samedi 30 juin 2018

Génie spéculatif

Les Américains ont du génie. Ils inventent des termes qui font que, soudainement, partout dans le monde, ce à quoi s'applique le terme vaut brutalement beaucoup d'argent.

L'exemple type est "start up". Si vous parvenez à faire passer votre entreprise pour une start up, du jour au lendemain, vous pouvez lever des millions, voire des centaines de millions. Mieux : on vous encourage à ne pas être rentable ! Fini le travail ingrat, vous devenez un people, une star du show biz.

Il y a une rationalité cachée ici. C'est celle de la spéculation, que l'on retrouve dans toutes les escroqueries. Personne n'est dupe. Mais chacun sait qu'il y a là la possibilité de gagner beaucoup. Nous avons tous intérêt à croire les Américains.

Flagship

Flagship, bateau amiral. On appelle désormais comme cela certains bâtiments commerciaux.

C'est curieux de voir comment les mots se diffusent. L'idée à dû venir de quelque-part aux USA. Puis elle a été reprise en France, sans aucune adaptation, voire traduction. Comme si le cerveau de ceux qui nous dirigent était sous-traité ailleurs.

Je crois que cela rejoint ce que dit Marc Bloch de la noblesse. Elle était issue d'un mélange entre les Francs et l'élite dirigeante gallo-romaine. Les idées du haut sont renouvelées par celles de l'extérieur, alors que celles du bas ne changent pas ? Dans les deux cas, on ne pense pas ?

vendredi 29 juin 2018

Collaboration

J'entendais une archive de 44 parler de collaboration. Une stratégie commune était de jouer des deux camps. On collaborait d'un coté, on protégeait quelques résistants de l'autre.

Ce qu'il y a de curieux, c'est que l'on a oublié cette réalité. On continue à s'interroger sur les intentions de tel homme politique qui a joué double jeu, sans comprendre qu'il s'agissait simplement de cynisme. Le souvenir collectif est sélectif ?

(Source : La Fabrique de l'histoire, France Culture.)

Le juste

"Seul celui qui a beaucoup questionné peut comprendre beaucoup de choses. Et n'est juste que celui qui comprend beaucoup de choses." (Stefan Zweig, Le chandelier enterré.)

Il y a peut-être quelque-chose de juste là dedans ! Toute question a de multiples facettes. Si on n'en connaît pas au moins un grand nombre, on juge à vide. Mais pour les connaître, il faut s'extraire de ses certitudes. (Plus facile à dire qu'à faire.)

En tout cas, ce n'est pas une phrase dans l'ère du temps. A l'époque des "combats pour", nous sommes supposés savoir spontanément ce qui est bien ou mal. Temps de justice ou d'arbitraire ?

jeudi 28 juin 2018

Gueule de bois numérique ?

En essayant d'ouvrir un compte dans une banque, j'ai eu une illumination. Ma surprise face à sa désorganisation et son inefficacité s'expliquent simplement. Pour nous, aujourd'hui, une banque, c'est Goldman Sachs, c'est le Loup de Wall Street, c'est le diplômé de Harvard qui se roule par terre, en disant qu'il est le meilleur. Or, la banque, en France, n'a pas changé. Elle est demeurée l'administration qu'elle était il y a cinquante ans.

Je me demande s'il n'en est pas de même de la start up. Un dirigeant me disait qu'il ne comprenait pas pourquoi une entreprise américaine avait levé 40m$ pour une technologie qu'il possède depuis 10 ans, et pour laquelle ses clients ne paient presque rien. L'explication est que nous avons projeté le concept américain de start up sur une réalité qui n'a pas changé. Le dirigeant en question est un artisan, me disait, quelque-peu dépité, quelqu'un qui essaie de le conseiller. Alors que l'Américain cherche par tous les moyens à faire fortune, le Français fait un métier. Et il le fait comme il a envie de le faire. Pour le reste, il cherche à vivre. Et, pour cela, il a besoin d'un salaire. Il trouverait normal qu'il lui soit versé par l'Etat, un peu comme on parle de payer le paysan pour l'entretien de la nature. Mais, à défaut, il a trouvé une alternative : convaincre un investisseur qu'il est une start up...

mercredi 27 juin 2018

Placard et changement

Les phénomènes que provoquent le changement sont bizarres. La résistance au changement est trompeuse. Elle exprime un malaise. Mais la cause qu'on lui attribue est fausse. C'est le phénomène du bouc émissaire. En outre, les porteurs de changement croient que l'on résiste à leur changement. alors que ce qu'on leur fait payer, ce sont les changements passés. Le changement vide les placards de leurs squelettes.

Voix du peuple, voix de Dieu. On ne peut pas changer l'opinion générale par la raison. La seule façon de faire, c'est d'être droit dans ses bottes, et de réussir. L'opinion, alors, tire une conclusion juste de son observation.

Voilà ce que dit mon expérience.

(Une réflexion suscitée par les maux de l'Europe.)

mardi 26 juin 2018

Mystères de la grève

Tolèrerait-on une coupure d'électricité ou d'eau ? Si l'on accepte les grèves de la SNCF, c'est probablement qu'elle n'est pas essentielle. Ou seulement essentielle pour une piétaille qui n'a pas voix au chapitre.

Il en est de même du marché. On le laisse jouer partout où le chaos est acceptable. Mais, lorsqu'il s'agit de la guerre, ou même de la route, nous devenons communistes.

Internet = Empire de la manipulation des comportements ?

