mardi 31 décembre 2013

2014 : crise de l'énergie ?

L'énergie renouvelable condamnée par son succès ! A Hawaï, le réseau électrique n'est pas adapté aux pics de production d'énergie dus aux panneaux solaires des habitations. Le problème est général. Il se pose partout ou l'énergie renouvelable prend de l'importance. Voici qui était imprévu.

J'entendais aussi une émission de France Culture rejoindre les thèses de The Economist. En bref, la production de gaz de schiste des USA conduit leur producteurs de charbon à augmenter leurs exportations. D'où baisse du prix mondial du charbon. La centrale à charbon à le vent en poupe. Ce qui n'est pas bon pour l'effet de serre...

J'en déduis deux choses :
  • Tout ceci montre probablement les limites du marché et du laisser faire. Il ne suffit pas de subventionner l'énergie renouvelable pour faire baisser les émissions de CO2, il faut une action concertée, et des investissements en infrastructure. 
  • Le prix de l'énergie joue au yoyo depuis quelques décennies. Il est possible que nous nous trouvions maintenant dans une phase de baisse. Mauvaise nouvelle pour les producteurs, mais pas pour l'économie ? (A court terme, bien sûr.)

2013, année blog

Régulièrement, je me demande ce que m’apporte ce blog. C’est à nouveau le cas.

Le blog comme base de données

Plus ça va, plus il s’éloigne de ce qu’était supposé être un blog. Le blog ordinaire, à la fois regroupe une « communauté » et commente les dernières nouvelles. Dans mon cas, mon blog est une base de données. J’y enregistre mes idées du moment, et surtout les références qui pourront m’être utiles un jour. Je les étale sur la semaine. D’où deux types de contenus. D’une part des synthèses de livres ou d’articles, que je peux diffuser. D’autre part les réflexions produites par mon cheminement intellectuel en cours. J’imagine que ces dernières sont incompréhensible sans connaissance des billets qui précèdent. D’ailleurs, moi-même, je me demande ce que signifiaient certains billets anciens…

Cette base de données sert à mes livres et à mes articles. Grande difficulté : y retrouver un billet à partir de souvenirs flous, d'une mémoire défaillante et d’un moteur de recherche qui veut des mots exacts. Une de mes missions de conseil m’a appris que, d’une certaine façon, j’étais à la pointe de la recherche. Je suis confronté à la question du « narrative content ». Trouver de l’information que l'on sait imparfaitement définir dans une base de données faite de publications. La solution passerait par les « metadata » (les tags, la structuration du texte, le type de texte…). Le gouvernement américain serait en avance dans ce domaine. (Et moi, en retard. Il faudrait que je passe un peu de temps à structurer mes billets…)

Je me suis mis aussi à alimenter quelques groupes linkedin. Je cherche à faire de la publicité à des livres ou articles que je juge intéressants. Je pose aussi quelques questions. J’obtiens parfois des commentaires pertinents. Curieusement, je dois faire attention à ne pas saturer ces groupes de mes écrits. J’en déduis que je produis beaucoup par rapport à la moyenne des mortels.

Les interviews, autre nouveauté. Par exemple de l’anthropologue Eric Minnaert. La demande est forte pour ce type de billet. Il est agréable de voir sa vie transformée en une histoire ? Malheureusement, le marché, parfait comme chacun sait, donne une valeur nulle à mes talents de biographe.

Communauté choisie

On me dit souvent que je devrais développer l'audience de ce blog. Il est vrai que je serais flatté d'être un leader d'opinion. Mais, je ne suis pas capable d'occuper ce rôle. Ce blog est un doute permanent. Paradoxalement, rendre ce doute public, le moteur de ce blog, stimule ma réflexion. Mais aller plus loin m'embarrasserait. Puisque, en dehors de questions techniques, je n'ai pas d'idées très claires à exprimer sur ce qui intéresse la nation. Aussi, je ne suis pas très à l'aise avec la notion de communauté. Lorsque je lis les commentaires que suscitent les billets des gens importants, je constate qu'une grande partie est hors sujet. Leurs auteurs sont là parce qu'il faut y être. Pas pour discuter l'opinion de l'auteur. Ce n'est pas une communauté, mais une secte. Ce blog, lui, a une petite communauté, mais elle pense.

Qu'est-ce que penser ?

J'en arrive finalement à quelques observations récurrentes depuis les origines :

Ecrire un blog est une question de discipline. Plus j’écris, plus me viennent des idées. Mais plus je m'absorbe dans mon travail plus mon encéphalogramme s’aplatit. Ma vie professionnelle et l’écriture de ce blog ont quelque chose d’incompatible.

Ce blog reproduit le trace de ma pensée. Penser n'est pas ce que je croyais. Ce n'est pas un exercice mathématique, mais une destruction. C'est, comme le dit Kurt Lewin, le dégel des certitudes. De manière équivalente, c'est sortir de la caverne des croyances de Platon. Car, découverte extraordinairement tardive, nous subissons un étonnant lavage de cerveau. Il est surprenant, d'ailleurs, que le message des Lumières soit toujours aussi actuel. Nous ne sommes pas parvenus à avoir un esprit critique, et à procéder à une reconstruction permanente de la société. Sans cesse les privilèges se reconstituent, et ils utilisent les forces sociales, les croyances, opium du peuple, pour manipuler les consciences et asseoir le règne de classes oisives. C'est étrange comment le monde change peu. Il ne fait que se recomposer selon des principes quasi immuables. Il n'y a que l'histoire que l'on raconte pour l'expliquer qui évolue. 

lundi 30 décembre 2013

Dieudonné

Depuis quelques jours, la radio ne parle que de Dieudonné. Apparemment, la télévision publique aurait infiltré une de ses équipes dans un de ses spectacles. Elle aurait des preuves que cet homme est le mal absolu, dit-elle. Elle en appelle aux foudres de l'inquisition. Au gouvernement.

Ce qu'il y a de curieux avec ce fameux Dieudonné, c'est que s'il n'était pas la bête noire de la presse, je n'en aurais jamais entendu parler. Seraient-ils en cheville ? D'ailleurs, nos journalistes n'ont-ils pas d'enquêtes plus importantes à faire, de nouvelles plus urgentes à nous transmettre ? Et si c'est à un gouvernement pavlovien de dire le bien et le mal, sans que nous soyons consultés, peut-on encore parler de démocratie ?

Le noble ou l’ultime liberté ?

De nouveau, je lis des mémoires du 17ème. Le noble d’Ancien Régime nous paraît aujourd’hui excentrique. Je crois que cela vient de ce qu’il était au dessus des lois. En fait, il en acceptait une seule, le sujet de toute la littérature du 17ème : l’honneur. L’honneur, c’est une loi que l’on s’est faite.

Eh bien, il me semble que voilà l’idéal des Lumières. Se libérer des usages, et n’obéir qu’à ceux que l’on a inventés, ou réinventés. Les Lumière ont-elles voulu faire de nous des nobles ? Mais, ce principe n’était probablement pas partagé que par les nobles. N’est-ce pas aussi l’ultime liberté ? Celle dont parle Clémenceau, qui considérait que la France l’avait apportée au monde ? Refus du collectivisme, être dominé par une tradition incompréhensible, mais aussi de l’individualisme : l’homme parasite de la société.

Cet idéal est différent de celui de l’Anglais. Le sien est matérialiste. Il veut de l’argent. Aliénation aurait dit Marx. Echec et mat. Cela montre les complications du modèle français. Car peut-on être libre dans l’adversité ? Surtout, comment devenir libre si l’on a été formé pour obéir aux règles sociales ? (Autrement dit pour être un esclave ?) L’Histoire de France est en grande partie celle de la lutte contre la liberté. Ne serait-ce que parce que la liberté complique le gouvernement. Les rois ont cherché, justement, à asservir une noblesse turbulente. Ils y sont parvenus, un temps, grâce à Versailles et à la promotion de grands commis de l’Etat. De Gaulle les a imités. Aujourd’hui, comme le découvre petit à petit ce blog, notre société est conçue sur le modèle du lavage de cerveau.

Et si la condition de la liberté était d’être une aspiration que l’on ne sait pas comment réaliser ? Car si on en avait la recette, on saurait aussi comment la supprimer ? Pour autant, le laisser faire n’est probablement pas une option. Si l'on ne se bat pas pour sa liberté, et si l'on ne cherche pas à garantir celle des autres, l'asservissement est assuré.

dimanche 29 décembre 2013

C’est reparti comme en 14 ?

The Economist y perd son latin. Mais qu’est ce qui peut bien faire déprimer la France ? Seule explication trouvée : c’est chic d’être dépressif. Voici quelques raisons de se réjouir :

Le monde pourrait rejouer 1914. Avec la Chine dans le rôle de l’Allemagne, le Japon et les USA dans ceux de la France et de l’Angleterre. Avec quelques différences, aussi. Personne aujourd’hui ne joue le rôle des USA. Et en plus de la Chine, il y a le Pakistan et l’Inde, en passe d’élire un sinistre personnage. Et tous ces gens n’ont plus à inventer la bombe atomique.

En masse, les entreprises annoncent une dégradation de leurs résultats. Mais la bourse n’arrête pas de monter. Crise en 2014 ? Quant à l’Europe elle est dans une spirale de déflation. Elle encaisse tous les coups des politiques de relance des autres zones économiques, sans rien rendre. En Chine, donc, M.Xi s’empare du pouvoir. Mais il trahirait encore des signes d’inquiétude. En France, nous aurions un Hollandais volant. Il ferait la guerre pour montrer sa fermeté. Mme Merkel aurait désigné son successeur. L’Europe « se démilitarise à grande vitesse ». Elle a besoin d’une politique de défense commune. Mission impossible ? M. Erdoggan combat une opposition grandissante (cette fois les musulmans). M.Poutine encourage un populisme anti ukrainien mais récupère l’Ukraine, kleptocratie en faillite. Le Gaëlique n’est plus parlé que par la minorité d’Irlande du nord. En Syrie, M.Assad semble la seule personne raisonnable encore en place. Le Liban pourra-t-il éviter une guerre civile ? Au Soudan du Sud, les ethnies s’affrontent. C’est plus violent que d’habitude. Peut-être parce que son président n’est pas en bonne forme. Aux USA, les Républicains s'affranchiraient du Tea Party. Ils auraient constaté que le poujadisme n'est pas bon pour leur santé. L'histoire de la banque centrale américaine serait une marche vers une forme de dirigisme centralisateur, « soutien à l’ensemble de l’économie ». Curieux système de sécurité sociale. Le service est fourni, de plus en plus, par l’entreprise privée, mais il est massivement payé par le contribuable ! (« Dès le début des années 2020, le contribuable paiera la moitié des dépenses de santé américaines, qui auront atteint 5000md$, l’équivalent d’un cinquième de la production économique totale du pays »). Le gaz de schiste est une nouvelle ruée vers l’or. Hier comme aujourd’hui, la nature est détruite pour que l’homme fasse fortune. Instantanément. C’est culturel. De même les « forces du marché » vont faire un sort à la chasse à l’arc. Elle conciliait l’aspiration à tuer avec l’équilibre naturel. Mais des armes nouvelles vont permettre à n’importe qui de faire un grand massacre. Finalement, ces forces du marché ont leur art. L’art contemporain. Un art spéculatif, dont la bourse est le musée. Les pays pauvres verraient s’évaporer 1000 md$ chaque année. Ils partent vers les paradis fiscaux des pays riches. Ceux-ci ne seraient pas prêts à s'appliquer les leçons qu'ils donnent aux autres.

