dimanche 31 mars 2019

La crise est nécessaire à l'homme ?

La crise est le propre de l'évolution, dit Nassim Taleb. C'est aussi ce que l'on peut déduire de la théorie de la complexité : par exemple, le "big bang" a produit l'ordre dont nous sommes sortis.

Or, il y a quelque-chose de plus curieux. Si l'on examine les travaux sur le développement durable, on peut se demander si l'homme n'a pas compris ce phénomène, et s'il ne s'est pas mis à déclencher des crises, pour provoquer des changements. (D'ailleurs, la littérature du management de ces dernières décennies incitait ses lecteurs à réformer par la crise.) Plus curieux : les pacifistes et les combattants du développement durable ont, eux aussi, un comportement qui cherche la crise.

(Mais, à trop jouer avec le feu, ne risque-t-on pas de se brûler ?)

Lyft : dernière chance de s'enrichir ?

L'entrée en bourse de Lyft, plate-forme de réservation de taxis, a été un succès. Si bien que beaucoup d'autres sociétés, dont Uber, vont suivre sont exemple. Or, "ses pertes, depuis 2016, s'élèvent à 2,3md$" dit le Financial Times. Et il en est de même pour les autres "licornes".

Cela m'a rappelé une conversation avec "trader", peu avant la crise de 2008. Je lui avais demandé s'il ne voyait pas arriver les crises. Il m'avait raconté, qu'au contraire, c'était des moments de grande excitation. Il ne fallait pas être le dernier à recevoir la "patate chaude". Et si c'était le cas actuellement ? Et si les investisseurs voyaient poindre la fin d'une phase spéculative, et voulaient profiter de la dernière occasion de gagner beaucoup en peu de temps ?

(Que signifie "licorne" ? Une corne : les pertes, pas de revenus ? Un animal de légende, pour économie irréelle ?)

samedi 30 mars 2019

Le cas de conscience Huawei

En Angleterre, les organismes compétents estiment que le matériel Huawei "pose de sérieux problèmes de sécurité" (Financial Times). Etrangement, la France ne semble pas concernée par ces questions. (Phénomène "nuage de Tchernobyl" ?)

Imaginons que le risque existe, comment le gérer ? Alcatel ayant disparu, il ne reste plus d'offre française. Favoriser un champion européen ? Ou aider à l'émergence de PME locales capables de fournir une partie du matériel nécessaire ? Est-il possible de circonscrire les risques, pour mélanger les offres ?... Ceux qui doivent traiter ces questions, au gouvernement ou ailleurs, ont-ils l'expérience et les compétences pour le faire ?... En tout cas, ils doivent maudire leurs prédécesseurs, qui ont cru que le "laisser faire" produirait le meilleur des mondes.

Crime, innovation (et châtiment ?)

Durkheim fait du crime la contrepartie de l'innovation. Quant une société a pour valeur l'innovation, une partie est en bien, et l'autre en mal.

Ce qui explique peut être pourquoi les puissants ne sont jamais punis. En effet, ils innovent. Et pour que la justice puisse se prononcer, il faut qu'elle ait eu le temps de comprendre vers où allait porter l'innovation.

Certains sont au dessus des lois, prix de notre désir d'innovation ?

vendredi 29 mars 2019

Faut-il admirer Tesla ?

Dans certains milieux, Elon Musk est un mythe. En réinventant la fusée et la voiture, il a montré comment les forces du marché apportaient l'innovation. Mais qu'en est-il, en fait ? J'entendais un consultant qui a publié un livre sur Tesla dire qu'il fabrique aux USA, et conçoit et produit lui-même son équipement (les tableaux de bord, les sièges...).

Ce que peu de constructeurs font. Surprenant pour un nouvel entrant. Ce qui m'a rappelé ce que m'a dit un ancien styliste de Peugeot. Il y a quelques jours, il a essayé une Tesla. Il a été surpris d'y trouver un équipement étonnamment vieillot. Il ne s'attendait pas à trouver cela dans une voiture de luxe.

Lorsque je vois les concepts cars que sort Porsche, par exemple, des voitures que l'on croirait dessinées par Steve Jobs, je me demande si Tesla peut tenir longtemps face à des constructeurs pour qui l'esthétique, l'innovation technologique et la maîtrise des coûts sont une seconde nature. Et dont l'histoire est faite de réinventions radicales.

Paradoxe Levinas

Emmanuel Levinas répète que l'humanisme, c'est aller vers "l'autre homme". Or, il a un style extrêmement difficile à décrypter. Les mots les plus importants de son vocabulaire n'existent pas dans le dictionnaire, ou ne sont pas employés conformément à leur définition usuelle. Qu'a-t-il fait pour aller "vers l'autre homme" ? En quoi a-t-il assumé sa responsabilité vis-à-vis de nous ?

Cela illustre peut-être qu'il existe deux mondes. Il y a le monde de la pensée et le monde de l'action. Chacun suit sa logique, et on pense rarement à les mettre en conformité.

(Le décryptage participe à la séduction de Lévinas, en fait. Traduire une langue mystérieuse est un plaisir en soi. Et l'effort pour ce faire réduit les capacités de l'esprit critique.)

jeudi 28 mars 2019

L'art et l'idée

Dans L'homme révolté, Albert Camus dit que le concept abstrait, la production de l'intellectuel, menace la société d'anéantissement. Il pense au révolutionnaire. Mais cela ne s'applique-t-il pas aussi à l'art ?

Une décoratrice me disait qu'il n'y avait plus rien de beau, ou même de durable. Je me demande si l'art n'a pas été saisi par l'abstraction de l'intellectuel, par l'artificiel. De moyen, la technique, et l'invention de nouvelles techniques, est devenue une fin. Jusqu'à l'absurde.

Que faire ? Repartir de la réalité, dit Camus. Culture "pop" ? Pas brillant. Lestée par les concepts du marché ? Décidément, on n'arrive pas à s'en sortir ?

Humanisme et technocratie

On réclame un "nouvel humanisme". De quoi parle-t-on ?

L'humanisme, c'est placer l'homme au coeur des préoccupations de la société. N'y était-il donc pas ? 68 ne fut-il pas l'avénement d'un individualisme ? Alors, peut-être, société de consommation ? Matérialisme ? Non : artificiel.

Nous ne sommes pas une démocratie, mais une technocratie. La technocratie, c'est le règne du diplômé. Le diplômé ne connaît rien de la vie. Son esprit s'est constitué dans un univers abstrait. Comme il est aux commandes des Etats, des entreprises et des banques, il leur applique ses utopies. Et il en résulte une succession de crises. Le contraire de l'humanisme, c'est le nihilisme. C'est l'amour du néant. C'est l'aliénation de l'esprit humain par l'abstraction.

(Le phénomène de la bureaucratie a été étudié par Robert Merton. Il avait appelé son mal "displacement of goals". Le bureaucrate ne comprend pas la mission de la bureaucratie. Il la remplace par quelque chose qu'il a inventé.)

mercredi 27 mars 2019

Et si la PME était l'avenir de la France ?

Et si "start up" nation était une spéculation de plus ? Et si le succès était dans la PME ?

Imaginez un moment que la PME croisse. La croissance nationale repart, les dettes fondent. Surtout, elle recrute des gens normaux (pas des autistes artificiels), près de chez elle, donc en province. Elle vide les gilets jaunes de leurs ronds-points et les islamistes de leur djihad. Et elle met pôle emploi au chômage. Mieux encore, en recréant des richesses un peu partout, elle donne aux économistes une raison d'y implanter des écoles et des hôpitaux. C'est le réaménagement du territoire par l'économie.

La PME française a un potentiel de croissance. Car, la PME française "subit". Au jeu de la valeur, elle est perdante. Il suffirait d'un traitement existentialiste pour qu'elle fasse son coming out de grande puissance, et qu'elle prospère, et nous avec...

Les mémoires de Mme Obama : succès sans précédent

Le Financial Times déclare que les mémoires de Mme Obama s'annoncent comme un succès sans précédent. Un autre article explique qu'un éditeur a payé M et Mme Obama 65m$ pour les dits mémoires.

