dimanche 31 janvier 2016

Guillaume le conquérant, père du monde moderne ?

En lisant l'histoire de Guillaume le conquérant, je me suis dit qu'il était la cause de la guerre millénaire de la France avec la perfide Albion. S'il n'était pas parvenu à mettre le pied en Angleterre, ses descendants n'auraient pas revendiqué le trône de France. Il n'y aurait pas eu de guerre de cent ans. Ensuite, le Royaume uni n'aurait pas cherché, et ne chercherait pas, à diviser le continent pour se garantir d'une invasion. 

Ce qui m'a fait trouver une explication possible à la place étonnante que joue la France dans la culture anglaise. L'identité de l'Angleterre est construite contre la France. C'est peut-être même ce combat qui a uni précocement les classes supérieures du pays, au contraire de ce qui est arrivé chez nous. Si la France n'existait pas, l'Angleterre serait contrainte de l'inventer. C'est pourquoi l'Anglais est obligé de revendiquer l'unique héritage des obscurs Anglo-saxons.  (Voir aussi L'histoire de la Grande Bretagne par Roland Marx.)

Mais il y a peut-être encore mieux. Et si ce mélange contre nature entre l'envahisseur français et des peuplades arriérées avait créé la culture du marché qui domine actuellement le monde ? Et si Guillaume le conquérant avait été à l'origine du monde moderne ? 

(Je me demande si les habitants des Antilles ne reconnaissent que leurs ancêtres esclaves, et pas leurs ancêtres esclavagistes, pour la même raison que les Anglais disent descendre des Anglo-saxons.)

Guillaume le conquérant

Afficher l'image d'origineOn ne connaît de Guillaume le conquérant que ses batailles. Rien de l'homme. Comme ses homologues de l'époque sa vie s'est déroulée en combats. Il n'y avait pas beaucoup de fidélité en ce temps-là, les alliances se retournaient souvent. D'ailleurs ses pires ennemis se recrutaient généralement dans sa famille, frères, beaux-frères, ou, plus souvent encore, enfants.

Guillaume est un descendant de Vikings installés en Normandie. Le père de Guillaume est mort prématurément. Il est possible que ce soit cette mort prématurée qui ait fait de Guillaume un duc. En effet, c'était un bâtard. Bien que la bâtardise n'ait pas choqué les Vikings, il se peut que si son père avait eu le temps de produire un héritier légitime, ce dernier ait été duc. En tous cas, la jeunesse de Guillaume se passe sous la menace. Plusieurs de ses tuteurs se font tuer. Puis il doit conquérir son duché. Il semble avoir été un général heureux. Il avait acquis un savoir-faire militaire efficace, notamment en termes de siège. Puis il décide qu'Edouard le confesseur, roi d'Angleterre, a fait de lui son successeur. A sa mort, il envahit l'Angleterre, et liquide le successeur légitime. L'Angleterre est divisée et fragile. Aucune dynastie n'est parvenue à s'y maintenir. Lui, grâce à sa cavalerie, inconnue des indigènes, s'impose. Il est à l'origine de l'unification du pays. Cependant, jusqu'au bout, il devra faire des allers et retours avec la Normandie, l'endroit où il n'est pas étant attaqué par ceux qui veulent profiter de ses faiblesses.

Les Anglais modernes paraissent estimer que leur acte de naissance a quelque chose de honteux. La thèse du livre est que Guillaume le bâtard a effectivement produit un pays a son image. Un mélange de cultures françaises et anglo-saxonnes. Et c'est à cette bâtardise qu'elle doit son succès.
Si l'Angleterre, mère des Parlements, a contribué par son action, par sa langue, sa littérature, sa pensée politique, juridique, philosophique, religieuse, ses inventions et découvertes dans tous les domaines, et son essaimage sur tous les continents, à la civilisation générale, c'est un peu à cette fusion qu'elle le doit.
SUHAMY, Henri, Guillaume le conquérant, Ellipses, 2008

samedi 30 janvier 2016

La réalité virtuelle vaincra ?

"Apple builds secret virtual reality unit", dit le Financial Times. Be Angels publie un article et des vidéos sur le sujet de la réalité virtuelle. J'ai été été très intéressé par celle de Microsoft. 

Il se trouve que j'ai fait une thèse de MPhil sur le sujet. Un système expert en automatique. Peut-être même le premier ? Dans les années 80, l'intelligence artificielle était une énorme mode. On bavait d'admiration devant Carnegie, MIT et Stanford, comme aujourd'hui. Leurs chercheurs étaient des super stars. Étrangement, on les a oubliés. Sic transit gloria mundi.

Pour ma part, j'avais conclu que l'intelligence artificielle, remplacer l'homme par la machine, ne pouvait pas réussir. En revanche, la réalité virtuelle, permettre à l'homme de résoudre des problèmes complexes en le plaçant dans un environnement familier, c'était l'avenir. Je prenais les icônes du McIntosh en exemple.

Et si ce retour de la réalité virtuelle signifiait qu'on en revenait à l'idée de mettre le progrès au service de l'homme, et pas le contraire ?

Google ou l'entrepreneuriat comme un combat

Google m'annonce qu'il suspend la version de Chrome que j'utilise. En effet, mon système d'exploitation lui fait perdre du temps. Google n'arrête pas de suspendre ses produits et de laisser ses clients en rade. Ce n'est pas le client qui est roi, mais Google. La loi du marché est la loi du plus fort ?

Uber et Google, c'est l'esprit de la Silicon Valley, un esprit viril, à la Poutine, qui veut que l'on "casse du client" ?

(Pas étonnant que les dirigeants de Google aient trouvé bon de se rappeler, de temps à autre, de "ne pas faire le mal" ?)

Le mystère est toujours ailleurs

"Le mystère est toujours autre chose et toujours ailleurs" "Le charme n'est-il pas tout autre chose que la phrase grammaticale, autre chose que les sons, et le visage où il faut bien pourtant qu'il s'incarne ?" (V.Jankélévitch sur Bergson.)

Et si l'on cherchait un emplacement pour tout ce qui nous semble exister, alors qu'il n'est nulle part ? Un phénomène est une manifestation locale de l'univers, manifestation qui a besoin d'un organe pour s'incarner ?

Et si le cerveau ne pensait pas, mais était simplement le lieu nécessaire à la manifestation de la pensée, phénomène global ?

Idée surprenante.

(Et montrer que le phénomène disparaît lorsque l'on élimine le site où il se manifestait ne prouve rien, puisque ce site était nécessaire, mais pas suffisant.)

vendredi 29 janvier 2016

Génération Y ou génération L ?

Cela commence avec le lettre "Y", why ?. Nous prenons les jeunes pour des décérébrés. Gentils, diplômés, mais pas malins. Leur attention est volatile, ils papillonnent. Leur caractéristique ? "digital natives". Zéro d'intellect, ils sont définis par un outil, une chose, pas par un projet, leur projet de société. Génération aliénée. Au service des intérêts installés. On est loin des romantiques. Ou des générations qui ont voulu une révolution. 

Mais cette génération, c'est elle qui va avoir le pouvoir. C'est elle qui va renouveler l'establishment. Or, elle est porteuse d'un modèle. Et ce modèle, c'est probablement le libéralisme. Liberté, enrichissement personnel (apprentissage permanent), exigence de qualité, relationnel en écosystème... Ce sont les idéaux de la génération 68 qui l'ont faite. Mais ce n'était que des paroles. La génération 68 n'a pas fait changer la France, elle en occupe les meilleures places. C'est une génération d'oligarques. Génération O.

Alors, notre modèle technocratique (soviétique), entreprise bureaucratique, métro-boulot-dodo et oligarques, la génération Y va-t-elle parvenir à le renouveler ?

Que lui faut-il pour cela ? Qu'elle se sorte du lavage de cerveau qui a été la marque de fabrique de la génération 68. La nouvelle génération doit faire sa révolution. Elle doit se libérer des idées reçues. Lumières.

Les causes de la peur du changement

Des raisons humaines, trop humaines, ont donné naissance à l’idée qu’au-delà du règne inférieur des choses, mouvant comme le sable sur les bords de mer, nous avons le règne de ce qui ne change pas, de ce qui est complet et parfait. Les raisons justifiant cette croyance sont couchées dans le langage technique de la philosophie, mais la cause qui préside à ces raisons est le désir profond de surmonter le changement, la lutte et l’incertitude. L’éternel et l’immuable sont l’objet de la quête de certitude de l’homme mortel. Dewey, LW14, 14, 98-99 (Time and individuality, 1940).
La vie serait changement et action, et cela nous ferait peur ? Ce qui nous aurait amené à chercher le secours de certitudes, l'espoir de choses qui ne changent pas ? 

Mais, me demandé-je, et si ce besoin, vain, de certitude, avait été productif ? Ne serait-ce pas lui qui nous a amenés à chercher les règles du monde ? Nous ne les avons pas trouvées, mais nous avons pris beaucoup de risques, et fait d'intéressantes découvertes ? 

(Mathias Girel, « Le spectre de la certitude », La Vie des idées , 20 janvier 2016. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Le-spectre-de-la-certitude.html)

jeudi 28 janvier 2016

Le droit du travail est-il un handicap ?

L’erreur est de ne pas avoir réalisé qu’un représentant du personnel est aussi un salarié. Il est censé être l’égal de l’employeur dans la négociation, mais il reste sous son autorité en tant que salarié. Multiplier les instances et faciliter leur mise en place a eu l’effet paradoxal d’émietter peu à peu la représentativité des représentants, et leur légitimité aux yeux des employeurs. Cela suffit largement à expliquer que des relations professionnelles hostiles se nouent dans de nombreuses entreprises.
Si les relations de travail sont mauvaises en France, ce n'est pas dû au code du travail, mais à la difficulté de négocier liée à l'erreur sus-nommée. L'argumentation actuelle concernant le droit du travail est fallacieuse : non le code du travail n'a pas triplé de taille. S'il a grossi, c'est d'ailleurs en grande partie du fait de demandes patronales. Et, paradoxalement, la réforme que l'on nous annonce va créer deux droits, donc l'augmenter. Surtout, elle repose essentiellement sur la négociation !

