jeudi 30 avril 2015

Innovation organisationnelle : le changement que doit réussir l'entreprise

Jacques Jochem est un des très grands scientifiques du management. Il vient de publier Le mix organisation. (JOCHEM, Jacques, Le mix organisation, Eyrolles, 2013.) Question : à quel changement l'entreprise est-elle confrontée aujourd'hui ?

"Innovation organisationnelle". Pour être compétitive, l'entreprise doit jouer à fond la carte de l'autonomie individuelle, et du travail collectif. Hier l'innovation allait de la grande entreprise vers la petite puis vers l'individu. Maintenant le sens du mouvement s'est inversé !

Comment réussir ? Une question de volonté. Et, apparemment elle manque plus à la grande entreprise qu'à la petite ! Nombre de PME ou de PME devenues grandes se transforment. Mais les multinationales sont prises dans le carcan d'une structure devenue hétérogène à force de fusions / acquisitions et de dirigeants prisonniers du diktat d'un capitalisme actionnarial. Mais, ne désespérons pas ! Le changement aura ses héros. En tout cas, le livre de Jacques Jochem peut leur donner un sérieux coup de main.

Le changement selon de Gaulle ?

Echange avec un haut fonctionnaire d'après guerre, qui me donne une "autre idée" de la France qu'il a connue. Rien de vraiment neuf, mais je n'avais pas compris ce que cela signifiait. 

En résumé. La France d'après guerre se met d'accord sur un contrat social implicite. Prospérité contre homme "producteur" (= machine). L'élite technocratique organise l'économie, de manière taylorienne, le peuple participe à la prospérité ainsi créée. Mais on lui donne un travail d'exécution, sans intérêt. Notre crise viendrait de là. Le management actuel trouve que cet "homme machine" n'est pas efficace, et veut s'en débarrasser. Or, c'est l'homme qui crée, sans lui il n'y a plus rien. On a tué la poule aux œufs d'or. 

Le ver n'était-il pas dans le fruit dès de Gaulle ? On parlait alors des "conditions" qui font de l'homme un nazi (voir les travaux d'Hannah Arendt). Il s'agissait de ne pas les reproduire. Et si l'opinion qui avait prévalu était celle d'un peuple dangereux et veule qu'il fallait endormir ? Pain et jeux ? On lui donnait une petite maison, un petit travail... et il ne votait pas soviétique ? (Cf. l'analyse de Bourdieu.) Voilà une explication à 2 paradoxes ? 
  • Le cycle grève / avantages supplémentaires. Comme le disent Eric Minnaert ou Christian Kozar (exemple de la RATP), le mécontentement qui cause la grève ne porte pas sur des conditions matérielles. C'est une demande de plus de responsabilités. Or, il se peut que le gouvernement, imaginant un peuple d'animaux, prenne peur au moindre grognement, et cherche à l'étouffer par des concessions ! 
  • Nos syndicats. Ils semblent décalés par rapport aux aspirations du peuple, ils sont faibles, et pourtant le gouvernement les prend au sérieux. (Cf. Sociologie des syndicats.) Et s'ils représentaient ce qu'attendaient d'eux le gouvernement : la voix d'un peuple de sans-culottes ? 
La France modélisée
On en arrive à une modélisation, inattendue, du fonctionnement de notre pays. Un peuple pris dans une structure Syndicats / Gouvernement qui ne lui correspondrait pas. Et une structure qui jouerait à une sorte de "lutte des classes". 

C'est cette structure qui est perçue de l'extérieur ? Elle nous donne l'image d'un système clientéliste pour paresseux ? Et c'est à cela que le libéral veut mettre un terme, en punissant le Français ?

mercredi 29 avril 2015

Albion victime de la perfide Ecosse ?

Le parti indépendantiste écossais a le vent en poupe. Rien de mieux pour fédérer une nation qu'un méchant vicieux : le conservateur anglais. Et, l'Indépendantiste pourrait arriver à ses fins de façon systémique, c'est à dire étonnante :

Il fait l'unanimité en Ecosse, terre travailliste. Si bien qu'il va prendre beaucoup de voix aux travaillistes, qui pourraient, en conséquence, perdre les prochaines élections. Mais, si les conservateurs gagnent, non seulement ils vont attiser la haine des Écossais, mais ils se sont engagés à déclencher un référendum concernant l'UE. Or, l'Anglais va vouloir la quitter. Ce qui n'est pas le cas de l’Écossais ! Ce sera le moment idéal de provoquer un nouveau référendum. Et, cette fois-ci, l'UE sera favorable à l'adhésion de l'Ecosse... 

(Mes références viennent, comme d'habitude, de The Economist. Bien entendu, la perfide Albion n'est jamais à cours de coups tordus. Les conservateurs peuvent débarquer M.Cameron, voire se montrer incapables d'assumer le pouvoir : ils devraient être minoritaires. Ce sera alors à une coalition travaillistes - Écossais de gouverner, ce qui ne fera pas les affaires des indépendantistes.)

Collège des Ecossais entrée.jpg
Prochain lieu de pèlerinage pour Écossais libérés ?

Le changement selon notre gouvernement ?

L'entrepreneur...
Et si le débat sur le principe de précaution (voir ce qu'en dit la Fabrique de l'industrie) révélait la définition que nos gouvernants donnent au mot changement ? 

L'objectif du changement ? Faire comme les autres ? OGM, gaz de schiste et démantèlement du système de solidarité sociale qui nuit à notre compétitivité... Le "progrès" ? Mais le pays résiste au progrès. Face à cette résistance, il y a deux attitudes :

Le principe d'innovation. C'est le parti des "entrepreneurs". Pour eux "entreprendre" signifie prendre des décisions dont on ne mesure pas les conséquences. Donc risquer l'argent et la vie des autres. C'était la ligne du précédent gouvernement ? Du moins en phase initiale ?

Le principe de précaution. Le Français est dangereux. Il ne faut rien faire qui puisse le mécontenter. Mais cela n'interdit pas nécessairement la réforme. Elle peut passer en douce. Ou en crise, puisqu'il n'y a rien d'autre à faire. C'est la ligne de ce gouvernement ? 
... prend des précautions

Changeons de définition ?
Y aurait-il une troisième voie ? Celle que Camus aurait appelé "de la révolte" ? Transformer la société pour le bien collectif ? Autrement dit, ne pas faire comme les autres, mais croire qu'il est possible de concevoir et de réussir notre propre changement, un changement qui débouche sur une société compatible avec nos aspirations.

Cette révolte ne se fait pas contre, mais pour. Exemple ? Parce que leur comportement suscite la révolte, nos gouvernants sont utiles. Plus ils cherchent à nous endormir, plus nous devons faire preuve de volonté et de génie.

mardi 28 avril 2015

FNUMPS victimes du marché ?

Si je résume deux billets précédents, nos politiques nous donnent deux choix :
  • UMPS : le problème du pays est la flexibilité de l'emploi. L'emploi ne peut pas s'adapter à la demande du marché. D'où chômage. 
  • FN : sortons de l'euro, dévaluons et cela rendra notre économie compétitive. 
Ces deux choix viennent de la même idée :
  • Le marché est créateur de valeur. Il est parfait, ou quasiment. Laisser-faire. 
  • L'homme est un coût. Pour que le marché fonctionne correctement, il faut que l'homme ait le bon prix. C'est la question de la compétitivité. 
Cela produit un cercle vicieux : "Etre plus compétitif" se fait au détriment des autres. Cela les force à s'ajuster. Puis nous à réagir... Spirale déflationniste. Il y a une autre façon de voir les choses :
  • Le marché est une place d'échange. Or on n'échange que ce qui est différent. 
  • L'homme est le créateur de valeur, et pas le marché. En effet, l'homme transforme l'expérience en connaissances. 
Conséquences :
  • Interprétation de la crise. On a tué le créateur. Du coup, le marché n'a plus rien à se mettre sous la dent. Notre société s'auto-détruit. 
  • Changement à mener pour redresser la situation : action pour l'innovation. S'intéresser à ce que l'homme a envie de faire, et l'encourager à créer, et le "mettre en valeur", en utilisant le marché pour cela. Action. 

Histoire de la laïcité en France

Livre de Jean Baubérot, Que sais-je ?, 2013.

La France ne me semble pas sortir grandie de ce livre. Elle me paraît même donner une image très inquiétante d’elle-même. Curieusement, la laïcité « doit permettre un vivre ensemble pacifié », alors qu’elle va être l’objet de conflits permanents. Ce qui différencie étrangement notre pays d’autres nations. Car la laïcité n’est pas propre à la France. Mais ailleurs elle n’a pas fait autant de bruit.