Désormais, faire de la politique de gauche rapporte monstrueusement. Quant au citoyen, il ne semble pas y trouver son compte. C'est peut-être pour cela qu'il élit des milliardaires.

mardi 26 mars 2019

Grand changement

Au fond, ce blog avait raison. Ce que nous faisions était idiot. Et, effectivement, il y a un grand mouvement de balancier. Après la phase de délocalisation en masse, l'entreprise occidentale revient vers ses origines. On entend, de plus en plus souvent, que les mouvements sociaux "populistes" qui parcourent nos pays pourraient bien avoir été provoqués par les conséquences d'un certain "aveuglement". Il faut aussi avouer qu'il n'y a plus grand chose à aller chercher dans les pays en développement, puisqu'ils sont développés maintenant.

Mais quelle est l'ampleur des dégâts ? Le tissu économique a été essoré par "l'actionnaire", en particulier le fonds d'investissement. Il va falloir remettre en marche les actifs productifs dégradés. Les Etats ont maintenu la population à flots, et empêché une prise de conscience des conséquences qu'auraient l'action des agents économiques, en s'endettant mais aussi, c'est à craindre, par un recours à des manoeuvres peu rigoureuses. Par ailleurs, Philippe Varin disait, il y a peu, que les évaluations des coûts d'une mise en conformité avec nos engagements environnementaux seraient de cinquante milliards par an, voire plus. (Soit de l'ordre de 2500€ par foyer. L'impôt sur le revenu rapporte un peu plus de 70md.) Où trouver cet argent ?

Cela ressemble à une faillite. On va devoir redécouvrir que le Français n'a pas que des défauts...

Le Fouquet's et la malédiction Sarkozy

Pourquoi diable s'en prennent-ils encore une fois au Fouquet's, me suis-je demandé. Il y a une semaine : il était à nouveau dévasté par les Gilets jaunes.

Et si la cause en était Nicolas Sarkozy ? En y fêtant sa victoire, il l'a sacré temple des parvenus ?

Si c'est le cas, il y a quelque-chose de curieux, ici. En effet, Nicolas Sarkozy voulait nous "décomplexer". Il est bien d'être riche. Nous voulons tous être riches. Avouons-le. Débarrassons-nous de notre hypocrisie française. Voilà ce qu'il semblait penser.

Ce que lui répondent les Gilets jaunes, c'est qu'ils haïssent la richesse ostentatoire. La France de la 5ème République est-elle restée celle de De Gaulle ? Contrairement à ce qu'il croyait, M.Sarkozy était une anomalie ? Comme le Fouquet's ?

(Et comme les Champs Elysées, qui sont devenus un shopping mall à l'américaine ?)
(PS. M.Sarkhozy serait maintenant administrateur de la société qui détient le Fouquet's...)

lundi 25 mars 2019

Fusions acquisition ou comment se ruiner

En juin 2018 Bayer achète Monsanto. Aujourd'hui le prix de l'action Bayer vaut 40% de moins qu'alors. Des procès ont mal tourné pour Monsanto.

Je pense que, comme beaucoup de monde, je me suis demandé "pourquoi acheter Monsanto ?". Cette entreprise fait l'objet d'une haine qui ne peut que rejaillir sur l'acquéreur.

Et en plus... Un des marronniers des sciences du management est l'étude qui montre que l'acquisition fait, significativement, perdre de l'argent à l'investisseur. Un nombre ridicule d'acquisitions est un succès.

Voilà une histoire qui en dit peut-être long sur la façon dont les entreprises sont dirigées : par des coups de poker ? L'acquisition est le plus simple des coups de bluff ?

Le protectionnisme expliqué par Henri IV

"Pour affranchir le royaume des dépenses importantes qui étaient dues à l'importation des tapisseries étrangères et éviter la sortie de cet argent du royaume, le roi Henri IV a décidé, en avril 1601, d'installer dans « une grande maison ou antiennement se faisoit teinture » Marc de Comans et François de La Planche, tapissiers flamands, le premier d'Anvers et le second d'Audenarde, associés depuis le 29 janvier 1601 pour réaliser des tapisseries façon de Flandres." C'est le début des Gobelins. Et la citation vient de wikipedia.

Le libre échange, en dépit des démonstrations faites par les économistes, peut conduire au déséquilibre. La nation en danger réagit en fermant ses frontières et en cherchant à apprendre à fabriquer elle-même ce qui a conduit au déficit. Ce qui demande un très long temps. Car acquérir une nouvelle compétence est compliqué.

dimanche 24 mars 2019

M.Macron et les intellectuels

Lundi dernier j'ai été surpris de constater que l'émission que je voulais écouter était remplacée par un débat entre M.Macron et les "intellectuels". Je n'ai pas écouté mais j'ai cherché à savoir s'il valait la peine de m'intéresser à la question :

France Culture rediffusait des prises de parole de "philosophes", lors du débat. Dramatiquement insipide. Je doute que Tocqueville, Victor Hugo ou Proudhon aient tenu ce type de propos à Napoléon III. Quant aux journaux, ils n'avaient pas, non plus, grand chose à rapporter, sinon que la séance avait duré longtemps. Même Fidel Castro se serait lassé.

Comme un grand maître d'échecs, M.Macron fait des parties simultanées avec une soixantaine "d'intellectuels". On est loin du temps de Frédérick II et de Voltaire. Qu'en déduire de l'estime que M.Macron porte à son propre QI, ou de celui de "l'intellectuel" ?

Tweet et validation sociale

Paradoxe d'Edgar Morin. Cent vingt mille personnes sont abonnées à ses tweets, mais, je l'entendais dire, à la radio, que ses travaux n'étaient pas compris. (Si je lis correctement son oeuvre, on fait même exactement ce qu'il dénonce !) Comment l'expliquer ?

Aime-t-on réellement ce que l'on aime ? Ou suit-on les recommandations de la société ? Phénomène que les psychologues appellent "validation sociale" ? Et, d'ailleurs, comment la société fait-elle pour décider de ce qu'il faut suivre ? Qu'est-ce qui compte le plus, le fond, ou la forme ? Vieux monsieur sympathique ou idées révolutionnaires ?

samedi 23 mars 2019

Le retour en grâce de l'industrie

Les rencontres du financement de l'industrie avaient pour thème "accompagner le renouveau de l'industrie".

"Le déclin industriel est enrayé", mais "fragile". "On a laissé filer l'industrie (...) aveuglément". L'industrie revient en grâce, partout dans le monde. Il y a certainement beaucoup de raisons pour cela. A commencer par le fait qu'il n'est plus très rentable de produire en Chine. Le mouvement de délocalisation systématique opéré par les multinationales pourrait s'arrêter ? Accessoirement, l'élection de Donald Trump, le Brexit et les manifestations des gilets jaunes seraient nettement corrélés à la désindustrialisation et à l'appauvrissement résultant. D'ailleurs, les présidents de région française, n'ayant plus qu'un seul mandat, ont une forte motivation pour réindustrialiser leur territoire, seule façon de créer de l'emploi.

Après des années où l'industrie française supprimait 50.000 emplois par an, il y aurait un frémissement. Pour la première fois depuis longtemps il y a eu plus de créations que de fermetures d'usines. Cependant, tout ceci tient à un fil. Et l'industrie souffre de handicaps. Tout d'abord, les jeunes ne veulent pas y travailler. 50.000 emplois ne trouveraient pas preneurs. Mais aussi, curieusement, l'industrie serait colossalement surtaxée. Il ne s'agit pas d'une question de charge patronale. Les "impôts de production" rapporteraient 80 milliards à l'Etat. Il n'y aurait rien d'équivalent en Allemagne. Ce serait donc un handicap massif. Simplement, l'Etat ne peut pas renoncer à une telle manne. (Si c'est le cas, on peut s'interroger sur les compétences de ceux qui nous gouvernent. Ils semblent avoir d'énormes sources de revenus, qui se dissiperaient dans la nature.)

Illustre inconnu

Illustre inconnu, une des expressions de mon père. Il entendait probablement par là quelqu'un qui n'avait aucun titre de gloire mais qui était parvenu à se placer en position d'autorité.

