lundi 31 janvier 2022

Exercice d'éthique en Angleterre

Une jeune cousine me parlait des exercices d'éthique qu'on lui faisait faire. Il s'agissait de choix entre des décisions qui ont pour conséquences de tuer plus ou moins de personnes. 

A en croire la BBC, le gouvernement anglais est en face d'un tel choix. Une partie importante du personnel médical refuse de se faire vacciner (77.000 personnes, je crois). Le gouvernement a décidé de le licencier. Seulement, le NHS est fragile, et perdre autant de monde pourrait causer plus de dégâts que ceux évités par la vaccination. Que faire ? 

Peut-être ce que l'on n'enseigne pas à ma petite cousine. Le gouvernement anglais dit maintenant que la variante Omicron, bien que le vaccin soit efficace contre elle, cause moins de dommages que prévu...

(Au passage, on notera que, contrairement à ce que l'on dit, l'Anglais est bien plus coriace que le Français. Le Français : une grande gueule, mais pas méchant ?)

Génération impact

La jeune génération rêve d'avoir un "impact". Du moins celle qui appartient à la classe supérieure. 

Qu'entend-elle par là ? Faire du bien à l'humanité, à la nature, à la planète. Mais, pas n'importe comment. C'est la transition climatique ou la mission des ONG. 

S. Zweig raconte que la passion des jeunes de son âge a été la littérature, alors que celle de ceux qui les ont suivis était le football ! Et il aurait pu ajouter que, quelques-temps après, la jeunesse était hitlérienne.

Le jeune est extraordinairement sensible aux modes ! Encore incapable de penser par lui-même, il croît aux absolus ? (Ce qui est peut être la première étape de la pensée.) La jeunesse est un "fait social" dirait peut-être Durkheim. D'où le paradoxe du conflit de générations. Les jeunes affrontent les vieux avec les idées de ces derniers, que ceux-ci, en bons hypocrites, ne reconnaissent pas !

Pour autant, faut-il s'en moquer ? Cette aspiration à l'impact annonce peut être un homme nouveau. Petit enfant de 68 ? Il rompt avec la passivité du citoyen et du salarié gaullien ? Il aspire à penser et agir par lui-même ? Résultat inattendu de l'épidémie ?

Miss Marple

Au fond, Agatha Christie a anticipé les travaux modernes sur les biais humains. Elle aurait dû recevoir le prix Nobel d'économie. Les émissions de BBC4 extra, suite. Miss Marple

En effet, tout son travail consiste à jouer sur l'inertie intellectuelle du lecteur, sur ce qui l'amène à être victime des apparences, et à utiliser des "euristiques" pour passer, instantanément, de l'observation au jugement. 

Tout le talent de Miss Marple est celui du paradoxe. Elle ne croit pas les gens sur paroles. Car ils trichent avec eux-mêmes. Elle cherche la bizarrerie, révélatrice. Et c'est d'infime bizarrerie en infime bizarrerie qu'elle finit par reconstruire une toute autre réalité que la pièce de théâtre que joue la société. 

dimanche 30 janvier 2022

Les effets imprévus de la concurrence

Un temps, on nous a dit qu'il ne pouvait sortir que le meilleur de la concurrence. Simple bon sens. 

Cela est faux. La concurrence des livres d'économie n'existe pas. Elle est impossible. Ce qui l'empêche est l'information. J'agis en fonction de l'autre. Si bien que je suis mauvais, s'il est mauvais. 

C'est ce que l'on voit en politique. Les mauvais élus sont indélogeables, parce qu'ils suscitent des concurrents à leur image. Plus subtilement, plus étrangement, on constate alors que tout l'effet de la concurrence consiste à éliminer les adversaires un peu trop intelligents. 

En revanche, la concurrence a un effet vertueux lorsque le groupe devient créatif. Chacun est stimulé par l'autre. C'est comme cela qu'évolue l'art : par "clusters". 

Un plan pour la PMI

La BPI a écrit un plan de transformation pour la PMI. (Ici.) Bonne idée :

  • La réindustrialisation a plus de chances de venir de l'intérieur que du "champion national". Les cartes étant rebattues, la PMI voit s'ouvrir un nouveau marché. C'est une start up en puissance. Pourquoi ne pourrait-elle pas doubler son chiffre d'affaires ? Ce qui lui rendrait l'importance qu'elle avait il y a quelques décennies, et qu'elle a en Allemagne. 
  • Le patron est en face d'un changement qui donne le tournis. Il y a une panne RH et des jeunes générations "à impact". Il y a la transition climatique : tout est à réinventer. Il y a la compétitivité, qui demande une productivité maximale, donc la recherche d'innovation. Et j'en passe ! La PME, qui ne peut plus être un "preneur d'ordres" replié sur soi.

Il n'est pas possible d'attaquer ce changement en amateur. Il faut une "feuille de route". 

Seulement, les PMI ou PME qui sont réceptives à ce discours ont déjà réussi la transformation. Les autres, une grande majorité, vivent au milieu des crises, et s'y sont habituées. Le changement demande une prise de conscience. L'entrepreneur est ramené à ses débuts. Il a retrouvé la recette de son succès.

Mais le changement ne fait que commencer. Car il a besoin de ce qu'il n'a pas acquis : les techniques de gestion. Sans elles, il est quasi certain de s'égarer. Or, il ne peut les saisir, s'il n'en comprend pas l'utilité. Pour lui, même une question comme "cet investissement est il rentable ?" est du chinois. 

Falco

Falco (Faucon en latin), le détective romain. Découverte de BBC4 extra. 

C'est très malin. Il y a un rien d'exotisme : les esclaves, les sénateurs, les empereurs. Mais le Romain, par bien des côtés est très proche de nous. Il fait des affaires, souvent véreuses. Il emploie des chefs cuisiniers gaulois. Quant au détective, c'est Marlowe à Rome. Comme Marlowe, c'est un raté qui fréquente l'élite, une très dangereuse élite. Comme chez Marlowe, la femme est fatale, libérée, belle, redoutablement intelligente, elle tire les ficelles de la société ; et le détective passe son temps à prendre des coups, et à se saouler. 

L'attirance qu'exercent les sexes l'un sur l'autre expliquée ?

(PS. Ecrit par une femme.)

samedi 29 janvier 2022

Du plomb dans la supply chain

Les entreprises qui font des affaires avec la Russie s'interrogent. En particulier les banques. C'est ce que je lisais récemment parmi les titres du Financial Times. ("Banks betting on Russia face a new test of their appetite".)

L'Ukraine est un coup de semonce. La Russie est un pays avec lequel il est risqué de faire des affaires. Mais c'est aussi vrai de la Chine : imaginons qu'elle attaque Taiwan... 

La "supply chain" a été le coeur ignoré de l'ordre mondial de ces dernières décennies. C'est elle qui a rendu possible la mondialisation. Or, ce géant avait des pieds d'argile. Le coronavirus l'a révélé. Mais on n'a pas voulu le croire, car il est plus aisé de se bercer d'illusions que d'effectuer un changement. 

Il serait maintenant sage de prendre les mesures qui s'imposent ?

Cyber Russe

L'Occident cherche à dissuader la Russie d'envahir l'Ukraine par la menace de sanctions économiques.

Mais la Russie a aussi ses moyens de contre dissuasion : ses cyber criminels d'Etat. Elle a commencé à attaquer l'Ukraine. Ses prochaines cibles pourraient être occidentales. En particulier le secteur de l'énergie. Voilà ce que disait la BBC, hier matin. 

Peut-être serait-il temps de faire de la cyber sécurité, et donc d'Internet, une affaire d'Etat ? 

(Le libéralisme et la joyeuse anarchie des marchés s'auto réglementant ne peuvent qu'être éphémères ?)

vendredi 28 janvier 2022

L'art de la communication

Guerre en Ukraine. On lit qu'elle est imminente, et que M. Poutine cherche à installer une marionnette au pouvoir. On lit aussi, en ce qui concerne la Russie et la Chine, que l'Allemagne dit une chose et en fait une autre. 

Généralement, la communication gouvernementale se résume à "nous connaissons la seule bonne solution, dormez bien, tout doute serait criminel". Dans ce cas, c'est tout le contraire. Heureux précédent ?

Guerre des variants

D'après un graphique que j'ai vu passer, il semble qu'il n'y ait de la place que pour un variant du coronavirus à la fois. Je n'ai pas trouvé d'explication. 

Un genre de sélection naturelle ? Est-ce qu'un variant pourrait protéger des autres ? Il y a quelques semaines il était question d'une étude qui concluait que le rhume protégeait du coronavirus. Si j'ai bien compris, cela tenait à ce que tous les deux sont des cousins. Cela irait dans le sens de mon hypothèse.

Seulement, ce qui serait à l'oeuvre ne serait pas un anticorps, apparemment le principe de tous les vaccins actuels, mais les "lymphocytes T" (des globules blancs). Le lymphocyte T (article) ne serait pas trompé par les variants, contrairement à l'anticorps. Il interviendrait aussi dans les cancers. 

D'après ce que j'ai cru comprendre, les vaccins à ARNm étaient initialement prévus pour traiter, justement, le cancer, une maladie qui peut rapporter gros. Mais l'occasion du coronavirus a fait le larron. Ne faudrait-il pas, maintenant, repartir de zéro : non des solutions dont nous disposons, mais du problème ? 

(A noter que le mécanisme du vaccin traditionnel semble ressembler à ce que j'ai écrit ici : on injecte une souche atténuée de la cause de la maladie, et le corps trouve la solution à ce problème réduit, ce qui lui permet de résoudre le problème global. Une idée à creuser ?) 

jeudi 27 janvier 2022

Liberté et rationalité

Mon prénom est le symbole d'inintelligence de l'individu laissé à lui-même. Il est arrivé un moment où, apparemment, on s'est dit qu'il fallait donner un joli prénom à son enfant. Si bien que tous les enfants ont eu le même prénom. Le mien a tenu la tête du hit parade pendant au moins dix ans. Je ne pense pas que j'ai un joli prénom.

Plus l'individu pense penser par lui-même, plus il pense comme les autres. Et cela pour la bonne raison que les mêmes causes produisent les mêmes effets. 

Vive la dictature ? Quand l'individu ne pense pas, la société n'est pas plus intelligente. 

Le juste milieu est probablement quelques-chose ressemblant à ce que j'ai appelé "l'ordinateur social" : il s'agit d'identifier les questions qui se posent à la société, et, pour y répondre, de proposer à un groupe de gens ayant l'expérience appropriée, un processus de réflexion rigoureux, qui les amène à les résoudre en faisant évoluer l'organisation de la société, la façon dont elle "marche". 

