lundi 30 novembre 2015

Quand la science prévoyait la fin du monde


Nous croyons découvrir que notre développement n'est pas durable. Mais, de la fin de la guerre jusqu'au début des années 70, la littérature scientifique a produit une série de best sellers énormes sur le sujet. Tous les thèmes du débat actuel y étaient ! (Article de Nature.)

Paradoxes. Les Trente Glorieuses, que nous croyons idylliques, avaient peur. Outre les scientifiques, Hayek prédisait l’avènement du nazisme (The road to serfdom) ; Hannah Arendt constatait que la société, qui avait fait du travail la raison d'être de l'homme (donc considéré l'homme comme un animal), allait le lui ôter, lui substituer le loisir, et donc le priver de raison d'être. (La condition de l'homme moderne.) Il y avait aussi les théoriciens marxistes ou autres qui voulaient "libérer l'homme", et qui étaient prêts à tuer pour cela. Le terrorisme était de gauche en ces temps là. 

Notre société serait-elle double ? Il y a ceux qui vivent d'idées, qui parfois voient juste et parfois ont peur de leur ombre, et ceux qui baignent dans la réalité et dans l'instant, et ne voient pas plus loin que le bout de leur nez ?

(L'article parle des livres suivants :
  • The Meaning of the Twentieth Century: The Great Transition, Kenneth E. Boulding, Harper and Row 1964. 
  • Operating Manual For Spaceship Earth, R. Buckminster Fuller, Southern Illinois University Press 1969. 
  • The Closing Circle: Nature, Man, and Technology, Barry Commoner, Knopf 1971. 
  • The Limits to Growth: A Report for the Club of Rome's Project on the Predicament of Mankind, Donella H. Meadows, Dennis L. Meadows, Jørgen Randers etWilliam W. Behrens III, Universe 1972. 
  • One Earth: The Care and Maintenance of a Small Planet, Barbara Ward et René DuBos W. W. Norton 1972.
Curieusement, je n'ai pas l'impression qu'il y ait eu des équivalents français de ces livres. La France aurait-elle sous-traité sa pensée aux USA ?)

Transformer l'homme

Paul Watzlawick : l'expérience animale ne dit pas comment se comporte l'animal mais le transforme, elle lui fait découvrir de nouveaux comportements. (Les cheveux du baron de Münchhausen.)

Et s'il en était pareil pour l'homme ? Et s'il était un surhomme qui s'ignore ? Et si au lieu de lui reprocher ce qu'il est on essayait de l'aider à devenir ce qu'il pourrait et aimerait être ?

(Mais, peut-être que c'est déjà ce que fait la société, ou certains par le biais de la société : elle joue sur notre plasticité ?)

dimanche 29 novembre 2015

Biomimétisme et économie du savoir

Je dois à Dominique Delmas d'avoir découvert le biomimétisme, Idriss Aberkane, qui cause fort bien, et de m'être réconcilié avec l'économie du savoir.

Jusque-là, tout ce que le consultant et l'article de management semblaient associer à "knowledge" était un savoir contenu dans un ordinateur ou l'art du programmeur, le "knowledge worker". C'était la promesse d'une fin à la casse pour nous, êtres inférieurs. Mais là, c'est le contraire. La connaissance est dans la nature. "La nature est une bibliothèque". On y trouve des inventions géniales. Or, jusqu'ici, on n'a pas eu de meilleure idée que de brûler ses livres, pour avoir un peu de chaleur. Si nous arrivons à les comprendre, nous accéderons à une croissance infinie et, cette fois, durable, ai-je cru comprendre. 


Groupe performant

Votre groupe est-il "performant" ? Un psychologue me disait que l'on se trompait sur ce sujet. On croit que le facteur de performance est la cohésion du groupe, l'équipe, alors que c'est une question de vision. Un groupe performant regarde dans la même direction. 

Comment rendre la France performante ? me suis-je demandé. La guerre paraît unir les Américains. Chez nous, ce n'est pas une bonne solution. Rapidement, le Français flaire la manipulation. Ce qui semble marcher, c'est le progrès. Depuis la révolution, les grands moments de cohésion nationale sont ceux où le pays pense être l'agent du progrès humain. (L'obélisque de la Concorde en serait un exemple.)

(J'ai observé que la motivation de l'entreprise est à chercher dans son acte fondateur. Il semblerait que cet acte ait réellement créé l'entreprise pour une "raison sociale". A chaque fois qu'elle la retrouve, elle est régénérée. Pour la France, cet acte serait-il la Révolution ? Notre raison sociale serait-elle d'être le pays des Lumières ?) 

samedi 28 novembre 2015

La démocratie n'est pas aimée

Au sujet des attentats de Tunisie, j'entendais dire que l'on n'aimait pas la démocratie. On l'a voit comme une forme de Djihad occidental.

Je pense surtout qu'elle est son propre ennemi. En effet, si elle était séduisante, comme elle le fut, tout le monde rêverait de l'imiter. Mais elle semble être soumise aux vices que décrit Thucydide dans La guerre du Péloponnèse : quand la démocratie n'est pas menacée elle se disloque. D'un côté les oligarques, de l'autre le peuple. Ou plutôt, chacun pour soi.

(Ce qui est aussi l'image que donne la France de L'étrange défaite, de Marc Bloch.)

Attentats et systémique

Le terrorisme est une prévision autoréalisatrice, ai-je entendu dire. Il crée des conditions qui le renforcent. Est-ce le cas, cette fois ? Que dit le systémicien ?
  1. C'est le système qui est à l'origine du problème. En le défendant, on renforce le problème. D'où cercle vicieux. 
  2. Pour résoudre le problème, l'homme s'en prend à la conséquence, l'individu, et pas à la cause, le système.
Application à nos attentats. Selon le systémicien, le terroriste n'attaque pas un système qui lui serait extérieur, il est produit par lui... En plus long :
  1. "On attaque nos valeurs, il faut les défendre". Les conditions qui suscitent le terrorisme pourraient être le chômage ou autre désagrégation sociale. Or, en dépensant de l'argent pour maintenir le statu quo, en faisant la guerre, on réduit les moyens qui auraient pu soigner le mal. Particulièrement en période de rigueur.
  2. "La cause des attentats, c'est le terroriste." Le terroriste n'est pas un être humain, mais un "barbare", qu'il faut l'éradiquer par le feu.  
Cause. Le système nous aliène : le changer devient inconcevable, puisque c'est, apparemment, se changer. Application au gouvernement :
  1. Il est l'élite du système. 
  2. Les attentats attentent à ses valeurs : culture, art de vivre, une minorité se révolte contre ceux dont l'idéal est la défense des minorités... 
  3. Il est plus facile de faire la guerre que de remettre en fonctionnement une société. Le gouvernement a tout intérêt à renforcer le cercle vicieux. 
Mais le système n'est qu'une modélisation. Il n'y a pas que le gouvernement en France, il n'y a pas que la France dans le monde, et le hasard peut parfois bien faire les choses.

(Remarque : on peut changer sans changer : le système sait évoluer sans modifier sa nature. Ce n'est pas tant le gouvernement qui est un problème que le statu quo.)

vendredi 27 novembre 2015

Anglais langue anormale

L'Anglais est une langue hautement inhomogène et irrationnelle, notamment en termes de prononciation. Cause ? Une succession rapide d'invasions qui ont procédé à une sorte de bricolage linguistique. (Article.)

L'Anglais serait-il / aurait-il longtemps été une langue utilitaire plutôt qu'une langue porteuse d'une culture forte ? Une langue d'individus plutôt que de société ? 

Attentat contre l'art de vivre français ?

France Culture expliquait que les attentats de la semaine dernière visaient l'art de vivre français. Je ne pensais plus que l'on en ait encore un. Curieusement, la description qui en était faite était proche de celle de Stefan Zweig. Avec une différence cependant : dans notre France, il n'y a plus d'artistes ou d'intellectuels renommés. 

France Culture disait que c'était une France de Bobos, de professeurs et de journalistes. La France qui a profité des transformations de la société ? Serait-ce ce qui lui est reproché, plutôt que son art de vivre ?

jeudi 26 novembre 2015

Retournement d'habits

Après l'Etat d'urgence, d'exception ?, et une possible modification de la constitution, et la guerre, le gouvernement demande maintenant que les rues soient pavoisées. 

Étrange. Ces gens ne sont-ils pas supposés être issus de 68 ? Anti de Gaulle, anti patrie, anti colonialisme, faites l'amour, pas la guerre... Ce n'est plus le retournement de pantalon de la chanson de Dutronc : tous les habits sont sens dessus dessous.

Le plus étrange n'est peut-être pas qu'ils en soient arrivés là, mais qu'ils l'aient fait sans la moindre hésitation. Et même sans se dire qu'un jour, peut-être, on remarquera le manque de cohérence de leur parcours. (Et comment croire désormais les engagements de gens capables de tels revirements ?)

Peut être est-ce dans la nature humaine ? Nous sommes des caméléons. Nos convictions restent en surface. Elles sont ce qu'il est bon de croire. Comme l'a montré le vote des pleins pouvoirs à Pétain, seule une petite partie de la population a de réelles convictions ? Socrate se retourne dans sa tombe ?