L'expression peut être entendue différemment. Que savons-nous des travaux des gens illustres ? J'écoutais parler Alain Touraine. C'est un sociologue fameux. Probablement un scientifique important, puisque sa fille est ministre. Mais qui connaît ses idées (surtout pas moi, après l'avoir entendu parler) ? Et qui sait qu'il n'était pas du tout d'accord avec d'autres hommes illustres ? D'ailleurs qui sait que les hommes illustres ne sont pas d'accord entre eux ? Y aurait-il une forme de relativité dans la science ?

Comment devient-on illustre ? Cela obéit-il à la raison ? De même que "il n'y a pas de héros pour son valet de chambre", l'illustre doit-il être inconnu ?

vendredi 22 mars 2019

Qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans le réchauffement climatique ?

Le réchauffement climatique inquiète beaucoup de monde. Manifestation, pétition, grève, unanimité des scientifiques. Mais rien ne se passe.

Ce mouvement me semble basé sur une erreur de raisonnement. Il prend pour acquis que le passé ne va pas se répéter. Qu'il n'y aura plus d'épidémies, ou de guerres. Il n'y a rien de plus faux. Les dangers qui sont en face de nous sont autrement plus terribles que le réchauffement climatique. Et beaucoup sont invisibles, inconcevables.

Pour une raison que je ne comprends pas, nous répétons l'erreur de la France de l'entre deux guerres. Le combat climatique est mené comme une lutte fratricide. Elle empêche la société de comprendre la réalité des menaces et de s'y préparer.

Conséquences imprévues du féminisme

Pas possible d'ouvrir la radio, sans entendre parler de femme battue, ou maltraitée ou mal payée. Message : femme, martyr ; homme, criminel.

Mais qui dit que les femmes sont mieux éduquées que les hommes ? Que si vous êtes une fille vous avez 50% plus de chances d'avoir mention très bien au bac que si vous êtes un garçon ? (En 2015.)

Et si c'était ce type de manipulation des données qui faisait le lit de ce que l'on appelle "populisme" ?

jeudi 21 mars 2019

Education nationale et lutte des classes

Edgar Morin parle de "lutte des classes". Lutte entre la classe des enseignants et celle des élèves. Deux cultures différentes, et un conflit violent. Cela n'existait pas de mon temps. Difficile à concevoir après 68, un mouvement de libération de l'élève, dont sont issues les idées de l'enseignant moderne.

Quand Michel Crozier et Hannah Arendt enseignaient aux USA, après guerre, leurs élèves combinaient leurs forces pour les aider à faire connaître leurs idées. Ils ne se voyaient pas comme des élèves, mais comme des membres d'une religion nouvelle, probablement. Et si la classe devenait une équipe ? Pas seulement maître élèves, mais aussi au sein de la classe. C'est en transmettant que l'on apprend. Aider ses camarades rapporte. Pour enclencher le phénomène, le professeur doit sortir de la parole d'autorité, qui lui met tout le monde à dos. Comme Hannah Arendt et Michel Crozier, il doit montrer en quoi ce qu'il enseigne est réellement utile, et ne sert pas uniquement à obtenir un emploi, ou se conformer à la doxa. En quoi, au contraire, son savoir libère. Voilà qui mériterait d'être étudié.

A house for Mr Biswas de V.S.Naipaul

Sir V.S.Naipaul. Grand écrivain anglais. Prix Nobel. Un de ses romans les plus célèbres. C'est le roman de son père.

Le roman se passe dans la communauté indienne de Trinidad. Mr Biswas naît dans une famille extrêmement pauvre. Il perd son père, alors qu'il n'est qu'un enfant. Sa vie sera promiscuité et misère. Son rêve : avoir sa maison. Ce qui le sauve, c'est son mauvais caractère. Il ne s'avoue jamais vaincu, même par plus fort que lui, il n'est jamais inférieur, il ne plie jamais l'échine. Au fond, c'est un libertaire.

C'est un brahmane. Cela ne veut pas dire grand chose hors de l'Inde. Mais cela lui vaut d'être un peu éduqué. Et c'est probablement quelqu'un d'intelligent. Un tournant de sa vie surviendra lorsqu'il est embauché, alors que jusque-là il peignait de la publicité pour des commerces, comme reporter par un des titres de l'ile. Mais c'est aussi ce contre quoi il lutte qui le sauve. Il se marie, par mégarde, avec une fille d'une famille nombreuse. Cette famille joue le rôle d'assurance pour ses membres. Qu'ils travaillent ou non, elle les habille et les nourrit. Ils vivent les uns sur les autres, dans le bruit, les disputes et les fêtes.

Ces familles indiennes sont industrieuses et entreprenantes. Elles investissent aussi considérablement dans l'éducation de leurs enfants, qui ont droit, mêmes pauvres, à des cours particuliers intenses. Les plus brillants partent à l'étranger poursuivre leurs études (V.S.Naipaul va à Oxford).

C'est aussi l'histoire du monde. La prospérité d'après guerre, l'ascenseur social de l'éducation supérieure, qui se "massifie", la dislocation de la famille et le triomphe de l'individualisme.  C'est peut être ce que signifie la maison de M. Biswas.

mercredi 20 mars 2019

J'aime le passé, suis-je un réac ?

Trouver qu'il y a eu du bon dans le passé, c'est être réactionnaire. C'est ce que l'on dit aujourd'hui. Etrange changement. Jadis, la culture de l'honnête homme s'appelait "humanités", c'était l'étude de la sagesse grecque et latine.

Etudier le passé ne veut pas dire que l'on veut y revenir. C'est y rechercher une inspiration pour imaginer l'avenir.

Et Churchill d'ajouter : "Les peuples qui nient leur passé sont condamnés à le revivre".

Conduite du changement et libéralisme

Depuis que j'écris sur le changement, on me suggère de conseiller le gouvernement. Mais le gouvernement n'a aucun conseil à recevoir. Il a sa méthode de conduite du changement.

Elle a été conçue dans les années 80, en Angleterre. Elle consiste à assécher financièrement ce que l'on veut réformer. A lui de se débrouiller. C'est comme cela que nos gouvernements procèdent avec le service public, et avec les régions.

Cela a un effet curieux. Car ce n'est pas le pouvoir politique (donc nous) qui dicte la mission de service public, mais le bon plaisir de ses membres (élus locaux, personnels d'hôpitaux, etc.).

Mais ce n'est pas grave. Nos gouvernants sont libéraux. Le libéralisme affirme que les structures intermédiaires empêchent le bon fonctionnement du marché, la concurrence pure et parfaite. Or, le marché procède à des allocations de ressources optimales. Il se construit sur les ruines des écoles et des hôpitaux. Il suffit d'attendre.

mardi 19 mars 2019

Le sauvage, l'ingénieur, l'intellectuel et la machine

Les travaux d'Edgar Morin sur la complexité disent quelque-chose de surprenant. L'intellectuel, comme la machine, brasse des concepts. Il est dans un univers différent de celui de la vie, mais qui a un intérêt pour l'homme. C'est cet univers qui nous a apporté ce que nous avons appelé "le progrès".

L'homme, quant à lui, a une "pensée complexe", ou peut-être plus justement, une "pensée sauvage". Si son esprit n'est pas déformé par l'Education nationale, il est capable d'être heureux dans la jungle, la forêt vierge, ou sur la banquise, dans des environnements où le moindre faux pas est mortel. C'est autrement plus admirable que ce que l'on doit faire pour obtenir le prix Nobel.

Entre l'homme et l'intellectuel - machine, il y a l'ingénieur, un intermédiaire.

La crise actuelle pourrait venir de la rupture de cet équilibre. L'intellectuel a pris le pouvoir. Il veut un monde à son image, artificiel. L'ingénieur se veut intellectuel. Et l'homme est le dindon de la farce.

Napoléon, empereur de Chine

Napoléon serait une star en Chine.

On en a une mauvaise image chez nous. Dictateur, massacreur... Les Chinois ont une autre interprétation des choses : Napoléon, c'est l'avénement de la modernité. C'est un homme qui a changé le monde. Mieux qu'Alexandre, qui n'était qu'un conquérant ? Comme Mao, dont le changement par essais et erreurs a fait des dizaines de millions de morts, mais qui a éveillé la Chine ?

La gloire serait-elle à nouveau à l'ordre du jour ?

lundi 18 mars 2019

Pourquoi la France est-elle un chaos ?