Alternativement, il y le "changement planifié". Des personnes observent la population et font émerger à la fois ses préoccupations et les moyens d'y répondre, et lui proposent alors un plan qu'elle va mettre en oeuvre. La planification d'après guerre peut s'interpréter ainsi, selon moi. 

Faut-il avoir peur des animaux ?

Le coronavirus se transmet aux animaux. Sans que l'on y prête garde, ils peuvent nous préparer un nouveau variant. Faut-il avoir peur ? se demandait la BBC, samedi dernier. 

La réponse était positive. Mais pas du coronavirus. De pire. Car c'est le mélange homme - animal qui produit les épidémies. Par conséquent, à défaut d'éviter cette promiscuité, il faudrait au moins en surveiller les résultats. 

Ce qu'il y a peu de chances que l'on fasse. Si j'ai bien compris.  

mercredi 26 janvier 2022

Vaccin et Aristote

Etes vous "vac" ou "antivac" ? Aristote dirait probablement que la question n'a aucun sens. 

Une émission de France Culture que cite ce blog raconte l'histoire des vaccins. Il y a eu des hauts et des bas. Le vaccin a eu des succès retentissants. Mais, on a cru aussi, comme durant la guerre de 14, qu'il pouvait faire des miracles. Et il a tué. 

D'ailleurs, cela s'applique à Pasteur, il se pourrait que l'on ne considérerait pas les pratiques qui ont fait la gloire du vaccin comme étant acceptables aujourd'hui. En ces temps, les dangers n'étaient pas les mêmes, pas plus que le prix de la vie. D'ailleurs, comme le rappelle un ami, ce n'était pas qu'une question de vaccin. Le vaccin faisait parti du "progrès", et l'on était prêts à mourir pour le progrès ! 

Bref, comme le disent les philosophes pragmatistes, il n'y a pas de certitudes,  il n'y a que des choses "qui marchent", et d'autres pas. Aristote parlerait de "juste milieu". Sa particularité est d'être entre les extrêmes, et de devoir se chercher au coup par coup...

Mussolini revient

Mussolini serait-il réhabilité ? La BBC lui consacrait une émission. France Culture a fait de même. Surprenant.

Le danger de ce type d'histoire est de la juger en connaissant sa fin. La BBC s'intéressait à la perception que l'on avait de lui de son temps. Pour elle, son erreur avait été de croire à Hitler. S'il ne l'avait pas fait Mussolini serait mort, comme Franco, dans son lit. L'Italie, comme l'Espagne, aurait été fréquentée par les touristes des démocraties occidentales. Et on dirait de lui ce que pensaient beaucoup des gouvernements contemporains, par ailleurs estimables : qu'il avait eu le grand mérite d'unifier son pays. 

mardi 25 janvier 2022

Danger, sens unique

Le FT dénonçait, hier, les effets délétères de la pensée unique. Phénomène fréquent en phase de difficultés

Message destiné à l'entreprise. Mais n'est-ce pas le cas, actuellement, de notre pays. N'est-ce pas ce qui fait que l'on a l'impression d'une guerre de religion ? 

Mais comment faire autrement ? 

La pensée unique est contre-productive. Elle n'a rien de rassurant. Par définition, on ne peut pas la croire. Qu'a-t-on intérêt à cacher ? se demande-t-on. La malhonnêteté ou l'incompétence ?

Ce qui est rassurant, c'est de savoir ce qui se passe. Cela permet de comprendre ce que fait le pilote, et de s'assurer qu'il est honnête et compétent. 

(Ce que disait le FT : "How cronyism corrodes workplace relations and trust. When a group is under threat, the instinct can be to close ranks rather than act in the best interest of the organisation.")

Maréchal Bazaine

Les contes du lundi ont rappelé le Maréchal Bazaine à mon souvenir. Il est de sinistre mémoire : lors de la guerre de 70, il s'est rendu, lui et une grande partie de l'armée française, sans combattre.

Or, sa fiche wikipedia en fait un héros, sorti du rang. Et couvert de blessures. 

Comment expliquer son attitude, alors ? Probablement parce qu'il n'appréciait pas le régime qui avait succédé à Napoléon III. 

Ce qui m'a rappelé l'affaire de Toulon, pendant les guerres révolutionnaires, lors de laquelle des nobles ont livré la flotte française à l'Angleterre. Et même Trafalgar, qui a vu une partie de ce qui restait de cette flotte ne pas se porter au combat. 

Et il y a le Maréchal Pétain. Pour qui le mal de la France, c'était elle. 

Et si c'était cet état d'esprit, propre à notre culture, qui était notre mal ?

lundi 24 janvier 2022

La faute de Boris ?

Boris Johnson est mis à mal. N'est-ce pas un peu ridicule ? C'est le chaos fait homme, pourquoi, maintenant, s'en étonner ? Ses péchés ne sont-ils pas véniels par rapport à ceux de Tony Blair, qui a emmené son pays dans la guerre d'Irak, premier domino de l'ébranlement du moyen orient, en inventant des preuves "d'armes de destruction massive" ? 

Deux hypothèses :

  1. Cela révèle l'état d'usure des habitants du pays. Il est soumis, pour son bien, et comme beaucoup d'autres, à un régime féroce de restriction des libertés. 
  2. Churchill a été débarqué après la guerre. Apparemment, l'électeur avait jugé que son idéal d'Angleterre impériale convenait à un conflit, mais pas à la paix. Il est possible que l'Anglais pense que M.Johnson a fait son temps, il faut maintenant un "premier ministre normal". 
Une leçon pour ses collègues gouvernants ?

Comment relancer la France ?

Le précédent billet (même heure) a laissé la France dans un état préoccupant. Comment l'en sortir ?

La question qu’essaie de résoudre interpreneurs, c’est : comment, à partir de ce qu'elle est, rebâtir la France. La réponse que l’on a trouvée, ressemble, pour le moment, à ce qui suit : 

1) La France a acquis un patrimoine de savoir-faire considérable, au cours des ans. Il est local. En le combinant aux aspirations et aux technologies modernes, on obtient une nouvelle source d’innovation (cf. Amazon = gestion d’entrepôt). Pour cela, il faut que les entreprises locales, les élus, etc. s’emparent du dit patrimoine et le valorisent par des projets entrepreneuriaux collectifs. 

2) On peut rétablir le lien grande entreprise (française ou étrangère) / PME, si elles entrent en contact l’une avec l’autre dans des « clusters ». 

3) Accessoirement, le haut fonctionnaire PDG de champion a peut-être trahi sa mission, mais il obéit encore, et l’Etat continue à avoir du pouvoir sur lui, et sur son actionnaire, s’il y a de l’argent à gagner. Il peut être, en partie, rapatrié vers la France. Et ce, par exemple, à la manière chinoise : en forçant celui qui veut faire affaire avec la France à fabriquer en France et à lui transférer son savoir-faire.

A suivre.

dimanche 23 janvier 2022

Les OGM sont parmi nous

La Grande Bretagne reprend la culture des OGM disait la BBC. Elle profite de ce qu'elle n'est plus soumise à la législation européenne. 

Le Brexit a été annoncé comme la libération du génie entrepreneurial anglais. Il se révèle être un naufrage. Le seul accord commercial conclu par l'Angleterre, par exemple, est avec l'Australie. Un pays de vingt millions d'habitants. Et si je comprends bien ce que j'entends, elle a beaucoup abandonné pour l'avoir. 

Après avoir voulu conquérir la France, l'Angleterre a joué le diviser pour régner, de façon à maintenir l'Europe dans un équilibre de forces qui ne la menace pas. Aujourd'hui, il est très vraisemblable qu'elle cherche à utiliser cette technique pour exploiter l'union. 

Ce n'est pas parce qu'on est incapable de rebâtir un empire que l'on n'a pas le droit de vivre ?

France unique ?

A la suite des rapports des interpreneurs (billet d'hier même heure), un lecteur me demande : pourquoi serions-nous un cas à part ?

Voici ma réponse. Pour qu'elle soit facile à comprendre, j'ai "suspendu" les conventions qui veulent que l'on ne dise de mal de personne, sauf si l'on s'appelle Eric Zemmour. En effet, cela produit des formules ampoulées, incompréhensibles. Je prends le risque de la caricature. 

Je n’ai pas de réponses certaines, bien sûr, mais en mettant ensemble les travaux des « autorités intellectuelles » (MM. Tocqueville, Rosanvallon, Crozier...) qui se sont penchées sur la question, et que je lis depuis une vingtaine d’années, en les rapprochant des informations que vient de m’apporter l’enquête interpreneurs, j’arrive à une hypothèse assez cohérente. 

1) Ce qui fait que la France est unique est qu’elle est la seule au monde à reposer sur un montage théorique. Et cela remonte à l’ancien régime, selon Tocqueville. En France, on pense l'idéal. On bâtit de zéro. Ailleurs, on fait évoluer l'existant.

2) La théorie a subi beaucoup d'avatars. Depuis Vichy, ce montage théorique se traduit, en particulier, par un « modèle économique » fait de « champions nationaux » dirigés par des hauts fonctionnaires, supposés faire la prospérité nationale. 

3) C’est ce modèle, unique au monde, qui a été porté à l’absurde durant ces trente dernières années. 

4) Une première raison vient de ce qu’il était « théorique ». L’Etat, génétiquement impécunieux, n’a pas pu le financer correctement. Nos « champions » sont donc possédés par l’étranger. Mais, paradoxalement, ce n’est pas ce qui fait le problème. 

5) Le problème, c’est le haut fonctionnaire. Il a oublié sa mission et a expliqué que, pour faire le bien de la nation, son entreprise devait jouer selon les règles du marché, donc être indépendante de la contrainte étatique. Cela l’arrangeait bien : il a pu jouer ainsi au grand patron. Il est devenu un « oligarque ». 

6) Cela aurait encore pu marcher. Mais, le haut fonctionnaire n'est pas un homme d'entreprise, il est incapable d’innover, moteur du capitalisme. Il n’a qu’une stratégie : leader par les coûts, être le plus gros. Il ne jure que par les acquisitions. Or, comme il n'a aucune expérience, il achète trop cher. Nos multinationales se sont donc couvertes de dettes. Ce n’est pas les actionnaires qui doivent les rembourser, mais l’Etat. (Sous peine de voir disparaître le champion.) 