(Mais est-ce un mal ? Cette capacité à changer laisse aussi penser que l'on peut être terroriste un jour et bourgeois le lendemain. Notaires de Brel, cette fois.)

Les conditions du terrorisme

Une interviewée de France Culture parlait de "totalitarisme" au sujet de ceux qui sont à l'origine des attentats de la semaine dernière. Elle décrivait des comportements effrayants. 

Hitler n'a pas fait l'Allemagne. Ce sont les conditions de l'époque qui ont créé Hitler. D'ailleurs les Allemands ont eu un comportement différent après guerre de celui qu'ils avaient eu auparavant. Et s'il fallait s'interroger sur les conditions qui produisent les terroristes ?

mercredi 25 novembre 2015

L'Etat Islamique peut-il être défait militairement ?

J'entendais hier matin un officier supérieur dire que l'Etat Islamique ne pourrait être défait sans attaque au sol. Et que personne ne voulait engager de troupes. 

Et il y a le précédent américain. Attentats du 11 septembre. Comme M.Hollande, M.Bush déclare la guerre au terrorisme. Et, contrairement à M.Hollande, M.Bush engage des troupes et des centaines de milliards. Résultat ? Le chaos. Et que dire de la Lybie ?

Caractéristique française ? On agit d'abord, on réfléchit ensuite ? 

D'ailleurs, l'Etat Islamique peut-il être défait militairement ? Ce n'est même pas un Etat. C'est une nuée de groupes disparates alimentée par le désordre. Quand on voit les dégâts qu'ont pu faire des groupuscules comme la Bande à Baader, on peut se demander ce qui va arriver avec autant de monde, formé et armé, en libre circulation. 

(Un autre commentateur de France Culture laissait entendre que tout le bruit fait autour de cette "guerre" ne servirait qu'à masquer le creusement des déficits à des fins électoralistes...)

Madrid, Londres, Paris

Attentats. Madrid, Londres, Paris. Ce qui est frappé est ce qui se fait remarquer. Peut être plus que ce qui agit ? A-t-on raison de se faire remarquer ? 

Y a-t-il des raisons électoralistes derrière notre discours guerrier ? Et si M Hollande avait voulu faire mentir ceux qui l'appellent Flamby ? Autre ? Danger : France = paratonnerre du terrorisme mondial ?

mardi 24 novembre 2015

Le pragmatisme de l'abbé Grégoire

Conférence posant la question de l'opinion qu'aurait eue l'abbé Grégoire de la laïcité. (Conférence annuelle organisée par le CNAM et qui avait lieu le 20 novembre dernier.) En fait, le terme n'existait pas de son temps. Il a été inventé plus tard. On parlait alors de tolérance.

L'abbé Grégoire était "pragmatique". Il avait constaté qu'en termes de religion, on ne pouvait pas changer les gens par la force. Il y aurait toujours une pluralité de religions. La religion devait donc rester là où elle était utile : confort de l'individu, et cohésion sociale. Mais la politique n'était pas de son ressort. L'Eglise catholique, d'ailleurs, devait en revenir à ses origines. Constantin l'avait fait s'égarer lorsqu'il lui avait donné le pouvoir. Le catholique ne devait pas prétendre imposer à ses contemporains leur comportement, mais être un exemple, une source d'inspiration, pour eux. 

C'est probablement cela la définition de pragmatisme : savoir que certaines choses ne peuvent changer ; mais, qu'il en reste suffisamment à faire bouger pour améliorer le monde. Le contraire ? C'est la volonté de puissance, croire que tout peut plier à sa volonté ou à un hypothétique absolu. C'est le totalitarisme.

L'ordre et le terrorisme

Pourrait-il y a voir un lien entre l'histoire d'Hitler et le destin de l'Etat Islamique ? Voici ce que raconte Stefan Zweig :
  • Années 20, crise. Un agitateur apparaît, Hitler. Ses troupes de fauteurs de troubles sont luxueusement équipées, profitent-elles des fonds des industriels ? 23. Tentative de putsch d'Hitler et de Luddendorf (plus ou moins équivalent allemand de Joffre). Mais la prospérité revient. On n'entend plus parler d'Hitler. 
  • Nouvelle crise économique. Hitler réapparaît. Ses troupes ont, à nouveau, un équipement flambant neuf. 1933, Hitler est élu. 
Stefan Zweig pense que c'est pour lutter contre le "désordre" que les Allemands ont voté pour Hitler. Durkheim désigne, par ailleurs, le désordre ou "anomie" (disparition des règles qui organisent la société), comme cause première du suicide.

Continuons, sans Stefan Zweig, il s'est suicidé. Guerre. L'Europe est dévastée. Les USA adoptent une tactique inverse de celle suivie après la première guerre mondiale : au lieu d'exiger le remboursement des dettes contractées par l'Europe, ils lui offrent le plan Marshall afin de relancer son économie. Car ils craignent que la misère ne fasse basculer le continent chez les Soviétiques. 

Ajoutons le point de vue d'Hannah Arendt. Pendant cette guerre, les individus ont eu le comportement de leur peuple. Les exceptions ont été quasi inexistantes. Chaque peuple réagit aux événements suivant sa culture propre. 

Enseignements ? 
  • Une forme de "désordre" serait-il à l'origine du terrorisme ? L'épicentre du désordre serait-il le Moyen-orient et ses relais les pauvres d'Occident ou d'ailleurs ? Pauvres pas uniquement musulmans, car de tous côtés on semble vouloir en découdre ?
  • Chercher une cause ou un coupable n'est pas efficace. Pire, c'est dangereux. 
  • Pour résoudre le problème, il faut remettre la société mondiale dans un fonctionnement qui respecte les hommes. Alors, comme les Européens d'après guerre, les individus ne changent pas, ce sont leurs comportements qui se transforment. 
  • Il faut éviter que cette remise en ordre soit le fait d'un Hitler...

lundi 23 novembre 2015

Alarmes naturelles

Y aurait-il des signes avant-coureurs des grands changements ? Il serait possible de prévoir des désastres systémiques. Principe : lorsque le système (l'écosystème) est en passe de se transformer, ses temps de réaction aux incidents s'allongent ("ralentissement critique"). 

Peut on utiliser cette propriété pour dire quelque chose d'intelligent sur la solidité du système terre, soumis à l'action de l'homme, ou du système France, en période terreur ?

D'abord ça ne marche pas pour tous les systèmes : les plus chaotiques ne passent pas par des transitions. Ensuite, il faut pouvoir modéliser le système. Comment définir le système France par exemple ? La paix ? La démocratie ? L'égalité ?...

La fin de la tentation

Est ce une raison de la crise ? Rien ne me tente. Si j'étais riche je ne saurais pas quoi faire de mon argent. C'est vrai pour tout. Restaurant ou Mercedes : on nous propose soit du moche ou du malsain pas cher, soit du bling bling pour parvenus. 

L'apparence a remplacé la substance ?

dimanche 22 novembre 2015

Guerre au désespoir

Le gouvernement fait fausse route dit le philosophe Bernard Stiegler. Plus exactement, s'il joue les matamores c'est pour masquer son échec. Car, s'il y a guerre, elle est économique. La raison des attentats c'est "l'absence d'avenir de nos enfants". Sa cause, c'est la "disruption", le mot d'ordre de la Silicon Valley, dont une des formes est l'ubérisation. "Il s'agit d'aller plus vite que les sociétés pour leur imposer des modèles qui détruisent les structures sociales." Dans cette société devenue absurde, les jeunes n'ont plus "la moindre perspective". Réaction : "nous sommes tous soumis à cette tendance, qui consiste à trouver des boucs émissaires, à ne pas réfléchir, à cogner". 

"Ce n'est qu'en projetant un véritable avenir pour la planète que l'on pourra combattre Daech, c'est à dire le désespoir."

(L'article du Monde. Par ailleurs, Emmanuel Macron pourrait partager ce point de vue : "Nous avons une part de responsabilité, parce que ce totalitarisme se nourrit de la défiance que nous avons laissée s’installer dans la société". Cependant, les moyens que l'un et l'autre envisagent pour résoudre ce problème sont probablement différents.)

Réformer l'école

Les réformes de l'école semblent plus désastreuses les unes que les autres. Non seulement elles ne semblent s’intéresser qu'aux symptômes, et pas aux causes, mais les préjugés semblent peser lourd dans leur conception.

Ne faudrait -il pas repartir des fondations : que doit apporter l'école à l'élève ? Comment le faire avec les moyens du bord ? Sans révolution ?

samedi 21 novembre 2015

Etat d'urgence

Les mesures que le gouvernement a prises sont anticonstitutionnelles disait, en substance, M.Valls ce matin à la radio (Informations de France Culture). C'est pourquoi nous ne consulterons pas le Conseil Constitutionnel. 

Il y a peut-être plus surprenant. Les valeurs officielles de ce gouvernement sont celles de 68. C'est l’hédonisme, "interdit d'interdire"..., la défense des minorités, contre la majorité... D'une manière générale, le refus de l'autorité est son fonds de commerce. Or, il ne parle plus que de "guerre", "d'état d'urgence", de bracelet électronique, de mesures d'exceptions... Si l'on ne s'en tenait qu'au discours, on se croirait aux meilleures heures des dictatures d'Amérique latine...