Entreprise. Conséquence d’une vague immobilière et d’achats judicieux d’entreprises étrangères, le matériel de BTP chinois devrait balayer le monde. Il est d’une excellente qualité et pas cher. Les drones pourraient aussi être un marché d’avenir. En tout cas, c’est un nouveau sujet de travail pour le législateur. Menace pour le commerce en ligne ? Le consommateur exploite massivement la possibilité de renvoyer un produit qui ne le satisfait pas. (Mais qu’il a utilisé entre-temps.) Aux USA, une industrie du transport spatial cherche à se constituer.

On a découvert l'inventeur de la science économique (William Petty). 

L’art de diriger ?

Livre d’Olivier Lajous, L’Harmattan, 2013. Textes de conférences, faites par l’amiral Lajous, sur l’art de diriger.

Lorsque je lis, je souligne rageusement, je prends des quantités de notes. Ça n’a pas été le cas cette fois-ci. Le problème qui s’est posé à moi, et dont je n’ai pas pu me débarrasser, était celui de la légitimité, de l’autorité. Un des thèmes du livre, d’ailleurs.

Car ce livre semble destiné à l’entreprise, peut-être même à la société. Pourquoi devrais-je écouter l’amiral Lajous ?, me suis-je demandé. Le prestige de l’armée ? Depuis Napoléon, ses victoires ont été coloniales, comme François Hollande nous le rappelle aujourd’hui. Quant à la marine, il n’y a même plus de Napoléon qui tienne. C’est Trafalgar. La réussite personnelle de l’amiral ? Mais qu’est-ce qu’une marine en temps de paix, sinon une bureaucratie ? J’assistais à une conférence dont il était invité. Il nous a parlé d’un de ses faits d’arme. Son navire a été élu « poubelle d’or » par l’escadre de l’OTAN, qui soutenait la guerre en Afghanistan. Le père d’un ami, un sous-officier, a été le seul survivant d’une escarmouche durant la guerre d’Algérie. Il en est sorti indemne mais son treillis était percé de partout. N’aurait-on pas plus envie d’entendre cet homme, qui n'a jamais songé à parler de ses prouesses, qu’une poubelle d’or ? Là où cela se gâte réellement, c’est lorsque l’amiral parle de l’entreprise.  Il a, au moins, une guerre de retard. Et ce aussi bien dans la théorie, que dans la pratique.

L’intérêt du livre ? C’est de parler de ce qu’il connaît, la marine. Ce qui arrive rarement. On y découvre qu’elle est aux petits soins pour ses membres. C’est une pouponnière. Qu’il est loin le temps de la conscription ! On apprend aussi qu’elle fait la guerre sans haine. Avec amour, probablement. Et que ses chefs sont des penseurs. De charmants idéalistes nourris de théories désuètes. 

samedi 28 décembre 2013

Vive les syndicats ?

Je ne peux pas faire une conférence sur le changement sans que l'on me parle des syndicats. Si la France ne change pas, c'est à cause des syndicats.

Mais les syndicats français n'ont jamais été aussi faibles ! (Une référence sur le sujet.) Et, d'ailleurs, ils ont été forts à l'époque où la France l'était aussi. Galbraith ne dit-il pas que le syndicalisme a été un facteur du dispositif qui a assuré la prospérité d'après guerre ? Car le salarié est aussi un consommateur. Plus son salaire est élevé, plus il consomme. En fait, je me demande si ce n'est pas ce que dit The Economist. Il faut que l'Allemagne se mette à consommer. Cela tirera les économies de l'UE. Syndicats allemands, passez à l'action ? Il dit aussi que le monde a besoin d'inflation. A nouveau, appel implicite à un syndicalisme fort ? Vive Ed Milliband et une gauche qui revienne à ses sources populaires ?

Romanesques

Livre de Jacques Chardonne.

Maîtrise ultime du français ? Une phrase courte dit simplement les sentiments les plus complexes.  (Peut-être, après tout, était-ce le style de l’époque ?) Et voilà des bords de Seine d’avant guerre, près de Paris, bien inattendus pour ceux qui les fréquentent aujourd’hui. Ils ont quelque-chose d’idyllique. Lieu de villégiature pour une classe sportive, semi oisive.

Livre, surtout, sur les mystères de l’amour conjugal. Simplement, aimer l’autre tel qu’il est ? C’est ce qu’il a d’incompréhensible, de libre, qui en fait le prix ? Mais ce livre est-il porteur d’un message ? N’exprime-t-il pas une forme de détachement aristocratique ? Aucun comportement, aucune répartie… ne semblent obéir aux conventions.

Est-ce pour cela qu’il ne m’a pas touché ? Je ne suis pas un esprit assez libre pour en saisir la subtilité ? 

vendredi 27 décembre 2013

Qu'est-ce qu'un ami ?

Doit-on se brouiller avec quelqu'un qui ne partage pas ses idées ? Ou même dont on juge les idées dangereuses ? Question à se poser en cette période de bonnes résolutions ?

Pour ma part, je trouve le conflit d'opinions désagréable, mais stimulant. C'est pour cela que j'écoute France Culture et lis The Economist, par exemple. A la réflexion, je crois que ce qui compte est le comportement, non les idées. L'ami est là dans les moments difficiles. Les autres en profitent. Ce que j'apprécie aussi est le talent. Je trouve souvent quelque chose d'exceptionnel à mes amis. Malheureusement, les grandes qualités ont souvent comme contrepartie de grands défauts. C'est probablement la raison pour laquelle il faut s'accommoder des derniers. Et espérer que le conflit entre nos idées finira par faire émerger le meilleur des mondes. Dialectique diraient les philosophes.

Les qualités de la démocratie allemande

Chaque culture a sa forme de démocratie. Les vertus de la démocratie allemande me semblent sous-estimées. Une de ses caractéristiques est d’être un système de coalition. De ce fait le gouvernement représente une grosse partie de la société. Idem, ses chanceliers sont quasi éternels. Ils se maintiennent longtemps parce qu’ils savent représenter les aspirations de peuple. Mme Merkel, par exemple, venue de l’ultralibéralisme, est en partance vers la gauche. C’est aussi une démocratie qui a des principes solides et qui décide lentement. Ce qui lui évite les revirements constants de notre gouvernement de cervelles vides. Mais tout ceci demande certainement une forme d’esprit d’équipe, le souci du bien collectif, qui n’est pas présent ailleurs. 

jeudi 26 décembre 2013

2014, année de réenchantement du travail ?

On me raconte l'histoire suivante. Grande société des télécoms. Son marché se complique. Fin des vaches grasses. Les marges baissent. On doit faire des économies. On supprime les sous-traitants qui ne travaillent pas. Puis ceux qui travaillent. Problème. Sans eux, on ne sait plus rien faire. Car, la société ne compte plus que des chefs. Alors, on propose aux chefs de ne plus être chefs et de réapprendre un métier.

Je soupçonne qu'il y a là un mouvement général. Toute l'innovation des 30 dernières années a consisté à tirer parti de ce que les pays émergents ayant été en dehors du "marché" avaient une main d'oeuvre qui n'avait, littéralement, pas de prix. Dans la mesure où nous exploitions ces gens là, nous étions tous des chefs. Mais l'anomalie est finie. Il va falloir réapprendre à travailler. Ce qui ne va pas être un exercice facile. Puisque, entre-temps, d'autres ont pris notre place.

Curieuse démocratie française

Que notre pays est peu démocratique ! Voilà qui me frappe depuis longtemps.

Tout événement est immédiatement classé bien ou mal. L’intervention de François Hollande en Afrique ? Bien. Les Palestiniens, bien. Les Israéliens, mal. Amazon, mal. Vous pensez autrement ? FN. FN ? Le Diable... Mais la démocratie, c’est le débat ! 

Pourquoi est-il impossible ? Je crois que nous sommes pris entre deux tendances. L’intolérance et l’irresponsabilité.
  • Nous sommes révolutionnaires car intolérants, dit Michel Winock. Pays catholique, nous croyons aux vérités absolues. 
  • Mais nous sommes aussi irresponsables. Comme la CGT, nous refusons de signer quoi que ce soit, pour pouvoir ensuite le dénoncer. En fait, nous refusons de penser. Nous attendons la crise qui nous dira où aller. 
Tout cela se résume en deux mots : paresse intellectuelle. Elle nous fait nous aligner (ce que nous appelons « engagement ») derrière l’idéologie du moment. Voilà pourquoi la gauche a pris un vocabulaire ultralibéral : les cercles d’affaire anglo-saxons ont mis la main sur ses canaux d’alimentation. Au fond, nous n’avons plus de religion, mais nous sommes des croyants.

Détail amusant. Le grand dessein des Lumières était que nous parvenions à penser par nous mêmes. Elles avaient dû remarquer que nous en étions génétiquement incapables.

Pour autant cela ne signifie pas que le pays ne soit pas démocratique. L'intérêt collectif a probablement son mot à dire. Les minorités qui nous gouvernent ne doivent-elles pas y céder de temps à autres pour conserver leurs privilèges ? Mais il agit à long terme, et par crises. 

mercredi 25 décembre 2013

Revente de cadeaux

Il est courant de revendre ses cadeaux de Noël. J'entends dire cela depuis des années. Manque d’éducation ?...