La suite est ici : Thomas Breda, « La réforme du code du travail », La Vie des idées , 26 janvier 2016. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/La-reforme-du-code-du-travail.html

Pôle emploi sauvé par l'algorithme ?

"Eh oui, les algorithmes, c'est le futur n'est-ce pas ? C'est intéressant de voir ce que ça va donner. En lisant l'article, j'ai l'impression que ce jeune a bien identifié le problème de ce mastodonte inefficace et sclérosé qu'est Pôle Emploi."
"...le jeune entrepreneur va créer une application qui permettra de guider le demandeur d'emploi de manière plus personnalisée dans ses démarches. L'application devrait ainsi proposer à chaque chômeur des offres d'emplois et des formations plus adaptées à son profil. Une manière de simplifier le parcours des chômeurs dans les méandres de Pôle Emploi et les multiples structures d'accompagnements..." (Article.)
Voilà ce que m'écrit une amie. Je luis réponds :

Peut-être. Mais mon expérience me montre que trouver un emploi est une question d'hommes, pas de données. Le potentiel d'une entreprise ou d'un homme ne se lisent pas sur leur visage. C'est ainsi que j'ai aidé pas mal de gens à chercher un emploi. Presque systématiquement, le travail qu'ils ont trouvé n'existait pas, et ils n'auraient pas pensé qu'ils pourraient un jour avoir cette fonction.

Il y a une explication très simple, qui vient de la psychologie. On ne peut envisager un problème que si l'on a sa solution ! Comment se tire-t-on de ce paradoxe ? Par le biais d'un intermédiaire.

Prenons ton cas : je suis sûr que tu as les compétences pour répondre à des besoins que beaucoup de dirigeants ont, mais qu'ils sont incapables de formuler faute d'avoir rencontré quelqu'un comme toi. Idem pour toi : faute de connaître l'entreprise en question tu ne peux pas savoir que tu as une compétence qui lui serait utile...

mercredi 27 janvier 2016

Génération Y : retrouver un cerveau

Il n'y a pas que la génération Y qui n'ait plus de cerveau. Le mal est général. Cela résulte de la façon dont on nous a traités. On nous a dit ce qui était bien et mal, sans nous dire pourquoi. Du coup nous portons un projet que nous ne comprenons pas, et qui ne nous va pas. Surtout, son dieu est mort. Qu'il soit culture ou marché, la réalité lui a été fatale. Cela me rappelle l'histoire d'un ami qui est resté un moment au trapèze sans se rendre compte que le barreur de son 420 était tombé à l'eau. 

Comment retrouver un cerveau ? En se demandant si nous sommes d'accord avec ce que nous pensons. Par exemple, que veut dire libéralisme ? Entrepreneur ? Changement ? Avenir ? Homme ?... Que sous-entendent ces mots, quels en sont les conséquences ? N'y aurait-il pas une autre façon d'envisager la question ? Qu'en résulterait-il ? 

Uber ou l'art de la rhétorique

Kalanick (Uber) à Macron : "Les fabricants de voitures ont-ils payé pour la disparition des chevaux ? " Lis-je dans la Tribune.  

Il n'y a pas longtemps il allait de soi d'avoir des esclaves ou de tuer des Indiens, par ce qu'ils occupaient des terres que l'on convoitait. C'était aussi un temps ou les "innovateurs" étaient prêts à payer de leur vie. Et si l'on revenait en ce temps là M.Kalanick ? 

mardi 26 janvier 2016

Génération Y : révolutionnaire sans cause ?

On me parle génération Y ces derniers temps. Elle se dirait ambitieuse, intéressée par l'argent, elle revendiquerait des droits, des idées, une morale généreuse... mais lorsque l'on creuse, qu'on lui demande de passer à l'action, c'est le vide. Apparence d'énergie créatrice, sans énergie. Panne d'aspirations ?

Conséquence du "libéralisme" ? Il nous a donné un certain vocabulaire. Il a fait de nous des individualistes. Mais l'idéal qui le portait, aussi bien à gauche (la culture) qu'à droite (l'économie), a capoté. Génération Y, révolutionnaires sans cause ?

Valeur : déterminée par marché ou société ?

L’abbé est un acteur économique particulier : il est, par position, doté au plus haut point de la capacité de discretio qui lui permet de juger sainement des valeurs. Il est normal qu’il corrige les données du marché qui, fondées sur la cupidité, s’éloignent de la justice. C’est le rôle des moines de réintroduire la justice dans l’échange. Cette capacité et le droit qui en découle d’intervenir sur les prix sont naturellement liés à leur position d’experts dans la conversion des choses en salut, c’est-à-dire d’experts dans le passage d’un système de valeurs à un autre.
La suite est ici : Laurent Feller, « Les choses ont-elles une valeur au Moyen Âge ? », La Vie des idées , 25 janvier 2016. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Les-choses-ont-elles-une-valeur-au-Moyen-Age.html

Aujourd'hui, on dit que le marché est le seul à même de donner une valeur à une chose ou à un homme. Cela n'a pas toujours été le cas. Y compris dans le domaine économique. Au Moyen-âge, "La valeur apparaît comme indissociable de l’ordre social".

lundi 25 janvier 2016

Bullshit marketing

Dans un tableau de Jeanne Bordeau, on voit le mot "bullshit marketing". Cela m'a frappé parce que j'avais entendu ce même mot le matin. Si je comprends bien, ce serait le pendant rustique de "l'ubérisation" de Maurice Lévy. Bullshit marketing, c'est le "digital" comme poudre aux yeux, miroir aux alouettes pour consommateur crédule (une tautologie) ; une mode inventée par des hommes de marketing sans scrupules (une tautologie) ; une bulle spéculative, comme les précédentes. 

Pas d'accord. Le numérique est le média des jeunes générations, et celles-ci sont le monde de demain. Quel que soit l'angle que l'on prend, on ne peut pas ignorer cette réalité. Si le numérique est "bullshit", c'est parce que l'on n'a pas trouvé le moyen d'en faire un usage intelligent, ne serait-ce que pour comprendre les aspirations de ces nouvelles générations. C'est toujours ce qui arrive lorsque des charlatans s'emparent d'une innovation. 

Les maladies se répandent par les réseaux sociaux

La santé de mon ami est ma santé ? Il semblerait surtout que l'on soit plus influencé par la mauvaise santé que par la bonne, si j'en crois cet article. "Les maladies se répandent par les réseaux sociaux."

Faut-il s'éloigner des pestiférés ? Mais qui voudra d'un ami que vent emporte ? Alors, si l'on veut être en bonne santé, il faut tout faire pour que ses amis le demeurent ou le deviennent ? 

(Ou qui se ressemble s'assemble ?) 

dimanche 24 janvier 2016

Travail le dimanche : combat idéologique ?

On dit qu'un combat se livre pour l'ouverture des magasins le dimanche. S'explique-t-il par une raison économique ? 

Ce que j'entends ne m'en convainc pas. Le classique est : une fois, j'avais besoin d'un outil pour bricoler, et c'était dimanche, et le magasin était fermé... Ce n'est pas avec de telles anecdotes que vous allez faire fonctionner le commerce. En outre, qui considère le shopping comme une distraction du dimanche ? Pas moi. Pourtant mon travail m'empêche souvent de faire mes courses à temps. Mais, lorsque j'arrive à trouver le temps de souffler, ce n'est pas pour aller dans un magasin. 

D'ailleurs, il y a des magasins ouverts le dimanche. Comme ce n'est pas le cas de tous, ils ont un avantage déloyal sur leurs concurrents. Cela a-t-il notablement amélioré leurs affaires ? Il faudrait se pencher sur la question. 

(Une étude rapide, biaisée par Google ?, semble dire que le travail le dimanche provoquerait un déplacement de consommation, donc pas de gain économique, et, surtout, les huit millions de personnes qui travaillent déjà le dimanche connaîtraient une forme de précarisation.)

SOS Médecin 95

Samedi 14h, appel SOS médecin du 95 (les médecins habituels ont pris leur week-end). Trente minutes d'attente, ça coupe. Nouvel essai. Toujours rien. Heureusement que j'ai un cousin médecin... 

J'ai consulté le site de la société. Elle explique qu'elle ne reçoit pas de subventions. Ce n'est donc pas un service public. Mais, pour autant, j'ai du mal à comprendre comment elle peut se préoccuper si peu de la détresse des gens. (Je m'occupais de quelqu'un d'autre, dans ce cas.)

samedi 23 janvier 2016

Y aura-t-il de la neige ?

Le week-end dernier, je me demandais s'il allait neiger. La météo de mon téléphone me disait oui. Mais, à chaque fois que je la regardais, je voyais le début des chutes de neige s'éloigner. Il n'a pas neigé sur Paris.

Mystère de la prévision. C'est curieux à quel point elle change rapidement. Je l'ai remarqué lorsque je cherchais à savoir si un épisode doux aller s'achever. Je voyais chaque jour les prévisions à quinze jours changer. Peut-on encore parler de prévisions ? A moins que ce ne soit une indication : si les prévisions ne changent pas, elles sont sûres, sinon, rien ne va plus, tout est possible, comme au casino ? 

La météo pose la question du déterminisme. Si Bergson a raison et que le monde est Création permanente, alors la prévision parfaite est impossible. Le fait que l'on puisse un peu prévoir semble dire qu'il y a assez d'indéterminisme pour assurer notre liberté, mais pas suffisamment pour que le monde soit totalement incompréhensible... Espérons que ça ne va pas changer ? 

Notre culture serait-elle vide de sens ?

Jeanne Bordeau étudie notre langage. Chaque année elle en fait des tableaux. Le 21 janvier dernier, j'étais invité au vernissage de son exposition 2016 (les mots de 2015). 

Un tableau m'a frappé, il est en devanture. Il traite du thème de la culture. Et il ne dit quasiment rien. Il n'y a plus rien à dire sur la culture ! Ce qui est frappant, parce que, comme l'observe un livre de Jean-Pierre Le Goff, la culture a été un projet politique. C'est l'âme des transformations que la France a subies depuis un demi-siècle. Programme de gauche, même s'il a peut-être des origines de droite. Ce tableau me paraît dire, comme le livre, que l'utopie a sombré. Elle a laissé un vide béant. Celui du sens. Nous sommes orphelins d'une vision partagée. 