Son histoire est celle de l’affrontement de deux minorités hystériques, sœurs ennemies totalitaires ?, les « deux France ». Mais aussi d’une grande hypocrisie. En effet, ses principes ne s’appliquent pas aux colonies. Tous s’accordent pour trouver la religion bien pratique pour exploiter les « sujets » de la République.

Le conflit semblait finalement s’apaiser. Mais 68 le ranime. De manière inattendue la laïcité que l'on croyait installée, va être défaite. La gauche accuse l’école de reproduire les inégalités sociales. Mais ses méthodes pédagogiques provoquent une révolte de la droite, qui met en cause la qualité de l’école publique. L’école privée, subventionnée, fait un retour triomphal. 

Attaquée par l’individualisme et par la globalisation, décontenancée par l’Islam, la définition moderne de la laïcité semble avant tout le réflexe d’une société réactionnaire qui a perdu tous ses repères. 

lundi 27 avril 2015

La flexibilité de l'emploi, solution de la crise ?

Dans son dernier numéro, The Economist disait que MM.Hollande, Valls et Macron faisaient du Schröder dissimulé. Et qu'ils ont raison : le mal de la France, c'est l'inflexibilité de son emploi, qui bloque ses réajustements. J'ai aussi entendu un homme de gauche, interviewé par France culture, dire que la flexibilité n'était pas une solution, mais un "modèle de société". On utiliserait la crise pour nous l'imposer. Qui a raison ?, me suis-je demandé. 

Qu'est-ce qu'a donné la flexibilité, là où elle a été appliquée ? Elle a remplacé, en Allemagne ou en Angleterre, le chômeur par un travailleur pauvre. Ce type de mesure ne profite donc pas au pauvre, mais au riche, qui récupère l'argent du chômage. C'est la fin de la solidarité. C'est l'expression d'une idéologie qui remonte à très loin : le pauvre est maudit. Il doit se racheter dans la souffrance. Son retour sur investissement se fera au Paradis. 

Et si le mal de la société était l'égoïsme ? Ce type de mesure ne ferait qu'empirer les choses ? Si le petit peuple découvrait que l'union fait la force, le reste de la population devrait s'adapter ou disparaître ? Cependant, un tel changement d'attitude ne peut pas se produire par la contrainte. Il lui faut des circonstances favorables. (Et un contrôle, pour qu'il ne retrouve pas les voies d'avant guerre.)

(Remarque : la France a déjà procédé à des mesures d'allègement de charge des entreprises : détaxation des heures supplémentaires, crédit impôt recherche, etc. Cela ne semble pas avoir eu le moindre impact sur la santé de l'économie. Cet argent n'aurait-il pas été mieux utilisé ailleurs ?)

Insaisissable FN

Un article de la Tribune, comparaison PC / FN. Il montre que l'on connaît mal le FN. Exemple :
C'est surtout sur l'euro que le Front National fait entendre sa différence en préconisant : « la France doit préparer, avec ses partenaires européens, l'arrêt de l'expérience malheureuse de l'euro, et le retour bénéfique aux monnaies nationales qui permettra une dévaluation compétitive pour oxygéner notre économie et retrouver la voie de la prospérité. Le couple franco-allemand doit jouer ce rôle moteur dans cette concertation et cet arrêt programmé de l'expérience de l'euro »
Surprise. Je pensais que le FN voulait se retirer unilatéralement de l'euro. Or le discours ci-dessus est celui de la plupart des économistes, notamment anglo-saxons. Ils ont toujours cru que l'euro était une utopie.

Pour le reste, M.Hollande à comparé le FN au PC des années 70. Or, alors, le PC et le PS étaient alliés ! L'article parle de "haine de l'autre" au sujet du FN. Mais, dit-il aussi, le PC, dans ces années là, combattait l'immigré. En revanche, le PC a été un ascenseur social pour le pauvre, ce que n'est pas le FN. 

En bref, il peut-être dangereux pour M.Hollande, de débattre avec Mme Le Pen. Elle est probablement plus difficile à prendre en défaut que lui. L'atout premier d'un parti de gouvernement est, évidemment ?, l'expérience du gouvernement.

(L'article m'apprend aussi qu'il y a un "courant chevénementiste" au sein du FN. L'image d'un FN replié sur lui-même et sur des idées d'un autre temps est-elle juste ?)

Bons et mauvais changements

J'ai entendu dire que le mot "changement" fait peur. Les entreprises l'auraient rebaptisé transformation.

J'ai longtemps résisté au changement, parce que j'ai constaté qu'il était une manipulation. Pourtant, j'en suis arrivé à penser qu'il était le propre de l'homme. Y aurait-il un bon et un mauvais changement ?

Camus dit : "je me révolte donc nous sommes". Ce qui signifie que l'homme se bat pour une dignité collective, l'humanité.
  • Le mauvais c'est "vous changez pour que je n'aie pas à changer" ? 
  • Le bon changement c'est "nous changeons" ? (C'est, aussi, ce que l'on appelle la justice : effort réparti entre tous ?)

dimanche 26 avril 2015

Immigration en Europe : mort par chaos ?

Enquête sur les boat people de l’Europe. Ils viennent des zones de conflit (Syrie), et de pauvreté (Mali). (Mais peut être pas d’extrême pauvreté, car il faut pas mal d’argent pour faire le voyage.) Leur nombre n’est pas en augmentation significative. S’ils meurent plus, c’est peut-être parce qu’en attaquant les bateaux des passeurs, l’Europe les force à prendre des embarcations de fortune. C’est aussi parce que l’Italie a mis un terme à son programme Mare Nostrum, qui repêchait les embarcations en difficulté. On lui reprochait d’encourager l’immigration. On pense maintenant que ce n’était pas le cas. Il permettait simplement d’éviter des morts. Alors pourquoi ne pas adopter le dispositif qui a permis la prise en charge mondiale des boat people vietnamiens ? Parce que l’Europe donne un tel spectacle de désorganisation lamentable que personne n’a envie de l’aider. (Quant aux Australiens, ils empêchent les boat people d'approcher de leurs côtes. Ils les auraient découragés.)

L’Europe, justement. Portrait en regard de MM.Schäuble et Varoufakis. Chacun ressemble à l’image que donne son pays. M.Schäuble est un invalide digne et droit. M.Varoufakis, un dilettante hypocrite, qui s’occupe fort peu de son ministère des finances, trop occupé à gagner de l’argent sur le circuit des célébrités et à mener la vie de la jet set. La Grèce est proche de la sortie. Les fonds spéculatifs ne croient plus à ses chances. L’impact de son départ, pour l’Europe, serait limité. Ce serait même une bonne opération pour les marchés financiers. Mais elle peut gagner du temps en payant ses salaires avec des reconnaissances de dette.  Quant à la France, son problème est la flexibilité de l’emploi, dit The Economist. Avec un euro inflexible, l’emploi doit s’adapter. Or, la France, contrairement à l’Allemagne, protège l’emploi en place. D’où chômage et précarité. MM.Hollande, Valls et Macron savent ce qu’il faut faire mais ils sont bloqués par la résistance du système (politique ?). Ils font donc du Schröder en sous marin. Ils facilitent les licenciements, notamment en réformant la justice. Et ils réduisent les charges patronales. De manière à ce qu’elle ne puisse pas être détectée, la manœuvre a été divisée en petits morceaux. Mais peut-elle être efficace dans ces conditions ? Et l’Angleterre, ne devrait-elle pas être notre modèle ? Voilà un pays qui a fait de la flexibilité de l’emploi sa loi fondatrice. Eh bien tout va mal, et M.Cameron, qu’interviewe The Economist, s’en fiche. L’Europe tape sur Gazprom. Message : M.Poutine est un tigre de papier. Les USA, depuis la guerre du Vietnam, ont maintenu la paix en Asie. La Chine en a profité pour se développer. Ce qui lui donne les moyens d’éliminer l’influence américaine… Quant au Japon, la protection américaine l’a infantilisé. Aux USA aussi M.Obama essaie de faire passer ses traités de libre échange en douce. Comme en France, son parti n’en veut pas, mais il a l’appui tacite de son opposition. Et il y a des tas de candidats à l’investiture républicaine. Pas que l’on compte être élu, mais parce qu’un coup de pub est toujours bon pour une carrière.

La Chine, Eldorado de la bagnole occidentale, c’est fini. Le marché se contracte. Maintenant surcapacité et guerre des prix. Cela va être fatal aux producteurs locaux. Mais ce n’est pas grave. Ce n’est pas le véhicule, mais le composant qui compte aujourd’hui. Les compagnies aériennes occidentales, c’est fini. Après le low cost, qui va attaquer le long courrier, les « connecteurs » mettent le dernier clou à leur cercueil. Emirates, Etihad, Qatar et Turkish Airlines emploient, comme l’Ouest, la technique de la subvention massive. Mais eux sont riches. Et leurs aéroports, contrairement à ceux de l’Ouest, sont à des emplacements stratégiques.