Et si c’était un symptôme de l’étirement du lien social ? Préoccupé de soi, on connaît mal sa famille et ses amis. Du coup, on ne sait plus ce qu’ils aiment. Peut-être aussi que l’on tend à leur offrir ce que nous aimons. Totalitarisme. Bref, échec. Et nécessité de revente pour éviter l’engorgement. Dans mon cas, je tente une enquête auprès de l’intéressé. Solution humainement peu satisfaisante.

Inventons l’équivalent électronique de la lettre au père Noël ou de la liste de mariage ? Une idée pour Jean-David Harrouet, le père d’Hop!Liste, le pape de la liste de courses ? 

Inflation vestimentaire

Pensée pour Noël ? Je suis frappé par le peu de durabilité des vêtements. Ce que j’ai acheté dans des enseignes bas de gamme a une durée de vie inférieure à la saison. Au-delà, ça se découd ou ça change de couleur, surtout ça se déforme. En payant beaucoup plus cher, on obtient des choses un peu mieux, mais pas tant que cela. C’est fragile. Or, il se trouve qu’ayant rapidement atteint mes configurations actuelles, j’ai conservé certains vêtements de ma jeunesse. Eux n’ont quasiment pas bougé en 40 ans, ou presque. Que s’est-il passé ?

Peut-être que derrière le mal il y a un bien ? Baisse globale des prix ? J’en doute. Ou sorte de justice mondiale ? Il était anormal que nous soyons aussi bien habillés ? Les pauvres de pays riches ont donné aux riches des pays pauvres ?...

En tout cas, je suppose que derrière ce phénomène, il y a la création des « enseignes ». Au lieu de commercialiser leur production au moyen de distributeurs, les fabricants ont établi leurs propres enseignes, et leurs boutiques. Ce qui a dû leur coûter cher. Pour le reste ils ont joué au mieux sur la supply chain. Changements de fournisseurs fréquents, à la recherche des peuples les moins payés (le Bengladesh commence à être hors de prix). Transport. Et grosses distributions de dividendes (c'est le seul objet du dispositif). Et aussi nécessité de disposer d’une gamme de vêtements étendue afin d'occuper un magasin. Peut-être aussi designers coûteux. Et publicité tonitruante (la mode fait oublier la médiocrité du vêtement). Tout cela doit représenter des coûts monstrueux. Ils expliquent probablement pourquoi l’exploitation du prolo du Bengladesh ne suffit pas à produire un vêtement correct.  

mardi 24 décembre 2013

La dynamique du capitalisme

Les tentatives de ce blog de modéliser les changements du monde parviennent à des idées de plus en plus simples. Dernière itération :

Ce qui caractérise l’Occident c’est un individualisme forcené. L’individu ne voit pas plus loin que son intérêt à court terme. Du coup, il s’en prend à la société, qu'il cherche à exploiter. Or, elle représente son intérêt à long terme. J’en suis venu à croire que c’était ce phénomène que les Anglo-saxons appellent le « mal ». C’est aussi ce qui fait que l’Occident est « rationnel », selon l’expression de Max Weber. Contrairement à l’Orient, il ne cherche pas à respecter une tradition incompréhensible. Son action est orientée par un objectif, son intérêt du moment.

Cet individualisme est un parasitisme. S’il a connu un formidable succès, le capitalisme, c’est peut-être pour une conjonction de raisons. Tout d’abord, la reconstitution d’un tissu social, après le Moyen-âge, a sorti la société du chaos qui la rendait incapable d’une action concertée. Ensuite, la science de Galilée et autres, fait d'individus (contrairement à la science moderne qui demande des bataillons de chercheurs). Enfin, la transformation de tout ceci en résultats qui ont suffisamment frappé les imaginations pour faire accepter d’énormes sacrifices humains à la société.

Si je vais un cran plus loin, il me semble que l’individualisme est lui-même le résultat d’une innovation. L’invention de la société. En effet, en passant de petites communautés, stables car auto contrôlées, à de grandes unités, les sociétés, l’espèce humaine a permis à l’initiative individuelle de s’exprimer. Le parasite est l’agent du changement. En s’en prenant aux fondations de la société, il la force à réagir, sous peine de mort. Ce qui ne tue pas renforce.

Il me semble aujourd’hui que le capitalisme devrait s’essouffler. Car il a épuisé son pouvoir de séduction. En outre, les mesures qu’il doit prendre pour se faire accepter, ou se développer (sécurité sociale, éducation…) arment ce qui est contraire à ses principes.

(Le parasitisme est-il le seul agent du changement ? La Chine, Rome ou l’Amérique en guerre ont été extraordinairement créatives. Leur créativité était sociale. Il est possible que ce qui rende une société créative soit l’instabilité - externe (agression, nouvel environnement) ou interne (parasitisme).)

lundi 23 décembre 2013

L'art de la politique

Le camp de NKM se divise disait-on hier. Je me demande si Mme Chirac ne lui a pas donné un bon conseil. Elle a vanté les mérites de Xavière Tibéri, qui avait "un mot pour chacun".

Le mal de NKM est peut-être aussi celui de Barack Obama (à qui l'on a conseillé de s'inspirer de Johnson). Gros QI mais faible QE. Or, la politique est faite par des hommes, à commencer par ceux de son camp. On ne peut pas réussir si on ne connaît par les lois, implicites et mouvantes, qui guident leurs comportements. Pour les découvrir, il faut certainement beaucoup d'humilité. Et pour les utiliser, pas mal de subtilité. Car, comme le rappelle l'exemple de Mme Tibéri, elles sont aux limites de la légalité.

La dynamique de la France

Inspiré par le livre de Pierre Rosanvallon, je modélise l’évolution de la France par deux mécanismes. 

Elle fait l’objet d’un parasitisme individualiste, qui infecte ses institutions (administration, entreprises…) et la force régulièrement à détruire les dites institutions. Du coup, la France tend à être dysfonctionnelle. Mais par moments seulement. Car, venue d’en bas, une nouvelle idée d’organisation de la société surgit. Un consensus se fait. Dans un grand mouvement, la société se régénère. Jusqu’à ce que de nouveau elle soit dynamitée par le parasite.

Curieuses conclusions. Le yakafocon ne marche pas. En effet, il signifie l’installation d’institutions de mise en œuvre de la politique idéale (par exemple les instituteurs de la IIIème République). Et elles ne peuvent qu’être parasitées. Le seul espoir serait-il, alors, de voir émerger une pensée « populaire » ? Mais, pour cela, il faut probablement que le dit peuple ait un minimum d’éducation. Ce qui demande un minimum d’institutions… Echec et mat ? Pas encore. Le parasite ne peut pas fonctionner sans société. Par conséquent, il est possible qu’il soit forcé d’entretenir son contre poison. Exemple ? The Economist et nos partis politiques sont schizophrènes. Ils prônent une morale, sociale car conçue pour les autres, qui est contraire à leurs actes. Ce faisant, ils courent le risque de susciter une nuit du 4 août. C’est probablement ce qui se passe, d’ailleurs. Notre société va sans cesse du yin de la théorie au grand cœur au yang du parasitisme individualiste. 

dimanche 22 décembre 2013

Lisez The Economist

Chaque dimanche, je publie un billet sur ce que j’ai retenu de The Economist de la semaine. Pourquoi lire The Economist ?

Pour moi The Economist est une sorte de mal absolu. Pas vraiment parce qu’il est ultralibéral. Surtout parce que c’est un fondamentaliste. Il affirme que Dieu a voulu le libre échange. Non seulement c’est une insulte à la rigueur intellectuelle. Mais, surtout, croire que l'idéal du boutiquier est une loi de la nature est d’un ridicule achevé. Cela conduit The Economist à la manipulation de son prochain et à un biais d’analyse systématique. Sans économie, l’homme n’a pas le droit de vivre. Donc croissance, croissance. Quand quoi que ce soit ne va pas, il faut déréglementer. Concurrence parfaite. (Ce qui ne s’applique pas au journaliste de The Economist, bureaucrate pépère, et grand profiteur du régime.) Et la démocratie ? C’est le mal quand elle signifie que la volonté du peuple doit être première. Mais pas lorsqu’elle est entendue comme la libre circulation des biens. Et surtout quand elle utilisée comme une arme contre l’ennemi, Chine, France ou autre Poutine.

Mais The Economist a aussi des qualités. Particulièrement en comparaison de la presse française, qui a sombré dans la pire des abjections : la pensée unique. Une pensé si paresseuse qu’elle se nourrit de celle des d’autres (en particulier de celle de The Economist et de ses copains). Car The Economist n’applique son idéologie qu’après une analyse qu’il veut rigoureuse. Ainsi dans un article sur l’Inde, qui ne peut que triompher de la Chine « puisque l’Inde est une démocratie », il décrit une désorganisation indienne invraisemblable, qui fait mentir sa conclusion. En outre The Economist est un des rares journaux qui aient les moyens de mener, semaine après semaine, une veille mondiale. Il a aussi une maîtrise des mécanismes économiques et une compréhension de ses petites magouilles, qui ridiculisent nos économistes, grands collabo de la pensée unique, comme nos journalistes. Finalement, plus important pour moi, il utilise des techniques d’analyse qui sont quasiment anthropologiques. Il cherche à faire émerger les logiques qui expliquent le mouvement des événements. Par exemple, l’Ukraine est à feu et à sang, parce qu’elle a été prise en otage par des oligarques qui l’ont vidée de sa substance, au lieu de la reconstruire. Terrible critique. Car ces oligarques sont le résultat du « Consensus du Washington » et des réformes mises en œuvre par les amis de The Economist, dans les années 90. (Et maintenant, c'est à l'UE, méprisable technicien de surface du libéralisme, de ramasser les déchets radioactifs.)

Des bénéfices de la schizophrénie ? 

Les MOOCs vont-ils renouveler le corps enseignant ?