Que se passe-t-il ? Est-il pris de panique ? Révèle-t-il son véritable visage ? Autre explication ? (Et conséquences ?)

Enseigner à penser

Un enseignant d'histoire du secondaire explique sa conception de la laïcité. Colloque de l'Abbé Grégoire, le 20 novembre dernier. 

Selon le dictionnaire, la laïcité peut être exclusion ou neutralité, pour lui, elle est unité dans la diversité. Mot clé de notre devise nationale : fraternité. Dans ces conditions, comment utiliser le programme de seconde pour "intégrer" ? La solution : amener les élèves à s'interroger. Celui qui a compris que le monde est complexe ne peut pas être un terroriste. 

Alors, il parle de l'hérésie au moyen-âge, des guerres de religion et des cannibales de Montaigne, des articles 4 et 10 de la déclaration des droits de l'homme. Et "ça marche". Il constate que ses élèves sont passionnés, et découvrent que le monde n'est pas aussi simple qu'ils le croyaient. Par exemple que les croisades se sont faites contre des catholiques ou qu'une religion dominante produit fatalement des minorités. Et, en dépit de leur vocabulaire de plus en plus limité, les élèves comprennent ; et ils sont fascinés par Montaigne : c'est la "magie du beau verbe" qui continue à agir. 

(Réponse à mon billet précédent : l'enseignement ne doit pas nous éduquer, il doit nous instruire ? Comme le pensait Condorcet ?)

Faut il enseigner la morale à l'école ?

J'entends dire que l'on enseigne la morale à l'école.

Devrait-on faire confiance à l'Education nationale pour dire ce qui est le bien ou le mal ? Ses membres seraient-ils représentatifs d'une idéologie universelle ? Comment réagirions-nous contre ce genre de traitement ? Les parents ne devraient-ils pas être inquiets ? Surtout s'ils étaient jeunes : risque de lavage de cerveau ? Et si ce type de mesure encourageait le développement du communautarisme ?

vendredi 20 novembre 2015

Kafka d'Hannah Arendt

Hannah Arendt donne une interprétation surprenante de l'oeuvre de Kafka. (Un chapitre de La philosophie de l'existence, petite bibliothèque Payot.)

Kafka décrit la société bureaucratique autrichienne. Elle est bâtie sur des règles auxquelles tout le monde doit se plier. Une telle société n'est pas viable. Seule la liberté humaine, le coup de génie, imprévisible par nature, peut la sauver. Seule est durable une société d'hommes libres. Kafka aurait voulu faire entendre cette idée par la caricature, la farce et le rire.

(Il semble, aussi, avoir écrit une oeuvre prémonitoire : ce qu'Hannah Arendt en dit m'a fait songer à ce qu'elle nomme "la banalité du mal", dans le procès Eichmann.)

Mixité

Apparemment certaines régions scolaires se dépeuplent. les conditions d'apprentissage n'y seraient pas bonnes. On les fuit pour des écoles plus propices à la réussite. Elles sont dans les quartiers huppés.  

Question : les mesures gouvernementales dont on parle aujourd'hui mettront elles toutes les écoles au même niveau ou enlèveront-elles aux classes moyennes la possibilité de fréquenter les écoles de riches ?

jeudi 19 novembre 2015

Anti uberisation

Publicité sur l'enveloppe d'un pain. Bonne idée. L'enveloppe du pain, c'est ce que l'on voit. La révolution numérique l'a fait oublier. 

La pub ne marche plus. Les médias traditionnels, qui étaient efficaces, sont mal en point et rien ne les a remplacés. Et si les reconstituer était dans l'intérêt des grandes entreprises ? Un changement que les grandes agences de communication pourraient organiser ?

Mon métier

Que fais-je ? Il est parfois utile de se poser cette question. Il me semble que cela peut permettre de s’améliorer. Exercice :

A l’origine de mes missions : un problème de pérennité d’une entreprise, grande ou petite. Ce qui le rend difficile à résoudre, c’est que le dirigeant en est une partie… D’une part, il a la solution en lui, mais il ne le sait pas. D’autre part, il y a plusieurs façons de transformer l’entreprise. Mais seule celle qui lui convient peut réussir. Or, il n’a pas idée de ce qui lui va. Pire, ce qu’il en dit est le résultat de l’influence sociale (« transformation numérique »), mais pas de ses convictions propres. C’est d’ailleurs pour cela qu’il n’arrive pas à résoudre son problème.
Mon rôle est de créer les conditions qui lui permettront de se tirer d’affaire.
Ce qui ne va pas de soi. Car mon arrivée complique la question ! En effet, nous sommes tous les deux en face de la même difficulté. Nous ne savons pas ce que nous savons et qui pourrait être utile à l’autre ! Brouillard total. Depuis toujours, je dis que ma seule certitude est que ce que je crois est faux.
Dans ce brouillard, il n’y a pas de méthode mais quelques repères.

Aveugle et paralytique
Tout d’abord expliquer ce qui précède. Cela a une conséquence très importante : pour réussir, dirigeant et consultant doivent se considérer comme une équipe. Chacun a quelque-chose dont l’autre à besoin. Mais l’aide de l’autre est nécessaire pour le trouver.
Le fil conducteur de la mission, c’est faire parler le dirigeant de la stratégie de l’entreprise et de la sienne propre. Si possible en partant de ce qui le motive : ses frustrations. On passe du conscient à l’inconscient en exploitant les « paradoxes » de son discours. Ces paradoxes signifient que je ne le comprends pas. Il y a quelque-chose qui lui paraît tellement évident qu’il n’a pas pensé à me le dire. Votre entreprise semble avoir telle ou telle force, pourquoi ne l’exploitez-vous pas pour faire ceci ? Au fur et à mesure qu’il répond à de telles questions, ma vision de la situation se transforme. Généralement radicalement. (La technique du paradoxe marche dans les deux sens.)
Parallèlement, il y a un travail à faire sur les mots, dont il faut se méfier. Surtout des plus ordinaires. Il est rare qu’ils aient le même sens pour vous et pour moi. Qu’entendez-vous par « stratégie » ? Prendre des exemples permet de clarifier les choses.
Finalement, une fois que l’on a trouvé ce qui manque au dirigeant, il faut qu’il l’acquière rapidement. Il n’y a pas mieux que l’expérience. La théorie n’est pas efficace, il faut qu’il se fasse sa propre conviction. D’où question : comment accélérer le processus ?

Qu’est-ce que j’apporte ? Deux choses, d’après ce que l’on m’a dit. En premier lieu quelqu’un avec qui discuter. Ensuite une quantité d’exemples et leurs techniques associées. Ce que vous me dîtes me fait penser à telle mission, on a utilisé telle technique… 

mercredi 18 novembre 2015

Guerre ou paix, ça ne tient qu'à un fil ?

"D'accord avec toi, ce livre est superbe. Mais pas d'accord avec la remarque sur la guerre de 14, que rien ne laissait prévoir. Zweig a-t-il pu être aveugle à ce point ???", écrit Hervé Kabla en commentaire à ma recension du Monde d'hier de Zweig.

Zweig était-il aveugle ? 
Voici ce que je lis dans Histoire de la pensée, tome 3 (Tallandier, auteur : Jean Louis Dumas) : "Pierre Miquel a remarquablement décrit la "Belle Epoque", ces années d'illusion qui entre 1900  et 1914 font croire à l'Europe qu'elle est "parvenue à une superbe maturité la dispensant de tout grave souci d'avenir"".

Cela peut faire comprendre pourquoi Jaurès s'est battu jusqu'à la fin pour la paix. Peut-être son combat n'était-il pas utopique ? 

Par ailleurs, Zweig est un "Européen" (Journal d'un Européen, est le sous-titre de son livre : il se suicide avec l'Europe), il passe une grande partie de son temps ailleurs que chez lui et fréquente tout ce que l'époque compte de plus brillant. Il apprend la guerre de 14 alors qu'il est sur une plage belge... Il y a alors transformation instantanée du comportement populaire : de bon enfant il devient guerrier. 

Ce qui ma fasciné dans ce livre est que l'on y voit une période de bonheur basculer dans le chaos. Pourquoi ? Peut-être parce que la paix fait oublier que la guerre c'est l'horreur. D'après Zweig les hommes de la seconde guerre n'ont plus les illusions de ceux de la première. Peut-être aussi parce que la guerre n'est pas horreur pour tout le monde. Donnella Meadows, dans son livre sur la systémique, explique qu'un des vices de nos "systèmes" modernes est que ceux qui prennent des décisions n'en subissent pas les conséquences... Peut-être que Zweig n'a pas vu arriver la guerre, parce qu'il fréquentait le peuple, les artistes et les intellectuels, mais pas le pouvoir et les industriels ? 

La méthodo qui débloque

Discussion avec une coach. Nous découvrons que notre spécialité commune est la "méthodo qui débloque". Cela vient de la façon dont fonctionne la décision humaine. On ne peut pas prendre de décision si l'on ne voit pas comment la mettre en oeuvre ! 