Un ami me dit qu'il est frappé par la désorganisation des aéroports français. Tout semble y aller en dépit du bon sens. Je vous épargne ses, très nombreuses, anecdotes. Elles sont déprimantes. Ce n'est pas le cas ailleurs.

J'ai eu cette même impression avec les urgences des hôpitaux. Chaque hôpital semble avoir développé ses procédures propres. A chaque fois que l'on entre dans un hôpital, il faut découvrir ses règles. Travail d'anthropologue. Compliqué quand on est malade.

J'ai observé que le dirigeant français, principalement lorsqu'il est haut fonctionnaire, avait une façon curieuse de conduire le changement. Il coupe les vivres. Ensuite, à l'organisation concernée de se débrouiller. Du coup les intérêts supérieurs de la communauté sont entre ses mains, en particulier ceux du client ou de l'usager. Il y a retournement des responsabilités.

Lien de cause à effet ?

Complexité française

Pierre Rosanvallon observe que la France est schizophrène (L'Etat en France). Elle prétend réaliser une utopie. Bien entendu, c'est impossible. Donc, elle doit faire ce qui est contraire à ses principes. Mais cela doit rester secret. Il ne faut pas la tirer de son rêve.

Est-on obligé d'être rationnel ? La France n'est-elle pas un exemple de "complexité" selon Edgar Morin ? La France est apparemment dysfonctionnelle, mais elle avance. Il en est de même de couples qui ne cessent de se disputer et pourtant ne peuvent se séparer.

Est-on condamné à ne rien faire ? J'ai eu la surprise de voir des personnes se métamorphoser au décès de leur conjoint. Celui-ci, sans qu'on le sache, devait être toxique. Une organisation "complexe" peut être en équilibre, mais en mauvaise santé. Question : sommes-nous heureux ?

dimanche 17 mars 2019

Sale sociologue !

Un ami me disait que mes arguments sociologiques étaient des sophismes.

Il est convaincu que le Français est fondamentalement mauvais, paresseux, incompétent... Cela se voit tous les jours. Je lui réponds que les exemples qu'il me donne s'expliquent, en grande partie, par l'influence de l'environnement. Un comportement différent serait immédiatement ramené à la norme. J'ai cité Marc Bloch, Michel Crozier, et mon expérience de l'industrie de l'armement... ce qui n'a fait qu'aggraver mon cas.

Au fond il a raison. Il démontre que l'influence de l'environnement n'est pas tout, il faut aussi tenir compte des croyances individuelles.

Bug de Boeing ?

Les 737 ne volent plus. Les accidents de Boeing 737 sont-ils dûs à un bug ? Les véhicules modernes sont pilotés par logiciels, et le propre du logiciel, c'est le bug. Bien sûr, il y a des tests, mais est-on sûr qu'ils sont suffisants ?

On nous dit que les accidents d'avions sont de plus en plus rares. Certes. Mais si tous les 737 se mettent à tomber, pour la même raison, les statistiques pourraient changer. En tout cas, pour le moment, comme pour les retraits de voitures (pour cause de bug), le coût de l'immobilisation du 737 est considérable.

Ne serait-il pas judicieux de concevoir pour le bug ? D'optimiser un peu moins et d'introduire un peu plus de redondances ? De moins dépendre du logiciel ?

samedi 16 mars 2019

Alain Duhamel

Alain Duhamel est plus intéressant que je ne le pensais. J'en avais un souvenir d'enfance. De télévision. Je l'associais à ces informations qui n'informaient de rien. Des tissus de banalités. Seul trait marquant : une mèche de cheveux qui tombait, et qu'il replaçait sans cesse. Irritant. Eh bien, son interview par France Culture, la semaine dernière, m'a fait entrevoir un autre homme.

Je ne savais pas qu'il avait été un intime de tous nos présidents. Il n'y a peut-être qu'en France que cela est possible. Ce que je retiens : deux années brillantes de Giscard d'Estaing, et une fin calamiteuse ; Mitterrand, du bon et du mauvais ; Jospin : recalé, piteusement, pour n'avoir parlé que de son bilan, et conçu aucun projet pour l'avenir ; Sarkozy, excellent dans la crise, et la créant le reste du temps ; Chirac : rien ; Hollande : deux années calamiteuses, puis des réformes efficaces, mais incapacité à personnaliser sa fonction ; et maintenant, la politique est un chaos.

Sentiment qu'Alain Duhamel et ses présidents faisaient parti d'un "système". Ritualisme : ils y jouaient un rôle, sans s'interroger sur son utilité, ou sur les réels besoins de la nation.

Europe libérale

Je ferais bien de lire ce blog. J'ai retrouvé un compte-rendu d'une intervention de Patrick Le Galès, qui montre à quel point la réforme libérale menée par l'Europe a été déterminée, violente et efficace.

Le mécanisme que le changement a suivi est difficile à saisir par le citoyen, parce que "l'Europe" ne signifie rien. C'est un machin qui paraît n'avoir aucun pouvoir. Ce que dit l'intervention en question, c'est que l'Europe est une sorte de club. Les gouvernant s'y rencontrent et se mettent d'accord sur des idées qu'ils vont ensuite appliquer à leur peuple. Ces idées obéissent bien moins à la raison qu'à des modes. Dans le cas des réformes libérales, ce sont, étrangement (elles semblent si vieilles !), les idées de Mme Thatcher qui ont prévalu. Elles ont été suivies d'une mise en oeuvre qui avait, en particulier, pour ambition une sorte de "nettoyage ethnique" des régions.

Ce mécanisme pose un problème. La démocratie exige un législatif et un exécutif. L'un exprime la volonté générale, l'autre la met en oeuvre. Dans le cas européen, les deux se sont mélangés. Les gouvernants ne se sont pas comportés en représentants du peuple mais ont agi, en quelque-sorte, pour leur propre compte.

vendredi 15 mars 2019

Le retour du libéralisme

Après guerre, le libéralisme était honteux. Il était à l'origine de la guerre et de l'horreur, c'était certain. Non seulement on en était convaincu, mais cela confirmait les conclusions de toute une littérature scientifique.

Qu'est-ce qui fait que le libéralisme soit revenu en force ? Le libéralisme a été remplacé par la technocratie planifiante. Hayek, notamment, a montré, justement, que la technocratie était déterministe, et que c'était contre nature. Mais ce n'était pas, contrairement à ce qu'il croyait, un argument en faveur du libéralisme.

Libéralisme et technocratie, tous deux, ne sont pas durables. En attendant que l'on trouve une troisième voie, il semble que l'on oscille entre eux.

Le coupable, piège du changement ?

Pourquoi, depuis toujours, les changements échouent-ils si souvent ? Parce que la cause de ce qui ne va pas est évidente. Elle nous fascine. Le changement, c'est se faire justice. Règlement de compte. Malheureusement, le changement a besoin du coupable pour réussir. En effet, il occupe une fonction irremplaçable. Et un conflit interne fait perdre un temps précieux.

Le changement efficace, sans heurt, voit au delà de la culpabilité, il cherche la capacité à changer.

Exemple ? 
Enseignement qu'il faut tirer de la gestion de France Télécom ? Sa direction était persuadée qu'une administration encombrée de fonctionnaires inamovibles ne pouvait pas lutter contre la concurrence. Pendant qu'elle les affrontait, le GAFA apparaissait. Paradoxalement, alors que France Télécom avait, après guerre, été à la pointe du changement, il est devenu un suiveur, qui extrait une rente d'un monopole.

jeudi 14 mars 2019

Le Français refuse la modernité

Le sociologue Alain Touraine déclare que la France "refuse la modernité". (A voix nue, France Culture.)

Mais qu'est ce que la modernité ? Pas très clair. Cela semble avoir été l'usine contre le champ, dans le passé. M.Giscard d'Estaing. M. Rocard contre M.Mitterrand, à gauche. C'est même ce qui aurait défini le courant politique représenté par M. Rocard ou M.Delors, aujourd'hui Emmanuel Macron. Effectivement, dans Révolution, M.Macron dit qu'il veut faire entrer la France dans la "modernité".