Je participe à un débat concernant les MOOCs, dans un groupe linkedin. Un participant soulève une question fondamentale :
cela va favoriser les meilleurs profs en exposant leurs cours au plus grand nombre. Imaginons que je veuille devenir compétent sur la théorie des jeux. C'est un sujet touffu, et si je veux le maîtriser il me faut le meilleur enseignant possible qui me rendra accessibles les concepts les plus importants et les implications pratique de cette théorie. Pourquoi devrais-je me satisfaire d'un professeur dans la moyenne alors que quelque part je peux profiter d'un cours au top qui me captivera et me fera progresser plus vite ?
Cela m’a plongé dans de profondes réflexions. Voici ce que je lui ai répondu :
Les MOOCs vont-ils faire émerger les meilleurs professeurs ? La question est intrigante. Ce que j’ai lu semble dire que ce qui émerge ce sont des « stars ». Mais les stars sont-elles de bons professeurs ? Si je considère ma propre expérience, je n’en suis pas convaincu. Voici quelques éléments sur lesquels je me base.
Il y a une vingtaine d’années j’ai eu à animer un module de dernière année de grande école de commerce. Deux jours à plein temps, juste avant le dernier stage, et en concurrence avec un marteau piqueur. (J’en suis sorti aphone !) Avant de démarrer, on m’a prévenu que les élèves allaient disparaître au fur et à mesure du cours. Or, c’est l’inverse qui s’est produit. Pourquoi ? Parce que j’ai fait un show. Mon objectif premier était de conserver les élèves, et j’ai réussi.
Plus récemment, j’ai eu à examiner l’université d’entreprise d’une grande société. Elle commandait des cours de gestion à HEC, ESSEC et autres, mais n’en était pas contente. En revanche elle était enchantée des cours de l’INSEAD. Or, si les participants en sortaient heureux, manifestement ils n’avaient rien appris. La force de l’INSEAD est de faire un show.
Finalement, il y a quelques temps je me suis souvenu d'un différend avec un professeur de troisième, que, par ailleurs, je ne pouvais pas souffrir. Je dois avouer que c’est lui qui avait raison. Il m'a fallu presque une existence pour comprendre son point de vue !
En multipliant les exemples, j’en arrive toujours à la même idée : le bon enseignement se mesure à très long terme, souvent, initialement, il est vu comme désagréable. Peut-être même qu'il doit frapper pour lancer une réflexion qui durera une vie. (Un problème plus qu'une solution ?) Le risque des MOOCs est d’installer une sélection naturelle qui fera émerger quelques amuseurs publics.
Conclusion ? Ce qui précède ne veut pas dire qu’il ne faille pas de MOOCs, bien sûr.
Mais il serait bien de se demander ce que l'on attend de l'enseignement. Qu'est ce qu'un enseignement efficace ? Et d'expérimenter les MOOCs, pour en tirer ce qu'ils ont de bon, sans s'y jeter à corps perdu.

samedi 21 décembre 2013

Réussite sociale, université et changement

Mes étudiants discutent des critères de sélection de Dauphine. Si je comprends bien, durant les premières années, les lycées parisiens proches ont un avantage décisif. En dernière année, ce sont les polyglottes qui gagnent (étrangers, double nationalité…). Je constate aussi que j’ai des élèves charmants mais que je n’ai plus les esprits subtils et modestes qui m’avaient tant impressionné lorsque j’ai commencé à enseigner.

Je me suis souvenu d’une émission de la BBC. Des professeurs d’universités anglaises se demandaient pourquoi Oxbridge avait une telle cote alors que d’autres universités offraient un bien meilleur enseignement. Leur réponse : les relations que l’on s’y faisait.

Ce que recrutent les universités et les grandes écoles, ce sont des élèves susceptibles de réussir en société ? Cercle vertueux. Ils prouvent par leur réussite que l’établissement est efficace. Or, comment réussir en société, sinon par ses relations ? Par conséquent, la meilleure façon d’être vue comme une bonne école est de recruter dans la classe supérieure. Du coup, elle peut se reproduire. Ce qui m’amène à me demander si l’ancien modèle de recrutement, celui de l’ascenseur social, n’avait pas pour fonction de changer la société.

Serions-nous passés d’une éthique du missionnaire, qui servait la société (cf. le polytechnicien), à une éthique de l’oligarque, qui se sert de la société ?

(Un professeur avec qui je discute de ce sujet, m'explique l'avantage concurrentiel d'être une université du 16ème, qui recrute dans le 16ème. Quand un élève a des difficultés à trouver un stage ou un emploi, ses parents décrochent leur téléphone et appellent leurs amis. Et le problème est résolu.)

vendredi 20 décembre 2013

Amazon, le hors la loi moralisateur ?

Le Monde infiltre une journaliste dans un entrepôt d'Amazon. Elle en dit le pire « Les travailleurs chez Amazon ont des conditions de travail dignes du XIXe siècle ». J'étais convaincu d'avance. Mais, avais-je raison ? Elle parle de taylorisme et de fordisme. (En oubliant que leur principe était de donner des rémunérations relativement très élevées aux ouvriers.) Mais n'y a-t-il pas d'endroits où la vie est plus dure ? Qu'en est-il, par exemple, des entrepôts des concurrents d'Amazon ? D'autant qu'il s'agit de travaux saisonniers. Et une journaliste est-elle la personne la mieux placée pour juger des conditions du travail ouvrier ? Qu'aurait-elle dit si elle avait dû travailler dans une aciérie, sur un chantier, ou, simplement, vider les poubelles de la ville de Paris ? Ce qui demeure de l'enquête est surtout un sentiment de ridicule. Amazon se croit obligé d'asséner une morale risible à ses employés. Mais pourquoi devraient-ils l'écouter ? Ce que cela semble dire, c'est surtout que l'on ne fait pas carrière chez Amazon. Mais pourquoi devrait-on y rester ? Un petit boulot à un moment de gros chômage ne me semble pas un mal. Ce qui est plus désagréable, cependant, est qu'Amazon ne paie pas ses impôts. Paradoxe du hors la loi moralisateur ?

(Une question que me pose cet article : n'y a-t-il pas création d'emplois ? Je suis étonné du nombre de personnes dans l'entrepôt. D'après l'article, la force du modèle Amazon serait une question d'immobilier. Amazon a des entrepôts à des endroits où le prix du m2 est faible, alors que la librairie est en pleine ville. Cette économie serait-elle transformée en emplois ? D'autant qu'il faut compter ceux des transporteurs. Peut-être aussi la vente en ligne a-t-elle fait croître le marché du livre ? Un peu tiré par les cheveux ? En outre, Amazon ne serait-il pas un bouc émissaire commode ? Une des causes de malaise de la librairie paraît aussi être la grande surface, et, pire ?, l'éditeur qui publie de plus en plus de livres...)

L'esprit des grandes écoles scientifiques ?

Le modèle des grandes écoles a dérivé. Et il est attaqué. Peut-être doit-il être changé ? Mais peut-on le transformer sans le comprendre ? Quel était son esprit ? Voici une tentative d'analyse. 

Il me semble que les grandes écoles scientifiques sont bâties sur le modèle de Polytechnique. Polytechnique apportait des connaissances scientifiques fondamentales. Puis une spécialisation était faite en école d’application (Par exemple, aujourd'hui, Mines, Ponts, Télécom, SupAéro, Techniques avancées). Cela était précédé par des classes préparatoires.

Partant de là, voilà ce que j'en déduis.
  • La classe préparatoire est l'élément clé du dispositif. Elle forme un état d’esprit très particulier et très efficace. On y a apprend à travailler dur, et surtout à modéliser un problème vite et bien. Extraordinaire formation au conseil. Mais apprentissage du management calamiteux. Que l’on en pense du bien ou du mal, cette partie du dispositif est probablement unique au monde.
  • L'école d'application, l'ancêtre de la grande école moderne, originellement, devait ressembler à ce que j'ai vu au département d'ingénierie de Cambridge. C'était un laboratoire de mise au point de nouvelles technologies. J'ai travaillé, par exemple, sur le premier logiciel d'aide à la conception d'un système de contrôle (automatique). On était alors à l'aube de la CAO. Si j'avais eu un esprit différent du mien, j'avais de quoi lancer une entreprise. D'ailleurs, j'avais accès à des stations de travail et à des langages de programmation que personne ne savait utiliser. Mon rôle était d'essuyer les plâtres. Pire : plus j'avais d'idées fumeuses plus on était content de moi ! A plusieurs reprises, je me suis entendu dire que ce que je faisais était totalement incompréhensible, mais que cela avait l'air de marcher. Donc bravo, accélérez ! On est allé jusqu'à m'encourager à publier mes travaux. (Un système expert basé sur un ouvrage de référence. Je réalise aujourd'hui que ce devait être une innovation.)
Si je ramène tout ceci au modèle anglo-saxon, j'aboutis à la modélisation suivante :
  • Préparation = licence. Mais menée à un rythme accéléré (2 ans contre 3 en Angleterre ou 4 aux USA). But : former un certain état d'esprit. 
  • Grande Ecole = master. Mais mené lentement (3 ans contre 2, ou 1). But : former un innovateur en le mettant au contact de l'état de l'art technologique, et en le stimulant. 
A quoi cela peut-il être utile ? A faire des Bill Gates, ou des André Citroën. Des créateurs d'industrie. Certes, ce ne sont pas des managers. Mais, le manager, ça n'a rien de rare. Ça se trouve.

jeudi 19 décembre 2013

Liberté de l'information

Pas d'Europe de la Défense, navrant. Union bancaire européenne, bien. Le contribuable ne va pas avoir à renflouer les banques. Voilà ce que j'ai retenu des informations de France Culture ce matin.

Surprenant. N'y avait-il pas matière à un peu plus de discussion ?
  • L'Europe de la Défense semble une idée française. Notre gouvernement est probablement las de devoir financer seul ses expéditions africaines. Mais si nous suivons sa pente, l'Europe de la Défense ne va-t-elle pas devenir une Europe de l'attaque ? Ne serait-il pas bien de se demander s'il n'y a pas d'autres moyens d'intervention que l'armée ? 
  • Quant à l'Union bancaire, elle permet aux banques de gérer leurs affaires sans contrôle démocratique. Elle déresponsabilise les citoyens. Et si tout le système bancaire européen s'effondrait ? Le "contribuable" serait-il épargné ?
N'y aurait-il pas nécessité de débat sur ces sujets ? Peut-il y avoir démocratie sans débat ?

(Curieux. L'apparemment de gauche France Culture reprend le vocabulaire libéral de "contribuable", plutôt que celui de "citoyen". Paresse intellectuelle ? Le journaliste est devenu incapable de faire une enquête ? Il se nourrit de l'opinion internationale ? A moins que cela ne reflète ses opinions ?...)

OGM et résistance au progrès

The Economist raconte toujours la même histoire. Qu’il s’agisse des USA, de l’Europe ou de la Chine, les peuples ne veulent pas des OGM. Face à eux, il y a les gouvernements et les entreprises, et ils ont généralement le dernier mot.