(Les tableaux peuvent être vus au Médicis, 5 rue Médicis, Paris. (A côté du Jardin du Luxembourg.)

vendredi 22 janvier 2016

La lecture comme enquête

Hervé Kabla, il y a quelques temps, était surpris de l'aspect éclectique de mes lectures. C'est d'ailleurs ce qui frappe les lecteurs de mon dernier livre. 

Ces lectures correspondent à une enquête. Je vais de question en question. Et j'interroge les livres. Ce sont des concentrés de savoir. Je comprends maintenant que j'ai toujours fait ainsi. Et que c'est peut-être un atavisme : mon père procédait de cette façon, sans que personne ne s'en soit rendu compte.

Initialement, il s'agissait de sujets techniques, par exemple quel algorithme pour régler tel problème. Y a-t-il un marché pour tel produit ? Depuis que j'écris sur le changement, je me suis mis à enquêter sur les transformations du monde. Curieusement, je justifie a posteriori, mes constatations. "Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais pas déjà trouvé ?" (Phrase attribuée à beaucoup de monde.)

Le pauvre et la société occidentale

Dans la société romaine, le riche affranchissait souvent ses esclaves à sa mort, et ceux-ci entraient alors dans la société sur un meilleur pied que le citoyen ordinaire. Il leur en voulait. Le riche et le pauvre citoyens avaient un rapport curieux. Le fort rançonnait le faible. Mais le riche achetait la paix sociale par du pain et des jeux. Il dépensait d'une main, ce qu'il gagnait de l'autre. (Comme s'il fallait amadouer le peuple, fort, pour pouvoir exploiter l'individu, faible.) Voilà ce que dit Paul Veyne, si je l'ai bien compris. 

Le monde grec devait aussi ressembler à cela. La société occidentale ne tend-elle pas à revenir à ce modèle ? Les oligarques en lutte avec le peuple ? Et une forme d'esclavage, qui consiste à troquer sa liberté contre un espoir de confort matériel ?

jeudi 21 janvier 2016

L'Austronésien conquiert le Pacifique

Il y a 3000 ans, l'Austronésien colonisait le Pacifique, disait le Salon noir de France Culture. Le plus surprenant n'est peut-être pas que ces peuples pouvaient faire une centaine de km en pleine mer, mais que leur besoin de voyager était probablement plus culturel que matériel. 

Lorsqu'ils arrivaient sur une île nouvelle, ils commençaient à consommer la faune. Puis, lorsqu'il n'y avait plus rien à tuer, et à manger, ils devenaient agriculteurs. L'Occident n'est donc par le seul fléau de la nature. Mais c'est peut-être le seul fléau doué d'une mauvaise conscience. 

Le blog a-t-il un avenir ?

Le blog d'Hervé Kabla a dix ans. Étrangement, j'aurais pu commencer le mien avant le sien. En 2004, mes souvenirs sont-ils bons ?, j'ai rencontré Loïc Le Meur, pionnier du blog. J'ai pensé, ayant publié un livre, et connaissant ma facilité d'écriture, que j'avais de quoi raconter. Je ne suis pas passé à l'action. Pourquoi ? Je l'avais vu alors comme un outil publicitaire, et je ne sais pas me faire de publicité.

On parle aujourd'hui moins du blog. Pour autant un blog a une utilité. En ce qui me concerne, il me permet de réfléchir. Commercialement, ce n'est pas habile. Il me permet aussi de stocker du contenu que je réutilise dans mes livres et dans mes articles. Mon blog est égoïste. Un blog qui ne l'est pas est celui d'Hervé. Il fait réfléchir, mais il n'est pas agressif. Idéal pour moi. Cependant ce n'est pas le bon moyen d'avoir du trafic : pour cela, il faut commenter l'actualité. 

En fait, le trafic n'a pas grand sens pour un blog d'entreprise. Ce qui compte, me semble-t-il, c'est d'attirer des prospects. Et le blog a alors un atout : il propose un contenu qui va être repéré par celui qui cherche, à l'aide d'un moteur de recherche, une solution à un besoin spécifique. Comme je l'explique dans mes cours, depuis au moins vingt ans, ce mode de recherche est extrêmement fréquent en BtoB. 

Le blog est, finalement, un symptôme de la désorganisation actuelle de la société. En effet, pour qu'il soit utile, il faut du contenu et du talent. Malheureusement, ceux qui ont des choses à vendre n'ont pas le talent de blogger, et inversement. Qu'on aime ou que l'on n'aime pas l'économie de marché, on peut se dire que si l'on arrivait à mettre chacun à sa place, elle fonctionnerait certainement beaucoup mieux. 

mercredi 20 janvier 2016

Réservé aux esprits ouverts

Connaissez-vous les Cinq à Sept de Jean-Philippe Déranlot ? Réservés aux esprits ouverts ? J’étais leur invité jeudi dernier. J’y ai présenté mon livre. Il y avait beaucoup de monde. J’aurais été curieux de savoir ce qui avait suscité l’intérêt des participants. Mais je n’ai pas eu le temps de leur poser la question. Voici, pour autant que je m’en souvienne, les grandes lignes de ma présentation.

Paradoxe du changement
Si ça ne marche pas...« Ça ne marche pas », comment cela se manifeste-t-il ? C’est l’énantiodromie. On obtient le contraire de ce que l’on veut. L’amour conduit au divorce. Les 35h ne réduisent pas le chômage mais produisent un gain de productivité. M.Sarkozy fait l’envers des 35h : il ne réduit pas le chômage, mais la productivité. La médecine moderne tue… C’est le paradoxe du changement.

L’acteur et le système
Et tout cela a une raison. Notre pensée est linéaire : travailler plus, cela fait gagner plus. Or, Bill Gates me vaut un million de fois. A-t-il travaillé un million de fois plus que moi ? Non. La vie, c’est l’ordre. Qui dit ordre, dit maintien de l’ordre. Le monde ne fait pas n’importe quoi. Il est « un système ». Et le système trompe la logique de l’Education nationale.

La vie, c’est le Far West
Attention. Constatation fondamentale. Les mots que nous employons sous-entendent leur mise en œuvre. Et cette mise en œuvre nous fait rater. Comment se dépatouiller de ces mots faux ? C’est une bataille au corps à corps, qui fonctionne par paradoxe. Le livre s’intéresse à la question du changement. Il regarde dix causes d’échec du changement. A l’origine, il y a dix concepts dont l’interprétation nous fait un croche-pied. Voici deux exemples.
  • Changement. Implicitement, nous pensons que changer c’est construire un monde nouveau. Et si l'existant avait la possibilité de se transformer de manière inconcevable ? C’est le changement d’ordre deux. Nous avons en nous des potentialités inconnues. Un dinosaure peut devenir un oiseau. Un bourgeois, Proust. Une PME, ou nous, irremplaçables.
  • Avenir. « No future » me dit-on. Déprime. Mais il n’y a pas de futur ! Après la guerre, on nous a fait croire à la fin du risque, défait par la technocratie. Or, l’avenir est imprévisible. Il est fait de crises. Mais c’est cela qui donne son sens à la vie ! Regardez le navigateur, il vit de tempêtes. Le monde c’est le Far West, dangereux mais plein de potentiel, pour celui qui a un désir, une envie, et qui est bien armé. Etre armé, c’est être libre, et pouvoir compter sur un réseau de confiance.
Que trouverez-vous dans mon livre ?
On construit, à coup de petits trucs, une méthode de conduite du changement. Redécouverte de Kurt Lewin et surtout du pragmatisme. Il n’y a pas d’absolu, de grand soir. Le monde peut être amélioré. Batailler avec la réalité permet de faire des hypothèses sur son fonctionnement. Si l’expérience montre qu’elles conduisent à un comportement « qui marche » elles sont emmagasinées dans notre boîte à outils. Rien de neuf ? Mais si on l’avait oublié, cela ne valait-il pas la peine d’y revenir ? Eh puis, comme me l’a fait remarquer un participant, une même chose signifie-t-elle la même chose dans un monde différent ?

Mes premiers lecteurs m’ont dit que mon livre était ce qu’on appelle en anglais « a page turner ». Ce n’était pas son objectif. J’aurais aimé qu’il les incite à faire leur propre enquête. Cette enquête c’est le plus long chemin de soi à soi. C’est l’enquête de Socrate, ou la recherche de la voie par les Chinois anciens : c’est la quête de la liberté. 

Classe moyenne et corruption

Crise au Brésil. Raison : corruption. Elle est endémique, mais elle ne serait plus acceptée aujourd'hui. Pour cause de classe moyenne. Car la classe moyenne n'accepte pas la corruption et que, désormais, elle est puissante au Brésil. Voilà ce que disait hier matin France Culture. 

Cette histoire m'a rappelé les oraisons funèbres de Bossuet. Il décrit une noblesse qui se joue des règles sociales, en particulier de la religion, jusqu'à ce qu'elle se trouve sur son lit de mort. Alors, elle devient exemplaire. Le seul qui se tire bien de ces sermons, c'est Le Tellier, le bourgeois. Le noble a aussi un effet corrupteur. Il est clientéliste par nature. Comme à l'époque romaine, il a une clientèle de parasites qui vit à ses crochets, mais qui lui sert d'hommes de main, le cas échéant. 

Et si la disparition de la classe moyenne produisait systématiquement ce phénomène ? 

mardi 19 janvier 2016

Les deux visages d'Hannah Arendt

Le hasard m'a fait découvrir Hannah Arendt. Sans trop le vouloir, je me suis mis à lire ses livres les uns après les autres. Ce qui me frappe est une impression. Il existe deux Hannah Arendt. 

Il y a Hannah Arendt polémiste, qui réagit à l'actualité et la décode. Il y a Hannah Arendt théoricienne, qui me semble marcher dans les pas d'Heidegger. Ces deux pensées me frappent comme étant contradictoires. La première est pragmatique, ancrée dans son temps, la seconde est utopique, "nihiliste" (un terme qui l'aurait surprise, car elle le combattait). 

J'ai eu la même impression lorque Michel Onfray parlait de Jankélévitch. Son travail philosophique est humaniste, mais, lorsqu'il s'agit de l'Allemagne, il lui refuse une place parmi les hommes. 