Il y a une grosse spéculation sur la dette d’entreprise. Cela devrait claquer l’année prochaine en Europe, et un peu plus tard en Amérique. (Attention, M.Drahi ?)

Les sciences du management n’ont plus que de vieux gourous. 

Le BTP doit se réinventer ?

Le BTP au plus bas, disent les Echos du 30 mars. Les causes semblent toutes liées à l'Etat : travaux publics, moindres dépenses de l'Etat et dotations aux collectivités locales, loi Duflot... 

Le BTP a l'air, comme beaucoup de secteurs, d'être en face d'un grand changement. Numérique ? Ou la fin d'un marché tiré par le public ? Si c'est le cas, où chercher le salut ? L'étranger ? En effet, 1) il y a des marchés (notamment en Afrique) en développement rapide, 2) je soupçonne que nos entreprises ont un important savoir-faire, assez mal mis en valeur. Dans ces conditions, il faudrait une stratégie en deux temps 1) acquérir un certain nombre de compétences importantes ; 2) acheter des entreprises étrangères - capacités de prospection, afin de pouvoir exploiter au mieux ces compétences. 

à explorer... 

samedi 25 avril 2015

Europe et problèmes d'immigration

Une vague d'immigrés rejoint l'Europe. Elle se demande que faire. Il me semble que cette question soulève deux problèmes de fond :
  • La source de la migration. Ne serait-il pas une bonne idée de chercher à régler les conflits du Moyen-Orient et d'Afrique autrement qu'à coups de bombes ? 
  • La solidarité. Ne serait-il pas une bonne idée de prévoir un dispositif d'accueil un peu rationnel, qui répartisse quelque-peu équitablement ces immigrants dans le monde, et un système d'intégration qui ne provoque pas de rejet ? Cela ne passerait-il pas par un peu plus de solidarité au sein de nos sociétés, où les riches font porter tous les efforts sur les moins riches ? Ce qui pousse ces derniers à se tourner vers des partis dits "populistes" ? 

La crise : une question d'offre ?

Je publie un article sur l'innovation frugale. Un ami m'envoie un mail :
c'est intéressant ce que tu écris : "Or, la concurrence a un effet paradoxal : elle tend à éliminer le meilleur, et encourage un comportement moutonnier. (Il suffit de regarder l’offre politique pour constater cela.) Donc, dès que quelque-chose de révolutionnaire parvient à traverser les pavés, tout le monde change, en bloc." Ne faut-il pas plutôt développer en urgence le réapprendre à acheter utile et bien du premier coup !?
Je réponds : certes, mais "si l'offre n'est pas là, on aura du mal à faire un bon choix (cf le politique). On a un problème d'offre pas de demande." Les économistes se battent à coups d'arguments abscons pour savoir si la crise est une question d'offre ou de demande. Je soupçonne que la question est bien plus simple. Oui, c'est une question d'offre. Et ce n'est pas une question d'abstraction économique. Notre problème, c'est que nous ne produisons plus rien de bon. Panne de créativité. Le conservatisme a gagné. La solution à la crise, c'est le changement ?

vendredi 24 avril 2015

Crédit impôt recherche : hold up du siècle ?

Le Crédit Impôt Recherche. Changement raté pour cause systémique ? 

Il a, au moins, un objectif, créer 18 à 25000 emplois dans la recherche en 10 ans. Mais le CIR, qui coûte 6md par an, n'a pas les effets escomptés. Gigantesque détournement de fonds publics ? Une part importante (20%) va vers des organismes qui aident à obtenir le dit crédit. Ensuite, on a massivement requalifié certains intitulés de postes pour se rendre éligible au CIR. Enfin, les, très grandes, entreprises qui en ont été les grandes bénéficiaires ont réduit leur investissement en recherche et développement ! Et beaucoup d'autres bénéficiaires ont des activités qui ne sont pas compatibles avec la recherche. 

Depuis que j'ai découvert le CIR, je ne crois pas qu'il vise à aider la recherche. Le mot "recherche" me semble plutôt là pour faire accepter le changement. La motivation de la mesure est, probablement, de donner de l'argent aux entreprises. Et ce parce que l'entreprises crée. Plus elle aura de moyens, plus l'économie sera prospère. Pourquoi n'y avait-on pas pensé plus tôt ? Parce que le monde n'est pas tel que le voit le QI négatif. Comme le disait encore cette semaine The Economist, les entreprises sont en phase d'auto destruction. Elles font monter la valeur de leurs actions en les achetant, et en fusionnant, de façon à produire des synergies. L'entreprise ne trouve pas des usages productifs à l'argent qu'on lui donne. Elle le distribue à ses actionnaires. Et si c'était cet état d'esprit qui devait changer ?

Changement à la tronçonneuse chez France Télévision ?

Nouvelle présidente de France Télévision. La radio en fait un curieux portrait. En dirait-il long sur les projets que le gouvernement a pour la société ? C'est une "cost killeuse" qui a participé, fort décemment, à l'épisode des suicides de France Télécom. En outre, ce n'est pas un haut fonctionnaire. Elle est "expendable" comme disent les Anglo-saxons ? Et elle vient du contenant, pas du contenu. Bref, il fallait une nettoyeuse, qui ne fasse pas de sentiment, et qui transforme France Télévision en une entreprise normale. 

Mais le raffinement de notre classe dirigeante n'est tout de même pas absent. C'est une spécialiste du numérique, puisqu'elle vient de France Télécom, une entreprise qui fait l'admiration de la Silicon Valley. Et, comme chacun sait, le numérique est l'alpha et l'oméga du monde moderne. Et, surtout, c'est une femme, militante de l'égalité de la femme. Bref, les syndicats peuvent s'attendre à perdre la vie, mais sans perdre la face ? (Portrait par France Info.)

(Illustration des techniques de négociation conflictuelle et de SCHELLING, Thomas C, The strategy of conflict, Harvard University Press, 1981 ?)

Bruxelles serait-il le nouveau Dallas ?

Politico s'installe à Bruxelles. C'est peut-être un signe avant coureur de changement majeur. Et si Bruxelles devenait une plaque tournante de la politique mondiale ? Politico a flairé, en tout cas, qu'il s'y passait ou allait s'y passer des drames dignes du meilleur Hollywood.

Il s'intéresse, aujourd'hui, à Margrethe Vestager, la femme qui s'en prend à la fois aux monopoles de Google et de Gazprom. Coup de génie : après cela qui dira qu'elle est anti-arméricaine ou russe ? On découvre une nouvelle génération de dirigeants. Jeunes, modestes, compétents, et redoutablement déterminés ? 

Un exemple pour notre "Oligarchie d'incapables" ? 

jeudi 23 avril 2015

Toan Nguyen : l'homme qui rendait les ERP flexibles

L'ERP est la camisole de force de l'entreprise, pensiez-vous. Erreur : ajoutez lui une fine couche réseau social et le flux continuel de changements qui font la vie de l'entreprise courent le long de cette épine dorsale. On communique et on est informé par des messages brefs, philosophie tweet, et tout est stocké dans une forme de wikipédia. Et, en plus, s'assurer que tout le monde a récupéré l'information qui lui est destinée est facile. 

Et cela permet à l'entreprise de réussir le véritable changement auquel elle est confrontée : le changement permanent. L'esprit start up !

Une interview de Toan Nguyen, le fondateur de Shortways :

Complexité, vie et changement

La vie, c'est ce qu'il y a entre l'inerte et le chaos. Et elle a des propriétés des deux. Elle possède une structure, mais elle peut changer. La vie, c'est ce qui peut changer, tout en conservant l'essentiel. Changer pour ne pas changer. Voici ce que dit la Théorie de la complexité. Où l'on retrouve la définition du changement qu'a adoptée ce blog. Et qui n'est pas dans toutes les têtes, loin de là.

Le changement est un combat permanent. Il ne peut jamais être gagné. Mais il peut être perdu. 

mercredi 22 avril 2015

Réformer la France

Notre élite aurait formé un "système", qui se serait dégagé du "système nation", et qui le parasiterait. Voilà la modélisation que je tire de l'Oligarchie des incapables. Suite de ma réflexion sur le sujet. Où j'en arrive à me demander : comment améliorer les choses ? 