Mais, après guerre, la France a-t-elle refusé la "modernité" ? Et, à l'heure du Brexit, de M.Trump, du mouvement 5 étoiles, de la lutte contre le réchauffement climatique, du dirigisme triomphant et du protectionnisme, où sont les champions de la "modernité" et qu'ont-ils à proposer qui enthousiasme les peuples moins arriérés que le nôtre ?

La publicité de France Télévision

Hier, une star classique occupait l'antenne de France Musique. Lancement de son dernier disque.

Mais, je croyais que France Musique ne pouvait pas faire de publicité ?

Mais, il n'y a pas que cela. France Musique, comme France Culture, n'est que "partenariats".

Nous sommes en France. Nous sommes un pays d'absolus tonitruants. Mais aussi d'arrangements avec les absolus. Il faut bien vivre.

Cela a des avantages. Cela permet de tondre celui qui respecte les lois, et de tenir en respect ceux qui ne les suivent pas.

mercredi 13 mars 2019

Pourquoi ne pense-t-on plus ?

Il n'y a plus de pensée. Au mieux, il y a des modes, le réchauffement climatique, le féminisme... Les intellectuels ne produisent plus d'idées. Et les mouvements de contestation, Nuit debout ou Gilets jaunes, comme les grandes douleurs ?, sont muets.

Une explication (cf. Bobos in paradise) pourrait être que la société moderne donne le pouvoir aux intellectuels. Ils sont donc riches et heureux, et n'ont plus rien à déclarer.

Je relisais aussi ce que j'avais écrit d'Hannah Arendt. Pour elle, il y a lutte entre espèce et individu. L'espèce veut faire de nous des animaux, uniquement préoccupés de leur physiologie. Elle décryptait comme cela la marche du monde...

(Au fond c'est du anti-Hegel.)

CosySew ou la France que l'on aime ?

A chaque fois que je vais aux urgences, je me demande combien de temps encore les efforts combinés des patients et du personnel parviendront-ils à contrebalancer la désorganisation induite par les réformes gouvernementales.

Espoir ? L'hôpital sauvé par l'initiative individuelle ? A l'occasion d'une transplantation cardiaque, une patiente a constaté que les tenues dont les hôpitaux et les EPAD affublent leurs pensionnaires sont indignes d'êtres humains. Elle a eu l'idée de concevoir une ligne de vêtements respectueux. C'est beau, confortable, pratique et, en plus, économique ! Et c'est un succès : interviews à la télé et dans les journaux, prix, et même rencontre avec François Hollande ! Elle a monté MonaLuna-CosySew, avec sa fille. C'est ici : www.cosysew.com.

(Un article, parmi beaucoup...)

mardi 12 mars 2019

Camus et Sartre

Ce n'est pas la bonne façon de mener le changement, ai-je pensé en relisant "L'homme révolté" de Camus.

Il n'est pas étonnant que Sartre ait mal pris L'homme révolté. C'est une attaque violente contre lui. Car Sartre est un "révolutionnaire". Et le livre de Camus s'en prend aux révolutionnaires. Le révolutionnaire est un zélateur de la pensée abstraite. Elle veut façonner le monde, sans se préoccuper de sa réalité. C'est le nihilisme, la destruction de l'homme par le concept, par l'artificiel. C'est le crime contre l'humanité. Tout est à jeter dans Sartre. Même ses lectures. Car l'existentialisme de Sartre vient d'Heidegger, et, pour Camus, la pensée allemande est mortifère.

Et il y a le non dit. Sartre est intellectuel et grand bourgeois. La raison d'être de l'intellectuel est de s'en prendre à la bourgeoisie, pour défendre le déshérité. Or, Camus est, justement, un déshérité. Orphelin de père, une mère handicapée. La misère. Heureusement qu'il y eut la 3ème république et un instituteur. Or le pauvre Camus ne se reconnaît pas dans le paradis que lui destine l'intellectuel Sartre. Aussi, Sartre se veut "intellectuel engagé". Or, Camus, a été résistant pendant une guerre que Sartre aurait plutôt eu tendance à vivre du mauvais côté. Finalement, et c'est peut-être le pire. Sartre est un être d'élite, un normalien, et, en plus, un agrégé de philosophie. De quel droit Camus, qui n'est rien du tout, peut-il oser penser ? Dans le monde de Sartre, les putains sont respectueuses.

Camus dénonçait le nihilisme. Mais, il a été nihiliste, vis-à-vis de Sartre. Accepter la critique de Camus, c'était se reconnaître comme Tartuffe. C'était reconnaître l'absurde de sa pensée. Etre réduit au néant. Ce qui explique peut-être pourquoi Sartre a eu droit à la sympathie de la société.

Parent et divorcé

Quelques recommandations de quelqu'un qui a plutôt réussi ses enfants, en dépit de divorces :
  • Divorce : fatalement des tensions entre parents. Essayer d'en abriter les enfants ("les négociations sont dures, elles se répercutent sur les enfants"). Surtout "ne pas prendre à parti le gamin", "ne pas l'utiliser comme mesure de rétorsion, ou comme espion". "Ce n'est pas parce que l'autre cache, qu'il faut cacher.", "jouer son rôle de façon neutre : pas oeil pour oeil." 
  • "Sortir du contexte judiciarisé du divorce." Le droit français empêche le contact humain et encourage la surenchère, et envenime les relations. Penser "médiation". "Le meilleur investissement que nous ayons fait." 
  • Adopter des "rituels", pour faire oublier les "souvenirs stressants". 
  • L'enfant demande "de l'équité et de l'égalité". Les meilleures solutions sont celles qui traitent les parents à égalité. Mais ne pas imposer une égalité mécanique, si l'on n'en a pas les moyens, par exemple pas le temps de bien s'occuper de l'enfant que l'on a en garde. Il vaut mieux faire peu et bien, que beaucoup et mal. "Faire quelque-chose qui marque les esprits."
  • Attention, l'enfant n'est pas un ange. Il peut aussi profiter de la situation, et manipuler ses parents. "Faire plaisir aux enfants, ne leur rend pas service." 
  • Vigilance. Enquêter, notamment auprès des professeurs, pour connaître les réactions de l'enfant. Il est important que les parents se parlent, et se parlent de l'enfant, et qu'il le sache. En outre : "le jour où on s'est reparlé, ça a été apaisant pour l'enfant."
  • "Assumer son rôle, sans se débiner". Jouer son rôle de père ou de mère. Tenir ses engagements. Adopter une attitude respectueuse par rapport à son ancien conjoint, en particulier. Cela paie à long terme. 
Au fond, mon interviewé aime ses enfants. C'est peut-être la recette du succès. Si l'on aime, on se pose de "bonnes questions" et on les résout. "Aime et fais ce que tu veux", de Saint Augustin. En tout cas, être divorcé ajoute un sérieux handicap à l'exercice. Et cela doit énormément compliquer la vie personnelle. Je soupçonne que les égoïstes ne doivent pas divorcer.

(Précédent billet sur la question.)

lundi 11 mars 2019

Qu'est-ce que la politique ?

La politique c'est, par définition, l'activité du citoyen. Ce n'est pas la gestion de la "cité", c'est l'expression d'une envie d'avenir. La politique oscille entre Charybde et Scylla :
  • Le totalitarisme, c'est croire possible ce qui est impossible, dit Hannah Arendt. 
  • Dans Le savant et le politique, Max Weber explique que le savant éclaire, le politique décide. Aujourd'hui, c'est le contraire qui se passe. La parole d'autorité écrase. Les lobbys s'affrontent. Pour eux, il n'y a qu'un avenir possible. Ils veulent nous l'imposer.
La politique est le pari que nous pouvons choisir notre avenir. C'est l'art du discernement : certains paris sont perdus d'avance ; d'autres sont trop tristes pour en être. La politique est un projet esthétique, enthousiasmant. C'est ce qui nous fait défaut aujourd'hui.

Enfants et divorce

Un divorce près de chez moi. Constatant que les enfants vivent mal le divorce de leurs parents, j'ai décidé d'enquêter. Qu'ont fait ceux dont les enfants s'en sont bien tirés ? Premier billet sur deux.