Et si tout ceci avait une cohérence ? Tous les deux suivent leur instinct ? L'oeuvre d'Hannah Arendt est orientée par la question du jugement. Et si son comportement montrait que, chez le philosophe, l'inconscient décide ? Heidegger a été l'amour de sa vie, et elle l'a défendu toute sa vie. Pour le reste, c'est sa culture, son expérience, qui parlaient. Il en est de même de V. Jankélévitch ?

La philosophie "amour de la raison", serait-elle devenue "amour de la déraison", ou "justification de la déraison" ? De la difficulté de faire de la philosophie autre chose qu'un sophisme ? 

The reckless mind, intellectuals in politics

Afficher l'image d'origineEnfin ! Un livre qui explique en quelques lignes les philosophies les plus abstraites du siècle précédent. Heidegger, Carl Schmitt, Walter Benjamin, Kojève, Foucault, Derrida. Avec, en passant, les travaux de Sartre ou de Lévi-Strauss, et de quelques autres. Cela se lit comme un roman, ou presque.

Le philosophe-roi est nu
Ramenés à leurs principes, ces travaux perdent toute la séduction de leur complexité, de parole révélée. Ce qu'il reste, c'est quelque chose d'abject. C'est d'ailleurs, selon l'auteur, ce qui caractérise la philosophie. Elle n'est plus "amour de la sagesse", mais "amour du tyran". 

De Heidegger à Derrida, la pensée moderne est destruction: l'Occident c'est le mal ; il faut le détruire. Chaque génération de philosophes reprend le travail de la précédente en la dépassant et en la maudissant. Si bien qu'on en arrive au paradoxe d'une pensée qui nie la pensée, à tel point qu'elle en appelle à un Messie ! Puisqu'on ne peut plus penser, la vérité doit venir d'en haut. 

Affreux, sales et méchants
Dans cette galerie de portraits, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. Il y a les faibles, Heidegger, Benjamin et Foucault. Ils sont à la remorque d'événements qu'ils ne comprennent pas. Il y a aussi les amoureux de l'absolu. Kojève, conseiller de nos hauts fonctionnaires français (dont V.Giscard d'Estaing), pense avoir vu dans les écrits d'Hegel le sens de l'histoire : la massification de l'individu. Ou Carl Schmitt. Pour lui, "j'ai des ennemis donc je suis". Le propre de l'homme est d'être un loup pour l'homme. Comme Heidegger, mais avec vigueur, il a collaboré au nazisme. Finalement, il l'a méprisé pour avoir été un travail d'amateur. Et voilà qu'arrive le plus étonnant. Cet über nazi et anti sémite impénitent est maintenant loué aussi bien à droite qu'à gauche ! Et Raymond Aron, que le livre présente comme notre seul philosophe politique, est le premier de ses admirateurs ! Et Derrida ? Le logos grec c'est le langage et la raison. Heidegger s'en est pris à la raison. Derrida règle son compte au langage. Désormais on ne peut plus parler. Car la parole, comme la raison, ne sont que manipulation occidentale. Nouvelle surprise : avec un tel discours, on s'attendrait à un Raskolnikov. Pas du tout, ce que révèle le livre, c'est que Derrida a des idées de gauche bobo ! Aurait-il monté tout cet édifice de destruction massive simplement pour exprimer sa détestation de certaines personnes ?

Ils sont tous comme cela. Ce sont des médiocres, des impuissants, ils ont voulu se venger de la société, la transformer à leur image. Ils ont mis la subtilité de leur éducation et de leur talent au service de désirs minables. A la fois haine de leur environnement social, dont ils ont fait une doctrine universelle, et soif, servile !, de s'associer à la force. Et cette force, qu'elle soit nazisme ou communisme, c'est le totalitarisme. 

Cela ferait rire, si ces gens n'avaient été utilisés comme opium des masses, et si les puissants n'avaient trouvé chez eux l'encouragement de la science. Dans cette affaire, même Hannah Arendt s'en tire mal. Son amour d'Heidegger (de même que son amitié pour Walter Benjamin ?) a brouillé le sens du jugement dont elle était si fière. En tout cas, cela pose la question de la sélection de notre élite. L'intellect n'est pas tout, il faudrait aussi qu'elle tienne un peu sur ses jambes ? Qu'elle ait un rien de capacité de jugement ?...

(LILLA, Mark, The reckless mind, intellectuals in politics, New York Review Books, 2014.)

lundi 18 janvier 2016

Qui décide : l'esprit ou le coeur ?

"L'esprit est toujours la dupe du cœur." (La Rochefoucauld.) Autrement dit, nous n'agissons pas après délibération, mais nous inventons des raisons à nos décisions, fruits de l'impulsion. 

Pour autant, nous ne sommes pas totalement imprévisibles. Si c'était le cas, la vie en société serait impossible. Les raisons que nous inventons respectent certaines règles sociales, et nos actions en suivent d'autres, différentes. Cependant, comme la bécasse de Christian Kozar : un homme prévisible est un homme mort, ou un esclave. D'où il découle que nous devons être globalement imprévisibles.

Comme le dit la théorie de la complexité, la vie est ce qui est à la fois chaos et ordre...  

Paris, capitale du XIXème siècle

Afficher l'image d'origineQu'il est désagréable d'avouer que l'on n'a pas compris ! Eh bien, c'est mon cas avec ce livre. 

Ce qui n'arrange rien est que Walter Benjamin a insisté pour l'écrire en français, or notre langue n'accepte pas l'approximation. Cela donne ceci : "L'objet de ce livre est une illusion exprimée par Schopenhauer, dans cette formule que pour saisir l'essence de l'histoire il suffit de comparer Hérodote et la presse du matin."

Ce qu'il semble dire est que le 19ème siècle a bâti "une représentation chosiste" du monde, ce qui conduit à la "fantasmagorie", c'est-à-dire à un monde irréel. C'est ce que le "flanneur" (Walter Benjamin) constate lorsqu'il observe les passages de Paris, l'exposition universelle, les bureaux ou l'habitat parisien. Cette illusion ne peut déboucher que sur l'absurde, comme le montre un curieux texte de Blanqui. Ce dernier part d'une hypothèse fantaisiste - le monde est infini mais fait d'un nombre fini d'éléments - pour "démontrer" qu'il n'y a pas de progrès, l'histoire se répète à l'infini. 

(BENJAMIN, Walter, Paris, capitale du XIXème siècle, Allia, 2015.)

dimanche 17 janvier 2016

France : la politique renaît ?

Primaires de gauche ? Rébellion contre la déchéance de nationalité ?... De Gaulle que l'on assassine ? 

De Gaulle avait constaté le chaos qu'avait été la troisième République. A-t-il pensé qu'une nation d'irresponsables avait besoin de la sagesse d'un père pour la guider ? Progressivement, on en est arrivé à la situation actuelle. Il ne reste plus, comme choix, que deux leaders exécrés par une majorité. Et qui, encore, tendent à s'allier quand cela sert leurs intérêts. L'offre qu'ils nous font : si ce n'est pas nous, c'est le chaos FN. Une offre que l'on ne peut pas refuser, comme il est dit dans Le parrain.

Or, la politique, au sens initial du terme, c'est le débat. Et si, spontanément, il renaissait ? Et si, contrairement à ce qu'a cru de Gaulle, la France avait la capacité d'acquérir la vertu d'être une démocratie ? 

(Et si, de plus, notre intelligence collective était supérieure à celle, certainement remarquable, du général, ou de ses successeurs ?)

Les dérives de la philosophie ?

En Grec, logos semble signifier à la fois langage et raison (science). Les philosophes des Lumières étaient langage et raison. Mais, de plus en plus il y a dissociation. Le philosophe moderne cause sans vérifier ce qu'il dit. Il est devenu sophiste. L'homme de raison, scientifique ou ingénieur, ne sait plus parler, ou peut-être même penser. Il a réduit son activité au matériel et à la fabrication. 

Cause ? Peut-être une forme de spécialisation de l'enseignement. Peut-être une sorte de perversion de la vision qu'avait Platon du philosophe, comme celui qui voyait l'idée juste. Or, la science a prétendu connaître la vérité. La formation d'élite est devenue scientifique, et le philosophe a été laissé dans le froid, sans, pour autant, perdre son pouvoir d'influence.

samedi 16 janvier 2016

Des CDD, plus de CDI ?

J'ai l'impression que l'armée fonctionne sur le mode du CDD long. Et cela me semble une formule intéressante. 

Aujourd'hui, nous avons des CDI que l'on accuse de rigidité et de favoriser des comportements de rentiers, et des CDD courts, dont on dit qu'ils maintiennent l'individu dans la précarité et ne lui fournissent pas le temps long nécessaire au développement de qualifications qui assurent son employabilité, et qui profitent à la société. 

Le CDD long permet de construire une carrière par étapes. Chaque changement est une nouvelle aventure professionnelle. Surtout, le CDD est assorti, en fin, d'une période de recherche et de formation, aidé par des services spécialisés. Ce serait un moyen de réaliser la fameuse flexisécurité qui nous résiste depuis des années. 

(Cela pourrait se combiner à une plus grande utilisation de formules d'emploi non salarial.)

Et si l'on supprimait le salariat ?

Si l'on ne risquait pas de se faire taxer de fasciste, ne s'étonnerait-on pas qu'il y ait autant de maçons et de cuisiniers immigrés, à une époque de grand chômage ? Et si cela venait de la massification de l'enseignement supérieur ? Il est indigne pour le Français de travailler de ses mains ? (Voir : Le creuset français.)

Il y a pourtant en France une tradition d'intellos d'en bas. Proudhon, Vallès, Camus ont été de ce type. Ils ont remporté tous les prix d'excellence durant leur scolarité sans pour autant avoir prétendu à vivre dans un palais. 

Quand cette tradition s'est penchée sur l'entreprise, elle a fait du travailleur un entrepreneur. (Voir Hyacinthe Dubreuil.) Mais un entrepreneur d'équipe, peut-être en s'inscrivant à la suite de l'artisanat français, pour lequel le patron est un maître. Par ailleurs, le radicalisme, longtemps dominant, voit le salariat comme un asservissement contraire à l'esprit de la Révolution.