7) Il y a pire. Toutes les entreprises occidentales se sont portées à l’Est, pour profiter de bas salaires, qui leur permettaient de ne pas avoir à innover. Les étrangers ont emmené avec eux leurs sous-traitants. Pas les Français. Ce serait plus une question d’incompétence que de mauvaise volonté. Une entreprise dirigée par un haut fonctionnaire, personne d'idées et pas de pratique, est une sorte de chaos (une administration ?) où tout le monde essaie de se débrouiller. L’accompagnement qu’aurait demandé le déplacement de la sous-traitance était au dessus des forces d’une telle organisation. 

8) En conclusion, nos « champions » achètent maintenant leurs composants à l’étranger (d’où déficit des échanges internationaux) et nous exportent ce qu’ils ont produit ailleurs. Car, faute d’être innovants, ils demeurent très dépendants du marché national. Et notre tissu de PME, fait de bric et de broc, « variable d’ajustement », qui apportait à l'édifice bureaucratique la souplesse qu'il n'a pas, selon Michel Crozier, s’est retrouvé abandonné, privé de son marché. Cela, d’ailleurs, pourrait expliquer pourquoi il y a quelques décennies nous avions autant d’ETI que les Allemands. Des ETI comme Heuliez et Matra étaient des sous-traitants de l’automobile, que leurs donneurs d’ordre ont abandonné.

Est-ce exagéré ? 

Prochain billet : après le bilan, la solution.

samedi 22 janvier 2022

Morale et liberté

On dit qu’il faut couler les exécrables choses 

Dans le puits de l’oubli et au sépulchre encloses, 

Et que par les escrits le mal ressuscité 

Infectera les mœurs de la postérité ; 

Mais le vice n’a point pour mère la science, 

Et la vertu n’est pas fille de l’ignorance. 

(Théodore Agrippa d’Aubigné.) 

Voilà par quoi commence Les fleurs du mal, de Baudelaire. 

Agrippa d'Aubigné, protestant, au temps des guerres de religion. Baudelaire (et Flaubert), au XIXème siècle. Notre société, maintenant ? 

Etat de l'économie française ?

Bilan de 3 ans d’enquête, plus de 120 entretiens, et une dizaine d’accompagnements, par l'association des interpreneurs (ici) : 

  • Le mal de la France, c’est « l’énantiodromie » : son modèle (cf. champions nationaux) a été poussé à l’absurde : il tire contre son camp. Cela se traduit par des entreprises incapables de profiter de leur créativité, qui est unique, et qui ne « chassent pas en meute ». Exception mondiale. 
  • L’exemple allemand n’est pas compris. C’est une culture du collectif qui rend tout le monde intelligent. Le modèle économique mondial change du tout au tout. 
  • La France doit sortir de ses divisions suicidaires, regarder vers l’avenir et jouer sur ses forces pour profiter de règles du jeu totalement nouvelles. Ses atouts sont « impossible n’est pas français » et un potentiel de savoir-faire, local et individuel, énorme et inexploité. La condition de succès est de trouver un mode de coopération culturellement adapté.  

vendredi 21 janvier 2022

Aider : rien de plus important ?

Faut-il se mêler des affaires des Ouighours et des Chinois ? Il n'y a peut-être rien de plus important que de comprendre comment doit procéder l'aide. C'est une étude à laquelle Edgar Schein a consacré la majeure partie de ses travaux, et qu'il a nommée "Process consultation". Tentative d'introduction :

Aujourd'hui, deux théories se partagent le terrain. 

  • L'une, liée généralement au "développement personnel" et au libéralisme, dit : chacun doit se débrouiller seul. 
  • L'autre, sa soeur ennemie, est associée à ce que l'on appelle en anglais le "Care", la compassion. Le sujet est lié au "droit d'ingérence". 

Chacune a ses défauts, dénoncés par l'autre. Le développement personnel, c'est le renard libre dans le poulailler libre. Le Care, le masque du néocolonialisme et de la domination. C'est une des raisons pour lesquelles les droits de l'homme ont acquis une mauvaise réputation : on leur reproche d'aller main dans la main avec les intérêts de l'Ouest ou de tel ou tel groupe d'intérêt occidental. 

Process consultation entre dans une troisième voie : "Organization development". C'est l'idée du "Personal development" appliquée aux groupes humains : que faut-il faire pour qu'ils soient bien dans leur peau ?

Son objectif est de faire ce que les deux autres doctrines font de bien, mais sans leurs effets pervers. Il y parvient en attaquant l'hypothèse implicite sur laquelle elles reposent : l'individu. Ces deux théories sont des individualismes. Elles se trompent : contrairement à ce qu'elles disent, l'individu ne vit pas seul dans l'éther. Il appartient à une société, et c'est là que se résout leur contradiction. Car, c'est en changeant cette société que l'on change le sort de l'individu. 

Process consultation, en particulier, est la question du Care reprise avec ces nouvelles hypothèses. Voilà ce que cela donne :

Certains psychologues affirment que l'on ne doit aider que des personnes qui demandent de l'aide. Mon expérience contredit totalement ce point de vue : 1) on est rarement conscient de ses difficultés 2) quand il y a appel à l'aide, il est souvent, toujours ?, trompeur. 

Pour Process consultation, l'occasion fait le larron. Le donneur d'aide révèle la demande en proposant ses services. (Le commerçant ne fait pas autrement !) La relation d'aide résulte donc d'un échange bizarre à la fin duquel une personne décide de faire confiance à une autre, et de lui parler de ce dont elle ne se parlait pas à elle-même. 

Mais les surprises ne font que commencer. Reprenons, pour le montrer, le cas des Ouïgours. Pour Process consultation, il n'y a pas de bons et de mauvais. Il n'y a que des gens qui ont mal posé un problème. C'est par là qu'il faut prendre la question. Comme son nom l'indique, Process consultation constate que ce qui cause nos problèmes ne vient pas de notre nature (bonne ou mauvaise, par exemple), mais de processus, c'est à dire de notre façon de traiter le dit problème. Pour certains, la meilleure façon d'acquérir un bien est de le voler. Mais ce n'est pas le seul moyen. Le rôle du "donneur d'aide" est d'aider celui qu'il aide à prendre du recul par rapport à sa vie, à la voir de l'extérieur. C'est ainsi qu'il peut apercevoir ce qu'il désire et ce qui l'empêche de réaliser ce désir. Et cela vient de ce qu'il s'y prenait mal, mais aussi, souvent, de ce qu'il lui manquait les compétences de quelqu'un pour atteindre son objectif. Souvent, il s'était replié sur lui même, alors que la solution était à portée de main. Et voilà le second rôle du donneur d'aide : il aide celui qu'il aide à se connecter à la société. C'est un tisseur de lien social. 

Une soif d'amour de Mishima

Un des mes professeurs d'anglais pestait contre les traductions de films, anglais, faites par des "gens qui n'avaient pas eu le bac, à cause de l'anglais". Eh bien, j'ai l'impression que le traducteur de ce livre n'a pas eu le bac à cause du français. Traduction atroce. Un grand auteur japonais ne peut avoir ce vocabulaire et ce style. 

Beaucoup de remarques, qui se veulent philosophiques, tombent à plat. Les personnages paraissent, souvent, des extraterrestres. Différence culturelle ? Traduction malheureuse ?

Pour le reste, c'est, effectivement, une soif d'amour. Mais peut-être aussi une interrogation sur ce qu'est l'amour. Ici c'est un dialogue de sourds, dans lequel l'autre est, essentiellement, une chose. L'individu est mû par ses impulsions. 

J'en étais venu à penser que la morale était une invention occidentale. Mais un personnage, d'ailleurs à qui je n'aurais pas prêté de tels sentiments, m'a détrompé, au dernier moment. Mais pas très vigoureusement.

Si bien que le mieux que l'on espérer l'amour, c'est la disparition de l'autre. Au moins cela apporte un peu de calme. 

Détail surprenant : le livre est écrit juste après la guerre. Mais, on en parle à peine. Et comme s'il s'agissait d'un événement sans grande importance. Un personnage envisage même d'entrer dans la marine, s'il y a une nouvelle guerre. Mais pas pour la gloire. Parce que ce serait l'occasion de changer de condition. Et sans apparemment avoir la moindre conscience du danger encouru. 

jeudi 20 janvier 2022

Paris vaut bien une dette ?

Quoi qu'il en coûte ? Cela s'applique-t-il à l'épidémie, ou à la réélection ? 

On peut se poser la question. Crise de l'énergie, événementiel en panne... Argent public. Un dirigeant m'écrit qu'il ne trouve pas très sain de gagner plus d'argent à ne rien faire qu'à travailler.  

Le gouvernement sait-il comment rembourser des dettes qui s'ajoutent aux dettes, avec une économie qui est en déficit structurel depuis deux décennies ? Maintenir à flot l'existant est peut être nécessaire, mais pas suffisant : comment peut-il être adapté au monde de demain, alors qu'il était mal en point avant l'épidémie ? Et qu'arriverait-il si, par dessus le marché, il y avait une crise mondiale ? 

Ne faudrait-il pas se poser sérieusement la question ? Lui trouver une réponse ne serait-ce pas un moyen moins coûteux pour se faire réélire que la subvention massive ?

A room with a view d'E.M.Forster

Pour une fois, je ne parle pas d'un livre que j'ai relu, mais entendu. La BBC a une radio qui diffuse des histoires, que je viens de découvrir. Et j'ai gardé de mon enfance l'amour des histoires racontées. Parmi celles-ci, il y avait A room with a view

J'ai lu plusieurs livres d'E.M.Forster, qui en a peu écrit, dont celui-ci. En Angleterre, il est considéré comme un classique. Mais le premier contact n'a pas été bon. Il y a eu quelque-chose qui me désorientait dans son style et les sujets qu'il choisissait. Peut-être attendais-je un écrivain victorien, alors qu'il est moderne : il est mort en 1970.

Or, à l'écouter, j'ai trouvé à ce roman beaucoup de charme. Il est possible que ce soit l'histoire d'une jeune fille qui passe du "je et cela" au "je et tu", comme dirait Martin Buber : de ses tentatives pour s'extraire des conventions sociales qui empêchent l'expression de son être réel, et saisir la chance d'une vie. L'histoire de tout changement ?

mercredi 19 janvier 2022

Boris Johnson ou la défaite

Boris Johnson semble mal parti. Le chef donne l'exemple, et l'on faisait joyeusement la fête dans son ministère, alors que la Reine pleurait son mari, et qu'il avait imposé l'isolement aux Anglais. Qui a vécu par le glaive... ? Peut-être pas. 