L'élite comme système de transport
Mon raisonnement s'appuie sur la théorie de Chester Barnard, pour commencer. (BARNARD, Chester, The Functions of the Executive, Harvard University Press, 2005.) Pour lui l'entreprise, mais cela me semble vrai pour tout groupe humain, est faite "d'executives" et de "non executives". Les seconds créent, les premiers sont la colonne vertébrale informationnelle de l'entreprise. Les seconds sont poussés par leur intérêt propre, les premiers, par l'intérêt collectif. 

Si l'on accepte ce modèle, une "élite" serait le "tuyau" qui permet de véhiculer le contenu produit par l'activité collective. Mais elle se serait détournée de sa mission faute de contrôle. Ce qui semblerait dire que la grande déréglementation des dernières décennies visait surtout à libérer "l'élite" de ses responsabilités. Elle utilise désormais sa position en pouvoir de nuisance. Les Allemands parlent de "Platform Kapitalismus". Ils pensent à Internet, mais cela paraît s'appliquer à une stratégie générale : il s'agit de maîtriser certains nœuds critiques d'échange pour y installer un péage. C'est le principe qui explique l'installation de châteaux le long du Rhin

Comment remettre "l'élite" au pas ? Travaux d'Elinor Ostrom : les tuyaux sociaux sont des "biens communs". On peut aussi penser aux principes de l'économie sociale : le Schtroumpf. Faire occuper les fonctions de l'élite à temps partiel, et sur des durées courtes, par des citoyens ordinaires. Explication. Un dirigeant me semble avoir deux fonctions 1) administrer ; 2) changer. Pour l'administration, il ne faut probablement pas un grand talent. En simplifiant ce qu'on lui demande, et en formant un peu le citoyen, je me demande si beaucoup de gens ne sauraient pas remplir cette fonction. (Sélection par tirage au sort ?) Quant au changement, il me semble ressembler à ce que dit Eric Minnaert des Pygmées. Le changement qui réussit est celui qui correspond à une aspiration collective. Alors, il est facile à mettre en oeuvre. S'il est bloqué aujourd'hui, c'est, probablement, parce que celui que l'on veut nous imposer ne correspond pas à nos intérêts. Donc, le bon dirigeant est celui qui est capable de formuler de manière intelligente ce que "veut" la nation. C'est peut-être le de Gaulle de la guerre, ou de 58. Mais pas celui de 68.

Tout ceci serait certainement facilité par la "révolution" numérique. Elle pourrait produire une simplification de la société qui la rende plus facilement gouvernable qu'aujourd'hui. 

Reconnecter l'élite au peuple
Comment conduire le changement ? Il me semble qu'il faut résister à la tentation de condamner l'élite au peloton d'exécution. La théorie de la complexité pourrait y pousser : elle dit que le changement vient d'en bas. Cependant, ce n'est pas pour autant qu'il condamne le haut. Le cercle vicieux qui nous a conduit à la situation actuelle paraît être un isolement de plus en plus complet de l'élite par rapport à la population. Il semble fidèle aux lois de la systémique de penser qu'il faut prendre le phénomène à rebours et chercher à reconnecter l'élite au peuple. 

Le vice du modèle élitiste français

Alcatel, quel désastre ? Cela commence avec Serge Tchuruk, qui liquide sa base industrielle, et se poursuit dans un cercle vicieux suicidaire. Quant au dernier dirigeant de la société, il ne semble pas avoir cru à sa propre stratégie. Et si c'était ce qui valait aujourd'hui à Nokia d'avoir gagné ? Un genre de coup de bluff ? Optimisme contre pessimisme ?

La France a eu une politique de "champions". Elle semble avoir eu trois résultats :
  • Alstom, Alcatel, Arcelor, Pechiney... des entreprises qui sont passées à l'étranger ;
  • Bull, Thomson Multimédia... quasi disparition ;
  • Crédit Lyonnais, Crédit Foncier, France Télécom, Areva et quelques autres quasi publiques : un empilage de dettes que l'Etat prend à sa charge. Il ne peut pas perdre de telles entreprises. 
Désastre qui en dit long sur la richesse de la France ? Pour avoir pu survivre à de telles saignées, notre pays doit avoir un potentiel exceptionnel ?

Cela en dit aussi long sur notre modèle de management. Comme Alcatel, toutes ces entreprises en sont arrivées là du fait d'une très grossière erreur de management. Or, elle a été commise par l'élite intellectuelle de notre nation. Par quelqu'un qui a été sélectionné pour la puissance de son intellect. Et, qui, de ce fait, se croit bien au dessus du reste de l'humanité. (Française, ou non.)

Il y a une histoire que je raconte souvent, lorsque j'explique comment redresser une entreprise. C'est celle de Sloan et de Dupont de Nemours devant relever GM de ses décombres, dans les années 20. Qu'ont-ils fait ? Ils se sont demandé ce qu'était ce machin. Après quelques décennies à se poser ce type de questions GM était devenu la plus grosse entreprise mondiale. Et s'il y avait là ce qui ne va pas dans notre modèle français ? Nos dirigeants sont des gens qui "savent". Il nous faudrait des gens qui soient capables de se poser des questions ? 

mardi 21 avril 2015

Google ou l'Amérique marque contre son camp ?

Comment peut-on accuser Google d'être un monopole ?,  s'exclament les Anglo-saxons. C'est de la jalousie ! Curieusement, la législation que nous utilisons vient de chez eux, dit Jean Quatremer. Elle a été conçue pour morceler la puissance des groupes allemands, moteur de la machine guerrière nazi.


Deux idées.
  • L'Amérique est hypocrite. Rien de neuf. La fin (son intérêt) justifie ses arguments. Cela signifie probablement qu'à notre place elle aurait fait comme nous. 
  • L'Allemagne a certainement été fortement marquée par la guerre. Cela l'a peut-être rendue, de manière épidermique, allergique au pouvoir des grands monopoles capitalistes. 

L'élite comme système ?

L'élite serait-elle devenue un "système" (au sens "systémique"), qui se nourrirait de la société ? C'est la question qui se pose à la lecture du livre du billet précédent.

Homéostasie
Des énarques découvrent que Dalkia, de Véolia, revend de l'énergie à EDF à un prix subventionné. Grâce à ce contrat Dalkia gagne beaucoup. Les énarques veulent le faire entrer dans la règle. Le PDG de Véolia, Henri Proglio, intervient. Les ministres de l'époque (MM. Loos et Breton) demandent aux dits énarques de plier. 
Nicolas Sarkozy veut faire supprimer le classement de sortie de l'ENA. Le Conseil constitutionnel, constitué des membres de plus prestigieux corps de l'ENA, censure la mesure, pour des raisons techniques. Au passage, je note le retour d'une des hantises des Lumières et de tous les libéraux : les corporations. La fidélité des membres des corps de l'ENA va à ceux-ci et non à la nation ?
Signes d'un système : l'homme, en dépit de sa bonne volonté, est bien peu de choses face à lui ? 

Un système parasitaire ? 
Véolia transport fusionne avec Transdev de la Caisse des Dépôts. Véolia en profite pour céder 1,8md de dettes à l'ensemble. 
Cela ressemble à ce qui s'est passé chez AREVA ? La société se lance dans un plan de développement ambitieux. Puis c'est le flop. L'Etat intervient et prend en charge les dettes. Autrement dit, ce "système élite", fonctionne à l'envers : au lieu de servir la nation, il en pompe le contenu ? 

L’oligarchie des incapables

Qui sont les gens qui nous dirigent et que font-ils ? Sophie Coignard et Romain Gubert, L’oligarchie des incapables, J’ai lu, 2013. 

Nous sommes « dominés » par une toute petite caste. Une curieuse combinaison d’une poignée d’inspecteurs des finances, généralement diplômés d’HEC, et, peut-être plus surprenant, de voyous. Ce monde, qui n’a pas de couleur politique, est fasciné par l’argent. Nicolas Sarkozy en est « le symptôme », pas la cause. Stéphane Richard, l’actuel PDG d’Orange, lui, est son idéal. Il a gagné 30m€ dans une opération financière. Curieusement, Mitterrand serait à l’origine de cette passion de l’argent. Il en a donné beaucoup à ceux dont il a nationalisé les entreprises. Il les a libérés d’un outil industriel poussif pour leur ouvrir le monde de la finance-casino.

Cette caste appartient à la nouvelle classe des hyper-riches internationaux. Elle partage même sa haine du pauvre, ou "paresseux". Elle a muselé la justice, dont elle a très peur, acheté la presse. La Caisse des Dépôts finance les projets de ses copains. Les partenariats publics privés distribuent l’argent public au privé, par milliards (cf. les autoroutes). Et la mode du nucléaire pourrait s’expliquer par les rétrocommissions. Les partis touchent une part du prix des projets internationaux dans lesquels les entreprises françaises sont engagées. Or, il y en a de moins en moins. On a cru que le nucléaire serait  un nouveau Far West.