Alors, et si des diplômés doués devenaient, en équipe, artisans ? A partir du moment où il n'y a plus de patron et d'employé, il n'y a plus de bas salaire : on se répartit ce que gagne l'entreprise. Et on est entrepreneur, pas exécutant. Et on a un métier qui a du sens. 

vendredi 15 janvier 2016

Le capitalisme est-il une question de culture ?

La Chine patine, cela ferait du mal à l'Afrique. Même situation qu'en l'Amérique latine ? Ce sont des contrées qui n'ont pas réussi à créer leur propre industrie et qui vivent de leurs matières premières. Et la Chine ne semble pas très glorieuse, non plus. J'entendais dire qu'elle avait voulu stimuler sa croissance en construisant des aéroports dans les champs et des capitoles en guise de mairies de village, avec en prime une pollution à couper au couteau. 

On nous avait dit, vous êtes des nases, vous allez voir ce que les BRICS vont vous mettre. Raté. Comme avec le Japon, et les dragons. Il a fallu à l'Occident des siècles pour en arriver où il en est. Faire la même chose en quelques années n'est peut-être pas si simple qu'on le pensait. Et si, en outre, l'innovation, le marché... ce qui fait le modèle dominant actuel avait quelque-chose de culturel ? (Voir ce que pense Max Weber de cette question.) 

Ce qui signifie probablement que l'on a enterré un peu vite l'Occident. Pour autant, ce que la Chine a peut-être démontré, c'est que son modèle de développement n'est franchement pas durable. L'Occident serait-il le pire ennemi de l'Occident ?

Méfiez-vous des gens qui se contredisent

"La marque la plus révélatrice de la vilenie, chez un homme, est qu'il se contredit souvent. Sache qu'un homme qui se contredit ne répugnera pas à te voler." dit Mazarin (Bréviaire des politiciens). J'espère qu'il avait tort, sinon nous devrions craindre le pire de nos politiciens. 

(Une autre phrase pour celui qui a l'esprit mal tourné : "Méfie-toi des hommes de petite taille, ils sont butés et arrogants.")

jeudi 14 janvier 2016

Digital native : fumisterie ?

Le "digital native" est notre salut. On nous le serine. Mais qu'est-ce que c'est que ce machin ? 

J'ai travaillé avec des tas d'étudiants, pardon, des "digital natives", eh bien je peux vous dire qu'ils sont loin de m'épater par leurs exploits numériques. Mon mot de passe ne marche plus ! Est-ce que vous cherchez à vous connecter avec le compte associé au dit mot de passe ? Silence gêné. Un de mes anciens collègues, qui, lui, est demeuré informaticien, me disait la même chose. Ses enfants utilisent très mal les outils informatiques quels qu'ils soient. Ils en font un usage superficiel. Les nouvelles générations n'ont aucune méthode. Cela nous promet une baisse de productivité massive. 

En revanche ma mère fait un usage épatant d'Internet. Elle y a trouvé son intérêt. 

Et si on nous parlait de "digital native" parce que ces mots sonnent bien, et qu'ils nous donnent envie de croire ce que l'on nous dit et qui est dans l'intérêt de celui qui les emploie ? Et si l'on arrêtait de nous prendre pour des imbéciles ? 

(Là où le digital native est sans égal, c'est dans la pratique du jeu vidéo. Et si c'était pour cela qu'on l'appelle "digital native" : né avec des doigts mais pas de cerveau ?)

Illusoire liberté de la presse

La presse française est sous la botte du capitalisme dit, en substance, Minter Dial. Comment, dans ces conditions, une société peut-elle être libre, se demandera-t-on ?

Il me semble que la liberté de l'information n'est pas une question de presse, mais d'état d'esprit. S'informer, c'est mener une enquête. S'il y a suffisamment de gens qui mènent cette enquête, non seulement ils seront bien informés, mais la presse libre aura un marché. Et si l'état pitoyable de nos médias résultait de notre paresse intellectuelle ?

mercredi 13 janvier 2016

Qu'est-ce qu'une société juste ?

L'économie a réussi un tour de force. Elle nous a convaincu qu'une partie de l'humanité était inutile. Puisqu'elle ne sert pas à l'économie, elle ne sert à rien. 

Et si une société juste était une société dont on ne puisse éliminer personne sans ressentir une perte, comme dans une famille ? 

(Et si une telle société était économiquement efficace ?)

500000 formations = 500000 chômeurs en moins ?

Plan 500.000 formations. Formations de chômeurs. Et cela tombe l'année des élections. Je retire cinq cent mille personnes des statistiques ? En creusant le déficit. Mais pour une noble cause : conserver le pouvoir. Eh puis, c'est une forme de relance keynésienne. 

Effectivement, cela semble une vieille ficelle, tentée par chaque gouvernement à la veille des élections. Mais, jamais sur cette échelle. Et ça ne serait pas beaucoup plus que cela : former au besoin de l'entreprise est compliqué, et il n'y a pas tant de postes qui puissent être pourvus de cette façon qu'on le dit. Bref, il y aurait sans doute des moyens plus efficaces d'employer l'argent de l'Etat pour créer des emplois. Ce qui n'est peut-être pas ce que cherche un homme politique.

mardi 12 janvier 2016

Sinatra : le pro

J'entendais dire que le succès de Sinatra tenait à une technique. Il avait trouvé une façon de respirer, du coin de la bouche, qui ne s'entendait pas et lui permettait de faire des notes longues. Ce genre d'histoire est très américaine. Autre exemple : un petit homme (à peine plus d'un mètre soixante) réussit le "dunk" (les mains dans le panier) au basket. Toujours pareil : une idée à laquelle on croit dur comme fer, des années de travail fou pour un résultat hors du commun : un "changement d'ordre 2". C'est que j'appelle le "professionnalisme" américain. C'est penser que tout est une question de technique. Le génie, et la fortune, c'est la récompense que Dieu donne au travailleur acharné ? C'est ce que je perçois chez les grands acteurs hollywoodiens, et même chez les professeurs de management.  

Mais c'est aussi un changement qui spécialise l'homme et en fait une machine. Et une machine, ça ne change pas... 

L'Américain monodimensionnel

L'Américain voue un culte au marché. Il pense que le marché, c'est tout. De ce fait, il projette la vie multidimensionnelle, sur la droite du marché :
  • La démocratie ? C'est acheter. En effet, en achetant on détermine le prix du marché, par offre et par demande, c'est un vote. 
  • Construire sa vie ? C'est être un entrepreneur. 
  • Le marché, c'est la création. 
  • La liberté, c'est le marché. Car il guide l'action de l'homme sans que l'homme ait à obéir à l'homme.
  • Dans certaines théories, le marché, c'est la sélection naturelle. Le riche a les meilleurs gènes. Le pauvre est un être humain au rabais.
  • Dieu sur terre ? Fin des crises et croissance infinie. (Cf. la "Nouvelle économie" d'il y a deux décennies.) 
Anthropologie pour débutants ? Comme pour toute construction intellectuelle, ce modèle du monde a ses mythes fondateurs, qui nient la science et la réalité. La société n'existe pas. L'humanité est faite d'individus qui optimisent parfaitement leur utilité personnelle. Le passé est réécrit pour justifier le présent. Il est dit que les lois du marché ont toujours gouverné le monde. Si cela n'a pas toujours été très rose, c'est parce qu'elles étaient entravées.

(Pity the billionaire.)

lundi 11 janvier 2016

Les grands changements : la massification de l'enseignement

L'euro, folie bureaucratique, disent les économistes anglo-saxons. Un autre fait du prince n'a pas suscité le même intérêt chez le scientifique. Peut-être parce que son origine est américaine ? Or, il a eu aussi des conséquences gigantesques. C'est la massification de l'enseignement supérieur. Les fameux 80% de bacheliers de M. Chevènement. 

L'idée vient probablement des Lumières. La raison pour tous, c'est la liberté ultime : celle de penser. Mais, outre que l'on ne sait pas trop bien manœuvrer la raison et qu'elle a produit des drames effroyables, cette décision, pas préparée, a bouleversé notre société. 

Bienvenus dans les nuages
Le chômage, pour commencer. L'éducation était associée à une certaine forme d'emploi. Or, désormais, il y a beaucoup plus d'appelés que d'élus. Pas assez de travail pour une offre surabondante d'intellectuels. Mais, la société a besoin de gens qui réalisent. D'où, faute de mieux, l'immigration. Idem, on ne s'était pas demandé comment on allait fournir la masse de formateurs nécessaires. On a bricolé, et la qualité de l'enseignement s'est effondrée. Un comble. Finalement, le monde a été affecté par les pathologies de l'intellectuel : on s'est mis à croire que la nature obéit aux sophismes. 

Mais ce qui ne tue pas renforce. Aucun changement n'est définitivement raté. Revenons à l'esprit de la réforme et éliminons ses conséquences imprévues, et tout ira mieux. Cultivons notre jardin.

(Prolongement d'un billet précédent : et si la massification de l'enseignement avait été une tentative de libération de l'homme, venue des Lumières ?)

La crise du management français

L'entreprise française souffre de son type de management : commander / exécuter. Il est bien évident qu'un individu à qui l'on dicte ses actes ne donne pas le meilleur de lui-même. En particulier, on se prive du propre de l'homme, qui est sa capacité à créer. L'entreprise française ferait de Rembrandt un peintre en bâtiment, immigré. 

A cela s'ajoute les aspirations de la population : on n'a pas fait autant d'études pour se faire diriger par un petit chef ! Saint Chevènement, et vos 80% de bacheliers, où êtes-vous ? Tout est réuni pour qu'il y ait une révolution. 

Ce diagnostic n'est pas original, je vous l'accorde. Mais a-t-on conscience de ce qu'il signifie, en termes de changement ? En effet, le petit chef et l'aspirant à la liberté sont le seul et même être humain. Et cela parce que nous sommes formés pour être des petits chefs ! Savez-vous faire autre chose que donner des ordres ? 

dimanche 10 janvier 2016

La France visée par les attentats du 13 novembre

Le Monde publie des articles nécrologiques sur les victimes des attentats du 13 novembre. Cela me met vaguement mal à l'aise : dans ma culture, les grandes douleurs sont muettes. Le peu que j'en ai vu me donne l'image d'une France de la culture, qui a un emploi, plutôt jeune et pluriethnique. La France que rejette le FN ? C'est peut-être les photos qu'on y voit qui me surprennent le plus. Elles donnent aux assassinés une apparence de "people". 