Il semble pitoyable.

Je me suis souvenu d'une histoire de samouraï. Un misérable a trouvé un moyen de gagner un bol de riz. Il défie les maîtres d'école de sabre. On est nourri lorsque l'on se livre à cet exercice. Un jour, alors qu'il se met en garde, son adversaire, une sorte de maître des maîtres, tombe à genoux. Le gamin ne comprend pas. L'autre lui dit : j'ai vu dans vos yeux que vous n'aviez pas peur de la mort. 

C'est peut-être cela la défaite : la peur de la mort. C'est accepter la logique de l'autre. La force de Boris était de se moquer de tout. 

Société résiliente

Qu'est-ce qu'une société résiliente ? 

Internet a été à l'origine de la mode de la théorie des réseaux. Celle-ci a une réponse à cette question. Un réseau résilient répartit la charge de traitement de l'information entre ses noeuds. Son équivalent social est donc le contraire de l'organisation d'une armée, d'une multinationale ou de la République française. 

Mes recherches m'ont fait aller au delà de ce modèle. Le "milieu" a un rôle critique dans la stimulation de l'individu. Ce milieu est, en quelque sorte, l'écosystème immédiat du dit individu. Pour un renard, c'est la forêt dans laquelle il vit. Pour Apple, c'est la Silicon Valley. Dans ce modèle, le réseau n'est pas homogène, comme la nature, il présente des paysages différents.

Comment concilier ces deux modèles ? La théorie des réseaux fait l'hypothèse implicite d'un réseau représentable sur une feuille de papier, par des traits entre points. Elle ne prend en compte qu'un type de lien entre individus. Dans la réalité, nous appartenons à de multiples réseaux. Nous avons de multiples "milieux". Il est même possible que le "milieu" puisse être défini en fonction de l'individu : c'est un milieu sans milieu. Chacun est au milieu, ne serait-ce que parce qu'il se déplace. 

Comme le dit la phénoménologie : méfions nous de la science, elle prétend voir objectivement la réalité, alors qu'elle repose sur des hypothèses culturelles implicites ? 

mardi 18 janvier 2022

Voeux présidentiels

Ancienne émission de France Culture sur les voeux présidentiels. Elle s'arrêtait avec François Mitterrand. Mais commençait avec Léon Blum (qui n'était pas président !) et une énorme surprise : un discours comme on n'en entend pas aujourd'hui. Un chef de gouvernement qui s'adresse, avec humour !, à des gens intelligents ! 

Le président Giscard d'Estaing semblait avoir choisi une même ligne de communication. Contrairement aux voeux usuels, qui planent au dessus des tête, et parlent de l'intérêt général, il se présentait en Français comme les autres, allant jusqu'à faire intervenir son épouse, qui débitait d'étonnantes banalités. Mais, d'après les participants à l'émission, il a manqué son effet. 

Un exemple de l'art de la communication et de ses mystères. Nous ne paraissons pas aux autres ce que nous croyons être... 

Qu'est-ce que penser ?

Injonction sociale : nous devons tous penser. Nous sommes des intellectuels. Cela vient, peut-être, de la prééminence de l'éducation, dans notre société moderne. 

Elle nous donne en modèle des intellectuels, et nous voulons leur ressembler, quel que soit, d'ailleurs, notre niveau d'études. 

Mais comment bien penser ? J'en suis arrivé à croire qu'il fallait procéder comme le thésard, ou le juge d'instruction. Se bâtir une conviction demande un travail fastidieux, long et méticuleux, intellectuellement rigoureux. Avec toutes les imprécisions assumées de cette définition, qui rendent l'exercice périlleux et inconfortable. 

Seulement, paradoxalement, il y a peu de juges et de thésards parmi nous. Et, il n'est pas sûr que les juges et les thésards jouissent d'une déformation professionnelle qui les prédispose, pour d'autres sujets, à la pensée. En tout cas, l'Education nationale ne nous apprend pas à faire cette recherche. Elle nous dit qu'il y a le bien (ce qu'elle enseigne), et le mal (ce qu'elle condamne). 

Du coup, penser est devenu capter les idées qui flottent. L'art du lobby est de parvenir à mieux faire flotter ses idées que celles des autres. En fait, il est possible qu'il y ait deux types d'idées flottantes, au moins. D'abord, celles qui guident, inconsciemment, nos décisions. Par exemple, je dois avoir une opinion sur tout. Ensuite, les idées du moment, qui doivent entrer en résonance avec les premières. 

Enantiodromie : la société de la pensée est devenue la société de l'influence. 

lundi 17 janvier 2022

Le tournant technocratique ?

Qui est M.Macron ? se demande régulièrement ce blog. Une hypothèse pourrait être : un technocrate. 

M.Macron est sorti de la commission Attali. Cette commission était l'assemblage de ce qui se juge le plus intelligent en France et avait le projet, très français, de résoudre, entre gens de bonne compagnie, tous les problèmes du pays. Le technocrate, c'est cela. A chaque problème, il trouve une solution bien nette. Sa caractéristique est qu'elle demande de balayer, d'un revers de main, tout ce qui s'était fait depuis les origines. 

Réflexe qui n'est pas nouveau. Kant, déjà, pensait que c'était ce qui avait causé l'échec de la révolution française. 

Max Weber a très bien parlé de la technocratie. Sa caractéristique est d'être "rationnelle". Cela signifie qu'elle a un objectif précis, et qu'elle est, en elle-même, le moyen de l'atteindre. Toutes les solutions du technocrates sont bureaucratiques, autrement dit étatiques. D'où contradiction, déjà présente chez Lénine : le technocrate impose la liberté par un Etat totalitaire, au sens propre du terme (puisqu'il est le bien, il n'y a plus de raison de penser). 

La grande Sécu, le vaccin, les retraites, une chambre des députés qui vote comme un seul godillot... M.Macron semble bien avoir la fibre technocratique. 

Si cette hypothèse est juste, que résulterait-il d'un M.Macron ayant des coudées franches ? Un vent de révolte ? 

Gide expliqué ?

En relisant Gide, récemment, je me suis demandé pourquoi il avait joui, en son temps, d'une telle autorité. Ses romans n'ont que la peau sur les os. 

François Mauriac a peut-être trouvé une solution à ce problème. Dans ses Mémoires intérieurs, il écrit que "l'immoralisme" de Gide a été une révélation pour la société de son époque, y compris pour lui. 

Gide répondait, peut-être, à une aspiration inconsciente de la haute bourgeoisie. Elle était dans une situation paradoxale : elle vivait dans le carcan de règles morales désagréables, ridicules, tout en ayant les moyens d'une existence oisive et dissipée. Pourquoi ne pas profiter de sa situation sans mauvaise conscience ?  

D'aucuns diraient que la règle était la condition de la richesse, héritée. 

Mais, peut-être aussi, l'enseignement de cette affaire est que l'art est un phénomène de société. 

dimanche 16 janvier 2022

Monsieur je sais tout

Un premier ministre a réponse à tout, aurait dit Édouard Philippe à un "pote" cinéaste (France Culture, il y a une semaine).

Comment peut-il tout savoir alors qu'il n'a pas de temps à lui ? Cela m'a rappelé le commentaire d'un ami d'une déclaration de notre premier ministre actuel, qui expliquait qu'il avait été contaminé par un enfant (donc qu'il fallait vacciner les enfants) : un premier ministre rencontre des quantités de personnes, comme peut-il être sûr que la cause de sa maladie soit celle-ci ? 

Soit le premier ministre est idiot, soit il nous prend pour des idiots ?

En quoi, peut-on se demander, changerait la communication gouvernementale, si nos dirigeants considéraient qu'il y a, dans la population, des gens beaucoup plus intelligents qu'eux, et qui, en plus, on le temps de penser ? 

Intelligence d'Android

Android partage la culture du PC : il n'est pas intelligent. 

Selon l'expression de ma mère, "ce n'est ni fait ni à faire". Non seulement c'est laid, mais, contrairement à la logique d'Apple, il n'y a pas de cohérence. Rien n'est correctement fini. Même le français utilisé semble celui d'extra terrestres. Et l'on ne sait jamais bien à qui appartient l'application que l'on utilise et à quoi vont servir les données auxquelles elle demande accès. D'ailleurs, c'est le principe même d'Android : il est proposé gratuitement par Google pour servir ses intérêts. 

Curieux choix : d'un côté du pas cher, moche et dangereux, de l'autre (Apple), du beau et bien fait, mais un très mauvais rapport qualité prix. L'économie de marché produirait-elle nécessairement une société de classes ? 

Allons-nous connaître la crise ?

J'ai connu la crise, dans ma jeunesse. Elle fut interminable. J'en ai gardé un souvenir sinistre. Et puis, on l'a oubliée. On n'avait plus d'inflation, mais on s'est habitué à avoir trois millions de chômeurs.

Or, l'inflation, qui ne devait pas exister selon les économistes, accélère aux USA, en particulier. (Et même chez moi : mon crémier a fait passer ses oeufs de 1,90 à 2,20€ !) Surtout, il y a la question de l'énergie. Car une augmentation du prix de l'énergie serait un drame pour une grosse partie de la population, qui a déjà du mal à boucler ses fins de mois. (Voilà pourquoi le candidat E.Macron a imposé à EdF, pourtant dans une situation inquiétante, de vendre une partie de son énergie à bas prix ?)

Quelles sont les causes de cette crise ? Nous sommes extrêmement dépendants les uns des autres. Par exemple du gaz de schiste américain, qui a souffert des aléas des cours pétroliers. Mais aussi de la Chine, qui est en concurrence avec l'Europe pour son approvisionnement en énergie. Chine qui semble avoir voulu réduire sa dépendance au charbon, un échec, et qui ne parviendrait pas, maintenant, à relancer sa production. Or, l'Allemagne arrête ses centrales nucléaires. Quant à l'énergie renouvelable, on ne sait pas si un jour elle remplacera quoi que ce soit. A cela s'ajoute le jeu politique. Le cartel de l'OPEP défend ses intérêts ; l'Allemagne est dépendante du gaz de la Russie, faute de nucléaire, Russie qui cherche à s'affirmer comme pouvoir de nuisance ; et la Chine, du charbon de l'Australie, avec laquelle elle est en froid. Peut-être, aussi, que la capacité mondiale de production d'énergie est moins flexible qu'on ne le pensait, et qu'un hiver froid suivi par une croissance forte sont suffisants pour la désorganiser. 