Cependant, la France a peut-être une particularité. C’est le « déshonneur ». Cette caste n’a pas eu à conquérir le pouvoir. On le lui a donné. Pour servir les intérêts du pays. Elle a trahi sa mission. C’est un phénomène récurrent dans l’histoire française. L’élite se corrompt, exploite le pays, le conduit à la ruine, ce qui provoque une révolution. Et c’est reparti pour un tour.

(Et, ce qui est quelque peu ennuyeux, le livre laisse entendre qu'en y mettant les formes il est assez facile de l'acheter, y compris lorsque l'on est étranger.)

lundi 20 avril 2015

L'EPR s'arrête à Flamanville ?

Bien étrange cette affaire d'EPR et d'AREVA. Maintenant, on découvre que la cuve de l'EPR de Flamanville aurait une "anomalie de fabrication". L'EPR c'est fini ? La direction d'AREVA a-t-elle été victime d'une illusion ? Qu'il était possible d'inventer un métier de 0

Probablement, les dirigeants d'AREVA et notre gouvernement ont cru qu'ils étaient des "entrepreneurs", m'a dit un haut fonctionnaire. Entrepreneur ? Pour un haut fonctionnaire ou un politique, l'entrepreneur, c'est celui qui prend d'énormes risques, sur sa seule intuition, et le risque c'est bien. Le risque c'est la vie. Il n'y a que lui qui pourra sauver l'Occident du déclin.

Et cela a un énorme intérêt. Cela cloue le bec de l'opposant. Plus besoin de justifier une décision, dîtes "entrepreneur". Vous avez peur qu'une centrale pète ? Vous n'êtes pas un entrepreneur ! Vous craignez que le Grand Paris creuse le déficit de la France ? Vous n'êtes pas un entrepreneur !... 

(A bas le principe de précaution !, faut-il ajouter ? Par ailleurs, nouvelle illustration de moment thucydidien.)

M.Hollande et le changement en politique

Extrait d'allocution de M.Hollande entendu à la radio. Je retiens :
  • Français, je vous ai compris : vous souffrez. 
  • Maintenant que vous savez que je compatis, arrêtez vos enfantillages. Ce n'est pas une bonne idée d'aller voir le FN : ses solutions sont mauvaises, et je vais le démontrer par le débat. 
Est-ce intelligent ?
  • Et si le message de l'électeur n'était pas "je veux voter FN", mais "je veux que vous cherchiez une autre politique". Autrement dit, non que vous affichiez des certitudes, mais que vous vous atteliez, comme un scientifique, à comprendre ce qui ne va pas ? 
  • Et si le débat ne révélait pas, principalement, que les solutions du FN sont mauvaises, mais que le FN a une vision du peuple bien plus aimable que celle, méprisante ?, de notre élite ? Et si l'électeur FN préférait avoir tort avec Mme Le Pen que raison avec M. Hollande ? 

The Economist aime la France

Pour illustrer un article, je tape "The Economist" sur Google Image. Et je découvre les couvertures que The Economist a consacrées à la France :


The Economist annonce une diffusion à 1,5m de personnes. L'élite internationale. Avez-vous la moindre idée de ce que peut coûter à la France un tel matraquage publicitaire ? 

Et, le plus surprenant est que nos élites bavent d'admiration devant The Economist. Enfin quelqu'un qui comprend leur calvaire ? 

(PS. Le Figaro a fait le même exercice que moi. Et il donne une liste plus complète que la mienne.)

dimanche 19 avril 2015

Le capitalisme futur sera familial ?

Les théories économiques sont fausses, dit The Economist. L’avenir est au capitalisme familial. Son poids est énorme. Et ce sera encore mieux demain : les pays émergents ne sont que capitalisme familial. Et si le journal avait trouvé l’avantage décisif du modèle ? La transmission. La famille ne cherche pas à optimiser la valeur actionnaire, elle veut transmettre une belle entreprise à ses petits enfants. Et, surtout, elle transmet une « culture », tout un savoir-faire accumulé au cours des ans (mais aussi tout un réseau relationnel !). Les inégalités ont de beaux jours devant elles.

Effectivement le capitalisme actionnarial semble s'autodétruire. Les grandes entreprises sont devenues des organismes financiers. Leur métier officiel n’est qu’une façade. Ce qui compte pour elles est de faire fructifier leur argent sur les marchés. D’où cercle vicieux. Le mécanisme d’investissement productif est désamorcé, les entreprises font grimper la valeur de leurs actions en les achetant et en fusionnant entre elles. Quant au risque financier, on est parvenu à en protéger les banques. Le financement de l’économie est maintenant entre les mains d’acteurs que l’Etat n’aura pas à protéger. Mais il est bien plus grave qu'avant. La croissance de la Chine faiblit dangereusement. Va-t-on vers un crash ? On parle de construction et d’immobilier, de risque de bulle. On entre dans l’abstraction économique. Apparemment, la croissance chinoise n’a plus un fondement très sain. Il y a beaucoup de raisons d’inquiétude, mais aussi de signes que l’atterrissage est maîtrisé. La popularité de M.Poutine atteint 90%. Le Russe se sent menacé par le reste du monde. Et M.Poutine joue sur sa peur. Mais ne peut-elle pas se retourner contre lui ? Car, ce dont il accuse les Occidentaux n’est rien d’autre que ses propres tactiques… On nous dit beaucoup de mal de l’Europe du Sud, et pourtant la Finlande est en aussi mauvaise santé qu’eux. Et, en plus, elle est un pionnier en termes de vieillissement de la population. Et si elle se transformait en laboratoire de recherche sur la question ? « A mesure que d’autre grands pays vieillissent, ils pourront apprendre de la Finlande – et peut-être acheter quelques-uns des produits et services qu’elle fabrique. » Et justement. Pour cause de vieillissement accéléré ?, l’Allemagne reçoit deux cent mille demandeurs d’asile par an. Ses ressortissants en ont ras la casquette. Au Moyen-Orient, la paix des USA avec l’Iran semble être liée à la chute des prix du pétrole. L’Arabie saoudite fait baisser les cours du pétrole, ce qui affecte la Russie et l’Iran. Mais la Russie arme l’Iran, dont l’influence contre-balance celle des Saoudiens et des milices sunnites. Et les USA, dont les producteurs de gaz de schiste résistent mieux que prévu aux baisses des prix, jouent les arbitres. (Neutralisation de « l’axe du mal » ?)

GE ferme son activité financière. Elle était énorme. Mais elle était devenue un handicap. Ce qui reste est un portefeuille de participations, remanié sans cesse, et sans grande cohérence. L’Europe attaque Google. Mais, le problème de l’Europe en termes de numérique, n’est pas Google. C'est l’absence d’un marché commun. C’est pour cela qu’aucun Google ne peut se développer. Nokia achète Alcatel. Mais s’ils sont aussi mal tous les deux, c’est du fait d’acquisitions ratées… Le cloud computing remplace une activité rentable par une autre qui ne l’est pas ! « En termes météorologiques, les gros utilisateurs d’IT peuvent espérer des ciels bleus (…) les fournisseurs de capacité de calcul en ligne, un ciel couvert, de faible rentabilité (…) et les fabricants traditionnels de logiciel et de matériel, des conditions orageuses ». Les écoles privées anglaises (Eton and co) sont un modèle à suivre. Elles se sont positionnées avec succès sur le marché de l’ultrariche. Elles facturent 30.000£ par élève et par an.

Les politiciens manipulent l’économie pour lui donner une apparence de santé, et se faire réélire. Mais, le phénomène est plus que compensé par l’inquiétude que fait naître l’élection, qui paralyse l’économie. Solution ? Transparence. L’économie n’oscillera pas stupidement si on lui dit la vérité.  

Alcatel sacrifié ?

Pourquoi le gouvernement se réjouit-il de voir Alcatel absorbé par Nokia alors qu'il ne veut pas que l'on touche à Dailymotion, dit, comme beaucoup, The Economist. L'un n'est-il pas une pépite de savoir-faire et l'autre une bulle d'air ?, a-t-on envie d'ajouter. 

Notre gouvernement vit peu-être une histoire d'amour avec la Silicon Valley, mais il est aussi possible qu'Alacatel ait été dans un état désespéré. Il fallait s'en débarrasser à tout prix ? Mais Nokia va-t-il si bien que cela ? 

(Le dirigeant d'Alcatel, qui, avec M.Montebourg, fait aussi la promotion d'une SSII, va-t-il rester dans le nouveau groupe ? Si oui, il pourrait avoir eu la tentation de brader sa société, si l'on en croit des travaux faits sur ce type de situation.)

samedi 18 avril 2015

The Economist en difficulté ?