Premier contact. Première constatation frappante. Le divorce, c'est violent, à un point que je n'imaginais pas. Sans aller chercher très loin, j'ai immédiatement trouvé des divorces qui s'étaient fait alors que les enfants avaient quelques mois, voire n'étaient pas nés ! Je ne m'y attendais pas. Mais, c'est normal, à la réflexion. C'est lorsque l'on est plein de vigueur que l'on est sensible au nouvel amour. Tout de même, cela donne envie de créer un mouvement pour les droits de l'enfant. Et pourtant, les parents en question sont des amis. Des gens estimables, selon moi. Le divorce est une pathologie sociale, aurait sûrement dit Durkheim. D'ailleurs, le divorçant est souvent divorcé. Le divorce n'est pas une question de genre. Un partout, le gamin au milieu ? Car, de l'avis même des parents, le divorce est un traumatisme pour les enfants, il laisse de premiers souvenirs marquants. Et, on ne peut pas y faire grand chose. Les parents sont emportés par les événements. On ne peut que guérir, pas prévenir.

Carla Bruni parlait de son enfance, à France Culture (A voix nue). Elle a peu vu ses parents, mais ils ont créé pour leurs enfants un univers protégé, ce dont elle les remerciait. Ce qui a fait qu'elle n'a pas perçu, qu'en fait, ils menaient des vies séparées. Et qu'elle n'avait pas le même père que sa soeur. C'était ainsi qu'opérait la noblesse d'antan.

Mais tout le monde n'a pas la chance d'avoir des parents nobles, et riches. Prochain billet : divorcé et parent.

dimanche 10 mars 2019

Manifestations en Algérie

Nous vivons à l'heure du mouvement de foule spontané. C'est maintenant l'Algérie qui s'y met. Christine Okrent et son émission en parlaient samedi dernier.

Le mouvement algérien diffère de celui des Gilets jaunes. Il se prépare depuis longtemps, et sa composition sociologique est beaucoup plus vaste, et plus jeune, que dans le cas français. D'où une meilleure organisation (non seulement il n'y a pas de violences, mais les manifestations ne laissent pas un papier gras) et une capacité à produire une pensée politique, et des revendications cohérentes.

Le pouvoir semble anesthésié. Il exploitait la situation depuis longtemps, sa capacité d'analyse et de décision s'est atrophiée ?

Enseignement ? La politique et la stratégie sont des mécanismes collectifs, ils demandent à être construits et entretenus ?

Lobby gay

Je lisais que l'Eglise était dirigée par un "lobby gay".

Ailleurs, l'homosexuel est perçu comme une minorité en péril, qu'il s'agit de protéger. On devrait donc se réjouir de son succès. Mais, dans le cas de l'Eglise, apparemment, cela ne s'applique plus.

De l'échec des principes absolus, et de la complexité du monde ?

samedi 9 mars 2019

Les Gilets jaunes expliqués par Albert Camus ?

Relecture de L'homme révolté de Camus.

Camus oppose la révolte à la révolution. La révolte est une réaction, qui cherche à améliorer les choses. Elle vient "d'en bas" de la société, de la réalité. La révolution vient d'en haut, c'est une utopie, une abstraction simplifiante, qui prétend être la réalité. La révolte produit une renaissance, la société comme oeuvre d'art, un épanouissement de l'homme. "Je me révolte donc nous sommes." La révolution est un "nihilisme", elle détruit, elle fait de l'homme un robot. Son moteur n'est pas l'intérêt de l'humanité, mais la volonté de puissance.

M.Macron a appelé son livre "Révolution", sa Révolution aurait-elle provoqué une révolte ?

(La révolte, c'est la pensée complexe, la révolution, la pensée simplifiante, dirait Edgar Morin.)

Fédération soviétique des Gilets jaunes

Quel pourrait être la suite du mouvement Gilets jaune ?

Le rond-point qui est l'âme du mouvement, si j'en crois un anthropologue. Un besoin majeur du Gilet jaune est celui de la reconstitution du lien social ; il s'établit, sur le rond-point, une régulation qui ne se trouve pas dans la manifestation : le groupe de Gilets jaunes repousse les personnalités dont les opinions sont susceptibles de le diviser (les militants syndicalistes ou de partis extrêmes, les professionnels du changement social).

Et si le rond-point devenait association ? Cela permettrait de structurer le mouvement, et d'éviter les débordements. Ces soviets pourraient ensuite se fédérer. Vive Proudhon ?

vendredi 8 mars 2019

Le paradoxe du féminisme et des médias

Les médias briment les femmes ? Ils ne les aiment pas ? Déséquilibre hommes femmes croissant dans les médias, notamment chez Radio France, ai-je entendu, ce matin.

C'est étrange. Les médias sont les unités avancées du combat féministe. Comment se fait-il que leurs actes ne soient pas conformes à leurs paroles ? D'autant que, dans l'entreprise, que l'on pourrait croire macho, les conseils d'administration se féminisent rapidement, conformément à la loi. (Une étude.)

Paradoxe difficile à expliquer. En tout cas, cela semble illustrer ce que disent les anthropologues : pour comprendre l'homme, il ne faut pas s'en tenir à ses paroles, il faut observer ses actes. 

Humanité somnambule ?

"Les peuples qui nient leur passé sont condamnés à le revivre" (Churchill).

L'écriture de mon premier livre, il y a près de 18 ans, m'a amené à me plonger dans toute une littérature, scientifique ou non. J'ai eu la surprise de découvrir à quel point nous nions le passé. Par exemple, tout le débat sur le libéralisme d'avant guerre, on ne parlait que de ça, est totalement inconnu. Il en est de même de la science des systèmes, ou de la complexité, qui fut l'alpha et l'omega de l'après guerre, et même La science, et surtout, la cause de la prospérité moderne. Quant aux sciences du changement, tout se passe comme si personne n'en avait parlé, alors que c'est une des préoccupations principales de l'humanité. Ce qui est plus ennuyeux est que la société moderne est issue de décisions, rarement heureuses, dont on a effacé la trace.

Phénomène mystérieux. Certains n'ont pas envie que le passé soit connu, certainement. Mais surtout, il semble que l'écrasante majorité de la population ne soit pas curieuse. Effort intellectuel trop grand ? Avons-nous été abrutis (cf. les thèses d'Hannah Arendt) ?... Mystère.

jeudi 7 mars 2019

Que veulent les Gilets jaunes ?

Ils nous embêtent, qu'ils disent ce qu'ils veulent ! Je discutais Gilets jaunes, et voilà ce que j'ai entendu.

J'ai répondu que cette analyse ne me paraissait pas pertinente. Personne ne sait ce qu'il veut. Même Michel Rocard, exceptionnellement intelligent, reprochait aux intellectuels de ne pas avoir imaginé une politique qu'il aurait pu appliquer. Or, les Gilets jaunes ne sont pas des intellectuels, et encore moins un politicien de la trempe de Michel Rocard.

D'ailleurs, en dehors des ronds-points, ils ont une très faible capacité d'organisation et de maintien de l'ordre, contrairement à un syndicat ou à un parti politique traditionnel. Car, qui est un "vrai" Gilet jaune ?

Ce qu'ils ont d'intelligent, qui mérite le respect, selon moi, c'est la durée. Ce qu'ils affirment, c'est qu'ils sont là. Ils sont une force qui n'a pas de représentation politique, remarquait un anthropologue. Ils sont une demande qui veut créer son offre.

(Aux USA, cette offre s'appelle Trump.
Un anthropologue étudie les ronds points.)

Le paradoxe du réchauffement climatique

Et si le réchauffement climatique était naturel ? Eh bien, nous serions en train de prendre des mesures pour nous adapter. En particulier sauver les îles qui vont se noyer. Et, comme c'était dit dans une émission de radio, cela atténuerait le phénomène...

Pourquoi ne faisons-nous rien ? Parce que nous pensons que nous en sommes responsables !

mercredi 6 mars 2019

La crise de la technocratie simplifiante ?

Dans un mouvement mondial, Vichy a donné à la technocratie la direction de la France. Cette technocratie a été utile à la reconstruction du pays et, à la diffusion du progrès issu de la guerre.

