Mon intérêt pour les syndicats est neuf. Il vient de SUD (À quel jeu joue SUD ?), et du type de considérations du dernier billet : mais pourquoi donc les gouvernants de la France sont-ils des idéologues d’un autre siècle voire d’un autre millénaire ? Pourquoi ne reflètent-ils pas les idées du pays ? Comme d’habitude, il y avait beaucoup de faux dans ce que je pensais.
Mes a priori
Pour moi les syndicats étaient des fossiles ne représentant plus que leurs dirigeants, et un passé mythique, au mieux. Des crypto-marxistes, proudhoniens, trotskystes… sortes de belles au bois dormant, n’ayant rien perçu de l’évolution mondiale depuis la révolution russe ou la commune. The lost decade de Fitzgerald, étendue à un siècle ou deux.
Les origines : une organisation remarquable, des syndicats efficaces et pragmatiques
J’avais déjà entraperçu l’histoire des syndicats, mais rien ne m’en était resté. Difficile de suivre le fil de scissions sans fins. CGT et CGTU, puis fusion. CGT à nouveau. Puis CGT et FO, FO représentant la CGT initiale et la CGT étant colonisée par le parti communiste. Et la FEN qui éclate en UNSA et FSU, chaque morceau essayant de sortir de son fief. La CFTC qui devient la CFDT (laïque) + un reste de CFTC, qui, elle aussi, semble devoir se séparer en une composante fondamentaliste, et une composante laïque. Le Groupe des 10, qui devient SUD. Presque plus de syndicats que d’adhérents.
Première surprise, avant guerre 50% de syndiqués, fort syndicalisme après guerre, puis décroissance, mais un palier long et dynamique à 25%, jusque dans les années 70. Les syndicats n’ont pas toujours été ce que je croyais. Ensuite c’est la chute : 8 à 9% d’adhérents, pas plus.
Initialement ils ont suivi le chemin des autres pays : le pragmatisme a rapidement repoussé les idéologies. Les idéologies actuelles ne viennent pas des origines ! Je ne m’attendais pas à cela. Et les syndicats ont été des organisations remarquablement conçues. Les grèves les plus efficaces partent du mécontentement « d’une catégorie de personnels » (infirmières, cheminots…). Le syndicat initial était construit autour de ces communautés d’intérêt. Il les reliait par des structures qui les coordonnaient et les rendaient efficaces (en leur fournissant des négociateurs qui n’étaient pas susceptibles à la pression, en partageant les frais généraux…). Grands nombres de bénévoles qui apportent des services d’entraide.
68 : les syndicats, appareils sans base
Je vais de surprise en surprise. 68 : réforme des syndicats. Les communautés d’intérêt sont remplacées par des organisations uniformes, les syndicats d’établissement. Les « confédérations » deviennent des appareils très proches de la structure de l’État français : avec leurs « préfets » et « sénateurs ». Le pouvoir central est appuyé par des hordes de permanents payés par l’État et les entreprises. À nombre d’adhérents égal, les syndicats français ont 20 fois plus de permanents que les syndicats allemands ! Ce sont des technocrates. Ils n’écoutent plus, ils savent. Ils font carrière. Plus de bénévoles. Les adhérents ? Aucun intérêt, le syndicat nage sous les subventions, les cotisations ne comptent pas pour lui, pas plus que les problèmes des syndiqués. Et quelle démocratie ! Les dirigeants s’auto-reproduisent. Ils sont nommés par leurs prédécesseurs, la base approuvant ce choix par son vote.
Un paradoxe auquel on s’est habitué. Les syndicats ne sont pas là où l’on a besoin d’eux. L’injustice ce n’est pas pour eux. Ils ne se battent pas contre la précarité. Ils ont disparu du secteur privé. Non, ils servent à accroître les « avantages acquis » des personnels dont l’emploi est garanti. Pour cela ils prennent en otage l’économie et l’usager. Que disent les sondages ? Celui qui aime le syndicat est l’intellectuel ! Celui qui le déteste est celui qui en a besoin !
Un syndicalisme à la solde de l’employeur
Le syndicat est le meilleur ami du patron ? À la réflexion ce n’est pas surprenant : le syndicat est majoritairement financé par l’employeur et les pouvoirs publics. Et puis, en s’aliénant l’employé, le syndicat l’a privé de toute défense. D’autant plus que les syndicats d’établissement forcent les représentants du personnel à affronter leur employeur (auparavant la négociation se faisait avec des professionnels extérieurs) : les syndicats (CGT comprise) signent systématiquement ce qu’on leur demande de signer. On en arrive aux conventions collectives. Ces conventions, qui font office de lois, sont débattues entre employeurs et syndicats, ou représentants du personnel. Il suffit qu’un syndicat les accepte pour que tous les employés du secteur concerné soient engagés. Et il y a toujours quelqu’un pour signer !
L’avenir ? Faute de représentation, la France sera le théâtre « d’imprévisibles flambées de colère ».
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