le mal semble identique. J'ai rencontré il y a quelques temps un consultant qui était catastrophé par ce qu’en disaient les journaux. En effet, il avait mené il y a 20 ans une mission qui lui rappelait étrangement ce qu’il lisait. Le problème ? Management top down, des gens qui ne se parlent pas. Savoir pas partagé, projet pas optimisé. Le consultant avait réalisé des "miracles" simplement en faisant travailler ensemble les ingénieurs de la société.
Ce partage de savoir-faire me semble, par contre, avoir été la force de Dassault Aviation (voir billet sur Marcel Dassault).
Le risque pour Boeing / Airbus est double 1) un nouvel entrant qui saurait réaliser des synergies entre métiers sous-traités 2) ce qui est arrivé au Big 3 de l’automobile US : destruction créatrice : une évolution économique mondiale qui réduit brutalement leur marché, ou fait exploser leurs coûts, et les fait passer dans le rouge.
Renault n'est il pas devenu un "créateur d'automobiles" sans que le péquin moyen n'y ait vu autre chose qu'un slogan alors que cela montre un changement profond de la nature de l'organisation.
Un point intéressant à la veille annoncée du knowledge process outsourcing qui m'amène à m'interpeler sur la nature même de l'activité outsourcée.
Lorsqu'on parle du "knowledge" on entend tout le monde dire "youpi", notammenent ses détenteurs qui peuvent se créer des activités sur mesure.
Dès qu'on parle de production on entend..."au secours".
Au bout du compte c'est assez simple : dans un cas cela signifie "évolution du cadre de mon activité", dans l'autre "chômage".
Cela peut nous amener à diverses réflexions quant à l'avenir, roses pour certains, plus sombres pour d'autres.
Pour en revenir à Boeing, peut on à ton avis mettre cela sur le compte de la fameuse courbe d'apprentissage, sur le modèle bien connu du "après ça sera mieux qu'avant mais entre les deux on essuie les platres" ?
Quelques remarques sur l’outsourcing.
1) plus on outsource plus faibles sont les éléments sur lesquels bâtir un avantage concurrentiel. Si un opérateur de télécom outsource son infrastructure, son business reposera sur la conception de services et la relation client. C’est facile à attaquer pour un nouvel entrant.
2) l’idéologie de l’outsourcing anglo-saxonne repose sur l’idée que le marché est ce qu’il y a de plus efficace. Le marché peut gérer mon entreprise pour moi. Or, ce n’est pas ce que dit l’observation. L’entreprise performante est celle qui gère sa sous-traitance comme si elle faisait partie d’elle-même. C’est ce que j’appelle la technique entraîneur / champion : parce que l’entreprise connaît parfaitement son sous-traitant elle lui demande sans arrêt des exploits, qui permettent à ce dernier de s’améliorer (c’est le modèle de Toyota, mais je l’ai rencontré aussi en Europe). Lorsqu’une entreprise comme GM perd sa compétence à comprendre ce que font ses sous-traitants, elle est très mal partie : elle a perdu la main sur une part majeure de ses coûts.
La courbe d’apprentissage existe. Mais elle ne suppose pas le dysfonctionnement. Quand un changement est correctement préparé, sa mise en œuvre est un non événement (ma vieille expérience). Le simple fait que celui de Boeing n’en soit pas un montre qu’il a été conçu par des théoriciens.
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