De ce fait, le mécanisme de déblocage de la décision est étrange. En quelque sorte, il faut que la solution précède la question à résoudre. Pour que le dit processus démarre, le client doit évoquer un problème. N'importe lequel. Je lui parle d'une méthode qui a marché dans une situation ressemblante. Il me dit qu'il l'a déjà utilisée, que ça ne fonctionne pas. Il m'explique. Le problème se précise... ou se transforme radicalement. (En fait ce n'est pas une question de système d'information, mais de refus d'une réorganisation qui a fait perdre leur indépendance à ses filiales...) Je propose une nouvelle technique. Encore pas bon. Mais, à la troisième proposition, "c'est évident" : il voulait faire ce que je viens de suggérer. Et, effectivement, quand il passe à l'action, ça fonctionne comme sur des roulettes. Même si le changement est de grande ampleur. Il a trouvé une sorte de levier invisible de l'organisation.

A quoi ressemble la "méthodo qui débloque", au moins chez moi ? Son nom est un barbarisme : target costing, balanced scorecards, stretch goal, special event, suspension... Suit une description de quelques mots. C'est ce que j'appelle "méthodologie ambulatoire" : cela permet de penser sur ses jambes. 

Par exemple ? Vous voulez annoncer une décision délicate ? Commencez par envisager les "questions qui tuent" que l'on pourrait vous poser. Ou, plutôt, demandez à vos collègues de le faire. Maintenant, qu'allez vous répondre à ces questions ? Ce qui ne tue pas renforce...

(Pour comprendre la rationalité du processus, il faut se mettre du côté de celui que je nomme le "client". Des amis m'ont aidé à réfléchir à mon cas. A chaque fois qu'arrivait une suggestion, je me rendais compte que j'avais fait quelque-chose de ressemblant. Mais pas suffisamment. En même temps, je voyais aussi pourquoi cela n'avait pas marché. Finalement, résultat : 1) c'était la solution ; 2) je savais faire.  )

mardi 17 novembre 2015

Manquons nous de fonds de pension ?

France culture disait, il y a quelques temps, que si nous n'avions pas de Google c'était faute de fonds de pension pour les financer. L'argent de notre épargne va à des usages improductifs, à savoir le remboursement de la dette de l'Etat.

C'est beau les beaux raisonnements. Tout y est simple. Mais le problème est-il si simple ? L'innovation n'est-elle pas le fait d'un assemblage de conditions mystérieuses ? 

D'ailleurs est il bien posé?  Qu'est ce qui fait le, discutable, succès des USA ? Leur innovation ou leur position de verrou du capitalisme mondial, leur "exorbitant privilège" ?

Et ces fonds de pension sont ils efficaces ? La presse étrangère dit qu'ils investissent dans des affaires parfois douteuses. Et qu'ils favorisent la réduction de coûts et le licenciement plutôt que l'investissement productif. Et cela en grande partie par ce qu'ils ont des exigences de rentabilité irréalistes. 

Notre avenir est-il en nous ?

J'ai relayé une théorie d'Aristote, et j'ai peut-être eu tort de lui faire confiance aveuglément. 

Aristote dit que nous portons en nous le potentiel de nos transformations. Par exemple, bébé Proust avait en potentiel sa qualité d'écrivain. Autre exemple : la définition du cercle que donne les mathématiques a en potentiel une flopée de théorèmes. Le mathématicien qui les démontre ne les invente pas, il les révèle. Un de mes billets dit, autre exemple encore, que l'oiseau était en potentiel dans le dinosaure. 

Mais, est-ce tout ? Et si, comme dans mon idée de "little bangs", il n'y avait pas uniquement potentiel, mais création ? Ce serait un retour de la théorie de la génération spontanée combattue par Pasteur. Mais la création ne serait pas ex nihilo. Ce serait, comme dans le big bang, une transformation d'un existant, mais une transformation imprévisible. 

lundi 16 novembre 2015

Lâcheté managériale : le mal français ?

Lorsque l'on demandait quelque chose à Marcel Dassault, il vous donnait beaucoup plus. Voilà ce que dit sa biographie. Marcel Dassault avait certainement de grandes qualités, mais j'ai l'impression que là, il illustre ce qu'une DRH appelle "lâcheté managériale". Elle vient probablement de notre penchant national à considérer l'autre comme une sorte d'animal. Il ne comprend que la menace ou le pain et les jeux. On ne parle pas à sa raison, mais à son instinct. 

Je me souviens aussi d'avoir voyagé à côté de responsables syndicaux. Ils se racontaient les procédés qu'ils utilisaient pour saboter leur entreprise, par leurs revendications (qui étaient satisfaites). On était encore à l'époque du Marxisme, et cette tactique était peut-être de bonne guerre. Mais j'en viens à me demander si elle n'est pas restée dans les gènes de certains courants politiques.

Aurions-nous été submergés d'avantages acquis à la fois pour avoir la paix, et pour dynamiter le capitalisme ? Malheureusement, on ne peut pas faire la révolution dans un seul pays. Serait-ce ce qui est à l'origine de nos tracas actuels ?

Le monde d'hier de Stefan Zweig

Comment l'Europe est passée de la lumière à l'ombre. Une écriture dépouillée, ultimement élégante et infiniment désespérée. 

Le monde d'hier, c'est celui d'avant 14. Curieusement, il ressemble à notre après guerre. C'est le monde de la sécurité. On croit que la raison et le progrès rendent impossible le malheur. Alors, la pensée n'a pas de frontières. Il n'y a d'ailleurs pas de passe-ports. L'intellectuel est européen. Zweig parle quatre langues, dans toute leur subtilité, et il est partout chez lui, et il est ami de tous les grands esprits de son temps. Vienne et Paris rayonnent. Mais c'est aussi une époque qui nie la nature et les exigences du corps. L'époque de Freud.

La guerre de 14 est un coup de tonnerre dans cet azur. Rien ne la laissait prévoir. Et si la prospérité avait fait perdre toute prudence aux peuples, et, peut-être encore plus, aux puissances économiques ? Et si elle les avait rendus cupides ? Après le chaos, l'entre-deux guerre revoit paix et prospérité. Mais la crise les bouleverse. Et les Allemands, qui abhorrent le désordre, vont élire quelqu'un qui puisse y mettre un terme : Hitler.

L'Europe du bonheur de vivre, du raffinement et de l'intelligence est morte, et Zweig se suicide. 

(ZWEIG, Stefan, Le monde d'hier, Les belles lettres, 2015.)

dimanche 15 novembre 2015

Voit on le monde tel qu'il est ?

Affrontement entre deux théorie. La physique plus ou moins classique dit que nous voyons le monde tel qu'il est. Mais beaucoup de gens ne le pensent pas et donnent moult exemples de comportements irrationnels comme preuves. Et si, comme dans le cas des pages web, derrière ce que nous percevons il y avait un code html ?

Mais il y a peut être une troisième possibilité. Nous savons qu'un film n'est pas la réalité et pourtant nous le transformons consciemment en réalité. Il y a donc ce qui est perçu puis notre interprétation de cette perception. Il est possible que la perception soit largement partagée. En revanche ce qui ne l'est pas c'est l'algorithme d'interprétation  qui est à  la fois issu de notre culture, d'un apprentissage collectif, mais aussi de notre histoire individuelle. 

Alphabétisme numérique

Que l'on maîtrise mal le "numérique" ! Je suis entouré de gens qui ont fait beaucoup, mais vraiment beaucoup, d'études. Il est surprenant de constater à quel point ils ont des difficultés avec l'informatique. Rares sont ceux qui savent écrire un texte powerpoint ou word correctement présenté et sans faute. Si bien que je me transforme souvent en secrétaire. Quant aux réseaux sociaux, c'est la Bérézina ! La seule chose d'universel, c'est le mail. Mais là, les règles ordinaires de bonne conduite n'ont plus lieu. La grande gueule se répand en commentaires oiseux, copie à tous, l'esprit supérieur refuse de se mêler à la masse... Pour obtenir ce que l'on veut, organiser une réunion par exemple, il faut solliciter chacun séparément. 

Les hommes du numériques se veulent libertaires. Laissez faire disent-ils. Le marché fera le bien universel. Eh bien, non. Ce que montre notre usage du "numérique", c'est que le laisser-faire vous construit un monde à la Mad Max. Il n'y a plus de règles partagées. Et sans règles partagées, c'est l'impuissance, la dépression. Pour qu'une société fonctionne, il faut une éducation obligatoire à ce qui est important à la vie en société, et il faut imposer des règles de collaboration. C'est comme cela que l'euro s'est implanté avec succès. Et que le ministère des finances fait remplir, par Internet, leurs déclarations fiscales aux entreprises. 

samedi 14 novembre 2015

Le succès du changement est une question de conditions

Quel est mon métier ? Organisateur. Illustration. Chez mon premier employeur, j'étais à l'origine des compétitions sportives de la société. Elles vidaient la société d'un tiers de ses effectifs. Au grand dam de ses dirigeants. Jusqu'à ce que l'un d'entre eux, maintenant PDG, vienne remettre les prix. Depuis des années, j'anime un cercle d'entrepreneurs. J'ai longtemps aussi organisé des clubs, des dîners entre amis, collègues, inconnus, des conférences ou séminaires... Curieusement, ça marche avec moi, et pas avec la plupart des autres. Ou alors il leur faut bien plus de temps et de moyens qu'à moi. (Par exemple, je parviens à organiser des événements qui requièrent ordinairement une grosse agence de com.) Bien entendu, la fusion d'entreprises n'est pas l'organisation d'un dîner, mais, l'esprit qu'il faut pour réussir ne varie pas.