Est-ce judicieux ? Les terroristes voulaient faire sauter le Stade de France. Ils visaient la France entière. Sans discrimination. 

Apprenons à aimer nos hommes politiques

J'utilise les réformes gouvernementales de ces trois dernières décennies comme exemples de changement. (Un aperçu.) Qu'ai-je appris dans ce travail ?
  • Que la façon dont est mise en oeuvre une réforme est ridicule. On échoue pour cause de stupidité ! Quel contraste avec le complexe de supériorité de gouvernants qui se disent notre "élite" !
  • Mais que les intentions gouvernementales correspondent aux valeurs majoritairement partagées par le pays. C'est le plus surprenant. 
D'où un enseignement fondamental. Nous confondons comportement et intentions. Nous croyons qu'un comportement maladroit, ou ridicule, est révélateur du mal, et que le mal doit être détruit par le mal. Pour changer d'optique, il faut apprendre à trouver à l'autre des qualités. Exercice. 

La France a besoin de Process consultation 
Voudriez-vous être un homme politique ? Moi, pas. Etre un politique c'est ne pas avoir de vie privée, sinon coupable. C'est ne pas pouvoir penser. C'est être en permanence en état de survie. C'est une existence de bête traquée. Déjà, rien que pour cela, il mérite mon estime. Mais ses qualités ne s'arrêtent pas là. Sa force est d'être une girouette. Ce qui compte pour lui est d'être un homme que l'on voit. Pour cela il est prêt à tout. Il est hyper sensible aux humeurs de la nation et il ne tient à rien. Qu'une doctrine qui permet de faire notre bonheur émerge, il l'adoptera. Vous préférez un Hitler, droit dans ses bottes, vous ? 

De quoi notre homme politique a-t-il besoin ? De Process consultation. Ce qui le fait échouer c'est le "comment". Il ne sait pas comment mettre en oeuvre ses réformes. Ce ne sont pas les réformes elles-mêmes qui sont en cause. Ce dont il a besoin, c'est d'un coup de main. Mais attention à ne pas lui faire perdre la face, sans quoi il se crispera. 

samedi 9 janvier 2016

M.Sarkozy et le renseignement

M.Sarkozy aurait démantelé le renseignement français, de terrain. Ce qui est particulièrement grave à l'heure du terrorisme. Résultat plus ou moins imprévu d'une réforme. Et nouvel exemple d'une longue série de changements, invraisemblablement, ratés. Curieusement, c'est le Financial Times qui en parle

Ne serait-il pas temps d'essayer d'apprendre de nos erreurs, au lieu de les répéter ?

(Il y a aussi la question de la Lybie. M. Sarkozy peut-il diriger un pays ? C'est étrange, on peut être interdit de conduire une voiture, mais il n'y a rien de semblable pour une nation.)

Machiavélisme et politique

Les revirements récents du gouvernement, qui parle dorénavant de "patrie", de "déchéance de nationalité", "d'état d'urgence" m'ont ébranlés. Ils avaient quelque-chose d'inconcevable. 

Cela pose la question qui est à l'origine du combat des Lumières : suis-je pris dans des croyances inconscientes que d'autres manipulent ? Je ressemble à ces Russes de La fin de l'homme rouge, qui croyaient à l'Union soviétique, et qui ont été victimes de ses changements ? Machiavel pour mon fils nous dit-il comment on forme notre élite : à la manipulation ? 

Je me demande s'il n'y a pas une prise de conscience collective de cet état de fait. Exemple : France Culture a invité des biographes de nos politiques qui en pensent tellement de mal, qu'ils n'ont plus de mots pour les qualifier, il ne leur reste que le dégoût. 

Comme souvent, je ne suis pas d'accord avec ceux qui ont mes idées. Ce que l'on dit de MM.Hollande, Mitterrand, ou Talleyrand montre qu'ils ont des convictions. Simplement, ils ont jugé que la fin justifiait le moyen, et ce moyen, c'est tout un appareil de manipulation, contre lequel l'individu, qui subit un lavage de cerveau permanent depuis son enfance, ne peut pas faire grand chose. Il faudrait parvenir à remédier à ce problème. D'autant qu'il est dangereux, puisque lorsque le pot au rose est découvert, la population est submergée par un besoin de révolution. 

2016 : terme de l'humanité

Jacques Attali prévoit tellement de calamités pour l'humanité en 2016, qu'il serait curieux qu'elle puisse survivre. A moins qu'elle fasse preuve de responsabilité, dit-il. 

Dommage que je n'ai pas lu cette année ce que les prévisionnistes ont écrit, comme je l'avais fait l'an dernier. 

vendredi 8 janvier 2016

La beauté, outil de domination ?

J'ai vu récemment des photos de star avant et après leur succès. Pas les mêmes personnes. Avant : insignifiantes, ordinaires, après : magnifiques. Tout dépend du photographe et de la situation. Avec un paparazzi et dans leur vie quotidienne, elles sont moches. D'ailleurs, c'est ce que j'ai constaté lorsque je croise le chemin d'un acteur. J'ai même beaucoup de mal à le reconnaître. 

La beauté est-elle intrinsèque ou ressortit-elle à la culture ? Et si elle avait une fonction ? Celle d'affermir la domination des classes dominantes ?... Ne parlait-on pas jadis du "beau monde" ? (Dont la traduction en anglais me semble "beautiful people". Elle est toujours usitée, je crois.) D'un air "noble" ?

Changement : mot interdit

Si vous voulez faire un changement, il ne faut pas utiliser ce terme : on l'entendrait comme une critique. Échec et mat ? 

Tactique "donneur d'aide" : identifier un problème, désagréable, qui se pose aux membres de l'organisation ; trouver des techniques, dans l'esprit du changement que vous voulez mener, qui aident à le résoudre. Une fois les techniques adoptées, le changement est fait, sans avoir dit son nom. Et en plus, cela ne demande pas beaucoup de moyens. Il suffit que quelques volontaires réussissent et le succès appelle le succès. 

jeudi 7 janvier 2016

La photo est un art social

Livre de photos sur les Antilles (collection Club Med). Paysages et couleurs magnifiques, beaux habitants, beaux poissons. Curieux. Ce n'est pas ce que j'ai vu lorsque j'y étais. Tout est petit, étroit, cabossé, rouillé, humide. Ce qu'il y a de beau ne passe pas dans ces photos. C'est la vie des autochtones. Elle est infiniment calme par rapport à la nôtre. Elle ne cherche pas à brutaliser la nature (et la nature humaine) selon notre usage. Elle suit son rythme. Bonheur. 

Ce livre illustrerait-il ce qu'est une forme d'art ? Il utilise les codes sociaux pour nous faire passer un message ? Ici : les Antilles sont un lieu de vacances idéal ? 

Mitterrand l'Africain

France Inter a retrouvé un discours de François Mitterrand. On est en 51, il a 35 ans, il est ministre des colonies. Et il fait une déclaration d'amour à l'Afrique, sorte de "land of opportunity", continent du XXème siècle et avenir de la France. Il parle aussi de "Marseillaise catholique", si mon souvenir est bon. Et j'ai appris qu'il était un admirateur de Clémenceau (qui était anticolonialiste !), et qu'il aurait aimé un empire dans lequel les noirs et les blancs seraient égaux. 

Étrange qu'il se soit retrouvé à la tête d'une gauche dont le fonds de commerce était l'anticolonialisme. Il a dû penser que la France valait bien une messe. Car sa politique semble avoir rejoint ses convictions de 51

mercredi 6 janvier 2016

Israël : la vengeance d'Obama ?

Hervé Kabla trouve que la réconciliation des Américains avec les Iraniens est une mauvaise affaire pour les Israéliens. Je me suis demandé si cela ne me donnait pas raison. Il me semble que M.Obama est un extraordinairement intelligent tueur. Or, M.Netanyahou lui a fait dans les bottes. M.Obama devait donc se venger. Et si l'accord iranien était cette vengeance ? Qu'elle se mange froide confirme peut-être ce que l'on peut apercevoir de la personnalité d'Obama...

En outre, cet accord a beaucoup d'intérêts. Ajouté au gaz de schiste, qui rendent les USA indépendants des Saoudiens, cette manœuvre permet de neutraliser le pouvoir de nuisance de ces derniers. Ils vont devoir maintenant dépenser des ressources financières en déclin pour contrer un ennemi puissant, alors qu'ils ont besoin de leur argent pour acheter la paix intérieure. Nouvel avatar de la technique américaine visant à paralyser le Moyen-Orient ? 

L'empirisme radical de William James

Afficher l'image d'origineMais de quoi peut donc bien parler ce livre ? C'est une série d'essais, fruit d'une polémique. Malheureusement aucune des thèses qui s'affrontent n'est compréhensible par moi. Dommage que William James ait choisi l'abstraction, quelques exemples m'auraient fait beaucoup de bien. D'autant que tous les essais semblent dire la même chose, incompréhensible. Ce qui n'arrange rien est qu'il utilise différents mots, qui semblent plus ou moins synonymes sans l'être : empirisme radical, pragmatisme, humanisme. 

En fait, cela pourrait bien être l'affaire dont j'ai parlé au sujet de Bergson. C'est une bataille contre la philosophie dominante, qui croit en un absolu. L'enjeu est de taille, puisque s'il y a une Vérité, l'homme est déterminé. Il n'a plus qu'à se coucher. Pour William James, chaque homme construit sa vérité. Il s'agit d'un ensemble de guides de conduite cohérents entre eux, qui ont fait la preuve qu'ils donnaient des résultats "satisfaisants". De même, il n'y a rien d'absolu dans l'objet ou le sujet. L'un et l'autre sont faits de la même matière, "l'expérience". Mot qui prend à cette occasion un sens mystérieux. D'autant qu'en anglais experience est un verbe qui veut dire "éprouver". Et il n'y a pas de conscience, qui serait une sorte d'organe ou une âme. La conscience est une fonction, qui permet d'acquérir des connaissances, par l'expérience. 