Il n'est partout question que de "transition climatique". Comment fait-on ? Personne ne semble se poser cette question. Peut-être qu'il faudrait commencer par lui trouver une réponse rigoureuse ?

Exemple de notre amateurisme mondial en termes de conduite du changement ? 

samedi 15 janvier 2022

Faut-il faire peur ?

Omicron se comporte comme en Afrique du Sud, et non comme l'avaient prévu les modélisations scientifiques. De ce fait, contrairement à ce que l'on avait annoncé (à grand fracas), le système de santé ne s'est pas effondré. Voilà ce que disait la BBC. (Et ce en dépit d'un taux d'arrêt maladie des personnels médicaux qui serait de l'ordre de 10%.) 

Le scientifique aurait-il un QI significativement inférieur à celui de l'homme de la rue ? 

Question de QI ou de réflexe conditionné ? Nous obéissons à des règles établies par la société. Et, actuellement, celles-ci ressemblent aux tactiques syndicales. Pour avoir beaucoup, il faut demander beaucoup, et mettre les choses au pire ? 

Quitte à finir comme la SNCF ?

Le changement à pile ou face

On me reproche beaucoup mon bénévolat. Etre bénévole, c'est travailler gratuitement pour l'intérêt général. Il y a de la raison dans ce reproche. En particulier, je crois que jamais il n'y a eu autant de personnes importantes. Et le personne importante est la mort du bénévolat. 

Je passe un temps fou à organiser des réunions ou des entretiens, parce que la notion "d'engagement" ne signifie plus rien. "My word is my bond", dit la bourse de Londres. Eh bien, dans un monde de gens importants, elle est la seule à le dire. 

L'exemple vient d'ailleurs, surtout, d'en haut. Les candidats à la présidentielle ont visiblement choisi comme option de course "la castagne", la guerre de religion, diviser pour régner. Grande tradition française, qui a peuplé l'Allemagne et l'Angleterre d'Huguenots. 

Un enseignement concernant le changement ? Nous vivons une crise redoutable. Non seulement nous subissons épidémie sur épidémie, mais la Chine, la Russie et même les USA sont inquiétants, et notre pays n'est rien, et dépendant de tous. C'est maintenant qu'il faut changer. Et le mot d'ordre du changement, c'est : solidarité. Or, ceux qui pourraient être les forces du changement ont toutes les tentations de baisser les bras. 

On ne change qu'en crise, dit-on, mais ce n'est pas la crise peut avoir d'autres issues. 

Guerre en Ukraine

M.Poutine va-t-il envahir l'Ukraine ?

Il a toutes les raisons de le faire. Il pense que l'Occident lui en veut. (Article.) Comme les Tsars, il désire protéger son territoire par un glacis.

Il est plus vraisemblable, à mon avis, qu'il prenne ses désirs pour des réalités. Il aimerait que l'Occident lui en veuille, comme au bon vieux temps de la guerre froide. Mais l'Occident n'a rien à faire de la Russie, et est bien embarrassé avec l'Ukraine, et ses oligarques. Au fond, cela arrangerait tout le monde si la Russie s'en occupait. 

Sauf, peut-être, la Russie. Car, pour elle, une invasion signifierait un nouvel Afghanistan. Et même si c'est un petit Afghanistan, il n'est pas sûr qu'elle ait les moyens d'une occupation. 

En tout cas, une crise en Ukraine pourrait déclencher une crise économique pour l'UE. Car les prix de l'énergie n'ont jamais été aussi hauts, et l'énergie est l'arme la plus efficace de M.Poutine. 

vendredi 14 janvier 2022

Le style PDG

Les démocratie ont viré à l'autoritarisme, dit Pierre Rosanvallon. Elles sont dominées par leur "exécutif", qui n'exécute plus la volonté générale, mais lui impose sa volonté. De manière surprenante, la France a fait la mode, le général de Gaulle a vaincu.

Mais est-ce de Gaulle vraiment qui est à l'origine du changement, ou la démocratie est-elle contaminée par le modèle de la multinationale ? Après tout ce serait logique : après la faillite soviétique, la culture "capitaliste" a balayé le monde. 

Malheureusement, appliquer le modèle militaire de l'entreprise à une démocratie conduit à une contradiction. Un dirigeant, à la fois tout puissant mais qui, faute d'avoir le temps de penser, a un équivalent QI quasiment nul, voire négatif, prétend guider notre vie privée. 

Dans ce domaine, on pourrait s'inspirer du modèle allemand. Apparemment, en Allemagne, il y a un Yalta entre la vie professionnelle et la vie privée. L'entreprise a une mission bien définie, en gros d'apporter le confort matériel à tous, la condition nécessaire d'une vie privée réussie, pour cela ses membres acceptent d'avoir des rôles bien définis, afin d'atteindre cet objectif. Et cela pendant un temps limité. 

C'est donc la vie privée qui a la priorité, et celle-ci est totalement séparée de la vie professionnelle, qui est une sorte de mal nécessaire que l'on réduit au strict minimum. La vie privée est un espace de totale liberté.

Pour le reste, pour les problèmes qui ne font pas déjà l'objet d'un consensus, on recherche le consensus par la discussion. Quand ce n'est pas le cas, comme aujourd'hui en ce qui concerne la gestion de la crise sanitaire, le pays se révolte.  

(PS. En regardant la fiche wikipedia de Philippe de Gaulle à l'occasion de son centième anniversaire, j'ai lu que son père avait sérieusement envisagé que son fils lui succède à la tête du pays. Une certaine idée de la France ?)

L'économie est une question de politique locale

2021, pour l'association des interpreneurs, a été l'occasion d'une étude particulièrement importante, parce qu'elle a changé notre façon de comprendre les raisons de la prospérité économique d'une nation. 

Elle montre que la performance de l'entreprise vient essentiellement de son environnement immédiat. C'est l'explication, en particulier, de la performance allemande, pays du collectif. 

Cet environnement, pour être efficace, doit avoir des caractéristiques très particulières.

Ce constat a des conséquences majeures : 
  1. les politiques publiques vont, depuis des décennies, dans le mauvais sens ; 
  2. pour un dirigeant, l'acte stratégique premier est de choisir et de modeler l'environnement qui l'accélère ; 
  3. les élus locaux sont des personnes clés du développement économique. 
Une synthèse brève de l'étude est ici : Etude des clusters d’entreprises

Le hasard et la raison

Qui l'eut dit ? Madame Pécresse a de bonnes chances d'être élue présidente. Si c'est le cas, son premier mérite aura été d'avoir cru à sa bonne étoile. Ce qui n'a pas été le cas de beaucoup de ses concurrents. Ils doivent s'en mordre les doigts. 

J'ai toujours pensé que si M.Juppé avait été un homme politique normal, il serait aujourd'hui président. 

L'homme politique normal est indestructible. Il croit à sa chance. Et, effectivement, une élection est une question de chance. L'élection de M.Macron l'a démontré, qui a été une succession d'événements imprévisibles. Et c'est à nouveau le cas avec la survenue de M.Zemmour. Non seulement il faut compter avec la chance, mais il est même possible que celui qui n'obéit qu'à la raison ait toujours tort !

jeudi 13 janvier 2022

Information financière

J'écoute peu les informations. Elles font du surplace. Elles sont déprimantes. 

Si une information est importante, elle finit par me parvenir. En revanche, j'ai toujours trouvé utile de voir la France avec des yeux étrangers. 

La source d'informations que je crois la meilleure est la presse financière anglo-saxonne. En effet, elle se doit d'être mondiale, et d'avoir une grande objectivité. Car c'est ce que demande son lecteur, qui a besoin d'informations exactes pour prendre des décisions correctes concernant ses affaires, qui sont mondiales, car il est anglo-saxon. 

C'est l'antithèse de notre presse, pendule arrêtée, qui croit détenir le "bien" et veut l'inculquer par le force à son lecteur. De l'avantage compétitif du capitaliste sur le croyant ?

Scrabble et changement


Mes loisirs ressemblent à mon travail, ce qui fait que j'ai du mal à me reposer. Cette fois-ci, j'ai décidé de me vider la tête en jouant au Scrabble. Ce que je n'avais pas fait depuis quelques décennies. Observations :

J'ai constaté que je souffrais, depuis toujours, de bugs. Le premier a sauté dans ma précédente vie de joueur de Scrabble, lorsque j'ai découvert que les verbes conjugués étaient acceptés par le carton d'emballage du jeu. Les scores se sont envolés. 

Cette fois, j'ai constaté un double mal. Inconsciemment, j'étais convaincu de ne pouvoir pas faire de longs mots. D'où jeu s'étouffant. Et j'avais un a priori d'ingénieur : j'étais, toujours inconsciemment, persuadé que trouver le bon mot est une question de combinatoire. Donc, pour la réduire, je cherchais à fixer, par exemple, une terminaison en "ent". 

Pour trouver des scrabble, il faut les chercher. Premier enseignement. Ensuite, mystère. Comment l'esprit fait-il pour reconnaître un mot dans toutes ces lettres ? Le mien semble repérer quelque chose comme des syllabes, qui stimulent sa créativité. La complication est de parvenir à sortir de son vocabulaire de tous les jours, pour faire preuve de fantaisie. Probablement un exercice de créativité, c'est à dire qui demande une capacité à sortir de la routine, à chercher dans les marges. Jouer au Scrabble rappelle qu'il existe plusieurs langues, que nous ne pratiquons pas. Il y a, par exemple, le vocabulaire familier (bidule, philo), celui du statisticien (décilage), les noms d'animaux (ammocète), d'habitants (sénonais, habitants de Sens). Il y a aussi des "trucs" à connaître, par exemple "re" semble pouvoir s'accoler à beaucoup de verbes (regréer), sans compter les onomatopées. Et puis, il semble qu'il y ait des mots créés exclusivement pour les champions de Scrabble. Une difficulté du jeu est que ces mots rares apparaissent rarement, mais il suffit d'une apparition pour transformer un score. 

La longueur du mot n'est pas tout. Un degré supérieur de talent consiste probablement à compléter des mots existants, en comptant, de ce fait, plusieurs fois les points de leurs lettres, par exemple en plaçant trois ou quatre mots en parallèle. Finalement, je me demande, constatant souvent que je possède des scrabble que je ne parvient pas à placer, si, comme au go, arriver à des scores mirifiques n'exige pas une sorte de sixième sens de l'occupation de l'espace. 

mercredi 12 janvier 2022

Présidentielles : rien ne va plus ?