Il s'agit, me semble-t-il, de créer des "conditions" de l'autonomie des participants. Ils doivent pouvoir se laisser aller à leur naturel. Il y a deux facteurs de succès :
  1. Une méthode, un cadre physique, robuste, solide, simple. 
  2. Une animation, catalyseur, qui agit sans qu'on s'en rende compte. Sa caractéristique principale est probablement de vouloir l'intérêt général. 
Le changement n'est rien d'autre qu'une réorganisation de processus collectifs existants ? (Des processus que nous suivons sans réfléchir.)

Le peuple veut-il le populisme ?

Migrants : je lis que, partout en Europe, le politique sombre dans le populisme. Mais le peuple veut-il des mesures populistes ? Le peuple est-il anti-immigrants ou son mécontentement est-il l'expression d'un malaise d'une autre nature ? 

Stefan Zweig explique que l'Allemagne a peur du désordre (Le monde d'hier). Il paraît que même Goethe a affirmé que tout valait mieux que le désordre. C'est pourquoi Hitler a pris le pouvoir. Il était le seul homme politique à promettre l'ordre, dit Zweig.

Et s'il en était ainsi de l'Europe ? Tous populistes ? La classe politique aurait-elle éliminé de ses rangs les gens honnêtes ? (Car trop dangereux ?) Et si, de ce fait, elle faisait une politique à son image : populiste, parce que pensant que l'homme est un animal ? Et si, à ce jeu, c'était l’extrémiste qui gagnait ?

vendredi 13 novembre 2015

Pourquoi les mots changent-ils de sens ?

Avez-vous remarqué que les vendeurs de primeurs s'appellent désormais "Maison X" ? On utilise "maison" pour sa connotation tradition et qualité. Mais si X n'a pas ces caractéristiques, "maison" va changer de sens pour refléter la réalité.  

Et que dire de "transformation numérique", alors ? Initialement elle sous entendait progrès. Elle devient synonyme de liquidation de notre modèle social. Exemple : Uber. "Uberisation" signifie maintenant karcherisation. L'économie du partage, connotation générosité, chaleur humaine et communisme, devient celle de la misère.

Romain Gary raconte qu'il a longtemps cherché le pseudonyme qui lui apporterait la célébrité. Et qu'un jour il en est venu à se dire que ça ne suffirait peut-être pas. Qu'il faudrait écrire. Et si nos entrepreneurs s'inspiraient de son histoire ? Et s'ils cessaient de perdre leur temps à manipuler le langage ? Et s'ils se mettaient à travailler à l'intérêt public ? 

Et si l'on ne comprenait rien ?

Et si l'on ne se comprenait pas ? Nous pensons que l'homme est une sorte d'ordinateur, qui calcule en permanence. En fait, les sciences humaines disent exactement le contraire. 

La pensée est un "changement". Loin d'être instantanée, elle correspond à une sorte de dégel. Le phénomène est compliqué et étrange. Cela signifie qu'en l'absence de dégel, l'homme ne comprend rien de ce qui lui est dit. (Sauf si cela correspond à ce pour quoi il est pré câblé.) Le changement en lui même à quelque-chose de mystérieux, puisque non seulement il y a dégel, mise en cause des règles qui guidaient le comportement, mais qu'il faut reconstituer de nouvelles règles plus ou moins au hasard. Le processus semble démarrer de manière inconsciente. Le pré câblé ne donnant plus de bons résultats, il y a souffrance. En quelque sorte appel à l'aide au conscient par l'inconscient. Mais le conscient fait tout ce qu'il peut pour ne pas entendre. Il est possible qu'il ne réagisse que lorsqu'il entraperçoit une solution à ses maux. 

La transformation de la Chine montre ce mécanisme en oeuvre. Après avoir longtemps refusé de voir la situation dans laquelle elle était, la Chine a commencé à remettre en cause sa culture, couche par couche, jusqu'à arriver à la couche la plus profonde : l'écriture. D'ailleurs, les révolutions culturelles de Mao, ne sont rien d'autre qu'une tentative d'accélérer ce processus d'apprentissage.

Conséquence pratique ? En termes de changement, la tchatche est peu efficace. Le mieux est, probablement, la technique du vaccin. Il s'agit de placer un échantillon de la population dans des conditions qui vont l'amener à trouver un moyen de réussir le changement que l'on veut accomplir. Si cela marche, la solution sera copiée.  

(Tout ceci me semble rejoindre la pensée de Bergson.)

jeudi 12 novembre 2015

Est-on le meilleur ou le devient-on ?

Le Chœur de Radio France recrute les meilleurs, disait une invitée de Fabrication Maison, émission de France Musique. Formule que l'on entend souvent au sujet de l'entreprise. Inattendue ici. 

Du coup, je me suis demandé si l'on pouvait détecter "les meilleurs". Je connais extrêmement peu de gens qui chantent. Une question de culture familiale, probablement. Peut-on s'affirmer "meilleur" si seule une infime partie de la population entre dans la compétition ? Qu'est-ce qu'un "meilleur", au fait ? Lorsque l'on prend la liste des gens dont l'histoire a retenu le nom, on trouve des personnes qui l'ont changée. Par définition, ils n'étaient pas dans la ligne du parti. C'est particulièrement vrai pour les artistes, les scientifiques ou les grands leaders politiques, de Gaulle, Mao ou autres. Autrement dit, ils n'auraient pas été considérés, de leur temps, comme les meilleurs. D'ailleurs, peut-être est-ce la lutte qu'ils ont dû mener qui les a rendus excellents ? A ce propos, une théorie estime qu'il faut une décennie de travail acharné pour faire un génie. (Même, pour des génies précoces comme Mozart... qui a crevé de faim, de surcroît.)

Du coup, est-ce bon de dire à quelqu'un qu'il est "le meilleur" ? La France est un pays qui se veut élitiste. Sa performance est-elle bluffante ? Comment se fait-il qu'on lui donne en modèle l'Allemagne, qui ne l'est pas ? Et si traiter un jeune homme d'élite le rendait idiot, parce que cela l'empêche de se livrer au travail acharné qui en aurait fait un génie ?...

Eh puis, une société de meilleurs, c'est l'aristocratie ! Retour à l'Ancien Régime ? Et si parler de "meilleurs" était défense de privilège ?  

Faut-il croire à la réincarnation ?

Au Tibet, on croit à la réincarnation. Ridicule, dit la science. Mais n'y a-t-il pas quelque-chose qui ressemble à la réincarnation ?

En écoutant parler de philosophie, j'ai entendu dire que les mêmes idées revenaient régulièrement. Mais alors, le porteur d'une idée serait-il, en quelque sorte, la réincarnation de ses prédécesseurs ? Du coup, n'est-il pas intelligent, si l'on juge que l'on a besoin d'un nouveau Socrate, de rechercher quelqu'un qui présente ses caractéristiques, comme le font les Tibétains ?

Selon l'anthropologue Malinowski, les anciens Mélanésiens avaient abouti à ce type d'explication. Ils pensaient que l'enfant est la réincarnation d'un ancêtre. (L'enfant ne résulte pas du rapport sexuel ; c'est l'âme de l'ancêtre qui pénètre la femme.) Et, là aussi, c'est une approximation qui n'a rien d'idiot. Qui n'a pas été frappé à quel point un descendant ressemble, par son caractère ou son physique, à un de ses ascendants ?

On peut déduire de tout cela que l'homme a probablement deux caractéristiques :
  1. C'est une usine à modélisation du monde. Rien de ce qu'il déduit de son étude n'est "idiot". 
  2. Il a tendance à croire que les autres sont idiots. 

mercredi 11 novembre 2015

Faut-il changer sans en parler ?

La malédiction qui frappe le changement en France... Nouvel épisode de mes réflexions... 

Paradoxe. Quand je discute en face à face avec des opérationnels ou des patrons, on se comprend fort bien. On arrive immédiatement dans le vif du sujet. Mais lorsque je parle de changement dans une conférence, ou dans un livre, je ressens de la méfiance. Mais de quoi se méfie-t-on ? Il ne s'agit que de mon expérience ou de techniques qui ont pignon sur rue depuis des décennies !

D'ailleurs, quand quelqu'un me dit aimer un de mes livres, c'est pour tout sauf ce que ce livre avait pour ambition d'apporter à l'humanité ! En particulier, on regrette souvent que je n'écrive pas de romans. 

Ce qui a fini par me rappeler une histoire survenue en début de carrière. Je cherchais des arguments rationnels pour convaincre mon grand patron qu'il devait attaquer un nouveau marché, colossal. Rien n'y faisait. Jusqu'à ce que je comprenne que c'était un visionnaire qui aimait les "beaux projets" et que l'actionnaire de référence de l'entreprise, son supérieur dans les faits, lui, cherchait à augmenter la valeur de la société. Je me suis alors débrouillé pour faire savoir à ce dernier qu'il y avait énormément à gagner dans mon "beau projet", pour qu'il passe comme une lettre à la poste. 