Indices d'une chute de la qualité de The Economist :
  • J'ai noté un fléchissement pendant les vacances, stagiaires ?
  • Petites entourloupes, qui semblent dire que les journalistes en font de plus en plus. Par exemple, il arrive souvent qu'il y ait plusieurs articles sur un même thème. Ou que quelque-chose qui semblait destiné à l'Europe ou à une autre région, se retrouve en partie économie. 
  • Il y a aussi ce site web qui n'arrête pas de me demander de m'identifier. Me prendrait-on pour un voleur de contenu gratuit ? 
  • Plus généralement je juge les articles bien moins bons qu'il y a trente ans, et, pour être honnête, très mécaniques (un paragraphe = une idée + chiffres en appui). Mais je souffre peut-être du mal du vieux schnock. 
Du coup, je me suis demandé s'il n'y avait pas eu restructuration. 

J'ai regardé (rapidement) les rapports annuels du groupe. C'est le cas ! Il demeure très rentable (marge de 17,8%, 59m£ pour un CA de 332m), mais son chiffre d'affaires et sa rentabilité baissent (-30 et -8m£ en 2 ans). Un plan social vigoureux aurait été mené dès 2012, la masse salariale a été nettement réduite (de 118,1m£ à 104,9). 200 personnes auraient été licenciées soit une sur 8 ! Ce qui explique peut-être que la rentabilité du groupe demeure élevée. 

En fait, tout est en baisse : les revenus des souscriptions passent de 177 à 167m£ en 2 ans ; la publicité de 127 à 95m. Révolution numérique si j'en crois ce qui est dit. 

En tout cas, The Economist sait où est le véritable créateur de valeur.
  • Ses employés sont virés en masse. 
  • La qualité de son produit baisse. Et, bien sûr, plus question d'attirer le lecteur par des offres promotionnelles. Le client est là pour payer. Et pas pour donner un avis inconvenant
  • Son ancien directeur général touchait un salaire de 1 m£, ce qui est remarquable pour une PME. Et croissance continue des dividendes. Le bénéfice par action est de 174,6p, dont 163,4 est distribué à l'actionnaire... 

Le sens de la vie

Sisyphe pousse sa pierre, et trouve du plaisir dans le travail bien fait. C'est le souvenir que j'ai gardé des idées de Camus. C'est comme cela qu'il donne du sens à une vie fondamentalement absurde. 

J'ai une vision différente des choses. Chaque génération se trouve en face d'une nouvelle partie d'échecs. Et elle doit faire preuve de génie pour déjouer les ruses nouvelles de son adversaire. Et ce jeu est formidablement stimulant. 

vendredi 17 avril 2015

Théorie de la complexité - principes

Les hasards d'une recherche sur Internet m'ont fait trouver une introduction à la Théorie de la complexité. J'en ressors avec la même frustration que celle que j'ai ressentie lorsque j'ai découvert cette théorie, à l'époque ou j'écrivais mon premier livre : cela semble très prometteur, mais ça ne débouche sur rien de concret. Si ce n'est que c'est une remise en cause radicale du modèle de management de l'entreprise moderne. Et qu'elle laisse entendre que la vie a un sens...

La théorie de la complexité explique la vie. La vie, c'est un rodéo ! C'est ce qui est entre l'ordre absolu, et le désordre absolu, le chaos. Là se passe un phénomène étrange : une structure "émerge", elle évolue sans cesse (mais pas continûment), mais en gardant une cohérence. Système complexe. "L'information" est la caractéristique de cet état. Elle n'est autre que cette structure, cet ordre qui apparaît dans le mouvement. Les systèmes complexes communiquent au moyen de cette information, ils la stockent. Grâce à elle, ils sont capables d'apprendre. Phénomène capital : "feedback" ou rétroaction. L'information qui est captée sur l'environnement influence le comportement du système. 

C'est, avant tout, une théorie du changement. Dans un système complexe le changement procède à l'exact inverse de ce qui se passe dans une bureaucratie. La bureaucratie est une machine. Elle obéit à l'ordre d'en haut. Dans un système complexe, le changement part d'en bas. Et il se construit par liaisons. Il y a "auto organisation". Des groupements se font ("organes"), communiquant entre eux. Ils apparaissent alors, au niveau supérieur, comme un nouvel individu. Le changement est imprévisible, brutal. Son déclenchement demande peu d'énergie. Le système change de propriétés. Mais il y a cohérence entre avant et après. 


Pour procéder au changement, il faut s'intéresser aux règles de coordination des comportements locaux. Elles sont généralement très simples. Sans chercher à ne rien imposer. Puisque les systèmes complexes ont la capacité de "s'auto organiser". Une transformation réussie, ce sont des règles qui vont pousser le système "au bord du chaos". La position la plus stimulante. Un peu comme un navigateur qui rase les dépressions pour avoir un vent fort, entre calme plat et tempête. C'est aussi là qu'il y a la plus grande quantité d'informations. En bref, il faut aider le système à acquérir les moyens qui lui donneront l'envie de partir à l'aventure ? 

La philosophie du changement

Petit à petit, j'ai découvert que mes travaux sur le changement se rattachent à tout un courant de pensée, qui plonge dans le plus profond des temps. Un point. 

On pourrait appeler ce courant "scientifique". Pas au sens molécules et équations, mais au sens "démarche scientifique". Pour elle, la vie est une enquête, qui produit des intuitions, dont on teste la validité. Il y a beaucoup de noms attachés à ces idées : le pragmatisme, Hannah Arendt, Camus, Kant... D'ailleurs, ce n'est pas propre à l'Occident : c'est la pensée originelle des Chinois. 

Il s'en détache qu'être "homme" c'est savoir changer, au sens de ce blog. Ce changement est la recherche d'un ordre, de sens, dans le chaos. C'est ce que Camus appelle la révolte : c'est vouloir améliorer le monde. Les pragmatistes se nomment d'ailleurs "mélioristes". 

Ce changement a deux ennemis. Les théoriciens illuminés, les fous de la raison, les "possédés". Ils sont les idiots utiles des forces de la réaction. De la résistance au changement. Les privilégiés. On retrouve ici le combat des Lumières. Combat pour la liberté. La liberté, c'est penser par soi-même, disent Kant et les philosophes. Car l'arme du réactionnaire c'est la manipulation des esprits, bien plus que la force ! Il transforme les hommes en bêtes de somme.

Or, les uns ont besoin des autres. C'est parce que le privilégié veut asservir son esprit que l'homme se "révolte". Et qu'il s'améliore. Et c'est parce que l'on a besoin de privilégiés qu'il y en aura toujours. Il n'y a pas de bon canasson sans gros handicap. En bref, c'est la "lutte" du Yin et du Yang, du bien et du mal, une lutte qui ne peut pas avoir de vainqueur, car chacun est nécessaire à l'autre.

Cependant, c'est une lutte qui peut être fatale à l'humanité, si l'un des camps élimine l'autre - sans qui il ne peut vivre. Ou qui peut la faire souffrir, si l'un prend un peu trop nettement le dessus sur l'autre. 

jeudi 16 avril 2015

Urgence en entreprise : petit traité pour l’honnête homme

Dernier entretien avec Claudine Catinaud. Les techniques de gestion de l’urgence.

Qu’est-ce que l’honnête homme doit savoir sur l’urgence ?
Le plus difficile n’est pas de traiter l’urgence. Il y a des méthodes pour cela ! C’est de la repérer.
L’urgence est là, mais personne ne la voit ! Or, certaines situations non prévues peuvent présenter un risque vital… Car tant de choses importantes sont à faire dans une entreprise, tant de précautions à prendre, de procédures à respecter, de reporting à adresser à l’actionnaire, tant de bruits divers… On n’a guère le temps d’entendre la montée insidieuse de la tempête qui s’annonce ! Chaque organisation peut, dans sa zone de confort, être confrontée à l’urgence. Les indicateurs, aussi nombreux soient-ils, ne sont pas toujours suffisants pour faire émerger les alertes.
Toute entreprise peut être confrontée à des situations qu’elle n’a pas imaginées, car on ne peut pas tout prévoir… la notion d’urgence est donc relative à chaque organisation. C’est pour cela que le repérage de l’urgence est délicat.
Voilà aussi pourquoi il n’existe pas de recette miracle. Et voilà pourquoi il faut rester en alerte afin de repérer les signaux faibles. Il faut savoir s’étonner et oser en parler, le partager. Et pour cela, il faut écouter, observer, questionner.
Une technique : enrichir le tour de table des comités de direction, souvent assez lisse en termes de remontées d’information, par un rapport d’étonnement systématique : qu’est-ce qui vous a interpelé ? A ce titre, un évènement insignifiant mais répété peut constituer une alerte. Malheureusement, la plupart du temps, les membres du comité de Direction ne veulent pas se faire remarquer du dirigeant ou de leurs collègues ; ainsi lors des réunions du Comité de Direction, il est souvent de bon ton de dire que « tout va bien ». 
La notion de temps est aussi importante. Une période critique est celle de la prise de conscience de l’urgence de la situation : plus la prise de conscience est tardive, plus le temps imparti pour traiter l’urgence sera réduit.

