mercredi 21 juillet 2021

Le procès d'Hannah Arendt

Parler du procès Eichmann, c'est faire le procès d'Hannah Arendt. (Eichmann à Jerusalem, son livre.) C'était à nouveau le cas dans un débat de France Culture. Observations :

  • J'ai lu ce livre, et je n'entends pas chez les autorités intellectuelles qui en parlent ce que j'ai vu. C'est une source d'inquiétude : peut-on croire ces autorités, lorsqu'elles parlent de sujets que je ne connais pas ? En particulier, le portrait d'Eichmann par Hannah Arendt est extrêmement détaillé, et donne, effectivement, à penser que c'est un "pauvre type". D'ailleurs n'avons nous pas tous rencontré des "pauvres types" qui déplacent des montagnes ? Or, ce ne n'est pas ce que dit l'expert, pour lui seul un génie peut-être un as de la logistique ferroviaire.
  • Hannah Arendt adopte un raisonnement systémique, à la fois pour Eichmann, et pour la collaboration. En particulier, sa thèse est la "banalité du mal". La société a continué à appliquer ses procédures de paix, et celles-ci ont été utilisées pour faire le mal (les trains ont continué à rouler, par exemple). Ce qui est aussi la thèse de La Boétie. Or, on ne peut pas attaquer une telle thèse simplement en disant qu'Hannah Arendt n'a pas bien fait son travail d'enquêtrice, comme le font les experts.
  • Ce que l'on reproche, en fait, surtout à Hannah Arendt, c'est d'avoir dit que les Juifs s'étaient déportés eux-mêmes. J'ai cru comprendre que les participants au débat estimaient que la "banalité du mal", au fond, s'appliquait bien au fonctionnaire français, mais en parler au sujet des Juifs était une preuve d'insensibilité. Ce qui est juste, mais comment rechercher la vérité sachant qu'elle ne peut que faire souffrir beaucoup de gens ?
  • Le plus curieux a été souligné par Régis Debray, en conclusion. Comment se fait-il que l'on parle toujours d'un livre qui est si vivement attaqué ? On peut se le demander pour beaucoup d'autres ouvrages portés à la célébrité par des éditeurs qui ne partageaient pas leurs vues. Peut-être ces derniers sont-ils sensibles à certaines de leurs qualités littéraires ? 

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