C'est aussi l'histoire de Parmentier ? Le Français se méfie des belles paroles, des paroles officielles ? Paroles d'une autorité qui sert ses intérêt, à elle, mais pas à lui ? 

Conclusion. Si vous voulez faire le changement en France, il ne faut pas le dire ? Il faut discuter d'homme à homme avec ceux qui possèdent les clés de la transformation ? 

Faut-il avoir peur du progrès ?

Ce qui est essentiel ne s’exprime pas. J'ai l'impression que c'est ce que disent Bergson et Wittgenstein.
Transformer la vie en concepts, c’est nous transformer en choses. C’est le lavage de cerveau. C’est le totalitarisme. Mais aussi la révolte contre ce totalitarisme. D’où des cycles explosifs : oppression, révolution !
Or, les Lumières, c’est la raison conquérant le monde. Plus nous serons « intelligents », meilleurs nous serons, disaient-elles. C’était « le progrès ». Et si c’était ce progrès, principe de notre société, qui était notre mal ?

Mais, en affirmant cela, Wittgenstein et Bergson utilisent aussi des idées ! Et si l’idée était utile quand elle ne veut pas trop en faire ?

Parlons de logos ?
Le logos des grecs est peut-être le terme le mieux adapté à la question. C’est, apparemment, à la fois la parole et la raison. Et c’est bien de cela dont il s’agit. Le logos permet de se comprendre et de structurer la société (lois). Et c’est cette structure qui permet la liberté, au sein du groupe ! De ce fait, l’homme peut vivre paisiblement sa subjectivité non exprimable.
Le logos c’est aussi la science. Et la science « marche ». Par exemple, on parvient à guérir ses souffrances en cherchant à les expliquer. C’est ce que dit la psychanalyse. Mais, ce n’est pas l’explication qui compte. C’est le processus de recherche. En simplifiant le monde, la modélisation facilite l’action. Mais attention : remplacer le problème par l’idée, c’est le vider de son sens. C’est ce que j’ai découvert en faisant la critique de film. La critique vide le film de son émotion. Ce n’est plus rien. L’art exprime l’inexprimable.

Du bon usage de la raison 
Notre société est une société de la parole. Il n’y a plus d’espace pour l’émotion. Une société saine demande des structures explicites dans les interstices desquelles puisse renaître l’inconscient porteur de sens. Cette structure me semble être le « bien commun » dont parle Elinor Ostrom. C’est ce qui « organise l’autonomie ». Ce sont les règles qui permettent à la société de fonctionner et à l’homme de s’épanouir. Mais ces règles n’ont pas d’existence ou ont une existence floue. On retrouve là ce que disent Heisenberg et Gödel. 1) Plus on se rapproche de l’idée plus elle devient imprécise ; 2) un système basé sur des idées est « indécidable ».
Illustration : vérité. 1) « Vérité » nous semble avoir un sens. Pourtant dès qu’on veut lui donner une définition qui ne dépende pas de l’interprétation de l’homme (jugement), c’est l’échec. 2) « Si tu dis la vérité tu seras pendu, si tu mens tu seras brûlé. » Il suffit de dire « je serai brûlé », pour faire disjoncter le système. Vérité n’existe pas. 

mardi 10 novembre 2015

Luther et l'antisémitisme

"Habile à susciter l’émotion, jouant avec des formes d’oralité aptes à capter l’attention de son auditoire, Luther produit ici un texte inclassable, à la fois « savant et vulgaire, sérieux, mais pas dépourvu d’humour » et d’ironie mordante, qui se fait aux dépens du peuple juif." Sur la fin de sa vie Luther a produit un ouvrage grossièrement antisémite. (La suite : Marion Deschamp, « Haines de Luther », La Vie des idées, 5 novembre 2015. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Haines-de-Luther.html)

Luther était le produit de son temps. Cependant, ce que je trouve ennuyeux pour les protestants, c'est de l'avoir, en quelque-sorte, canonisé. Du coup, la tentation est grande d'absorber l'intégralité de sa pensée sans esprit critique. 

Napoléon était-il compétent ?

"Je ne connais rien de plus immoral que quelqu'un qui exerce un métier pour lequel il n'est pas compétent." Napoléon Bonaparte est cité par Jean-Jacques Auffret.

Napoléon était-il compétent pour diriger la France ? me suis-je demandé. 

Et j'en suis revenu à mes réflexions concernant la confiance. A mon avis si l'on veut s'entourer de gens de confiance, il faut commencer par comprendre pourquoi l'on doit nous faire confiance. Qu'est-ce que je sais faire particulièrement bien ? Sur quoi puis-je m'engager ? Qu'ai-je à offrir ? 

lundi 9 novembre 2015

Impossible n'est pas numérique...

Un de mes rapports (hébergé par Slideshare) a été "aimé" plus de 5 millions de fois !
Comment cela est-il possible ? (Il n'a été vu que 60.000 fois...)

Le numérique, c'est vraiment une révolution...

La fibre du haut débit

On me bombarde de propositions d'installation de la fibre. Puis on me sonde pour savoir pourquoi je ne l'ai pas achetée. C'est vrai. Cela paraît idiot : c'est le même prix que l'ADSL, et le débit est meilleur. Mais j'ai peur des travaux. Et je n'ai pas d'usage haut débit. Je ne regarde pas la télé. 

Mais, voilà ce que je n'attendais pas. Un proche s'est trouvé en panne le lendemain de l'installation. Plus de lien avec Internet. Il doit maintenant se débattre avec un service client kafkaïen...

(Autre nouvelle surprenante : on lui aurait dit que, si la fibre occupe une telle place dans la stratégie des opérateurs, cela viendrait de la nécessité de soulager un réseau ADSL saturé. Donc pas, comme je le pensais, de la volonté de disposer du débit pour vendre des produits qui en ont besoin. A moins que l'un soit lié à l'autre : on a parié sur la fibre, on n'a pas investi sur l'ADSL ?...)

Comment réaliser la parité ?

Réaliser la parité paraît impossible. Et pourtant j'ai une idée qui me semble pouvoir résoudre le problème, au moins en ce qui concerne ses aspects principaux. 

Pourquoi, lorsqu'il s'agit d'une fonction importante, président de la république, ministre, député, maire, dirigeant d'entreprise... ne pas nommer une équipe faite d'un homme et d'une femme ? Il me semble qu'il y aurait beaucoup d'avantages à cela :
  • Vue l'importance de ces fonctions, deux compétences sont certainement mieux qu'une. 
  • Deux personnes peuvent assurer une forme d'astreinte. 
  • Ce couple serait plus à même de refléter les sensibilités d'un pays qu'une personne seule. 
  • On est plus courageux à deux que seul, me disait un dirigeant. 

dimanche 8 novembre 2015

Médecine alternative

J'entendais dire que l'on soignait l'obésité. Mais, ai-je pensé, l'obésité est-elle une maladie ? Ne serait-ce pas, plutôt, ce que Durkheim appelait un "fait social" ? Ce sont les conditions de vie en société qui sont les principaux facteurs d'obésité ?

Et si la "médecine alternative" consistait en un réglage de cet environnement social de façon à ce que nous puissions vivre dans des conditions saines ? 

Triangle de Karpman

Si vous fréquentez les coachs, vous entendrez parler du triangle de Karpman. A ses sommets : victime, persécuteur et sauveur. Le coach ordinaire l'utilise pour prouver à la "victime "qu'elle est coupable. Soit qu'elle a bien cherché ce qui lui est arrivé, soit qu'elle peut aisément changer de rôle, donc devenir persécuteur. Idem pour le sauveur. 

Comme souvent, ce que l'on dit ne reflète que nos préjugés ? Ici : l'homme est mauvais ?

Mais, au fait, qui a démontré que le dit triangle était une loi de la nature ? A-t-on vérifié qui était ce fameux Karpman ? Pourquoi lui fait-on une confiance aveugle, alors qu'il existe bien des scientifiques sérieux dont on se méfie ? D'ailleurs, existe-t-il des lois de la nature ? Serions-nous déterminés ? Pensez-vous que cela ait un sens de définir un homme par un mot : "victime", "sauveur" ou autre ?

Curieusement, le coach n'a pas entendu parler de Martin Seligman. Celui-ci constate que si vous connaissez des échecs à répétition, ce que le coach traduit en "victime", c'est parce que votre modélisation inconsciente du monde vous donne de mauvais conseils. Votre comportement n'est plus adapté au monde qui vous entoure. Vous n'êtes pas "victime" mais "dépressif". Si vous parvenez à faire évoluer correctement cette modélisation interne, vous vous remettrez à obtenir ce que vous voulez. Vous deviendrez "optimiste". 

Pour ma part, il me semble qu'il y a des gens qui ont des difficultés, et qui méritent un coup de main pour s'en tirer...

(Je souligne au passage que Martin Seligman est un des très rares psychologues à avoir produit une théorie "falsifiable", qui a été testée.)

samedi 7 novembre 2015

Position haute et position basse

Vous êtes en position haute, me dit un jour un coach junior. "Et toi, ducon, tu es en quelle position ?", ai-je eu envie de lui répondre. 

Le coach voit double : position haute, gourou de secte, position basse : la position du judoka qui cherche la faille, ou du chien qui vise la jugulaire. 