L'électorat est exceptionnellement volatil dit une étude de la Fondation Jean Jaurès. Peu de gens sont "entrés en campagne". Ceux qui le sont changent facilement d'opinion. 

Paradoxalement, à gauche, faute de leader naturel, le pole d'attraction serait Emmanuel Macron. A droite, on joue tactique. On cherche à aller "au secours de la victoire", à appuyer le candidat qui a le plus de chances de gagner. 

Qu'en déduire ? Peut-être que c'est une dynamique favorable à Mme Pécresse. Mais l'étude l'appelle "géant au pied d'argile" : son électorat ne tient pas particulièrement à elle. Une fois de plus il ne s'agit pas d'un "vote pour", mais d'un "vote contre". Toute cette volatilité laisse penser qu'il est possible que ce soit l'incident, par exemple une déclaration intempestive, qui décide de l'issue du scrutin. 

Qu'est-ce que l'humanisme ?

Je lisais que Camus n'était pas un "existentialiste", mais un "humaniste". Qu'est-ce qu'être humaniste ? me demandé-je. 

Serait-ce une question "d'homme" ? Faux ami ? Si "homme" est entendu comme "individu", on débouche sur un état contre nature : homme loup pour l'homme (billet précédent). L'existentialisme est, en grande partie, un individualisme. 

"Je me révolte, donc nous sommes", dit Camus. Si "humanisme" évoque "humanité" comme on l'entend dans "crime contre l'humanité", tout est différent. L'humanité, dans ce cas, est l'hypothèse selon laquelle nous partageons tous une nature commune. L'attaquer c'est tous nous attaquer. C'est ainsi que la maltraitance d'un enfant peut être un crime contre l'humanité. Pas besoin de génocide pour être criminel.

Mais avons-nous une nature commune ? Et où commence et s'arrête le crime contre l'humanité ? Un sujet pour Yeshiva ? Peut-être que la fin justifie les moyens : nous serons plus heureux avec cette hypothèse que sans elle ? Et que ce qui compte réellement est de l'utiliser pour éclairer nos actes ?

mardi 11 janvier 2022

Egalité de la femme

J'écoutais A room with a view, d'EM Forster, par la BBC. On est en 1905. Un des personnages dit, si mes souvenirs sont bons : hommes et femmes sont égaux mais différents, l'homme agit, la femme inspire l'action. 

J'ai lu quelque part qu'il y avait eu effectivement une évolution de la notion "d'égalité des sexes", de l'égalité dans la différence à l'alignement absolu de la femme sur l'homme. Cependant, ce que dit ce personnage ressemble beaucoup à ce que j'ai observé : la femme tend à être un as du changement, parce qu'elle joue naturellement sur les ressorts sociaux de la société. Selon les théories du management, c'est un "leader jardinier", elle crée les conditions du changement. 

C'est, évidemment, une compétence qui est beaucoup plus acquise qu'innée : on constate que toute personne qui n'a pas de pouvoir officiel cherche des moyens détournés de réussir. Le champion du changement a du "pouvoir sans pouvoir". On observe aussi que les cultures sociales, telles que les cultures maghrébines, jouent beaucoup plus avec le lien social que nous, qui nageons dans l'illusion de la "rationalité". 

Lorsque j'étais enfant, j'avais l'impression que la femme était supérieure à l'homme. (Il gueule, elle obtient ce qu'elle veut.) Et, qu'en rabaissant la femme au niveau de l'homme, le féminisme faisait fausse route. Je soupçonne que les femmes de l'ère victorienne auraient pensé comme moi. 

Le Big Bang de la grande Sécu

Apparemment le gouvernement aurait un projet de "grande sécu". Plus de complémentaires, qui emploient 100.000 personnes, plus que la sécurité sociale. Et cela, parce que certains seraient mal assurés, et que le système serait coûteux. (Article.)

De manière surprenante, notre gouvernement libéral reprend le programme de M.Mélenchon. De ce fait, la France s'alignerait sur le NHS anglais, dont il est inutile de présenter le bilan. Mais pourquoi, simplement, ne pas chercher à améliorer sans tout casser ?

Comment interpréter cette nouvelle surprenante ? Réflexe technocratique, voire soviétique ? J'ai raison, je passe en force, sans discussion, puisque j'ai raison, et j'impose toujours plus d'Etat ? 

lundi 10 janvier 2022

Novax

La BBC parlait ce matin de femmes enceintes qui craignent les effets du vaccin sur leur enfant, et de réactions courroucées de personnels soignants et de Novax Djokovic. 

Comme souvent, dans cette histoire, chacun voit midi à sa porte. D'un côté, le gouvernement, les hôpitaux... ont des problèmes à résoudre à court terme : économie arrêtée, système de santé engorgé. De l'autre, il y a des gens qui s'inquiètent pour l'avenir : beaucoup d'innovations ont des effets secondaires, et celles-ci ? Principe de précaution. 

L'argumentaire des premiers est inefficace, parce qu'il est faux. En gros, il nie le risque, et accuse celui qui lui résiste d'arriération. Celui-ci, d'ailleurs, n'a quasiment pas le droit à la parole. Et ce que l'on entend de lui est déformé. Ce qui le renforce dans son opposition. Surtout, le pouvoir affirme qu'il n'y a qu'une seule solution, sans aucun débat. Peut être pire : nous avons des gouvernements ultralibéraux qui ne parlent plus que "d'intérêt général". C'est suicidaire.

S'il y a un effet secondaire que l'on peut craindre pour cette crise, c'est celui qu'elle aura pour notre démocratie. Rien ne peut se faire dans une démocratie sans un consensus massif. Et rien ne peut être imposé. Elle doit tolérer les minorités. Exactement comme elle ne peut pas réglementer les virus : parce que la vie n'obéit pas à la contrainte.

Les conditions nécessaires de la science

Une des idées qui avait la cote dans les années 2000 était que l'entreprise étant le financier de la société, elle devait donc choisir la recherche qui lui était utile. Simple bon sens. Lors de la crise de 2008, Paul Krugman a écrit que les économistes ne l'avaient pas vu venir, parce qu'ils n'étaient pas payés pour ça. 

Rien n'a changé, la science est aux mains d'intérêts particuliers. Financiers ou non, d'ailleurs.

La mission de la science : nous regarder de l'extérieur ? Aller au delà de l'intérêt personnel du scientifique ? Mais, alors, comment ramener la science à la raison ? 

A force d'accidents, l'humanité finira par penser que l'intérêt personnel n'est pas un bon guide ? Elle réinventera la science ?

dimanche 9 janvier 2022

Cadavres, placards et changement

En termes de changement, je constate une erreur systématique. On ne comprend pas ce que change le changement.

En fait, ce type de projet fait « sortir les cadavres du placard ». C’est à dire que ce qui bloque le changement n’a rien à voir avec lui, mais a trait au passif accumulé par l’organisation (mauvaises relations entre dirigeants, promotion refusée, flop de précédents projets…). 

La difficulté et la force de la conduite du changement, ce sont ces problèmes. 

Difficulté, parce qu’ils sont invisibles, mais terriblement nuisibles. On pensait installer un logiciel, par exemple, et on est harcelé de questions stupides, enfantines, irrationnelles, qui n'ont rien à voir avec le logiciel ou l'intérêt général. Je parle souvent de « déchets toxiques ». 

Résultat ? On avait confié à un technicien le projet, il semblait ressortir à sa compétence, mais il est dépassé. Il devient fou. Ce faisant, réagit à contre courant, et amplifie la résistance au changement. 

Force, parce que le changement bien mené permet de les résoudre, ce qui a une valeur extraordinaire pour la personne qui en souffrait. Et c'est pour cela que le moteur du changement, c'est ce type d'imprévu. C'est lui qui fait des alliés extrêmement puissants au changement. 

Et c’est pourquoi, il faut passer « un peu trop de temps », avec les gens (pour frapper les esprits, je dis : « perdre du temps »), pour que ces questions sortent. Et il ne faut pas être focalisé exclusivement sur le projet lui-même.  

Qu'est-ce que le changement ?

Cela fait plus de vingt ans que j'écris sur le changement. Mais cela fait aussi vingt ans que je ne parviens pas à me faire comprendre. 

Petit à petit, j'en arrive à penser que c'est une question d'idées préconçues. Tout d'abord, nous estimons que le changement est une question d'individu, alors que c'est une question de société. 

Par exemple, le gouvernement pense que si l'entrepreneur français est moins performant que l'Allemand, du fait de sa mauvaise volonté. En fait, toute l'Allemagne n'est qu'une équipe. Et c'est l'équipe qui fait le champion, et surtout les champions. 

Une autre idée préconçue semble être que le changement est une question d'idée. J'installe un logiciel, et la société est transformée. Eh bien non, comme dans la théorie du chaos et son battement d'aile de papillon, la réussite du changement tient à des effets microscopiques. Chaque membre d'une entreprise, par exemple, peut faire échouer un changement. Qui étaient Mao ou de Gaulle avant d'être ce qu'ils sont devenus ? Des riens du tout. Mais ils avaient des volontés de fer. Et ils ont fait plier les empires les plus puissants du monde. Plus forts que la Guerre des étoiles ! 

C'est là que se trouve le principe même de la conduite du changement. Il s'agit de maîtriser la complexité. Il faut s'assurer que tous les Mao ou de Gaulle en puissance vont s'enthousiasmer pour votre changement. D'où le problème du changement : on ne peut pas mettre un policier (un consultant) derrière chaque membre de la société ! Nouvelle erreur due au préjugé individualiste. Une société n'est pas faite d'individus, mais de systèmes (code de la route, politesse sont mes exemples favoris). Ce sont ces systèmes qui règlent nos comportements collectifs. Quand on les a compris, et qu'on les utilise correctement, la société bouge comme un seul homme.  

Une solution au mal américain

Le découpage électoral est défavorable au parti démocrate, parti d'urbains, disais-je dans un précédent billet. 

Mais alors pourquoi l'urbain n'irait-il pas s'installer à la campagne comme il le fait en France ? 

Cela aurait un autre avantage. Si cela facilitait le mélange des populations, cela ferait peut-être des démocrates et des républicains moins radicaux ? C'est le ghetto qui fait la guerre civile ?

samedi 8 janvier 2022

Science et conscience

Au temps héroïques de la science on pensait que le caractère de l'individu venait de son sang. On a mis en pratique cette idée, en transfusant le sang d'un mouton à un déséquilibré... Voilà ce que disait une émission de la BBC.