Cet affrontement m’a rappelé l’étude de Jean-Baptiste Fressoz. La marche du progrès s’est faite comme ceci. Une élite le poussait, le peuple s’y opposait. Et avec de bonnes raisons. En effet, initialement, la plupart de ce qui va de soi aujourd’hui (la médecine, la chimie, les chaudières…) ne fonctionnait pas, et détruisait hommes et nature. Mais l’élite avait beaucoup à gagner, et risquait peu. C’était le peuple qui essuyait les plâtres. Il a servi de cobaye (et parfois, explicitement). La résistance au changement expliquée ?

mercredi 18 décembre 2013

La France, terre de privilèges !

Le privilège, voilà le mal de la France, me dit Jean-Pierre Schmitt. Soudain, me vient une nouvelle interprétation de l'histoire de l'Etat français de Pierre Rosanvallon !

Cette histoire a pour moteur la lutte contre le privilège. Et ce privilège est celui des "corps intermédiaires". Les corporations, les syndicats, l'administration, l'Eglise, jadis... Et voilà mon idée. Nous sommes libéraux. Nous voulons que les hommes soient libres. Or, l'homme libre est souvent égoïste. Il privilégie son intérêt à court terme. Du coup, dès qu'il met la main sur un goulot d'étranglement social, il profite de sa position pour nous rançonner. C'est pourquoi le pays ne peut pas avoir de corps intermédiaire. Et c'est pourquoi la France est toujours dysfonctionnelle. Car, pour exécuter la volonté collective, il faut des intermédiaires. Comme je le constate, atterré, notre pays est fait de dirigeants qui hurlent et d'exécutants qui se débrouillent comme ils peuvent, dans le stress et le plus grand des bazars. Et rien, au milieu, pour coordonner leur mouvement.

Je me demande d'ailleurs si l'évolution de l'Education nationale ne fournit pas un exemple de ce que je viens de dire. L'enseignant a bloqué l'ascenseur social, en promouvant l'égalité par l'incompétence, mais surtout, il a propulsé ses propres enfants dans les meilleures écoles. Et que dire de nos syndicats, de nos garçons de café, de nos plombiers...? Dès qu'un Français a un rien de pouvoir il s'y accroche comme un Pitt Bull. Mais nous ne sommes pas seuls. Mêmes causes, mêmes effets. Les USA sont nos frères. Là-bas, "bureaucratie" est une insulte. Elle ne sert que ses intérêts. Du coup, l'administration est renouvelée avec chaque nouveau pouvoir politique. Et le livre de Pierre Rosanvallon dit que, longtemps, la France a procédé de même. Par des purges.

La dysfonction sociale est-elle la contrepartie de la liberté ? Mais trop de liberté est-il bon pour la santé ?

La conduite du changement comme psychanalyse ?

Mes missions du moment me rappellent ce que dit l'anthropologue Eric Minnaert :
  • Les entreprises ont une sorte de souffrance muette. Chaque personne / unité... estime plus ou moins inconsciemment qu'il faut absolument faire quelque chose, mais se heurte à la résistance du système. Il en résulte de grandes frustrations et une extraordinaire inefficacité. Mon rôle est de parvenir à exprimer ce malaise et de le transformer en un plan d'action rationnel, évident pour tous. "Un changement dirigé". Ce qui n'est pas simple, puisque le problème est inconscient et touche une organisation qui est non seulement complexe, mais qui a une longue histoire. Comment trouver rapidement le fil conducteur ? (D'autant que, contrairement à Eric Minnaert, je ne peux pas passer des mois sur le terrain.)
  • Comme le dit Eric Minnaert, il semble que, pour être efficace, il faut "vivre" en quelque sorte le problème. Un peu comme s'il fallait s'injecter un virus pour lui trouver un vaccin. ("L'isomorphisme" des mathématiques me semble aussi un mot adapté.) Ce n'est qu'alors que je suis en mesure de savoir si oui ou non je ne sous-estime pas quelque dimension critique de la question. (Car la théorie est trompeuse.) C'est aussi alors que j'ai la force de bien en parler, d'être convaincant.
J'ai l'impression qu'il n'a pas toujours fallu faire ce genre de contorsions. Des hypothèses me viennent en tête pour expliquer leur cause :
  • 68 a produit une forme d'égoïsme. Nous n'avons plus l'habitude d'écouter les autres. Nous affirmons. Pour arriver à faire évoluer une personne, on ne peut donc pas beaucoup compter sur sa coopération. Il faut parvenir à entrer dans sa vision du monde. Grand exercice d'humilité. (J'aimerais bien que quelqu'un essaie de me comprendre !)
  • Le monde technocratique croyait que la science pouvait guider l'entreprise. Le changement se déroulait donc suivant un rite accepté par tous. Dans notre monde égoïste, ou chacun n'en fait, plus ou moins, qu'à sa tête, c'est le chaos. Tout le monde veut agir, et s'attend à des résultats immédiats, alors que personne ne veut obéir. 
  • Je me demande si la réduction des ambitions de l'Education nationale vis-à-vis de l'élève, elle aussi consécutive à 68, n'a pas conduit à une forme d'incapacité à la verbalisation d'un grand nombre de sentiments. Faute de mots, l'homme est rapidement dans la confrontation. Il est redevenu primitif. 

mardi 17 décembre 2013

Conférence, changement français...

6 février 2014, Amphi J du Pole Universitaire Léonard de Vinci, je participe à un débat. C'est gratuit. En voici l'annonce :
2003. Christophe Faurie publie un livre sur le changement. S’ils sont basés sur son expérience, ses travaux s’inscrivent surtout dans la recherche scientifique. Ils sont d’ailleurs encouragés par des universitaires comme Edgar Schein, aux USA, ou Henri Bouquin et Jean-Pierre Schmitt, en France. Bon départ ? Quelque chose de bizarre se passe. Mur d’incompréhension. Des journalistes aux politiques, changement n’est pas français ! Que cela puisse être une question de techniques n’est même pas concevable. 
Aujourd’hui, il sort son quatrième livre, Le changement ça s’apprend. A cette occasion, il s’entretiendra avec Dominique Turcq, fondateur du Cabinet Boostzone. 
Et si, pour paraphraser Churchill, le « changement nous avait pris à la gorge », parce que nous avons refusé « de le prendre par la main » ? Et si nous devions « changer pour ne pas changer » ? Et si c’était du travail, mais pas un miracle ? Et si le changement, ça s’apprenait ? … Mais notre pays peut-il entendre ce message ?... Voici quelques questions que se poseront Dominique Turcq et Christophe Faurie. 

Dominique Turcq est le fondateur de l'Institut Boostzone, centre de recherche sur l'évolution du management face à la complexité des évolutions économiques, technologiques et sociologiques. Il a récemment publié "Le Management Augmenté" qui traite des défis que le management doit relever pour s'adapter au monde contemporain. Il tire son expérience de plusieurs années passées dans le monde académique (INSEAD, HEC, ESCP), le monde du conseil (McKinsey) et le monde de l'entreprise (ex directeur général monde, Stratégie du Groupe Manpower Inc.).

La petite ceinture du 15ème

La voie de chemin de fer devient une promenade. La ville prend une nouvelle allure. On découvre que la nature s’y cachait. L’arbre, par exemple. Je ne le voyais pas lorsque je marchais dans la rue. Maintenant, il a droit à sa plaque explicative. Il devient quelque-chose de rare, de précieux, d’exotique, d’inattendu. Il est sorti de l’anonymat.

Ce kilomètre trois cents est bienvenu. Il n’y a pas beaucoup de promenades à Paris. Et j’ai l’impression qu’il y en a besoin. Pourquoi maintenant ? Qu’avons-nous de différent de nos prédécesseurs ? Restaient-ils plus volontiers chez eux ? Étaient-ils plus riches que nous et avaient-ils les moyens de partir en fin de semaine ? Les usages ont-ils changé ?...

lundi 16 décembre 2013

Quelle langue apprendre ?

Contrairement à M.Cameron, je ne pense pas qu’il faille apprendre le Mandarin. Ni l’Anglais. Pour des raisons différentes. Je m’adresse aux jeunes.
  • L’Anglais est une obligation. Il ne se parle pas, il se massacre. Etudier Shakespeare est une bêtise. L’Anglais s’apprend dans les affaires. Pour le reste, aucun intérêt. Le seul endroit du monde anglo-saxon où il y ait un peu de culture est l’Angleterre, et l’Angleterre disparaît.
  • Quant à la Chine, comme une partie de l’Asie, elle semble devoir se refermer sur elle-même, une fois qu’elle aura rattrapé son retard sur l’Occident. Je n’y vois ni l’émergence d’une culture admirable, ni un endroit très favorable à une carrière.
Comme ces deux exemples le montrent, je crois aux niches, et je pense qu’apprendre une langue va de pair avec l’amour de sa culture. Et que la force d’un pays est liée, justement, à celle de sa culture. Décider d’apprendre une langue, c’est parier sur la dynamique d’une culture, et vouloir l’aimer. Alors, quelles cultures pourraient-elles connaître un renouveau ?

Je ne crois pas au pays du nord de l’Europe. Petits et mesquins. Effroyables bonnets de nuits. L’Allemagne est un cas à part. Elle est vieillissante, mais a un gros savoir faire. Elle a besoin de jeunes qui aiment une culture qui a beaucoup de mérites. La Russie ? La pauvre ! Après le communisme, un dégel ultralibéral. Nettoyage au lance-flamme. Un siècle de terre brûlée. Mais le russe semble parlé par de nombreuses communautés, dynamiques et entreprenantes. Mais elles parlent aussi d’autres langues…  Je parierais sur un renouveau du sud de l’Europe, en particulier de l’Italie, et de l’Amérique du sud. C’est désorganisé mais sympathique, et ça ne se prend pas trop au sérieux. J’ai du mal à voir quoi que ce soit de séduisant en Asie. J’ai aussi du mal à voir le potentiel du Moyen orient. Où distinguer quelque-chose qui ressemble à un foyer culturel ? Faut-il croire en l’Afrique ? Peut-être. Il semble que, pour une fois, le continent pourrait connaître un développement qui ne soit pas une exploitation. Mais, pour y participer, il ne faudra pas maîtriser telle ou telle langue, l’Anglais et le Français étant suffisants, mais plutôt y vivre. A y bien regarder, j'ai envie de parier sur ceux qui, aujourd'hui, sont les vaincus de l'histoire, mais n'ont pas renoncé à leur honneur. Ce qui ne tue pas renforce.

