lundi 28 juillet 2008

Effet de levier du week end

J'ai rencontré un intelligent cabinet de conseil. 2 Bizarreries cependant :
  1. ses associés éprouvent quelques frustrations quant à sa marche. Rien de très clair. Et quand ils tentent d'en parler entre eux, ils ne se comprennent pas.
  2. Alors que l'entreprise offre un cadre de travail apparemment idéal, ses employés partent un peu trop vite, notamment ses "managers". Rien d'alarmant. C'est surtout surprenant.

Mon diagnostic ? Ses 5 associés n'ont pas réussi à constituer une réelle équipe. Je propose deux jours de séminaire pour leur permettre de discuter de ce dont ils ne discutent pas. Justement, de quels sujets voulez-vous parler leur demandé-je ? - Quelle stratégie? Quel métier? Comment gérer nos ressources humaines ? Nous connaître (!)

Séminaire. Jour 1. Aucun des problèmes soulevés n'en est un. Jour 2. Je me réveille avec une question. Le dernier associé de la société est un remarquable apporteur d'affaires, or, personne n'a de temps à consacrer aux appels d'offres qu'il trouve. C'est la première fois que je rencontre un cabinet de conseil pour qui la réponse à appel d'offres n'est pas une obsession. J'évoque le sujet.

Ma question suscite une constatation lumineuse : managers et associés sont essentiellement occupés par la "production" de missions. C'est d'ailleurs ce que l'on attend d'eux. Pas le temps de trouver de nouveaux clients, de parler de la gestion de l'entreprise entre eux, ou de s'occuper de leurs collaborateurs. Pas étonnant qu'ils soient surpris par leur départ...

Solution ? Le manager doit être le patron d'un centre de profit. Sa priorité est de le développer, non de passer tout son temps en conseil. Et l'associé ? Fixer un cap, une stratégie, apporter au manager les moyens dont il a besoin.

On a ici un exemple des aspects, souvent contrintuitifs, de toute conduite du changement :

  • Il y a nécessité de changement lorsque l'entreprise éprouve un "malaise" (frustrations, départs incompréhensibles de consultants).
  • L'entreprise confond alors symptôme et cause.
  • Pour traiter la cause, il faut partir du symptôme, seul élément dont on dispose.
  • Mais, comme on ne sait pas où peut se situer la cause, il faut utiliser une technique d'exploration qui balaie le plus large possible (ici "analyse stratégique" de l'entreprise et de son environnement concurrentiel) pour pouvoir la détecter.
  • Ce que l'on cherche ? Le paradoxe (manque d'intérêt pour le commercial). Il met sur la piste de la cause.
  • C'est en expliquant le paradoxe qu'on la trouve.
  • Le changement se fait alors à "effet de levier" : par une réorganisation qui ne demande à personne de se transformer (nouvelle définition de fonction du manager).
  • Finalement, si le changement réussit, le malaise disparaît, la société devient "heureuse"...

Un exemple détaillé : http://pagesperso-orange.fr/leverage.change/Support_AFTAA_2008%5b1%5d.pdf

2 commentaires:

Maix a dit…

Bonjour,
j'ai été le premier manager arrivé dans cette société, et le dernier à en partir ... au bout de 18 mois exactement. Rejoindre ce cabinet était un vrai choix que je pensais éclairé. Je l'ai réjoins en sachant qu'il y aurait un gros travail de structuration et de montée en maturité qui exigerait des efforts et des sacrifices y compris financiers à consentir sur une période relativement longue.
Votre diagnostic est exacte : il ya dans ce cabinet un écart non assumé entre la stratégie affirmée et réalité opérationnelle qui finit par décourager les plus tenaces.
Ce cabinet de conseil n'est pas mûre pour intégrer des vrais managers, des co-entrepreneurs ; ou tout simplement des vrais seniors.
Et pourtant, ils ont tout pour réussir et ont déjà fait ce qui normalement est le plus dur : s'imposer comme un acteur majeur de son secteur d'activité.
J'espère sincèrement que vous arriverez à les y aiser.

Christophe Faurie a dit…

Je vous comprends ! J’ai éprouvé cette frustration. J’ai rencontré beaucoup d’entreprises riches, puissantes, au métier passionnant… Pourtant les gens y étaient malheureux. (Mon cas en début de carrière, et pourtant j’étais un favori du régime !)
Je tente une explication :
Quand nos compétences techniques nous permettent de démarrer une entreprise, nous nous trouvons face à un problème inattendu : les gens qui y entrent demandent plus qu’un emploi. Nous avons besoin d’autres compétences que celles enseignées par l’Education nationale. Des compétences qui sont aux antipodes de ce dont on nous a farci la tête. Nous devons apprendre à bâtir des communautés. Tous nos réflexes sont faux. Sans aide, réussir est très compliqué. Dans tous les cas, les débuts sont difficiles.