L'histoire de la science a quelque-chose d'effrayant. (Je me souviens, autre exemple, d'avoir vu une vidéo de l'équipe Cousteau : elle avait utilisé un explosif pour étudier la faune d'un atoll du pacifique. Ainsi elle n'avait qu'à compter les cadavres.) Surtout lorsque l'on songe que les pratiques de nos scientifiques n'ont pas grandement évolué. La même émission, d'ailleurs, disait que des scientifiques continuaient à échanger du sang, cette fois entre des rats. Et, cette fois, cela leur ferait de l'effet : l'individu aurait l'âge de son sang, à défaut de ses artères... 

Bien sûr, juger le passé est idiot. Notre jugement est le résultat de l'évolution et de l'expérience. Si le passé avait été différent, ce serait aussi le cas de notre jugement. Seulement, il semble que nous ayons beaucoup de mal à tirer un enseignement utile de ce passé, surtout si nous le condamnons. 

Aléas présidentiels

Je suis les présidentielles de très loin. Par hasard, je découvre que les sondages donnent trois candidats se disputant la seconde place du premier tour, et que M.Zemmour, l'un d'entre-eux, pourrait ne pas recevoir le nombre de parrainages nécessaire à sa participation à l'élection. 

Notre système électoral serait-il grandement déficient ? 

Et cela implique de curieux jeux : Mme Pécresse a intérêt à ce que M.Zemmour obtienne ses parrainages, si elle veut avoir une chance de dépasser Mme Le Pen. Mais, cela pourrait aussi permettre à M.Zemmour d'arriver au second tour. 

Si c'était le cas, cela promettrait un débat entre lui et notre président qui serait, probablement, un très désagréable moment à passer pour ce dernier. Voilà pourquoi tant de gens semblent vouloir voter Zemmour ?

vendredi 7 janvier 2022

La prochaine épidémie s'appellera Trump ?

Donald Trump sera le prochain président des États Unis, disait la BBC. Il semble difficile d'envisager une autre hypothèse. 

La raison en est que les démocrates sont extraordinairement divisés, et, surtout, constitués de repoussoirs, y compris pour leur propre électorat, comme leur extrême-gauche, ou le groupe des milliardaires du numérique. Pire, c'est devenu un parti d'urbains, que le découpage électoral défavorise. C'est pourquoi ils tendent à avoir une majorité de voix, mais pas la présidence. 

Alors, en ces temps où la grippe aviaire vient s'ajouter au coronavirus, faut-il considérer les USA comme un nouveau risque d'épidémie ? Et s'attendre à des crises d'irrationalité, qui mettent l'avenir de l'humanité en péril ? L'humanité est-elle devenue un système instable ? 

L'apprentissage comme déblocage

Il y a quelques temps, France Culture a consacré des entretiens à Bernard Stiegler. Il racontait s'être révolté contre le système éducatif de son enfance. C'est en prison qu'il a découvert sa passion pour la philosophie. 

A la prison près, j'ai une expérience qui ressemble à la sienne. 

Je crois que le principe de notre éducation est que le professeur n'a pas à expliquer, le bon élève est celui qui le comprend. En conséquence l'éducateur se laisse aller à sa fantaisie. Pire, alors que la science est un empilage poussif et lent de découvertes, l'éducateur prétend qu'elles étaient évidentes !

J'ai constaté, au contraire, que comprendre était une question de "blocage". Beaucoup de gens comprennent beaucoup de choses, pour peu qu'on les présente correctement. Par exemple, en expliquant comment on est parvenu à les découvrir, après bien des errements. 

jeudi 6 janvier 2022

Cambronne et le changement en France

La BBC se posait la question de la traduction "d'emmerder". Elle demandait à un élu si l'Angleterre devait faire ce que disait M.Macron ("emmerder les antivax"). Réponse : pas besoin, notre culture n'est pas hostile au vaccin. Dans la même émission il était dit qu'un quart des joueurs de première division de football refusent de se faire vacciner... 

Différence de culture ? Le président français est au dessus des partis, le programme de M.Macron est de "réconcilier les Français", et, en même temps, nos présidents insultent l'électeur. Le mal de la France c'est le Français pensent-ils. 

Et c'est peut-être une bonne tactique électorale, car nous avons une histoire de guerre civile. Il suffit d'être du côté du plus fort pour diriger un pays qui, lui, est de plus en plus faible. En outre, les bons mots de nos présidents font instantanément le tour du monde et contribuent grandement à notre image. 

Quant à Madame Pécresse, le mot de Cambronne pourrait être son Waterloo. Elle serait parmi les trois candidats qui sont au coude à coude pour passer au second tour des présidentielles. Mais elle ne semble pas parvenir à faire l'union des siens. Si elle veut être présidente, elle doit faire passer le message, dans son camp, que ce qui compte n'est pas telle ou telle idée, mais d'être solidaires... On gagne d'abord, et on discute ensuite. 

Impossible n'est pas français ?

(C'est la pratique allemande. Mais c'est aussi ce qui a fait la victoire de la gauche en 81 : les communistes ont refusé de se disputer avec les socialistes.)

Le lis de mer


De l'amour comme oeuvre d'art. Erotisme léger. Vacances d'été en Sicile peu de temps après la guerre. Quelques jours à la plage. 

Un livre court, progressant en quelques chapitres, et beaucoup de parenthèses. Livre de son temps ?

mercredi 5 janvier 2022

La réinvention de la 3ème République

Il y a des changements qui réussissent. Le programme de la 3ème République en est l'exemple même. Seulement, la réussite a été si parfaite que ceux qui le portait, les radicaux, n'ont plus rien eu à dire, et ont disparu. (Référence.)

Selon Nassim Taleb, les institutions récentes ont une faiblesse : leur espérance de vie est fonction de leur ancienneté. Et c'est ce que l'on constate avec les nôtres : elles n'étaient pas résiliantes. Ascenseur social, grandes écoles, intégration, égalité, laïcité, démocratie... rien n'a tenu le choc. 

Et c'est pourquoi, probablement, Kant et quelques-autres pensaient et pensent que l'amélioration est préférable à la révolution. 

Maintenant, il est possible que le modèle de la 3ème République corresponde toujours à une aspiration de la population. (Ce qui explique pourquoi elle résiste à ses gouvernements, qui ont prétendu que le problème était ce modèle, et qui ont voulu imposer des alternatives ?)

Alors, parviendrons-nous à améliorer nos institutions, afin de remettre durablement à flots notre idéal ?

Les enfants terribles de Cocteau

Relecture de fond d'armoire. Jadis j'ai trouvé ce livre, comme Cocteau, de son temps, surfait, un peu superficiel et vaguement irritant. Cette fois, j'ai été émerveillé par son écriture. C'est miraculeux de pouvoir écrire sa pensée aussi simplement. Sachant que Cocteau était fâché avec l'école, cela en dit long sur l'efficacité de celle-ci, et sur le naufrage de la nôtre.  

Et, aussi, souvenirs du lycée Condorcet, que je ne connaissais pas à l'époque de ma première lecture : j'ai retrouvé le quartier, qui n'a pas beaucoup changé en un siècle. 

La roman est presque une nouvelle, peut être un fait divers. Il raconte l'histoire d'un frère et d'une soeur, enfermés dans une pièce où ils vivent, comme dans une cabane, une existence imaginaire. Leur relation ne paraît cependant pas amicale, mais construite sur la chamaillerie, et même le conflit. Cela ressemble peut-être à notre situation. Mais, dans leur cas, la réalité n'entre pas dans leur vie sous la forme d'un virus, mais sous celle du passage à l'âge adulte. 

mardi 4 janvier 2022

Heureux les simples d'esprit

Un jour, je visitais une exposition d'artistes amateurs, au Grand palais. J'étais surpris qu'autant de gens peignent aussi bien. Pourtant l'exposition n'avait aucun intérêt.  Pourquoi donc ? Je me suis souvenu de ce qu'on disait d'un imitateur dans ma jeunesse : il imitait un imitateur (Thierry Le luron, en l'occurence). Eh bien, je crois que ces artistes n'exprimaient pas leurs sentiments mais ce qu'ils pensent qu'un artiste doit exprimer. 

Je me demande si une des caractéristiques de notre époque n'a pas été justement ce phénomène. Nous ne pensons plus par nous mêmes, nous nous demandons ce qu'il est bien de penser. 

L'antidote s'appelle existentialisme. Cela consiste à partir à la recherche de ses convictions. On ne naît pas homme, on le devient, dit Sartre. Notre programme ? 

Les contes du lundi d'Alphonse Daudet


Petits textes tout simples de quelques pages chacun. La première partie du livre a pour thème la guerre de 1870, la seconde est une collection de nouvelles sans réel fil directeur. 

Leur particularité ? Elles racontent des vies de "petites gens", qui subissent l'Histoire. Il n'y a pas de bons et de mauvais, ici. Alphonse Daudet n'est pas de notre temps. D'ailleurs, il n'y a pas que des hommes dans ces contes. On y trouve aussi le reportage d'un jeune perdreau le jour de l'ouverture de la chasse. Une métaphore ?

lundi 3 janvier 2022

Bilan Brexit

Las de la radio française, je me suis mis à écouter BBC4. J'y ai beaucoup entendu parler de Brexit. Voilà ce qu'il me semble avoir compris :

Première découverte : l'Angleterre était devenue totalement dépendante de l'immigration. C'est exactement la logique de la délocalisation. Ce type d'immigration permet de disposer de personnels dont l'avantage concurrentiel est qu'ils ne ressortissent pas aux droits de l'homme. J'ai entendu même dire qu'il y avait des milliers de personnes qui sont en situation d'esclavage, pour les mêmes raisons que l'on parle d'esclavage au moyen-orient. Grâce à cette immigration massive, prête à tout accepter, l'entrepreneur n'a plus besoin d'innover, et l'Etat d'investir. Le pays paraît dans un état désastreux.

Si le Brexit s'est fait au nom de l'UE, c'est parce que l'UE a été instrumentalisée par la classe dirigeante anglaise pour diffuser tous azimuts ses idées. (C'est ainsi que l'UE s'est élargie à des pays qui ne partageaient pas ses valeurs.) Sortir de l'UE était donc la condition nécessaire pour rappeler à l'ordre cette élite dirigeante. C'est ce qu'a compris Boris Johnson, qui, avec son programme "levelling up", enterre la politique menée depuis Mme Thatcher. Désormais, il promet à l'Angleterre de la productivité, donc des emplois bien payés et qualifiés.