Un exemple de situation dans laquelle il faut être particulièrement vigilant ?
Dans les entreprises en transformation, durant les périodes de fusion ou d’intégration d’une acquisition, l’urgence peut naitre d’une focalisation des dirigeants sur le risque propre au projet de fusion. Car ils sont moins vigilants aux risques habituels de la vie quotidienne. Pendant qu’elle est occupée à rassurer les clients, dénouer les résistances au changement, harmoniser pour mieux fusionner (les systèmes d’information et les statuts, par exemple), l’entreprise peut passer à côté d’autres risques moins évidents. Voilà pourquoi, pendant ces périodes de grands changements, le dirigeant doit avoir une double « focale » : celle de réussir son projet de fusion, qui cristallise les énergies, celle d’assurer le fonctionnement opérationnel de l’entreprise. A l’atteinte des objectifs de tous les jours s’ajoute donc l’atteinte des objectifs du projet. Cette période, en soi « extraordinaire », tend à  mobiliser les dirigeants sur les éléments essentiels du projet au détriment de la vigilance et de l’écoute des signaux faibles.

Y a-t-il, tout de même, quelques repères à garder en tête ?
Le sens commun produit un certain nombre d’évidences dangereuses. Il existe « trois paradoxes de l’urgence ».
  1. L’urgence est évitable, il n’y a donc qu’à la prévoir. Cette idée reçue est de l’ordre de l'incantation simpliste qui reviendrait à dire « Yaka prévoir » !  Or, l’urgence fait partie de la vie des organisations. La notion d’urgence est  relative à chaque organisation. En cela, l’urgence se différencie de la crise.
  2. L’urgence est facile à repérer, difficile à traiter. C’est l’inverse ! il est facile de traiter l’urgence, en particulier par la rupture. En revanche, il est difficile de la repérer, de comprendre à temps que l’entreprise est dans une zone à risque majeur.  
  3. Quelle que soit la situation, un bon dirigeant sait tout faire. Faux. Il existe un  leadership propre à l’urgence, qui exige de savoir gérer la rupture dans un temps court, c’est à dire prendre la situation en main (agir en commando), mobiliser les acteurs et  remettre l’entreprise en situation de stabilité. 
Au fait, comment sort-on de l’urgence ?
De la même manière que l’on décrète l’urgence : en communiquant ! Pour marquer les esprits, on annonce la fin de l’urgence à l’ensemble des acteurs concernés.


Radio France ou la défaite de la grève

La grève de Radio France est finie, ai-je entendu dire. Apparemment, grève pour rien. Dernier soubresaut d'une institution française ? 

Le Français va-t-il s'enfoncer dans l'apathie ? Il est convaincu d'être dirigé par des malhonnêtes et des incompétents, mais, après tout, cela a toujours été le cas. Ce en quoi il illustre la théorie de la Boétie. C'est cette apathie qui permet au système de fonctionner. L'opprimé prête ses bras à son exploitation ! Mais la solution de la Boétie, la grève générale, ne marche pas. D'abord parce que personne n'est jamais parvenu à en organiser une. Et surtout, comme le montre le cas de Radio France, que ce sont ceux qui font grève qui ont le plus à perdre dans une grève. Echec et mat ? 

Non. Changement. Le petit peuple doit apprendre les techniques de conduite du changement. Au lieu de choisir le rapport de force, il doit accepter l'objectif du changement, qui est généralement acceptable, mais discuter de sa mise en oeuvre. En effet, c'est là que se cache le problème : dans le comment. C'est la façon de mettre en oeuvre le changement qui peut à la fois faire échouer le changement et broyer le petit peuple. Or, en termes de mise en oeuvre, c'est le petit peuple qui a un avantage : il connaît la réalité, ce qui n'est pas le cas du grand dirigeant.

(C'est ce que les économistes appellent la théorie de l'agence.)

Surendettement de la France : qui est coupable ?

Un jour de 2003, le ministre des Finances, Francis Mer, est informé par son cabinet d'un danger : le surendettement de l'Etat. (...) il expose à Jacques Chirac les grandes lignes de son constat terrifiant. (Jacques Chirac) regarde Francis Mer dans les yeux et lui répond tranquillement : "écoutez, Mer, ça fait trente ans qu'on se débrouille comme ça. Alors on peut bien continuer un peu, non ?" (Sophie Coignard et Romain Gubert, L'oligarchie des incapables, J'ai lu, 2013.)
Voilà qui en dit peut-être long sur le fonctionnement de la politique française ? Ce qui montre peut-être aussi qu'un système ne peut changer qu'en crise ? Et que c'est peut-être pour cela que la France ne connaît jamais la crise ? 

mercredi 15 avril 2015

Arnaud Montebourg vend l'Insead

A peine sorti de l'Insead, où il a étudié 4 semaines, Arnaud Montebourg cumule les emplois. Dans le dernier, il doit multiplier par 10 le chiffre d'affaires de la SSII d'un ministre tunisien.
Son objectif est d'aider à multiplier les ventes par dix en sept ans
Créée en 2002, Talan a connu un développement canon. Aujourd'hui, la société emploie 1000 consultants pour un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions d'euros. Surtout, elle vise un chiffre d'affaires à 1 milliards d'euros en 2022. (Huffington Post)
 Et ce en étant présent à quelques réunions chaque année.

Avant, j'ai été ministre du redressement productif pendant plusieurs années, sans résultat, après quatre semaines à l'Insead, je décuple le chiffre d'affaires d'une entreprise. Quelle publicité pour l'Insead. J'ai entendu dire que l'Insead lui avait offert une bourse d'études. C'était de l'argent bien placé.

(PS. La SSII a aussi recruté Michel Combes, le PDG d'Alcatel qui a récemment vendu son entreprise à Nokia.)

Etre homme, c'est vivre au bord du chaos ?

Un homme c'est ce qui se trouve entre l'absolu (l'esprit pur) et l'animal. Voilà ce que je tire de Camus. Et tout le travail de l'homme c'est de trouver où cela se situe "entre". Et c'est sans arrêt remis en question.

Camus ne nous réconcilie-t-il pas avec l'humanité ?, me suis-je demandé. Par exemple, il est bénéfique d'avoir des gouvernants indignes. En effet, pour échapper à leurs malversations nous devons nous transcender. C'est la révolte qui fait l'homme ! Ce qui m'a rappelé la théorie de la complexité :
This balance point - often called the edge of chaos - is where the components of a system never quite lock into place, and yet never quite dissolve into turbulence either... The edge of chaos is where life has enough stability to sustain itself and enough creativity to deserve the name of life. The edge of chaos is where new ideas and innovative genotypes are forever nibbling away at the edges of the status quo, and where even the most entrenched old guard will eventually be overthrown. (...)  The edge is the constantly shifting battle zone between stagnation and anarchy, the one place where a complex system can be spontaneous, adaptive and alive. (WALDROP, Mitchell M., Complexity: The Emerging Science at the Edge of Order and Chaos, Simon and Schuster, 1992.)
Et la théorie du fait social de Durkheim. La volonté d'absolu, l'animalité sont deux caractéristiques nécessaires d'une société. Cependant, elles ne doivent pas être trop répandues, sans quoi la société est malade. (Les règles de la méthode sociologique)

mardi 14 avril 2015

Les mystères de Radio-France

Mystérieuse grève de Radio-France. Elle se prolongerait, non par crainte de licenciements massifs, mais du fait du vague à l'âme de Radio Bleu, radio que je ne connaissais pas. (Apparemment c'est l'équivalent de FR3, pour la radio.)
La principale pierre d’achoppement des négociations demeure le projet de mutualisation des programmes des 44 stations du réseau France Bleu, prévu dans le «plan stratégique» présenté par le PDG, ces radios craignant d’y perdre leur identité. «On attend de nous des antennes locales, au plus près des gens, de leurs préoccupations», fait valoir Stéphanie Perenon, déléguée du personnel SNJ à France Bleu Bourgogne. «Aller vers cette syndication, c’est perdre tout ce qui fait notre richesse», regrette-t-elle. (Libération.)
Univers dont la logique m'échappe. En effet, alors qu'aucune négociation ne semble pouvoir aboutir, Fleur Pellerin pourrait avoir fait basculer les choses, par sa seule visite. Pourtant, elle n'aurait rien promis, sinon du très vague. Les syndicalistes avaient-ils besoin d'une preuve d'amour ? Étaient-ils désorientés parce qu'ils ne semblaient plus avoir aucun pouvoir sur le gouvernement ? Ont-ils, un instant, douté de leur élection divine ? Ou se rendaient-ils compte qu'ils étaient enlisés et étaient-ils à la recherche d'une occasion de se sauver la face ?... Je ne devrais pas être surpris, pourtant... Mes livres disent que le changement est une traversée de l'irrationnel... 