Et les USA ? Je crois qu'ils demeureront toujours les USA. Un lieu hospitalier pour ceux qui disposent de deux formes de richesse. Soit un savoir unique, un talent, soit une capacité hors du commun à faire le "sale boulot". Ils leur offriront une capacité à s'épanouir.

Et la France ? Depuis quelques décennies, elle a le chic de l’abjection médiocre. Elle prend à l’Allemagne ou aux Anglo-saxons ce qu’ils ont de plus moche. Elle pense ainsi faire croire qu’elle est allemande ou anglo-saxonne. Exploitée, elle se donne une image d'exploiteur. Leçon de 45 ? Par quoi passerait son salut ? Peut-être par une flambée théorique, qui l’élève au dessus des bassesses dans lesquelles elle se noie. L’émergence d’une nouvelle utopie, dont nous serions les missionnaires ?

Le mal de la fonction publique ?

Je suis frappé par une série d’observations convergentes. Ce qui ne va pas dans la fonction publique, c’est une faiblesse de management. Ses cadres ont d’immenses difficultés à faire fonctionner leurs services. D’où conditions de travail difficiles. Tout l’édifice repose sur quelques épaules, et le reste déprime. Le problème est le même dans l’enseignement. L’enseignant est incapable de fournir à l’élève les repères dont il a besoin.

C’est un problème d’autorité, je crois. Il me semble que l’autorité, c’est un comportement qui incarne des valeurs. Et que la fonction publique est faite d’intellectuels pour qui les valeurs ne sont que des abstractions. J’espère avoir tort. Ou que leur cas n’est pas désespéré. 

dimanche 15 décembre 2013

2014 : rien ne va plus ?

En lisant The Economist, je me demandais si 2014 ne pouvait pas voir quelques bouleversements sérieux. Et si l’Inde élisait un homme dangereux ? « Un populiste avec un passé inquiétant et un bon bilan économique. » Le rodéo politique italien se poursuit. Je me demande s’il ne reproduit pas notre troisième République. En tout cas, on semble vouloir s’acheminer, comme chez nous, vers le bipartisme. (Ce qui me semble une idée antidémocratique.) Aux USA, Républicains et Démocrates se sont enfin entendus sur un budget fédéral. Apparemment en jouant sur les mots pour masquer leurs concessions réciproques. Le libéralisme allemand serait en berne, il ne correspond pas à une tradition du pays. Le président turc s’en prend aux forces religieuses modérées. L’Ukraine est toujours aussi incertaine, le peuple (une minorité occidentalisée ?) est dans la rue, mais, pour le reste, cela semble une bataille entre oligarques. Étrange Thaïlande : d’un côté, un parti, représentant le petit peuple, a le pouvoir de gagner les élections, d’un autre, l’opposition a la force de renverser le gouvernement. En Syrie, le démantèlement du stock d’armes chimiques serait un succès, mais la sortie des dites armes dépend de la capacité de M.Assad à dégager des routes, et à gagner des guerres… Finalement, Israël est « désorienté ». « les jeunes Israëliens ont oublié le projet commun des pionniers (…) idem pour les entrepreneurs qui ont fait des fortunes dans les glaces et l’électronique. » Le nouveau dictateur nord coréen fait regretter son père. 

Le peuple chinois ne veut pas des OGM, mais son gouvernement a décidé qu’ils étaient bons pour lui. Résultat de la crise ? Brutalement des négociations de libre échange se dégèlent. Le « Doha round » de l’OMC d’un côté (démarré en 2001), Europe Mercosur de l’autre. Curieusement, les entreprises utiliseraient un prix (coût) du carbone dans leurs calculs d’investissements. Et il serait beaucoup plus élevé que celui des marchés - qui, par ailleurs n'arrivent pas à se mettre en route. (L’entreprise meilleure pour notre santé que la démocratie ? Ou que le marché ?) Tom Enders veut faire d’EADS une entreprise normale, qui ne suit que son intérêt et pas celui des gouvernements qui l’ont financée. Et les dits gouvernements vont le laisser faire. Gaz de schiste et USA, phénomène curieux. Le pays n’est pas capable d’écouler le type de pétrole produit (le marché n’est pas équipé pour l’exploiter), du coup son prix baisse, ce qui menace sa production… Pourquoi les fusions et acquisitions échouent-elles ? Parce qu’elles échappent à la rationalité. Il faut gagner à tout prix.

Science. La nouvelle science de l’épigénétique montre que l’alimentation du père peut avoir une conséquence sur la constitution de l’enfant. Les journaux scientifiques appliquent d’autres critères de sélection que ceux de la qualité de la recherche. Mais, d’une manière générale, l’homme, qu’il soit ordinaire, scientifique ou autre, n’est pas rationnel, il tend à « interpréter les artefacts d’une certaine façon ». Et les requins pourraient savoir ce qu'ils font quand ils attaquent l'homme. 

Qui suis-je ?

Une des observations de ce blog est qu’aucune idée n’est innocente. Elle est le reflet d’une vision du monde. Et, si elle est acceptée, elle a la capacité de transformer le monde selon cette vision. Cette idée vient de la systémique. Nous sommes des morceaux de systèmes, et partout où nous nous arrêtons, nous tentons d’installer notre système avec nous.

Quel est mon système ? Une piste m’a été donnée par Hannah Arendt. Pourquoi diable quelqu’un qui me ressemble aussi peu semble-t-il réagir comme moi ? Et si j’avais quelque chose en commun avec elle, et avec les gens qu’elle estimait, notamment Clémenceau, Camus et Kant ?

Je soupçonne que le point commun de tout ce monde est qu'il est sorti du peuple, grâce à l’éducation, mais sans couper ses racines (contrairement à Sartre, qu’Hannah Arendt méprisait). Peut-être que cela le place à égale distance du « collectivisme » de l'intellectuel, qui asservit le peuple par l’idée, et de l’individualiste, parasite social. C’est du moins ainsi que Clémenceau semblait se définir.

Si le système est celui de Kant, c’est peut-être un système « scientifique ». Il considère que le monde est incertain. Qu’il faut être sur le qui-vive (doute). Et que l’union fait la force. C’est un système qui reconnaît qu’il a besoin des autres systèmes. Et, même, que leur « conflit » est une dynamique nécessaire. (Cf. la vision qu’a Kant du fédéralisme.)

A suivre. En tout cas étrange exercice. Lire les autres, pour décoder sa propre pensée. 

samedi 14 décembre 2013

Apprenez les langues ?

M.Cameron incite les Anglais à étudier le chinois et pas le français. The Economist, article après article, montre une globalisation qui change. Les pays ne cèdent pas à l’autarcie, mais ils se replient sur eux-mêmes et instrumentalisent les échanges internationaux.

Tout ceci va probablement dans une même direction. Les pays forts ont avantage à garder une langue qui leur est propre. C’est une barrière à l’accès à leur savoir et à leur marché. Je suis frappé, par exemple, à quel point c’est le cas pour l’Allemagne. C’est un pays beaucoup moins polyglotte qu’on ne le croit. D’ailleurs toutes les entreprises qui ont de gros marchés allemands ont des dirigeants bilingues. Je le constate régulièrement.

Alors, apprenons les langues étrangères et défendons le français, en ayant des idées (billet précédent) ?

La force de la France

La force de la France, c’est la théorie. Voilà comment j’interprète le livre de Pierre Rosanvallon. Nous avons un talent particulier pour tirer de la complexité du monde des idées simples qui remuent les foules. Au fond, c’est la technique du « stretch goal » des livres de management.

Et si nous nous mettions à rêver d’un monde digne de nous ? 

vendredi 13 décembre 2013

Qu’est-ce qu’un Libanais ?

J’ai une tradition d’amis libanais. Pourquoi ? Peut-être parce que lorsqu’un Libanais vous demande « comment ça va ? », votre réponse semble compter pour lui.

Ce qui m’a surpris récemment, d’où ce billet, est qu’il ne semble pas y avoir de solidarité entre Libanais. Y compris d’une même confession. Le Libanais se méfie du Libanais me disait un ami. (Il lui avait d’ailleurs fallu longtemps pour comprendre que les questions de l’administration française ne cachaient pas de piège.) Son succès, partout dans le monde, est d’autant plus remarquable. Quelle est la force du Libanais, alors ? Tout absorber. Pas d’amour propre. Ce même ami me disait aussi, par exemple, que le Libanais était le seul à pouvoir travailler avec un Saoudien (apparemment le mot arabe pour « parvenu sans éducation »). Le Libanais s’entend aussi très bien avec le haut fonctionnaire français. Surtout, le Libanais a une motivation increvable. Il veut devenir « gros ». Pour cela, il ne compte pas son temps et son effort. Il est d’ailleurs insensible au décalage horaire. Et, pour lui, tous les pays se ressemblent. En revanche, il n’y a pas de notion de rentabilité dans ses plans. Il ne calcule pas. Ce qui fait que la roche tarpéienne est souvent proche du capitole.

En écrivant ceci, je me rappelle d’une étude que j’ai menée sur les commerçants. Le portrait du bon commerçant (une rareté en France) correspond à ce que je viens de dire. Sa particularité première est, comme le Libanais, de s’intéresser à vous. Il a des caractéristiques de service public. On vient chez lui parce que cela nous réconcilie avec la vie. Ensuite il sait nous conserver. Mon rapport appelait cela « la stratégie de l’araignée ».

Et si la nature du Libanais était simplement d’être un commerçant ? 

jeudi 12 décembre 2013

Google ou la marchandisation, ultime, de l'homme ?

De plus en plus surprenant. Un précédent billet disait que Google cherche à mettre notre vie dans ses bases de données. Maintenant, on découvre qu'il veut y ajouter notre génome. Il le fait par une de ses filiales 23andMe (dirigée par la femme d'un fondateur de Google). Ainsi il pourra connaître vos caractéristiques, et les vendre. D'ailleurs, pas besoin de donner un échantillon de votre génome (salive) pour être dans la dite base de données. Il peut être reconstitué à partir de ceux de parents.

Quelles sont les motivations des dirigeants de Google ? Celles de certains oligarques russes : ils ne voulaient pas être riches, mais nous écraser de leur supériorité ? Est-ce le jeu de Google : montrer qu'un individu peut surclasser l'espèce humaine ? Qu'attend la société, justement, pour réagir ?