J'explique souvent, ce qui surprend, que la résistance au changement est un suicide. En effet, être prêt à se suicider est la mesure la plus dissuasive que l'on puisse inventer. Il se trouve que, effectivement, le Brexit ressemble à un suicide. Samedi dernier, j'entendais parler de l'agriculture anglaise. Les éleveurs de porcs ont dû tuer leurs animaux, car les abattoirs ne peuvent plus le faire, faute de personnels immigrés ; il n'y a plus de subventions, de normes et de protections européennes ; le pays a signé un accord de libre échange avec l'Australie, qui, apparemment, a des exigences de qualité moindres que l'Angleterre... Et la puissance de la grande distribution anglaise n'a rien à envier à celle de son équivalent français. Au moment où l'on parle de circuits courts, on entend dire que l'agriculture britannique doit entrer dans la supply chain mondiale ! Et que, d'une manière générale, il faut attendre le fameux "levelling up" de l'investissement étranger ! Pays à vendre ? 

Ce qui ne tue pas renforce. Certes, mais la situation anglaise est extrêmement préoccupante. 

(PS. On traduit "levelling up" par "nivellement par le haut"...)

Lettres philosophiques de Voltaire


Voltaire, en délicatesse avec le pouvoir royal, va penser librement en Angleterre. C'est une puissance émergente, qui vient d'infliger une défaite totale à Louis XIV, avec l'élégance de ne pas lui avoir fait perdre la face. 

Voltaire observe les moeurs locales. Ce qui fait penser aux lettres persanes de Montesquieu, son contemporain. Ou peut-être, encore plus, à la pensée sauvage de Lévi-Strauss. 

Il a une tendresse pour les Quakers, en particulier, et une de leurs réalisations : la Pennsylvanie : "c'était un spectacle bien nouveau qu'un souverain que tout le monde tutoyait et à qui on parlait le chapeau sur la tête, un gouvernement sans prêtres, un peuple sans armes, des citoyens tous égaux, à la magistrature près, et des voisins sans jalousie". Mais il parle aussi de la science, en particulier de Newton, dont Descartes fut l'éclaireur, de la vaccination, et de la littérature anglaise, dont il admire le génie inculte. Il en donne des traductions. Ce qu'il apprécie, c'est que l'Anglais a "l'admiration des grands hommes", ceux qui ont accompli quelque-chose de notable dans leur vie. D'ailleurs, la haute noblesse elle-même ne trouve rien de bas au négoce ou à l'art. "Leurs ouvrages leur font plus d'honneur que leur nom."

Il termine, paradoxalement, son livre par une mise en pièces des pensées de Pascal, "misanthrope sublime". "Au lieu donc de nous étonner et de nous plaindre du malheur et de la brièveté de la vie, nous devons nous étonner et nous féliciter de notre bonheur et de sa durée." Pascal n'aurait certainement pas publié de telles inepties, s'il était resté en vie. 

Voltaire traite Newton de "philosophe". Comme Tocqueville ou Montesquieu, il ne semble pas croire au monde des "idées" de Platon. C'est un pragmatique. Pour lui la philosophie est vie et action, et enseignements tirés de l'observation par un esprit sain. Il faut "joindre la pratique à la spéculation", sans se faire prendre au piège de la science art pour l'art : "il y a un point passé lequel les recherches ne sont plus que pour la curiosité". La philosophie ne se professe pas, elle est discipline intellectuelle de l'honnête homme ? 

dimanche 2 janvier 2022

Les grandes gueules

Un de mes amis racontait l'histoire de la "grenouille à grande gueule". J'ai pensé à lui en lisant un article indigné d'un médecin, qui dénonçait l'influence des "voisins à grande gueule". Je me suis dit que, ce médecin aussi, avait une "grande gueule". 

Nous avons vécu un temps de "grandes gueules". Pour une raison curieuse, l'idée s'est imposée comme quoi le changement social est une question de bruit. Un enseignement de l'affaire Dreyfus ? 

Je ne suis pas sûr que cette tactique ait été efficace. Les faits sont têtus et ne sont pas impressionnés par les "grandes gueules" semble-t-il. Comme dans l'histoire de mon ami, il n'est pas certain que la tactique soit durable. 

(Curieusement, l'histoire s'appelle maintenant "la grenouille à grande bouche" : aurais-je été trahi par ma mémoire ?)

Distanciation sociale

Un ami me raconte l'histoire suivante. Son fils est détecté atteint par le coronavirus. Du coup, toute la famille se teste. Mon ami, seul, est positif. Entre temps, un second test montre que son fils n'a rien. L'ami va alors faire des examens sérieux, dans un laboratoire. Il en profite pour m'appeler. Il fait la queue. Nous avons causé vingt-cinq minutes, selon mon téléphone. Je lui ai dit que c'était curieux, lorsque l'on est malade et contagieux, de devoir faire la queue... Il m'a répondu qu'il avait un masque...

Loi forte des petits nombres ? Voilà qui explique mieux la propagation des épidémies que tous les discours de nos ministres ? 

(Et mon diagnostic était juste : il était touché par Omicron, qui présente, souvent, les mêmes symptômes qu'un rhume.) 

Communication gouvernementale

Nous sommes-nous trompés ? se demandait France Culture. Avons-nous eu tort de dire que le vaccin était la panacée ? (Emission.)

Le discours le concernant a, effectivement, beaucoup changé. Les chiffres que l'on donnait jusque-là concernant son efficacité ne portent plus sur la contamination, mais sur les risques de développer une forme grave de la maladie. D'ailleurs, si j'ai bien compris, si tout le monde était vacciné on ne pourrait que réduire de moitié les hospitalisations. Et, tant que la planète ne sera pas entièrement vaccinée, pas d'espoir d'éviter les variants. (A croire que l'on aime tellement les antivax que l'on va jusqu'à les chercher à l'étranger ?) 

Bref, c'est le "geste barrière" qui sauve, et l'avoir fait oublier est très grave. 

Mais, le plus insupportable, c'est l'attitude du gouvernement. Il affirme tout et son contraire avec toujours la même superbe, et surtout en s'adressant à nous comme si nous étions des demeurés. 

(Je me demande, en écoutant les messages que diffuse la radio publique toutes les heures, depuis deux ans, s'il y a beaucoup d'exemples de telles pratiques dans le monde...)

(PS. Mercredi dernier j'entendais Boris Johnson dire que 90% des personnes qui étaient en soins intensifs n'avaient pas eu de troisième vaccination...)

samedi 1 janvier 2022

2022 : la démocratie ?

Quel est le rôle d'un gouvernement selon les Lumières ? Formuler la "volonté générale" et l'appliquer. Les travaux modernes sur le changement ne disent pas autre chose : le "leader" fait émerger ce que désire le groupe, et propose une façon de le réaliser, reposant sur la collaboration de chacun.

Le manifeste de M.Macron parle aussi de lumières. C'est lui qui nous les apporte. Il partage en cela une idée devenue dominante ces dernières décennies. Celle d'un "leader" bon pasteur qui conduit le troupeau bêlant. 

Cela explique peut-être pourquoi, systématiquement, l'électeur a cherché à imposer un contre-pouvoir au pasteur : pour qu'il soit obligé d'écouter le peuple. 

Les choses vont elles changer en 2022 ?

(Il y a bien une "volonté générale", en dépit du fait qu'un groupe peut contenir des millions d'individus : cela tient à ce que le groupe est une entité en tant que telle, dont l'intérêt est la condition nécessaire de l'intérêt particulier - la condition suffisante de cet intérêt particulier se nommant "justice".)

2022 : année du bourrin ?

1% des élèves actuels parviendraient à entrer parmi les 10 meilleurs % d'il y a 30 ans, disait ce blog. Notre modèle de société est-il en train de changer ? Jadis, quelques grands hommes qui faisaient évoluer les idées et la science. Aujourd'hui, le monde est dominé par des esprits frustes, le reste de la population étant à leurs ordres. Entre-t-on dans un nouveau type de progrès ? 

Ce que l'informatique appelle "l'agilité" nous montre peut-être la voie. L'agilité est l'art du bourrin. C'est le développement de logiciel par essais et erreurs, mais sévèrement encadré, de façon à ne pas trop laisser passer d'erreurs. Et lorsqu'elles parviennent à passer et qu'elles tuent, on fait un procès, on paie les parents des victimes, et on améliore les batteries de test. 

On pourrait donc imaginer un monde "à l'américaine", qui ne chercherait plus à comprendre, comme par le passé, mais dans lequel de gros machos sur le modèle de D.Trump pleins du sentiment de leur supériorité se jetteraient à l'assaut de l'avenir. Certains parviendraient à survivre. De temps à autres leur "science sans conscience" produirait des crises environnementales. D'autres monteraient alors aux créneaux pleins de nouvelles certitudes. 

Après tout, c'est peut être comme cela que la sélection naturelle et le virus procèdent. Ce qu'Hannah Arendt a appelé "l'animal laborans" serait-il l'avenir de l'Homo sapiens ?

Fin d'épidémie ?

Depuis qu'Omicron est apparu, on murmure que ce pourrait être le der des der. L'expérience sud africaine tendait à dire qu'il était très contagieux, que le vaccin pouvait peu contre lui, mais qu'il n'était pas très dangereux. Apparemment, ce comportement serait l'annonciateur d'une paix des braves. Il y a trois jours, je lisais que l'Italie prévoyait un confinement du même type que la grippe. Hier, l'Afrique du Sud annonçait que l'épidémie était en régression... Ce qui signifierait que cela pourrait aussi bientôt se calmer chez nous. 

Où l'on voit qu'il est bien difficile de gouverner. Car, à côté de ces informations, on entend aussi les autorités médicales parler de catastrophe, d'urgence quatrième dose, de système de santé qui s'effondre... 

2022 : à la recherche du système ?

On raconte l'histoire des aveugles et de l'éléphant : chaque aveugle, touchant l'éléphant, en tire la conclusion que c'est un arbre, une corde... 

Il se pourrait bien que nous soyons aveugles. Nous sommes confrontés à une quantité de problèmes. Le virus agit comme un révélateur. A chaque fois nous constatons qu'un principe auquel nous croyions inconsciemment est en train de changer en son opposé. Mais, nous n'avons pas encore trouvé l'éléphant. C'est à dire le "système" qui est en train de remplacer celui qui réglait nos mouvement depuis, peut-être, un demi siècle. 

Comment le trouver ? Comme les aveugles : en multipliant les expériences. Et, surtout, en favorisant le hasard. Car il nous sort des sentiers battus.