Et s'il y avait d'autres positions ? Par exemple, la position du coéquipier ? Un égal dans sa différence, qui fait équipe avec vous. Il vous apporte, mais vous lui apportez. (Dans mon cas : la motivation de mon existence est d'apprendre, et j'apprends de mes missions, donc de mes clients.)

Testez votre degré d'autisme

Un test : http://mindchecker.channel4.com/test-autism.html. Quel est votre degré d'autisme ?

Il est corrélé à votre sexe et à votre profession. Si vous êtes homme et informaticien, vous avez tiré le gros lot.

("Measuring autistic traits in just under half a million people reveals that your sex, and whether you work in a STEM (science, technology, engineering or mathematics) job, predict how many autistic traits you have, according to new research published in the journal PLOS ONE." Pour ma part, je suis dans le bas du classement.)

vendredi 6 novembre 2015

La France d'hier

Nulle part (...) on n'a pu éprouver plus heureusement qu'à Paris la naïve et pourtant très sage insouciance de vivre ; c'est là qu'elle s'affirmait glorieusement dans la beauté des formes, la douceur du climat, la richesse et la tradition. Nous autres jeunes gens assumions toute une part de cette légèreté et y ajoutions ainsi notre part ; les Chinois et les Scandinaves, les Espagnols et les Grecs, les Brésiliens et les Canadiens, chacun se sentait chez soi sur les rives de la Seine. Point de contrainte : il était permis de parler, de penser de rire, de gronder, chacun vivait comme il lui plaisait (...) (Paris, la ville de l'éternelle jeunesse, in Le monde d'hier de Stefan Zweig.)
Paris d'avant la guerre de 14. Méconnaissable. Où l'on comprend la fascination qu'a pu exercer notre pays sur le monde. Et où l'on se demande ce qui a bien pu nous arriver... 

Google : éternel mystère

https://play.google.com/store/apps/details?id=com.getvesna.android
Selon les statistiques de Blogger, ce site (écrit en cyrillique ?) m'apporte beaucoup de trafic ! Mais comment Google établit-il ses statistiques ? Éternel mystère...

De l'importance de connaître ses envies

Groupe d'amis. L'un de nous s'interroge sur son avenir. Il nous dit son passé : c'est un homme qui a des compétences rares. 

Nous avions plein d'idées pour lui, mais nous ne lui en avons pas données. Pourquoi ? Parce que s'il peut faire beaucoup de choses, il n'en a probablement pas envie. Il faut répondre, avant de chercher un job, à : de quoi ai-je envie ? Certes, la recherche va aider à préciser ses désirs. Mais il est important d'y avoir réfléchi si l'on ne veut pas jouer les mouches contre la vitre. Voilà ce que nous avons pensé. 

jeudi 5 novembre 2015

Et si l'entreprise devait s'inspirer de l'Eglise ?

S'il est possible d'acquérir une culture de management, il est difficile de changer de personnalité. C'est pourquoi il arrive que l'on change de directeur général en fonction du stade de développement de l'entreprise. 
(...)
L'Eglise catholique sait que même un pape ne peut pas avoir toutes les qualités et fait se succéder sur le trône de Saint Pierre, un pasteur, un théologien, un gestionnaire. Cette façon de faire doit être adaptée, car l'Eglise catholique compte 2000 ans. 
(SCHMITT, Jean-Pierre, Manuel d'organisation de l'entreprise, 4ème édition, PUF, 2002.)
La Harvard Business Review veut définir le dirigeant idéal. Et s'il dépendait des circonstances ? Et si, en particulier, l'heure du dirigeant gestionnaire était passée ? Qui va le remplacer ? 

Les mots de Sartre

Que c'est brillant ! Quel styliste ! Quelle ironie désespérée ! Quel bonheur de la formule ! Quelle facilité ! Quel dommage que Les mots soient uniques dans une oeuvre essentiellement de circonstance. Voilà ce que je me suis dit. 

Sartre raconte son enfance. Son père meurt à sa naissance. Sa mère et lui sont recueillis par le patriarche et grand père Schweitzer. Si bien qu'il se considérera longtemps comme le frère de sa mère. Souvenirs d'un "imposteur" : lui et les siens jouent une pièce de théâtre dans laquelle il a le rôle du génie. Celui qui sauvera l'humanité par son art. Il lui faudra des décennies pour devenir un homme comme les autres. 

En rapprochant ces mots de l'interview de sa fille adoptive, entendue sur France Culture, je me suis demandé si cela avait bien été le cas. Et s'il avait reproduit, avec cette fille adoptive, l'idéal qu'il avait vécu avec sa mère ? Et si sa pensée était restée celle d'un singe savant dont le seul désir est de plaire à quelque "autorité" ? Et si sa vie avait été en totale contradiction avec son oeuvre ?  

(SARTRE, Jean-Paul, Les mots, Gallimard, 1977.)

mercredi 4 novembre 2015

Peut-on changer une culture ?

Quelqu'un me disait qu'il travaillait avec une école de commerce à mettre au point une technique qui permette de changer une culture. 

Curieusement, ils n'avaient pas eu l'idée de demander à la science ce qu'elle pense du sujet. Dans ce domaine, la science s'appelle "anthropologie". Elle définit la culture comme les règles qui guident nos comportements collectifs. Cette culture peut s'enrichir, mais elle ne change pas. Car elle n'en a pas besoin, elle porte en elle-même les règles du changement de la société. 

L'anthropologie explique aussi pourquoi on n'a pas fait appel à elle. Aujourd'hui, les dirigeants, qui sont les maîtres d'une partie du monde, pensent que ce qui empêche l'application heureuse de leurs décisions c'est une culture obsolète. Comment expliquer, sans cela, leur échec ? Alors ils paient des pseudo scientifiques pour qu'ils démontrent que le dirigeant est la force du bien aux prises avec le mal. Tout groupe humain crée ses mythes. Et un de leurs rôles est de justifier sa domination, d'empêcher une révolution. 

Il en est d'ailleurs de même des maîtres de l'autre partie du monde, la gauche de pouvoir. Il y a quelques jours j'entendais FIP rendre hommage à Serge Gainsbourg. Serge Gainsbourg et la petite communauté à laquelle il appartenait sont devenus des saints de gauche. Ils représentent l'autorité !

La France et les quatre étapes de l'autonomie

Dominique Marty me parle du modèle des étapes de l'autonomie. Il a été conçu pour l'enfant, mais il me semble qu'il convient à notre société :
  1. Dépendance / symbiose. Phase "oui, oui". C'est le nourrisson qui dépend de sa mère. Il est dans son ventre, ou pas loin. Il n'est rien, elle est tout. 
  2. La contre dépendance. Phase "non !". Le hérisson. Rien ne va, ni moi, ni les autres. 
  3. L'indépendance. Il n'y a que moi qui compte. Phase du polisson. Phase de séparation des autres mais aussi de consolidation de soi. 
  4. Interdépendance. Je connais mes forces et je reconnais celles des autres. Phase "oui, si". Unisson. Solidarité, entraide, coopération. 
Il me semble que l'après-guerre a fait de nous des nourrissons. Depuis 68, nous vivons dans un monde de hérissons. Ou plutôt de polissons. Mais de polissons pas consolidés. Des polissons qui n'ont que des droits, mais aucune compétence manifeste. Aujourd'hui, nous rêvons d'entreprise libérée ou d'économie du partage. Autrement dit de "phase 4". Comment y arriver ? 

Je crois que plusieurs conditions nécessaires doivent être réunies :
  1. Il faut consolider le polisson. Il faut trouver les raisons d'avoir confiance en soi. C'est à dire parvenir à comprendre ce qui fait notre valeur. Qu'avons-nous, d'unique, à apporter aux autres ? Il faut, alors, dire ce que l'on fait, et faire ce que l'on dit. Je n'ai qu'une parole. 
  2. Il faut constituer et construire l'équipe, c'est-à-dire une aire de confiance :
    1. Il faut apprendre à apprécier les autres. Qu'est-ce qu'ils ont d'unique ?, doit-on se demander. (Cf. L'arbre de connaissances.)
    2. Comment vivre avec les autres ? Il faut construire les processus qui vont guider les relations entre membres du groupe. Il y a des techniques pour cela. Mais j'ai l'impression que c'est, avant tout, un voyage dans l'inconnu, avec l'émotion et la crise comme seuls guides. 

mardi 3 novembre 2015

Est-ce l'homme, ou la société, qui pense ?

En lisant Bergson, j'ai d'abord pensé à Proust, puis aux impressionnistes. J'ai appris ensuite que Bergson était parent de Proust et ami des impressionnistes. Puis je me suis dit qu'il faisait de la phénoménologie (analyse de nos perceptions), alors que je croyais que c'était la prérogative des Allemands. Puis, encore, que sa pensée était une réaction aux prétentions d'une science et d'une technique, triomphantes à l'époque, qui voulaient refaire l'homme à leur image. Enfin, j'ai lu qu'il était ami de William James, le père du pragmatisme américain. 

Et si Bergson n'avait été que la nuance française d'un courant qui a parcouru le monde : une réaction à une forme de progrès mal compris ? De l'influence de l'état de la société sur la pensée individuelle ? 