(La vie de Boris Berezovsky.)

La fin du capitalisme ?

Et si le capitalisme était en bout de course ? Réflexion de fin d'année. Quelques idées, venues des meilleurs auteurs, qui pourraient soutenir une telle conclusion :
  • Le capitalisme a perdu en intérêt. Hier il avait à nous proposer la fin des épidémies et de la mortalité infantile, la voiture, l'avion, le téléphone, l'électroménager... aujourd'hui ? Une vie de légume. Qu'il s'agisse d'Internet et de ses jeux ou des efforts de la médecine pour prolonger l'existence. Or, le capitalisme demande de prendre des risques énormes. De sacrifier une partie de l'espèce à sa marche. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Et si c'était le principe de précaution qui gagnait ? 
  • Le moteur est épuisé. Dans les années 50, déjà, Galbraith observait que le capitalisme avait besoin que nous soyons des machines à consommer. Nous faire avaler ce dont ne voulions plus. La publicité devait nous manipuler pour cela. Depuis, les choses ne semblent avoir fait qu'empirer. On empile les bulles spéculatives les unes derrière les autres. N'est-ce pas un signe que le système est en bout de course ? N'a-t-il pas été touché, comme le pensait Galbraith, par la loi d'airain des rendements décroissants ?
  • L’hédonisme a gagnéLes limites à la croissance disaient que nous devions arrêter notre développement. Mais n'est-ce pas ce qui s'est passé ? Il semble patiner lamentablement. Et Internet paraît être un facteur de "désorganisation". L'ennemi du gain de productivité, l'alpha et l'oméga de l'orthodoxie capitaliste. Mieux, la croissance de ces dernières décennies aurait procédé en détruisant notre potentiel créatif. Et si c'était une sorte d'acte manqué, le signe de notre désir de refuser l'esclavage de la production ? 
A quoi la fin du capitalisme pourrait-elle laisser la place ?
  • Société à la Mad Max ? 
  • Après la croissance matérielle, l'épanouissement humain ? Société de type agricole, où l'action productive a besoin d'une organisation moins contraignante qu'aujourd'hui ?

mercredi 11 décembre 2013

Colonialisme de gauche ?

France Culture disait ce matin que M.Hollande avait souhaité le remplacement du président centrafricain. Aurait-il joint l’acte à la parole ? Ce qui me frappe dans cette affaire est que la gauche, dont le principe absolu est l’anticolonialisme, fait une politique colonialiste. Certes elle a peut-être de bonnes intentions, mais n’y aurait-il pas, pour les mettre en œuvre, des moyens plus conformes à ses convictions que ceux qu’elle emploie ? 

Cela illustre une fois de plus que les pouvoirs de gauche font des politiques de droite. Une raison en étant qu’alors elles n’ont pas de contre-pouvoir. Cela illustre aussi probablement ce que disent les Anglais : « le pouvoir absolu corrompt absolument ». L’homme a bien des difficultés à penser par lui-même. S’il ne fait pas plus de bêtises, c’est parce qu’il en est empêché par la pression de la société. Une pression qui n’existe plus pour celui qui la préside. 

Education de pauvres

N’ayant pas d’enfant, je ne me suis jamais intéressé à l’Education nationale. J’enseigne et ai enseigné en grande école et en université, certes. Mais je n’en retire que quelques observations vagues sur mes élèves. Pourtant, petit à petit, ce que j’entends dire me rappelle des souvenirs. Et me fait me demander si ses réformes n’ont pas une logique. Et si cette logique n’explique pas l’état pitoyable dans lequel se trouve le dit système.

J’ai fait mes études primaires et secondaires à Argenteuil.  Ce qui m’avait frappé, avant que j'entre en seconde, est que nous étions considérés comme des sous-développés. Des incultes à qui il fallait apporter la civilisation. Pour cela, il y avait d’une part la Maison de la culture, et son art (communiste) officiel, et, d'autre part, des missionnaires gauchistes. Je me demande si, en dehors de quelques zones bourgeoises protégées, ce phénomène ne s’est pas amplifié. Les Misérables est le livre de chevet de l’enseignant moderne ? Il voit des opprimés partout. Il se veut leur libérateur. Mais pas par le savoir. Il est l'opposé de l'instituteur d'hier. L’esprit de l’enfant doit s’exprimer. Il doit être libéré du joug totalitaire. La logique de l'enseignement moderne est celle du centre aéré. De ce fait, l’Education nationale crée, effectivement, des misérables.

(Je crains que M.Ayrault n’ait récemment déclaré que les résultats désastreux de la France, mesurés par Pisa, l’encourageaient à continuer dans cette voie. J’espère avoir mal interprété sa pensée.)

mardi 10 décembre 2013

Du rêve et des hommes

Isolé du monde, l’homme se fait de rêves. Et il refuse la réalité pour les protéger. C’est ce que me semble dire le livre du billet précédent. D’ailleurs, si les victimes de la crise ne se sont pas révoltées, n'est-ce pas parce qu’elles partageaient la croyance collective ? Elles reconnaissaient leur défaite ?Phénomène surprenant mais qui se comprend.

J’ai l’impression qu’il a été rendu possible par l’Etat providence. En nous prenant en main, en nous apportant protection et prospérité, il a créé les conditions d’une perte de contact avec la réalité. Il a fait de nous des égoïstes au cœur froid. Des amoureux du capitalisme vu comme loi de la nature. Le contraire de ce qu’il voulait. Et les êtres mesquins qu’il a créés l'ont détruit.

Et l’avenir ? Il est possible que nous ayons à réinventer l’amitié. Il faut aussi se demander quelles sont « les conditions de l’homme moderne », pour reprendre, à peu près, l’expression d’Hannah Arendt. C'est-à-dire quel est le système qui fait de l’homme un être humain, plutôt qu’une forme inférieure d’animal.  En tout cas, nous devons éviter de reconstituer un Etat providence qui nous déresponsabilise. (Il faut en baver pour devenir sympa ?) Il est aussi logique de croire qu’un tel système ne peut être imposé par la force. Ce serait une nouvelle fois contre productif. Il devra émerger de la « volonté du peuple ». Ou de quelque chose d’approchant. 

Pity the billionaire

USA. 1929. Spéculation, crise. Le système financier est démantelé, l’Etat vole au secours de l’indigent. 2007. Spéculation, crise. L’Etat vole au secours du système financier. L’indigent est condamné. Pourquoi ? Enquête sur un paradoxe. Un livre de Frank Thomas, Vintage Books, 2012. 

La droite a pris l'initiative, avec un culot extraordinaire. Elle a détourné la crise. Elle en a fait la justification de son idéologie. Et elle a fait siennes les doctrines et tactiques du Marxisme. Mot à mot. Elle a remplacé « prolétaire » par « riche ». Depuis toujours, le riche est la victime de l’injustice. (Détail curieux. Glenn Beck, pasionaria du mouvement, s'est inspiré de la Guerre des Mondes d’Orson Welles. Il a remplacé les Martiens par les socialistes. Emmenés par Obama, ils s’emparent de l’Amérique. Ils vont la réduire en esclavage…) Le marché est l’expression ultime de la démocratie et de la liberté. L’homme y vote avec son argent. Par la grève générale, et sa dictature, le riche installera le bonheur sur terre.  La croyance est si forte qu’elle est imperméable au spectacle de la réalité. Par exemple, si vous observez que le système financier a connu une crise, on vous traitera de gauchiste. D'ailleurs, l'histoire est réécrite. L’aveuglement n’est pas réservé au peuple. Les économistes, par exemple, ont, eux aussi, réécrit leur discipline afin qu’elle justifie le rêve collectif.

Quant à la gauche, elle n'a pas réagi. Car elle est dirigée par de riches intellectuels. Des êtres curieusement froids. Tout le portrait de Barack Obama. Pour eux, c’est pour ne pas avoir fait d’étude que le pauvre est pauvre. Stupidité ou paresse ? Ils sont coupés des racines populaires du mouvement. En particulier des syndicats. Et ils pensent que l’inéluctabilité du marché et du système financier est une question de simple raison.

Étonnantes similarités avec les militants communistes d'avant guerre, remarque le livre. Ce que l'Amérique a connu, c'est un moment mystique. Elle s'est couverte de dévots. Et, pour maintenir vivant leur rêve, ils combattent avec l'acharnement du désespoir . 

lundi 9 décembre 2013

Entreprise, écosystème et go

Et si la stratégie de l’entrepreneur était de construire un écosystème ? Cette idée résulte de la collision de deux constatations que j’ai faites récemment.
  • La première est liée au fonctionnement de l’entrepreneur. Il ne suit pas une stratégie rationnelle. Il acquiert des compétences, des alliances… on ne sait pas trop pourquoi. Jusqu’à ce qu’un jour ceci fasse une sorte de tout qui, brutalement, a un sens.
  • La seconde est le problème que je rencontre partout aujourd’hui : l’avenir est imprévisible, me dit-on. Je réponds qu’il existe des moyens de faire face à l’incertain. Trois techniques : modifier l’avenir à son avantage ; s’adapter ; apprendre (option).
La collision vient de ce que l'irrationalité de l’entrepreneur pourrait être une illustration de ces trois techniques. Si c’est le cas, l’enseignement que l’on peut en tirer est surprenant.
Son approche « irrationnelle » du monde est en fait un apprentissage. Grâce à lui, il tisse une sorte d’écosystème qui lui permet de s’adapter, de se transformer, en cas d’aléa : c’est l’écosystème dans son ensemble qui absorbe le choc, et aide l'entrepreneur à en profiter, en fait. Mieux, il peut influencer cet écosystème (qui doit finir par ressembler à l’ensemble de la société) et donc « modifier l’avenir à son avantage ». Cela ressemble au jeu de go. Vous placez des pierres apparemment au hasard. Jusqu’à ce que l’on découvre que vous avez encerclé votre adversaire.

Ce qu’il y a de contre-intuitif dans cette affaire, c’est que les trois techniques sont, en fait, liées. Mais surtout, c’est que la dernière est la clé du dispositif. C’est grâce à elle que l’on arrive à influencer l'avenir, alors que l’on aurait pu penser, à l’américaine, qu’il fallait commencer par là, et que les autres techniques n’étaient que secondaires. 

dimanche 8 décembre 2013

Gouvernements, investissez ?