(JAMES, William, Essais d'empirisme radical, Champs Flammarion, 2007.)

mardi 5 janvier 2016

French Tech : le progrès à la française ?

L'économiste Daniel Cohen disait hier que le numérique détruisait l'emploi, et les classes moyennes. Il y avait consensus à ce sujet. Mais cela peut-il se poursuivre sans explosion sociale ? 

L'humanité moderne considère, dans l'ensemble, qu'il n'y a pas de surhomme et de sous-homme. En conséquence, il n'y a pas de raison qu'une partie de la race humaine crève de faim. Si c'est le cas, c'est le système de répartition des ressources, aujourd'hui l'économie de marché, qu'il faut réformer. En outre, la démocratie ne fonctionne pas bien en temps de misère. Elle tend à sombrer dans le populisme. 

Et si la France sauvait l'économie de marché du numérique ? 
En 84, j'étudiais l'intelligence artificielle, énorme mode. J'en ai déduit que l’Intelligence artificielle, remplacer l’homme par la machine, n’avait pas d’avenir. Ce qui en avait était la réalité virtuelle : ramener un problème à un contexte que l'homme connaît. C’est ce qui m’avait enthousiasmé dans l’interface du premier Apple. En lisant le livre de Sylvie Lachkar et Hervé Kabla sur le SocialSelling, j’y ai vu une confirmation de cette idée. Linkedin est une réalité virtuelle commerciale. Elle décuple les capacités du "networker". Et il en est de même de la CAO, elle n'a pas remplacé le dessinateur industriel, elle lui a donné des ailes. Idem pour les technologies de "lean start up" : une belle idée peut profiter des outils les plus impressionnants et toucher le marché en un temps record, et sans grands moyens.

Pourquoi le numérique détruit-il l'emploi ? Parce qu'il a été conçu pour cela. Il réduit les coûts, et l'homme est un facteur de coûts. Mais l'homme est aussi une merveille de la nature, il y a bien plus à gagner à bien l'utiliser qu'à le liquider. Et si, désormais, nous partions de ses capacités uniques pour les mettre en valeur grâce au numérique ? La France a toujours cru à un progrès qui profiterait à l'humanité, et si c'était notre mission nationale de faire du numérique un bienfaiteur de l'humanité ? Call it French Tech ?

Machiavel pour mon fils

Afficher l'image d'origineUn livre qui m'a été conseillé par un ancien étudiant. Comme Machiavel écrit pour dire à un prince ce qu'il faut savoir pour gouverner, Jean-Baptiste Hennequin explique à son fils comment se comporter dans notre société. 

Faut-il prendre ce livre au premier degré ? Le père est un haut fonctionnaire (administrateur de la ville de Paris, une sorte d'énarque local) mais il crache sur l'Etat qu'il est supposé servir ; il admire le grand fauve du capitalisme alors qu'il exerce une sinécure (secrétaire général d'une grande école) ; le gamin est un petit monstre décérébré ; les grands parents étaient pétainistes ; le monde est une caricature de la société anglo-saxonne. A tel point que ce qu'il retient de Steve Jobs et d'Edison est qu'ils furent des voleurs ! Ils doivent leur succès à des idées qui n'étaient pas les leurs. Même de Gaulle était un manipulateur. "Je vous ai compris" pour mieux vous trahir. 

Le conseil qu'il donne à son fils est d'être immensément riche pour pouvoir être indépendant. Le prince moderne est un milliardaire de la Silicon Valley. Il a le talent d'utiliser les ressources de la société à son profit. En cela il est peut être justifié parce que l'être supérieur mérite de se dégager d'une humanité pestilentielle.  

Application : "travaille pour toi", "fais travailler les autres", "séduis", "mens", "enrichis toi", "dépasse toi" (en suivant l'exemple de ceux qui ont réussi), "connais l'histoire" (la justice ne triomphe jamais) ; "garde ta foi" (pour toi, et garde-toi de l'appliquer quand elle peut nuire à ton intérêt) ; "préserve toi de la barbarie" (le monde est abject). 

Serait-ce l'image de l'humanité que nos grandes écoles d'administration donnent à leurs diplômés ? Un monde bâti sur de pareils principes peut-il être durable ? Toujours est-il que l'exercice est méritoire : si vous deviez donner des conseils à vos enfants, que leur diriez-vous ? 

(HENNEQUIN, Jean-Baptiste, Machiavel pour mon fils, Actes Sud, 2015.)

lundi 4 janvier 2016

Pour le retour de la rigueur

En science il y a un tribunal des idées. Je regrette que cela ne soit plus le cas dans la société. Les économistes ou les penseurs peuvent défendre les idées les plus farfelues, les porter au pouvoir, produire des désastres, il n'est pas possible de le dire, ou, simplement, d'en débattre. La rigueur intellectuelle a sombré corps et âme. 

Peut-être que, pour pouvoir juger ce type d'idées, il faudrait amnistier ceux qui les ont portées ? J'ai entendu Antoine Garapon dire quelque chose de ce type, concernant les crimes contre l'humanité et les crimes financiers.

Le social selling expliqué à mon boss

Afficher l'image d'origineComment utiliser les réseaux sociaux pour vendre ce que produit votre entreprise ? Voilà le sujet de ce livre. Il est beau, plein de couleurs et de figures. Trop beau pour être honnête ? Va-t-on nous dire que le numérique est l'avenir de l'humanité, encore ? Que celui qui ne l'a pas compris est un dinosaure condamné par Darwin ? Et les auteurs, un dirigeant d'agence et un high flyer de SAP, vont-ils nous vendre leur soupe ?

Eh bien si le numérique a fait un miracle, il est là : non. Et l'écueil a été évité de manière brillante. D'une part par des interviews, généralement très intéressantes, et, d'autre part, par une remarquable analyse du fonctionnement des réseaux sociaux (fin du livre). Une analyse d'autant plus surprenante que l'on apprend des choses même si on pratique ces réseaux. Et même comment relier votre réseau social à votre CRM.

Networker : Master of the Universe
Qu'est-ce que je retiens de tout cela ? Les réseaux sociaux ne sont qu'un canal de vente supplémentaire. De l'amélioration, mais pas de révolution. Ensuite, le réseau de loin le plus utile est Linkedin. C'est, cette fois, une révolution. C'est un retour aux fondamentaux de la vente : la vente comme construction d'un réseau relationnel bâti sur la confiance. 

Car Linkedin n'est pas une question de mode. C'est une question d'intérêt bien compris. En effet, c'est avant tout un réseau RH. On y trouve donc des fiches détaillées sur les hommes et les entreprises. On peut, donc, non seulement identifier des clients potentiels, mais aussi comprendre ce qui les motive. Connaissez-vous une autre source d'informations aussi riche ? De là, il est possible d'établir un contact personnel. S'il y a de l'automatisation, elle est dans la recherche, et, le moins possible, dans le contact : le spam est inefficace. Mais, surtout, la logique réseau force à avancer pas à pas. A aller de relation de confiance en relation de confiance. La patience paie. (Et, la logique de réseau veut aussi que qui se ressemble s'assemble...)

Pas de Big data ou autre intelligence artificielle, ici. Comme le prouvent les témoignages, le réseau social sourit au talent commercial. Il y a probablement de gros gains de productivité à faire pour les meilleurs commerciaux, qui sont bien souvent les dirigeants de PME. Et si le "networker" valait bien plus cher que le "data scientist" ?

(Lachkar, Sylvie, Kabla, Hervé, Le social selling expliqué à mon boss, Kawa, 2015.)

dimanche 3 janvier 2016

La philosophie est-elle utile ?

J'ai eu la surprise d'entendre une philosophe surdiplômée me dire que la philosophie n'avait pas d'intérêt pratique. Etudier Bergson ressortirait au plaisir intellectuel. 

Il me semble que la philosophie nous concerne au premier chef. Philosopher, selon moi, c'est chercher un sens à la vie. Mais, en retour, cette explication a des conséquences sur la façon dont l'humanité agit et vit. Heureuse ou non, durable ou non. 

Et si l'homme était libre ?  
Prenons le cas de Bergson. Voici comment je l'interprète. Il dit, selon moi, que le philosophe rationalise ses préjugés ou son intérêt. Kant, par exemple. Scientifique, il veut nous "prouver" que la science est le seul moyen de connaître le monde. Le même argument s'applique au philosophe Platon, qui nous affirme que le philosophe doit être roi ; ou à l'économiste, qui nous prouve, comme Hayek, que "la société n'existe pas", c'est un marché.

Conséquence ? Refus du changement. Soit tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, soit l'histoire a un sens unique (Hegel et Marx). Alors que reste-t-il à l'homme ?  A obéir aux lois ou à l'histoire. C'est le déterminisme. L'homme esclave, machine. L'aliénation. 

Bergson a un préjugé : l'homme est libre. Le déterminisme est un faux problème. A ce point, il se dit : quitte à rationaliser mes préjugés, en bon philosophe, à quel modèle cette hypothèse peut-elle me conduire ? Eh bien, à l'innovation permanente ! Le propre du monde serait le changement. Un changement discontinu (pas l'image du fleuve), par "coup de génie", par "bangs". Cette exigence de changement impliquerait que nous sommes un cosmos immatériel. Ce monde n'est ni chaos, ni néant, mais changement en bon ordre. Nous sommes partie prenante de sa création continue. Bergson appelle cela le "spiritualisme", et cela ressemble beaucoup à "l'animisme" des peuples de la nature. Et le sens ? Il n'y a ni absurde, ni direction. Le sens est une création, sans cesse renouvelée. L'humanité est l'artiste de l'univers ? Par ses recherches et son travail, sa révolte dirait Camus, elle lui donne un sens ?

Conséquences ? Le changement devient continu et solidaire. Développement durable. C'est aussi une nouvelle source d'inspiration pour la science. Exemple : le monde n'aurait pas eu de commencement. Le "Big bang" ne serait qu'un bang créatif parmi d'autres. 