La caractéristique de la technocratie est d'avoir une pensée planificatrice adaptée à un avenir prévisible. C'est ce qu'Edgar Morin appelle une "pensée simplifiante". Cette pensée est égarée par l'incertitude :
  • Nos grandes entreprises, dirigées par des technocrates, ont connu une succession de crises, et, souvent, ont fini dans des mains étrangères. Le technocrate ne comprend pas le métier de l'entreprise qu'il dirige. Croissance par l'acquisition, généralement. Ce qui conduit au surendettement. A cela s'ajoute l'abandon de filières "non compétitives", qui sont, peut-être, tout simplement, des filières que le technocrate ne sait pas développer. (Exemples : France Telecom, Crédit Lyonnais, Crédit Foncier, Bull, Alstom, Alcatel, Areva, Pechiney, Arcelor, Vivendi, Thomson, la filière textile, à quoi il faut ajouter des entreprises para publiques telles qu'EDF, criblées de dettes.)
  • Le pays fait l'objet d'une série de réformes qui, quasiment toutes, ont donné le contraire de ce qui était attendu d'elles. La réforme obéissent à une forme de pensée magique :  "les lois de l'économie", l'effet d'échelle, la "numérisation" (une mode mondiale), le partage du temps de travail, etc. (Exemples : Les réformes avant 2005 ; réformes européennes.)
Cela coûte cher, mais, surtout, cela détruit les compétences du pays, qui ont demandé des siècles d'élaboration à la collectivité, et qui sont ses richesses.

La technocratie s'est transformée en oligarchie. Sur le modèle anglo-saxon, elle se dit entrepreneuse et créatrice de richesse. Elle doit gagner beaucoup, en récompense de ses mérites. Comme un général qui passerait à l'ennemi, et se ferait payer pour cela, les technocrates utilisent les pouvoirs donnés par l'Etat, pour leur propre compte. Comment interprètent-ils la crise ? Le Français est paresseux, et ne veut pas travailler, ou est un arriéré. (Voir : L'oligarchie des incapables.)

Et si notre crise était celle de la pensée technocratique, simplifiante ?

Pensée complexe

Edgar Morin parle de pensée complexe. En fait cela signifie qu'il est complexe de penser. Notre forme de pensée nous porte à l'erreur, fatale.

Curieusement, cette erreur a commencé par faire notre succès. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous lui sommes attachés. Car cette pensée tend à croire que tout est simple. Et effectivement, beaucoup de choses commencent par être simples. Seulement, il survient ensuite des conséquences imprévues. Notre esprit leur cherche des solutions simples. Ce qui produit un cercle vicieux. Si l'on commence à s'en rendre compte, aujourd'hui, c'est peut-être que notre simplicité d'esprit est en bout de course.

Il va donc falloir apprendre à penser différemment. A commencer par redécouvrir émotions et intuitions. Et utiliser la raison, notre pensée simplifiante, comme outil de contrôle. Peut-être.

mardi 5 mars 2019

Jean Bichelonne

Jean Bichelonne semble avoir été le meilleur des polytechniciens. Il sort major de polytechnique, avec des notes jamais approchées.

Né en 1904, il est mort en 1944, en Allemagne, lors d'une opération chirurgicale. Son histoire est peut-être révélatrice d'un pan de celle de la France, peu connue : la prise du pouvoir par la technocratie. En effet, il est le ministre de la collaboration industrielle. Durant l'entre deux guerres, et ses crises, la France se lamente de son inefficacité. Les polytechniciens (X-Crise) et les inspecteurs des finances, en particulier, en appellent à une gestion technocratique, rationnelle. Cela se fait aux USA, en URSS, en Allemagne. Mais ils ont peu de succès. C'est grâce au gouvernement de Vichy qu'ils prennent la direction du pays. La planification commence. L'enthousiasme collaborationniste en discréditera quelques-uns, mais les autres auront l'avenir pour eux. Tout changement a ses martyrs.

Injonction paradoxale et éducation

Qu'est-ce que l'injonction paradoxale, et en quoi doit elle être prise en compte par un éducateur ? Une question que l'on me pose. Et ma réponse :
L’injonction paradoxale est un conflit entre des injonctions contradictoires, l’une consciente l’autre non.
A l’origine de l'expression, il y a l’anthropologue Gregory Bateson, qui pense que c’est une cause de la schizophrénie. L’enfant est soumis à une injonction paradoxale, par sa mère, et ne peut s’échapper.
Dans la vie courante on ne s’intéresse pas à la schizophrénie mais à l’injonction paradoxale comme technique de manipulation. Manipulation signifie que l’on obtient quelque chose d’un être humain sans avoir fait appel à son libre arbitre. Par exemple, si vous avez peur du chômage vous serez prêt à accepter beaucoup de votre employeur. Parfois l’impossible.
Bien sûr, il y a beaucoup de formes subtiles d’injonction. La société, en particulier, nous soumet à de nombreuses injonctions inconscientes : rendre ce que l’on a reçu, le respect pour ses parents, la défense du faible, etc. Cela nous rend faciles à manipuler.
En ce qui concerne l’éducation, la tentation est grande d’utiliser l’injonction paradoxale. L’éducateur pense généralement savoir ce qui est bon pour l’élève. Mais ce dernier semble résister à son intérêt. Il est alors tentant d’utiliser des techniques de manipulation, pour son bien. (« Si tu ne fais pas tes devoirs, tu n’auras pas de dessert » dit le parent.) En particulier, l’élève français subit un puissant conditionnement à la note.
La manipulation commence d’ailleurs par le conditionnement. On apprend à l’enfant à aimer le chocolat pour pouvoir ensuite l’en priver.
L’expérience montre que la manipulation ne marche pas parfaitement. Celui qui subit la manipulation finit par en être plus ou moins conscient et développe des tactiques de défense. Mais cela ne crée pas des individus et des sociétés très saines. La schizophrénie de Bateson n’est peut-être pas très loin.
L’injonction paradoxale nous pose la question du respect et de la responsabilité. Comment, en tant qu’être humain responsable, se comporter vis-à-vis d’un autre être humain, que l’on respecte ? Responsabilité signifie, comme dans la loi française, être prêt à payer pour les conséquences de ses actes.
Tout cela pose certainement beaucoup de questions à l’éducateur. Ma pratique ne contient-elle pas une dose d’injonction paradoxale ? Comment obtenir les résultats que je désire par d’autres moyens ? Comment former des êtres humains qui sachent détecter et réagir correctement à l’injonction paradoxale, et ne pas y avoir recours ? Etc.
A mon avis, il faut se méfier de la théorie. Ce qui compte est la pratique. Il me semble, en particulier, important d’examiner ce que l’on fait tous les jours, afin d’y chercher des situations où l’on a utilisé ou aurait pu utiliser ce type de techniques. En fait, il nous arrive, finalement assez souvent, de ne pas s’en servir alors que l’on aurait pu le faire. On peut se demander pourquoi, et comment le répéter systématiquement. Un exercice utile est aussi de se demander si l’on ne s’est pas trouvé déjà en situation d’injonction paradoxale, ce que l’on a fait, ce que l’on aurait dû faire, et ce que l’on fera la prochaine fois que ce sera le cas. 

lundi 4 mars 2019

Xi Jinping séduit le potentat africain

On sous-estime peut-être ce qui fait la séduction de la Chine pour un dirigeant africain. Le modèle de gouvernement africain est celui du potentat âgé. Il en est de même en Chine. Or, les succès de la Chine montrent les forces de ce modèle. La démocratie occidentale est son ennemie.

(Une idée qui m'est venue en écoutant une série d'émissions de France Culture.)

Heureux comme un Allemand en France ?

Il y a quelques années, j'avais eu l'idée de comparer la France et l'Allemagne. J'avais interviewé des nationaux d'un pays qui connaissaient l'autre, ou des étrangers aux deux qui connaissaient les deux... Le résultat avait été surprenant.

Il y a deux différences majeures entre la France et l'Allemagne, en ce qui concerne l'entreprise et la relation au travail. Elles sont probablement liées:
  1. En Allemagne, le travail est désagréable, on le fait bien, pour le faire vite, et qu'il n'empiète pas sur la vie. En France, c'est le contraire. 
  2. L'entreprise allemande est centrée sur le client, l'entreprise française sur son patron. L'Allemande cherche à plaire au client, le dirigeant français fait ce qui lui plaît. 
La France aurait donc un "potentiel inexploité". Ce qu'elle fait est "mal fini" mais riche de potentiel, puisque l'entreprise y a investi sans compter. Si l'on retraitait ce potentiel "à l'allemande", pour enchanter le marché, on ferait fortune.


dimanche 3 mars 2019

L'anarchie : notre Graal

L'anarchie n'est pas ce que l'on croit. C'est un Graal. Car l'anarchie c'est "l'absence de chef", c'est donc la liberté. (Curieusement, cela peut aussi signifier "absence de commencement".)