Nokia absorbe Alcatel

Nokia achèterait Alcatel. L'idée serait d'être, avec Huawei et Ericsson, un des trois acteurs dominants du marché mondial. L'acquisition d'Alcatel marquerait le redressement de Nokia, mais aussi le succès de sa stratégie.
So far the Finnish company’s gamble on telecoms equipment is paying off. For the third quarter of last year it reported its first year-on-year sales increase in more than three years.(FT)
Pechiney, Arcelor, Alstom, Alcatel, Lafarge ? Les grandes entreprises françaises disparaissent les unes après les autres. A moyen terme cela va poser la question d'un transfert à l'étranger d'un savoir-faire qui a demandé des siècles pour se construire, et du vide qu'il va laisser. A court terme cela pose la question de leur management, et des options qu'ont choisies l'Etat et ses représentants. Ainsi que la qualité de ces derniers : car ils semblent avoir été surclassés par leurs collègues étrangers.

(En attendant, le gouvernement ne se dit soucieux que des quelques milliers de personnes qu'Alcatel emploie en France...)

Aux urgences, avec Claudine Catinaud

Troisième entretien avec Claudine Catinaud. Qu’est-ce qu’une situation d’urgence ?

A quoi ressemble une situation d’urgence ?
Une compagnie d’assurance m’appelle pour remplacer au pied levé une DRH en congé maladie, le temps de négocier les augmentations annuelles. Au bout de deux jours, je suis informée d’une réunion avec le CHSCT. Il a fait venir un expert pour évaluer les impacts d’un projet de changement local. 
Le dirigeant de la filiale avait décidé de passer d’un système de rémunération collective à une rémunération individuelle. Ce faisant, il avait mis le feu aux poudres. La plateforme de gestion clientèle et l’exploitation informatique du groupe pouvaient être bloqués par une grève ! Ce qui créait une situation de risque majeur qu’il soit social, technique, managérial, financier et bien sûr de notoriété. 
 A la lecture du document de l’expert CHSCT, je comprends que, sous-jacent à une remise en cause du management de la filiale, une remise en cause du management du siège social pourrait également se faire jour.
Je demande alors au directeur de la filiale de suspendre sine die son projet afin d’éviter une expertise qui pourrait conduire à la remise en cause du management du groupe.
Assise aux côtés du directeur de filiale, nous avons donc annoncé la suspension du projet en séance en proposant d’entrer dans une démarche participative (ateliers à l’appui) afin que le système de rémunération proposé soit en cohérence avec l’activité.
En quelque sorte, j’ai fait un retournement de situation en permettant à l’entreprise de reprendre la main sur le management de la filiale. Et d’éviter la propagation d’un mouvement social qui aurait bloqué soit le centre d’appels, soit l’exploitation informatique du groupe !

ER Cast Season 1.jpg
On attend le DRH


Quels enseignements tirer de cet exemple ?
Alors que la réponse à la crise passe par la communication, gérer l’urgence impose une rupture, ou dit autrement, une force d’action et de mobilisation : il faut agir en profondeur en un temps court ! Il ne faut pas vouloir le consensus, mais revenir à un management directif à l’image des militaires en manœuvre : en management en temps de paix, en commandement en temps de guerre. Il faut marquer les esprits. Il faut mobiliser. Il faut mettre les gens dans une posture de rupture, de mobilisation exceptionnelle, d’engagement.  D’où l’intérêt d’être extérieur.

Le prochain billet creuse cette question : que faut-il savoir sur les techniques de gestion de l’urgence ? 

L’homme révolté de Camus : « je me révolte, donc nous sommes ».

De quoi parle-t-il ? Qu’est-ce que cette histoire de révolte ? Vous vous révoltez, vous ? Encore une invention d'intellectuel ? Sans compter que le raisonnement est abstrait, alors qu'il se réfère certainement à la société de 1950. Mais, à quoi ? À la France, à l’Occident ? À l’URSS ? Au nazisme et à la guerre ? À l’avant guerre et la crise ? Rien à voir avec La peste, L’étranger, Le mythe de Sisyphe, Caligula ou La chute. Ce n’est pas un roman, mais un essai, passionné. Je me suis trompé. Rien d’abstrait. C'est du combat. 

Camus s’en prend à la pensée qui domine son époque, mais aussi la nôtre. Celle qui, à gauche, « interdit d’interdire », et, à droite, refuse toute réglementation. Cette pensée, il l'appelle "nihilisme". Ses origines ? Les Lumières. A cette époque, la raison défait la religion. Mais, comment la remplacer ? Et si le monde était absurde ? Nietzsche, Hegel et Marx vont tenter de lui trouver un sens. C’est l’histoire. Elle a une direction. Un jour tout ira bien. En attendant, tout est permis. Et voilà comment on peut commettre les crimes les plus effroyables. Mais, surtout, ce nihilisme est une imposture intellectuelle car il ne nie pas, comme il le dit, toutes les valeurs ! En effet, les nier c’est "laisser faire". Loi de la jungle et donc domination des puissants. (Et règne du statu quo. Le nihilisme est un conservatisme.)

Le nihilisme est une révolte qui a mal tourné. C’est, comme Satan, un ange déchu. Le phénomène est étrange. C'est l'union de la carpe et du lapin. C'est d'abord la révolte de théoriciens épris d'absolu (Nietzsche, Hegel et Marx). Absolu contre nature qui condamne la révolte à l'échec. Mais elle est récupérée par les puissants. Car ils y trouvent leur justification. En effet, le nihilisme débouche sur le triomphe de l’animal : classe dominante d’individus jouisseurs et classe laborieuse de bêtes de somme. 

La vraie révolte, elle, est le propre de l’homme. Elle part du monde tel qu'il est. Pas d'utopie de l'absolu. Mais ne se satisfait pas de l’état des choses. Elle veut l’améliorer. Surtout, trouver un ordre au désordre, une « unité », qui est l’humanité. C'est-à-dire la dignité propre à tous les hommes. C’est un travail sans cesse recommencé. Une succession de renaissances. Construire une société, c’est vouloir réaliser une œuvre d’art collective. Et, parfois, ça marche. Et cette humanité de créateurs en tire une immense exaltation. Le « cogito ergo sum » de Camus est « je me révolte, donc nous sommes ».

(Voilà une pensée qui rejoint quasi exactement celle d’Hannah Arendt, de Paul Watzlawick et du Pragmatisme.)

Annexe. Quelques oppositions révélatrices ?
Révolte = tout casser (Nihilisme)
Révolte = tout améliorer 
Totalité (totalitarisme)
Unité (principe propre à tous les Hommes / recherche d’un ordre dans le désordre / l’art)
Absolu (désir d') 
conduit à l'animalité
Homme = ce qui est "entre" absolu (esprit pur) et animal. D'où mesure (sens de la mesure) / il n’existe pas de principe absolu – l’homme cherche en permanence à établir une cohérence dans un monde en mouvement chaotique. Pour cela il doit identifier / fixer des limites.
Histoire. Et histoire qui a une direction et qui finit.
Résultat : pouvoir réactionnaire et conservateur (oligarchie) 
Présent. L'histoire n'a pas de sens. Elle n'est qu'une succession de présents. Et elle ne finit pas.
Chaque présent est une renaissance. L'homme recrée, sans arrêt, la société (il a son sort entre les mains). Il lui donne une signification, un "sens" (à ne pas confondre avec "direction"). Résultat : démocratie. Hommes égaux car partagent un principe commun : "l'humanité".
Le haut pense pour le bas, ses lois s'imposent à tous (totalitarisme)
La pensée vient d’en bas, elle gagne la société en partant d'un groupe
La théorie / l’utopie coupée de la réalité
L’action. L'homme plonge la tête la première au milieu des éléments. C'est de l'action qu'émerge l'illumination, la découverte que ce qui paraissait chaotique cachait un ordre / un sens.
Philosophie allemande
Philosophie grecque