Je n’ai jamais eu d’idée claire sur 68. Si j’interroge mon inconscient, j’y trouve, peut-être, une révolte de jeunes bourgeois contre la tutelle de vieux poussiéreux, leurs parents. Le tout faisant un carnage du bien d’autrui ?
Je ne m’attendais pas à l’étendue du carnage. D’une part l’éducation nationale et son ascenseur social détruits, avec pour corolaire une France de classes (Éducation nationale : les bons sentiments m’ont tuée). Et maintenant les syndicats (billet précédent), dont je pensais le plus grand mal, avant de découvrir qu’ils avaient eu une utilité.
Comment expliquer ce qui est arrivé ?
- 68 a été un moment de changement, les résistances au changement de la société ont sauté ? Elle devient malléable. Mais alors, comme je le répète, celui qui imprime son empreinte au changement est celui qui le contrôle (Geste qui sauve : contrôlez le changement). Deux hypothèses : un gouvernement qui l’a utilisé pour servir ses intérêts ; des deux côtés des barricades, les leaders venaient du même milieu (il en est de même pour les hommes politiques de droite et de gauche), pas étonnant que les réformes leur aient profité. (Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change.)
- Autre chose me frappe : c’est la simplicité des mesures qui ont abattu les syndicats et les écoles. Une sorte « d’effet de levier » d’une extraordinaire élégance. Faut-il y voir la marque d’un esprit exceptionnel qui a compris tout le parti qu’il pouvait tirer du brutal dégel des résistances françaises ? Nos cercles dirigeants n’ont-ils pas acquis une capacité à la manipulation admirable ? Par exemple, les dirigeants du Crédit Lyonnais et de France Télécom, deux inspecteurs des finances, n’avaient-ils pas paralysé totalement les systèmes qui devaient les contrôler ?
- Une hypothèse plus simple : 68 a été la victoire de l’individualisme. La France baignait dans la croissance et la tranquillité depuis la guerre. À quoi pouvait bien servir toutes ces structures et conventions compliquées, sinon à brider le génie des nouvelles générations ? 68 a détruit les structures de la société, et a laissé les individus sans protection.
Compléments :
- Les flambeurs du Crédit Lyonnais, le scandale financier du siècle, Dossier du Canard Enchaîné, juillet 1997.
- FAURIE, Christophe, Elie Cohen : les relations complexes entre l’État et France Télécom, Newsletter des anciens élèves de l’Insead, Janvier 2004.
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