Napoléon, Balzac et le self made man

"Balzac a exposé de façon magistrale comment l'exemple de Napoléon a galvanisé en France toute une génération." (Stefan Zweig, Le monde d'hier.) 

Qu'un simple lieutenant puisse devenir, tout jeune, général puis empereur a donné de l'ambition aux jeunes d'alors. La Révolution a inventé l'ascenseur social. Et l'art est à l'image de son temps : l'ascension de l'individu est le thème de l'oeuvre de Balzac.  

lundi 2 novembre 2015

Une vie de little bangs ?

J'ai fait un grand nombre de choses dont je serais aujourd'hui incapable. Par exemple, j'ai failli avoir une ou deux fois des accidents de la circulation, et je m'en suis tiré avec un sang froid étonnant. Quant à ma carrière scolaire, c'est maintenant qu'elle me donne des cauchemars. J'échoue lamentablement à chaque fois que je la rejoue en imagination. Je souffre rétrospectivement.

De tout cela, je tire la théorie des "little bangs". Vieille idée. Comme il y a la théorie du "big bang" qui dit qu'à l'origine de l'univers était l'ordre, qui a éclaté, notre vie serait faite de tels moments de "désorganisation". Nous fonctionnons plus ou moins automatiquement, selon des règles inconscientes. (Ces règles sont en partie imposées par la société.) Soudain quelque-chose se produit. Il nous tire de notre léthargie. Comme dans l'accident, il est possible que la raison en soit un appel aux fonctions "supérieures" du cerveau, à la "conscience". Dégel à la Kurt Lewin. Du coup, on découvre les règles que l'on suivait sans le savoir. Conscientes, elles deviennent inopérantes. L'ordre fait place à une forme de désordre. (Ou à un ordre d'ordre supérieur ?)

Cela expliquerait le temps. Du fait de ces bangs, il serait impossible de revenir en arrière, contrairement à ce que disent la plupart des branches de la physique. Par ailleurs, ces bangs doivent être plus ou moins synchronisés puisque nous avons tous plus ou moins l'impression de vieillir de la même façon...

(Ma théorie est un peu plus compliquée que cela. Les bangs seraient de plusieurs niveaux. Comme les bombes atomiques, il leur faudrait une masse critique, un détonateur, et boum, plus possible de reculer. Ces bangs seraient le tic tac de l'horloge.)

Bergson : essai sur les données immédiates de la conscience

Einstein ridiculisé ?, me suis-je demandé. Curieux, aussi, que le monde actuel ait oublié Bergson. Car, de son temps, il a connu tous les honneurs, y compris le Nobel et une popularité de rock star, ou presque. Et c'était un atypique : premier prix du concours général en mathématiques (on lui avait même demandé de publier ses résultats !), il était l'élite des scientifiques de l'époque. Pourtant, il avait choisi la philosophie. 

Bergson c'est l'anti-Kant. Kant a bâti son système philosophique sur l'idée que la mécanique classique a raison. Il en a déduit que les phénomènes naturels peuvent être parfaitement connus, mais pas ce qui les sous-tend. Bergson dit l'inverse. On peut se connaître soi. Mais pas les phénomènes, car ils sont transformés par notre subjectivité. Ne serait-ce que parce que l'inconscient appelle à l'aide le conscient uniquement quand il est en difficulté. Le reste du temps, nous sommes en pilotage automatique. Ce qui nous amène au sujet du livre : le libre arbitre. Pour Bergson, les décisions de l'homme résultent de ce que j'appelle des "little bangs" (au sens de "big bang"). Ce sont des conjonctions uniques, sans précédent et sans lendemain. Et le temps, le vrai, c'est cette succession de little bangs. Le temps, le vrai, est relatif à chacun d'entre-nous. Et le temps de la physique n'est pas le temps, le vrai, mais une modélisation. En fait, c'est de l'espace. La physique est statique et non dynamique : elle explique les évolutions de la nature a posteriori, après le changement, elle est incapable de dire ce qui se passe durant le changement. Du coup, il n'y a ni cause ni effet. L'impression de cause et d'effet vient de notre esprit modélisateur. Un tel esprit est bien pratique comme aide à l'action. Il simplifie le monde. Mais il est dangereux quand il est utilisé pour expliquer notre comportement. Ce faisant il menace de nous transformer en machine. 

Paradoxe ? Le modèle des little bangs laisse entendre que "volonté" n'a pas de sens. Et pourtant Bergson semble penser qu'il faut vouloir échapper à la modélisation aliénante. Et qu'on le fait par l'introspection, en apprenant à se connaître soi-même. Peut-être l'homme a-t-il une sorte d'interrupteur ?, me suis-je dit. D'un côté, il peut se laisser séduire par Kant. Il devient un rouage social. De l'autre, il cherche à se connaître, et se place dans des conditions favorables aux little bangs. La recommandation de Bergson crée les conditions de la liberté. Liberté qui est un phénomène mystérieux, d'ailleurs : une série d'éclairs de génie ?

Une pensée à approfondir...

(BERGSON, Henri, Essai sur les données immédiates de la conscience, Garnier-Flammarion, 2013.)

dimanche 1 novembre 2015

Du professionnalisme en sport

France Culture interviewait, la semaine dernière, Pierre Albaladejo (A voix nue). Il a parlé de l'effet du professionnalisme sur le sport. A l'époque de l'amateurisme, le sportif devait avoir un métier. Sa carrière de champion terminée, sa notoriété lui apportait la fortune. Alors, le sport était intelligent. Aujourd'hui, il recrute des brutes. Heureux changement ?

Qu’est-ce qui a changé dans l’entreprise ? Un entretien avec Christian Kozar

Dans les années 90, on parlait de la transformation de la RATP, d’Air France, de France Télécom, comme de succès. D’administrations, elles étaient devenues de « vraies entreprises ». Elles étaient performantes. Et cette performance avait été obtenue par la mobilisation de leurs personnels. L’optimum économique était humain. Aujourd’hui, j’ai l’impression que l’entreprise française est retombée dans ses travers. Bureaucratie, clientélisme, lutte des classes… Ai-je tort ? Raison ? Qu’est-ce qui s’est passé ? J’ai eu envie de poser ces questions à Christian Kozar, qui a été la cheville ouvrière de plusieurs succès retentissants.


Christian Kozar en d'autres temps
(Le son est ici : http://www.dailymotion.com/video/xfd96w_air-france_news)

Pourquoi ce qui marchait hier ne marche-t-il plus aujourd’hui ? 
Pas mal de choses ont changé et rendent aujourd’hui les changements plus difficiles je pense, qu’il y a dix ou vingt ans. Tout d’abord, il y a la peur du chômage qui a durci les salariés. Il y a aussi le développement d’un « effet tribu ». Ce qui signifie qu’il y a beaucoup moins d’esprit d’équipe, et réapparition des corporatismes. Ensuite, comme on le voit chez Air France, les élus et les politiques entrent très vite dans le jeu. Et les conflits sont très vite relayés par les médias. Tout cela complique le travail du dirigeant. 

Le changement est-il devenu impossible ? 
Non. Le blocage du changement tient à quelques problèmes que l’on pourrait éviter. On veut faire du neuf avec du vieux, on essaie d’améliorer ce qui ne marche plus. Par exemple on essaie de faire rivaliser Air France avec Ryan Air. Mais c’est impossible. Il faut construire la stratégie d’Air France à partir de ses particularités, non en les niant ! J’aime raconter l’histoire suivante. Seattle était une ville en bois. Elle faisait la fortune des menuisiers. Elle a brûlé. La mairie a voulu la reconstruire en dur. Les menuisiers ont cherché à se reconvertir. Ils ont échoué. Sauf un. Il s’est demandé ce qu’un menuisier pouvait faire d’autre que des maisons. Des avions. C’était William Boeing. 

Seconde erreur. Le patron se croit toujours de droit divin. Il pense qu’il suffit d’ordonner de déposer un dossier sur la table, ouvrir des négociations avec les syndicats… pour être obéi. Ce temps est terminé car les moyens dont disposait le patron il y a seulement vingt ans ont disparu. Aujourd’hui le seul levier reste le « donner envie » 

Comment transformer l’entreprise ? 
Je constate que les gens sont stressés, mais compétents. Ils sont même plus compétents que de mon temps, contrairement à ce que l’on dit. Mais, il faut donner envie. Et il faut partir d’en bas. Aucun syndicat n’ira contre la base. C’est en mobilisant l’entreprise que l’on réussit. Les syndicats entérinent toujours la volonté de la base, l’inverse n’étant pas certain. C’est comme cela que nous avons fait. Et c’est toujours comme cela qu’il faut procéder. 

Christian Blanc disait que ce qui le rendait efficace lorsqu’il négociait avec les syndicats, c’est qu’il aimait écouter les gens. Si bien que ses négociations ne tournaient jamais mal. Et si l’on ratait le changement parce que l’on n’aimait plus les gens ? 
C’est exactement cela. On veut remplacer l’homme par le robot. On ne parle plus que d’intelligence artificielle… On ne se voit plus, on s’envoie des tweets et on met tout le monde en copie. On n’aime plus assez les gens. Tout est là et tout est lié.