Il n’y a pas de bulle spéculative. Juste une déprime post crise, comme en 30. Il faut relancer l’économie. Investir. En particulier, dans de grands travaux. Voilà ce que dit The Economist. (Je note qu’en 30, il y a eu la guerre, source d’une créativité technologique hors du commun. Où trouver l’équivalent ? Effet de serre ?) Il y a tout de même quelques dangers. BlackRock, le plus gros fonds d’investissement mondial, possède un système d’analyse de risques, utilisé par beaucoup. Risque que l’investissement mondial ne fasse, comme un seul homme, une erreur de jugement fatale ?

L’Ukraine est en ébullition. « Au lieu de moderniser le pays et de construire ses institutions, ses élites ont pillé ses ressources laissant le pays vulnérable aux influences extérieures ». (Et l’on en parle toujours aussi peu en France.) Le milieu des affaires allemand s’inquiète des fréquentations de Mme Merkel. Mais avec elle, on n’est sûr de rien. Les lois française contre la prostitution, révèlent les tendances « anti libérales » de notre gouvernement. Nouvelle mode (occidentale) ? Le votant ne changeant plus de camp, les politiques anglais veulent séduire les abstentionnistes. Retape à la Obama. Risque de populisme ? Idem aux USA : jamais les électeurs n’ont été aussi murés dans leurs certitudes. La France intervient en Afrique. Si le Mali est représentatif, elle y est pour longtemps. (Pour ses anciennes colonies, l’armée française avait-elle une fonction, qu’elles n’ont pas sur remplacer ? me suis-je demandé.) Quant à M.Cameron, perçu comme « détaché de la réalité », et ayant la réputation « de ne pas écouter », ce que renforce celle de son partie, qui est d’être « coupé des préoccupations ordinaires », il me fait un peu penser à MM.Obama et Hollande. L’Irlande est sous la coupe de seulement deux banques. Et elles sont contrôlées par l’Etat. Autrement dit leurs intérêts priment ceux du pays. « Les ramener à la santé pourrait peser lourdement sur le reste de l’économie irlandaise. » Les institutions de l’UE sont à la fois un « canard boiteux » et « vitales » pour l’avenir de la région. Aux USA, Detroit est en faillite. Il semble avoir été victime d’une crise de la pension de retraite. Il a promis plus qu’il ne pouvait tenir. Apparemment, les retraités vont devoir se serrer la ceinture. Le mal pourrait gagner l’Amérique. L’Amérique quitte l’Asie Centrale. Est-ce un bien ? « Le problème est que l’aide militaire américaine permet aux dictateurs de consolider leur pouvoir, d’où des régimes autoritaires dirigeant des Etats mal fichus, non des pays pouvant résister au danger afghan. » La Chine occuperait le vide avec ses intérêts économiques. L’Afrique de l’Ouest tente d’établir une union monétaire sur le modèle de l’euro et de la zone franc CFA (relié à l’euro par le biais de la France, qui garantit la convertibilité). Mais vues les caractéristiques quasi opposées des constituants du groupe, la mission semble impossible.

L’étude Pisa, une fois de plus. Comment avoir un système éducatif qui fonctionne ? « qualité de l’enseignement » et « détermination à faire réussir le jeune ». Elles manquent en Europe. Et de plus en plus en Finlande.

Le « digital » et l’entreprise. Le DSI, homme de processus fiables, mais lent, affronte le directeur du marketing adepte de toutes les modes. Le DSI ne doit pas refuser le changement. Il doit en prendre le contrôle. Pour le bien de l’entreprise.

Aura-t-il fallu 10 ans pour que les conseils d’administration trouvent leurs marques ? Ils deviennent de plus en plus interventionnistes (ce que je constate aussi). Le bon conseil d’administration ? Il doit être un faiseur de dirigeants. Il doit gérer, en quelque sorte, la fonction direction. En la conseillant. Mais aussi en en renouvelant le titulaire à bon escient.

Les cerveaux de l’homme et de la femme ne sont pas câblés de la même façon. Ce qui explique pourquoi « l’homme a de meilleures capacités motrices et spatiales que la femme et des schémas de pensée plus monomaniaques. La femme a une meilleure mémoire, est plus socialement efficace et meilleure à traiter plusieurs choses à la fois ». Ces capacités semblent acquises plutôt qu’innées. (Je note au passage que la femme semble mieux armée que l'homme pour maîtriser la complexité du monde moderne...)

Nelson Mandela

L’autre jour, je lisais une déclaration d’amour faite par The Economist à Nelson Mandela.

Ce qui m’a frappé est que l’on disait que M.Mandela pensait que les hommes étaient égaux. Car, ils sont rares ceux qui partagent ce point de vue. L'émergence de la conviction d'une inégalité congénitale est probablement un des phénomènes les plus marquants de l'après guerre.  

samedi 7 décembre 2013

Ceux de 14

Livre de Maurice Genevoix.

Des héros de notre temps ai-je pensé en lisant ce livre. Ce n’est pas un récit de guerre. C’est l’histoire d’hommes confrontés à l’absurde. Des hommes face à la mort quasi certaine ou à des mutilations effroyables. Comment peut-on rester digne, droit, et ne pas être détruit par la peur, dans ces conditions ?

Livre surprenant. D’abord par son style. Phrase courte, simple, lumineuse. Il n’est non seulement pas daté, mais il est, en quelque sorte, plus moderne que l’écriture moderne. Ensuite par ce qu’il décrit. La vie du fantassin de 14, jour après jour, parfois minute par minute. Guerre effroyable où l’on ne voit jamais l’ennemi, où l’homme est enseveli sous la boue, dans laquelle il se noie parfois, dans un déluge d’acier. Le rôle du fantassin n’est rien sinon garder un espace conquis, ou le reprendre, dans une guerre qui avance et recule par centimètres, pour faire du surplace. (Tout le livre se déroule exactement au même endroit.)

Qu’est-ce qui a fait tenir ces hommes ? Ce n’est pas l’endoctrinement ou la haine de l’ennemi. On l’appelle « le Boche », on le craint. Mais on l’aide quand il est blessé, et on plaisante avec lui quand il est prisonnier, et on admire sa dignité dans la souffrance. Il me semble que c’est avant tout la capacité à se concentrer sur l’instant, à tirer parti des plus infimes bonheurs de la vie (de la paille sèche dans un abri de boue, quelques jours de repos). Il me semble surtout que c’est l’amitié entre des hommes qui affrontent ensemble un monde incompréhensible. 

Une leçon. 

vendredi 6 décembre 2013

Hollande : dur à l’extérieur, mou à l’intérieur ?

La presse étrangère s’interroge sur notre cas. A l’extérieur, notre gouvernement donne le spectacle de la fermeté. A l’intérieur, affligeante faiblesse. Pourquoi ?

J’en suis venu à me demander si ce n’était pas une question de doctrine. Le socialisme de notre gouvernement est une théorie, pas une conviction. Et la théorie est utile pour résoudre, à la serpe, des problèmes simples. Alors, elle fournit des solutions claires, qui ne demandent pas la possession d’une conscience (je fais intervenir l’armée).

(N’est-ce pas aussi le cas des démocrates américains ? Ce sont des théoriciens, sans cœur ? Particulièrement vrai pour M.Obama ?)

jeudi 5 décembre 2013

De l’illusion de l’action individuelle

Un épisode du livre précédent m’a frappé.

Peel et Guizot se ressemblent. Ce sont « deux types de conservateurs extrêmement proches ». Or, ils vont faire, au même moment, des politiques opposées. Pourquoi ? Parce que « le libre échange consolidait en Angleterre une structure sociale qu’il aurait gravement perturbée en France. » « Le caractère fondamentalement agricole de la France » demande le protectionnisme. (Les mêmes raisons sont un frein au développement de « l’industrie moderne » : « crainte des effets moralement et socialement perturbateurs de la croissance industrielle ».)

Le « leader du changement » ne peut-il amener la société que là où elle veut aller ?

Classification des techniques de conduite du changement

Depuis une dizaine d’années, je me suis mis à classifier les techniques de conduite du changement. Curieusement, personne ne paraît avoir fait ce travail avant moi. Les experts consultés ne semblent même pas trouver la question concevable. Croiraient-il que le changement ne peut pas s’étudier ? Qu’il n’y a que LE changement, celui dont ils parlent ? (De même qu’il n’y a qu’un dieu, dont on ne peut que constater l’action, ses raisons étant inconcevables ?) Enquête en cours.

Toujours est-il qu’il y a des pans de classification un peu partout, et qu’ils sont cohérents les uns avec les autres. Dernière avancée dans mon travail : j’ai fini par croire que l’adhocratie, un type d’organisation très à la mode dans ma jeunesse, n’est probablement rien d’autre que l’organisation de la tribu primitive. Le changement qui va avec serait donc un des plus vieux qui soient.

Changement
Description / histoire / culture
Limites / dangers
Adhocratique
Tribu (primitive) / équipe sportive / forme d’organisation qui s’adapte immédiatement aux événements ou à l’initiative décisive d’un de ses membres - plus vieille conduite du changement qui soit ? (Changement culturel allemand ?)
Demande un « esprit d’équipe », le partage de valeurs communes fortes (étape préliminaire de socialisation)
Planifié
Changement lié à la société (un groupe humain très étendu) / wuwei chinois mais aussi changement démocratique.
Peut-être compliqué
Dirigé / Bureaucratique
Lié à la science ou scientisme : « the one best way » de Taylor – celui qui sait organise le travail de celui qui ne sait pas. Vision individualiste du monde.
Risque de totalitarisme.
Libertaire (?)
Autre forme d’individualisme. Lié à la notion de libre arbitre, d’individu libre de tout lien social. Cela conduit au « diviser pour régner » anglais. Ou au « changement pour le changement ».
Risque de dislocation sociale
Contrôle du changement
Considération « transversale ». Le but d’un changement est de « modifier un système ». Contrôler un changement permet de s’assurer que l’on obtient ce que l’on veut. Dans certains cas, il n’est pas possible de savoir ce que l’on doit viser. Le changement se fait alors à l’aveugle. Il est subi, il produit un phénomène de deuil. C’est la théorie du « dégel » de Lewin. (C’est ce qui nous arrive actuellement.)


Comme je le dis régulièrement, ces types de changement ne s’opposent pas. Ils correspondent à des phases d’un changement donné. Mais ils sont dangereux lorsqu’on les applique à l’exclusion des autres.