François Hollande et la patrie

"La patrie...", disait François Hollande dans ses vœux. Extrêmement surprenant lorsque l'on sait ce que la gauche associe à ce mot depuis plus d'un demi siècle. Un moyen honteux de prendre des voix à Marine Le Pen ?

M.Hollande aurait déjà fait usage du terme le 14 juillet dernier. Il semblerait effectivement que ce soit une option de campagne choisie pour 2017. L'élection présidentielle tiendrait à une question de valeurs, selon les stratèges. Valeurs = mots sans contenu ? 

Mais ce ne serait peut-être pas sa seule motivation. Il obéirait, une fois de plus, à une tradition qui remonterait à François Mitterrand.

La patrie serait-elle, contrairement à ce que je croyais, une idée de gauche, au sens moderne, 68, du terme ? Ou François Mitterrand et Hollande auraient-ils procédé à une forme d'entrisme ? François Hollande serait-il mu par le seul désir d'être élu, ou a-t-il des convictions ? Méfions-nous des jugements hâtifs ? 

samedi 2 janvier 2016

Peut-on juger sans débat ?

J'entends dire que 70%, voire 94%, des Français sont en faveur de la déchéance de nationalité pour les terroristes. Sans arrêt on nous explique que les "Français pensent que...", suivent les résultats d'un sondage. Mais peut-on juger à chaud, sans être informé ? Pourquoi les procès prennent-ils des mois, après une instruction qui a pu durer des années ? Pourquoi les magistrats professionnels écoutent-ils des avocats avant de prendre une décision ?...

Depuis quelques décennies, on s'est habitué à penser que l'on devait savoir instinctivement ce qui était bien et mal. Eh bien non, ce n'est pas si simple. Le bien et le mal ne préexistent pas au jugement. C'est le jugement qui les crée. La société se forge à coups de jugements. Elle exprime ainsi ce qu'elle veut être demain, et qu'elle ne voulait peut être pas être hier. Ce qui manque dans ce pays, c'est le débat. 

Groupe et résolution de problèmes

Le groupe a une capacité bien supérieure à celle de l'individu de résoudre des problèmes ou de trouver des idées. Pourquoi l'utilise-t-on si peu ?

Quelques décennies de pratique en quelques repères :

Recruter un animateur 
Sans animateur un groupe ne donnera rien.

Le meilleur animateur de groupe que je connaisse me disait : il y a des gens qui savent animer un groupe, et d'autres pas. On peut s'améliorer, mais pas apprendre.

Pour trouver un animateur efficace, il faut chercher quelqu'un qui a déjà animé des groupes... (Le talent se voit dès la maternelle...) En fait, il y a deux types de compétences. 
  • Il y a celui qui sait faire que le groupe se comporte comme un groupe et pas comme un rassemblement d'individus. C'est généralement, mais pas toujours, un psychologue. Il connaît et joue sur les dynamiques de groupe. Les champions sont des catalyseurs. Ils agissent sans qu'on le sente. Par une phrase au bon moment, en encourageant d'un sourire un timide... Mais, j'ai observé que s'il sait faire fonctionner un groupe, il aura du mal à le guider dans la recherche des caractéristiques du siège auto objet de l'appel d'offres qui met l'entreprise sens dessus dessous. D'ailleurs, généralement, cela ne l'intéresse pas. C'est un professionnel des rites humains.
  • Le "ritualiste" doit être complété par le "rationnel". Celui-là identifie un objectif et utilise le groupe pour l'atteindre. Il mène une enquête. 
Ces deux compétences sont rarement réunies en une seule personne. 

Les étapes de la créativité 
Un travail de groupe passe par des phases caractéristiques, assez crispantes... 
  • Au début, on s'observe. C'est froid, poli et prudent. 
  • Puis, des idées commencent à émerger. Cela part presque par erreur. Une sorte de domino de réactions. Elles sont généralement conventionnelles. C'est une phase de compréhension. Elle est souvent destructive : on pense ridiculiser l'autre, parfois, mais on comprend vite que l'on ne comprend rien. La solution n'est pas évidente. (Et je suis beaucoup moins malin que je ne le croyais !)
  • Il y a alors une phase de vide et de doute. On est échec et mat... Et si l'on ne s'en sortait pas ?
  • Soudainement, une idée bête surgit. Bête mais lumineuse.
  • Les idées s'enchaînent. Une solution pratique se construit. 
Enseignement clé, selon moi. La phase de doute est probablement à l'origine de la créativité de groupe : le doute fait que les idées reçues déraillent pour tomber dans un territoire non exploré.

De ce fait, l'échec est toujours possible. Et, lorsque l'on est animateur, être sûr de soi est certainement la recette du désastre. Chaque animation de groupe est une mise en cause inconfortable, selon mon expérience. 

La constitution du groupe 
Ce qui est important pour constituer un bon groupe, en dehors de l'animation, est la personnalité des participants. Plus chacun est riche d'expérience, pratique, plus il est différent des autres, plus le groupe sera créatif. Et plus le processus sera difficile à démarrer... En conséquence, une seconde forme de diversité est utile : celle des comportements vis-à-vis de la prise de parole. On a besoin de gens qui démarrent, d'autres qui réagissent, et d'autres enfin dont le cerveau est mis en mouvement par cette agitation.

Bonne taille ? Six à dix personnes.

Créer les conditions pour qu'il n'y ait rien à faire
En fait, le critère de succès d'une animation de groupe n'est pas tant l'animation elle-même que les conditions dans lesquelles va évoluer le groupe. L'animateur ne doit avoir quasiment rien à faire. Il doit, simplement, intervenir, dès que l'état d'esprit du groupe n'est plus curieux. La préparation est donc critique. Elle doit déboucher sur :
  • Une question aussi simple que possible, et une formulation motivante de la question. 
  • La composition du groupe. 
  • L'animation.
  • La durée. C'est celle d'une longue réunion. On peut faire des miracles en deux heures. Et ce d'autant que la brièveté rend intelligent. Je me méfie des gens qui demandent une journée. Je les soupçonne d'être des ritualistes, des danseurs de pluie. Mais j'ai peut-être tort. 
(J'ai emprunté ma segmentation rationalité / ritualisme à Max Weber.)

vendredi 1 janvier 2016

2016 : pragmatisme condition de liberté

Venez chez-moi, je vais vous libérer. Toutes les théories appliquées ces dernières années sont des théories de libération. Même le bureaucrate est un libérateur. Il a utilisé les théories libérales pour réduire sa masse salariale. Même le Front National est un mouvement de libération. Donc nous allons avoir encore plus de ce que nous avons eu. Exemple type d'homéostasie ou résistance au changement. 

La révolte, condition de l'homme libre
Albert Camus nous a expliqué ce qui n'allait pas dans ce que l'on nous propose. Toutes ces théories ont en commun la promesse d'un grand soir. En attendant, dormez bien et faites ce que l'on vous dit. Ces théories sont "nihilistes". Parce que, avant le grand soir, tout est permis, il n'y a plus de règles. La société est livrée au sac. Ces théories prétendent libérer l'homme de la société, alors que c'est la société qui est le moyen de liberté de l'homme. Bien sûr, le nihilisme ne fait pas que des malheureux. Il sert les oligarques. 

La condition de l'homme libre, c'est la révolte, dit Camus. Il ne se laisse pas faire, il ne croit pas aux fariboles, il agit. Et il n'agit pas en terroriste. Il répare son quotidien, il l'améliore. Il se tisse un réseau de gens de confiance. Et, par le bas, patiemment, concrètement, il réforme la société. C'est le pragmatisme.  

2016 : les théories de la libération

Comment libérer l'homme ? Voici une question que l'on se pose depuis les Lumières. Comment faire qu'un homme ne soit pas dépendant d'un autre homme ?

La liberté, discours d'esclavagiste
Les hommes de science ont dit qu'il y avait des "lois naturelles". On pouvait les trouver par la raison, la science donc. Il suffisait de les suivre pour qu'il n'y ait plus besoin de la contrainte de la société. Cela a conduit à la bureaucratie. La bureaucratie c'est l'application d'un plan venu "d'en haut". Taylor, le premier théoricien du management, appelait ça "the one best way". Il n'y a qu'une façon d'organiser l'entreprise, disait-il.  

Les économistes des Lumières pensaient, pour leur part, que cette loi naturelle était celle de l'économie. En effet, le marché s'auto régule. Adam Smith a repris la formule et depuis les Anglo-saxons disent qu'ils l'ont inventée. Comment pourrait-elle venir de bons à rien ? Depuis la chute de l'URSS, elle a fait fortune. On organise les entreprises et les nations comme des marchés. La lutte de l'homme avec l'homme produit le chaos d'où résulte le meilleur des mondes.  

Ces théories ont un vice. Les "lois naturelles" ont besoin d'hommes pour être découvertes et appliquées. Ces hommes sont ceux qui ont inventé ces théories. Platon, précurseur des Lumières, les appelait des philosophes. Après guerre ce furent les polytechniciens. Et maintenant les énarques. Quant au marché, il lui faut des "hommes d'affaires", et des "économistes". Car, contrairement aux philosophes, ils ne savent pas écrire. 

Bien sûr, la théorie de la liberté a dû être adaptée. On a repris une idée qui est à la fois chez Platon et chez les Anglais médiévaux. Il y a deux types d'hommes. Les sur hommes, les seuls hommes naturellement libres, et la masse animale, libérée par son obéissance aux lois créées par les hommes libres, et par sa croyance au diable, invention de Platon. 

Résumons. Les virtuoses de la raison ou du marché nous ont dit que la liberté c'était leur obéir. 

Le communisme, expliqué à Marx
Il existe, cependant, une autre théorie de la libération. Elinor Ostrom explique, cela ne surprendra personne venant d'une sociologue, que c'est la société qui libère l'homme. Et comment ? C'est si simple qu'aucun grand esprit n'y a pensé. Par autocontrôle. Si l'on observe les sociétés humaines, depuis la nuit des temps, on découvre qu'elles présentent des mécanismes très simples qui ne demandent que personne ne soit inféodé à quelqu'un d'autre. (Mon exemple favori : je roule à droite parce que, sinon, je me ferais tuer.)

L'homme a toujours été libre. Personne ne lui apportera la liberté. Il doit la conserver.