Si le libéralisme de Hayek a séduit Foucault, c'est pour cela. C'est l'anarchie. Le libéralisme, c'est l'homme gouverné par la main invisible du marché. Ce n'est pas la main visible de l'homme.

Paradoxalement, le communisme est une autre forme d'anarchie. Mais pas le communisme soviétique. Le communisme au sens premier du terme. C'est à dire le contrôle par tous les hommes des "choses communes", qui permettent à chacun de mener sa vie comme il l'entend.

(Exemples concrets : c'est le modèle de wikipedia ou, plus efficace, du développement en mode "open source".)

Comment dire non ?

Savez-vous dire non ? Soit on est brutal, et l'on se fait un ennemi. Soit, plus souvent, on dit oui, par faiblesse, et on s'en mord les doigts. Et si les grandes révoltes venaient de oui exprimés à la légère ? "Comment dire non" est un livre essentiel.

La recette qu'il donne pose une question existentielle : pourquoi ne l'appliquons-nous pas de nous-mêmes ? En très résumé : pour que notre "non" soit respecté, il faut que nous respections l'autre. Et cela demande que nous nous respections. Mais encore ?

Respecter l'autre, c'est "l'écouter et le reconnaître", c'est, tout bêtement, le traiter en être humain. C'est se demander, sincèrement, qui il est, ce qui compte pour lui. Et pour cela, il faut lui donner une explication solide, c'est-à-dire basée sur nos "intérêts, besoins et valeurs". Il faut donc les connaître, ce qui demande une plongée en soi.

La démarche est "oui, non, oui ?" Le premier oui est un oui à soi-même : voilà ce qui est important pour moi, dans la vie, ce à quoi je dis "oui". D'où un "non" qui est, simplement, ce que je ne peux pas faire compte-tenu de ces règles. Le tout finissant sur un "oui ?", qui ouvre une autre issue à une collaboration, qui découle du oui initial, et de ce que l'on comprend des talents et aspirations de l'autre.

Du coup, me suis-je dit, chaque rencontre devient une chance ! Chance d'approfondir la connaissance de soi, chance de profiter de l'autre, pour réaliser un potentiel, inconcevable jusque là, de se transformer, de "grandir".

Théorique ? Un exemple d'application :
Dans ma jeunesse j'ai négocié, les uns derrière les autres, parfois plusieurs fois par jour, le renouvellement de contrats avec des "grands comptes". A chaque fois, un acheteur me disait : "je veux moins cher". Je répondais, énervé (mais poli ?) : "si nous réduisons nos prix, nos équipes, qui ont un objectif de rentabilité, vont accélérer leur travail ; ce qui nous fait prendre un risque pénal, que je refuse. D'ailleurs, votre responsabilité est engagée avant la nôtre. En revanche, il y a des domaines dans lesquels, du fait de notre passé, nous sommes plus performants que nos concurrents. Testez-nous." Cela a été si efficace que nos ressources ont été saturées en moins de trois mois. Non seulement j'augmentais mes prix, mais je ramenais des contrats sans commune mesure avec ceux dont j'étais allé discuter. Le plus curieux, c'est que personne ne m'avait demandé de remonter nos prix. J'avais pris cette fonction, supplémentaire, du fait de la désertion d'un collègue (à qui je n'avais pas su dire non). Mes propos reflétaient, effectivement, une conviction personnelle.

Mais l'histoire finit mal. Je me rends compte que lorsque j'ai correctement dit non, je l'ai fait à la méthode Ury. Malheureusement, avoir le non respectueux systématique ne va pas de soi.

samedi 2 mars 2019

André Previn

André Previn est décédé. C'est le dernier représentant d'une espèce qui a émergé après guerre : la star de la musique classique. Il était construit sur le même modèle que Leonard Bernstein, et Glenn Gould, dans une moindre mesure. Un musicien prodige, éduqué, touche à tout, que la soif de culture pour tous d'après guerre et la télévision rendent immensément célèbre. Il écrit des musiques de film, et épouse Mia Farrow (entre autres).

Tout cela est fini aujourd'hui. La musique classique n'est plus un produit de grande consommation. Les gens éduqués ne sont plus rares. Et les musiciens talentueux sont nombreux. Conséquence de la culture pour tous.

Génération Macron

L'inspection des finances me semble avoir produit une génération qui ressemble à M.Macron. Génération de révoltés. Ils veulent s'évader de l'administration, qu'ils haïssent, et, surtout, la combattre. Ils se disent "entrepreneurs". (J'en ai rencontré quelques-uns.)

Paradoxe : ces "entrepreneurs", qui ont passé trente ans le nez dans des bouquins, se révoltent contre un système qui leur a donné, très jeunes, tous les pouvoirs sur nous et sur l'Etat. Sans lui, ils ne seraient rien. 68, 50 ans après.

Et si l'on examinait l'idéologie inculquée par l'ENA ?

vendredi 1 mars 2019

Les réformes du président Macron

Depuis son élection, je m'interroge sur ce que le président Macron a en tête. Je lui ai prêté un temps une vision subtilement systémique. Une fois de plus, j'ai eu tort.

Un débat que j'animais il y a quelques temps conclut que le programme de M.Macron aurait, en quelque sorte, pour principe fondateur qu'il y a du travail de l'autre côté de la rue. Ses réformes seraient doubles. D'une part simplifier les licenciements, surtout rendre leur coût prévisible. La difficulté à licencier briderait l'élan vital de l'entrepreneur. D'autre part, la "start up nation". Les start up nageraient dans l'argent de l'Etat. Même l'Allemagne ne ferait pas mieux.

Cela ne semble pas marcher. Y aurait-il quelque-chose d'erroné dans les hypothèses faites par M.Macron ?

Introduction à la pensée complexe d'Edgar Morin

Qu'est-ce que la théorie de la complexité ? Le désir de sortir notre pensée de "sa préhistoire". Un appel "à la civilisation des idées". Sur le modèle de Descartes, notre pensée est "simplifiante". Ce qui produit un effet paradoxal, une "pathologie de la pensée". Le progrès s'accompagne de l'accroissement de l'ignorance. La connaissance n'est pas faite pour être "réfléchie et discutée par les esprits humains". Surtout, la logique de la pensée simplifiante est, justement, de combattre la complexité, qui est le propre de la vie !

Complexité ? C'est avant tout la contradiction. Par exemple, sans désordre, il n'y a pas d'ordre. Cela s'applique en premier à la science. "La vertu de la science qui l'empêche de sombrer dans le délire, c'est que sans arrêt des données nouvelles arrivent et l'amènent à modifier sa vision et ses idées." Ce sont les contradictions qui font avancer la pensée. De même, un être vivant c'est "des constituants de faible fiabilité", "régénérés en permanence", l'opposé d'une machine. Quant à l'entreprise, elle a besoin "de liberté et de désordre", pour assurer "adaptabilité et créativité". La complexité, incompréhensible, non maîtrisable, non définissable, en elle-même est une condition nécessaire pour prospérer dans un environnement complexe. Autrement dit, à vouloir contrôler, comprendre, on tue !

Malheureusement, la science de la complexité s'arrête là. Certes "trois principes peuvent nous aider à penser la complexité" : "dialogisme", la "régression organisationnelle", et "le principe hologrammatique". Elle parle aussi de "l'auto organisation". C'est totalement incompréhensible par la "pensée simplifiante". Mais que peut-on en faire ?  Pour Edgar Morin, on assiste à l'émergence d'un nouveau "paradigme". C'est à la société de combiner ses forces pour le mettre au point.

Malheureusement, elle ne l'a pas fait. Nous vivons à une heure de "pensée simplifiante" triomphante. On croit même que l'ordinateur va mieux penser que l'homme. Ne serait-ce pas là la vraie cause du manque de durabilité de notre développement ? Folie passagère ?