Jaron Lanier était un héros dans ma jeunesse. On parlait déjà d'Intelligence Artificielle. Et il était un chercheur en vue. Je suis tout surpris de le retrouver.

Sa thèse est qu'Internet qui devait l'avènement de la liberté est devenu un espace totalitaire. "L'empire de la manipulation des comportements". Raisonnement systémique :

Péché originel. Les créateurs d'Internet étaient des utopistes. Ils ont voulu la gratuité totale. Accès pour tous. Mais ils n'ont pas vu que ce projet était incompatible avec un autre culte : celui de l'entrepreneur. Car, dans un monde gratuit, ces gens ne pouvaient faire qu'une chose pour gagner beaucoup : nous manipuler. Comment supprimer le cercle vicieux ? En payant.

lundi 25 juin 2018

Inertie et changement

L'immigration fait peur. Et cette peur semble disloquer l'Europe. Maintenant l'Allemagne. Pourtant, la vague d'immigration est derrière nous. Il en est de même du phénomène Trump. J'en suis arrivé à penser que les USA réagissent avec trente ans de retard à la grande délocalisation.

On peut trouver une logique, inconsciente, au phénomène : c'est une révolte des perdants du changement. Le fait qu'elle ne se manifeste que maintenant s'explique : pour qu'un mouvement quelconque puisse exister, il lui faut des décennies pour se donner une ossature sociale. La résistance au changement présente un phénomène de retard dont parle souvent la systémique. Avalanche ? Au début, presque rien, et puis ça grossit de manière exponentielle ?

Qui peut arrêter une avalanche ? J'entendais une émission dire que la France s'était lassée de l'épuration, après guerre. Peut-être que la populace a une grandeur que n'a pas l'élite : elle est capable de pardonner ? Il faut croire au miracle ?

(Mais le dirigeant n'est pas totalement impuissant : prochain billet "placard et changement".)

Air France et la politique

Il y a quelques décennies Air France a été sauvée in extremis de la faillite. Son sauvetage a été la preuve que le changement était possible en France. Un changement radical, mais sans casse, c'était remarquable. Peut-être une leçon à donner au monde ?

Un membre de son équipe dirigeante de l'époque m'a donné une information que je n'avais pas. Lorsque M.Jospin est arrivé au pouvoir, il est entré en contact avec les syndicats d'Air France, sans se préoccuper de sa direction. Celle-ci a immédiatement démissionné.

Que serait-il arrivé si elle avait pu poursuivre son travail réformateur ? Et que le modèle de lutte des classes n'ait pas remplacé celui de la solidarité ?

(Michel Crozier a participé à la transformation d'Air France. Auparavant, il était intervenu, déjà, pour la SNCF. Après un début spectaculaire, l'action à laquelle il participe est arrêtée. Voici ce qu'il dit : "Profitant d’un accident, Mitterrand poussa le président Philippe Roussillon à la démission et le remplaça par un de ses féaux, Jacques Fournier. Dans un premier temps, je ne compris pas ce geste qui était le fait du prince. Il m’est ensuite apparu qu’il s’agissait en réalité de ramener la CGT au centre du dispositif parce que celle-ci avait perdu pied. C’était un moyen de faire revenir en force ce syndicat dans un de ses deux bastions fondamentaux.")

dimanche 24 juin 2018

Trump homme de marketing

M.Trump est-il incohérent ?

Il peut y avoir une cohérence dans l'incohérence. M.Trump cherche la faille. Il l'a peut-être trouvée chez les perdants du changement précédent : la globalisation. C'est pour cela qu'il exhume des problèmes que l'on croyait enterrés.

En fait, M.Trump peut être, tout simplement, un homme de marketing. En cela, il n'est pas différent de M.Macron. En analysant l'offre politique, il a trouvé qu'il manquait quelque-chose. Par ailleurs, le fait de vivre par la crise est peut-être sa façon d'étudier le marché.

(Curieusement, défendre les perdants est le positionnement de la gauche.)

La naissance d'Europe

Lorsque M.Macron a parlé d'Europe lors de son élection j'ai été surpris. Cet homme est un doux utopiste, ai-je pensé. Au mieux, j'y ai retrouvé une idée de ce blog : un nationalisme européen serait extraordinairement profitable pour ses pays membres.

Mais il avait raison. La scission du moment n'est pas gauche / droite mais pro ou anti Europe. Et elle touche tous les pays européens. Ce qui se joue n'est pas la dislocation de l'Europe, mais sa naissance. En effet, l'UE est un projet d'intellectuels éthérés, imposé dans l'indifférence générale. Si elle survit, elle aura été choisie.

Immigration

Débat. L'immigration est en baisse. Or, sa peur nourrit un ressentiment qui fait tomber un gouvernement après l'autre. Un des intervenants accusait les hommes politiques de jeter de l'huile sur le feu. Mais si l'on n'arrête pas de parler d'immigration, n'est-ce pas du fait de ceux qui défendent les immigrants ? D'ailleurs, les bateaux de migrants semblent se succéder aux informations. N'a-t-on pas l'impression que l'Europe est submergée ?

Il suffit de se promener pour voir que la France a changé. Il y a quelques mois j'ai croisé, en allant à un rendez-vous, une prière de rue. Dans la ville où j'ai passé mon enfance, les pharmaciennes sont voilées... Mais il a fallu que je déménage pour m'en rendre compte. Mao a mis ses intellectuels à la campagne. Et si l'on installait les nôtres en banlieue ?

samedi 23 juin 2018

Les blocages de l'IA

J'entends partout le même discours. L'Intelligence Artificielle fait des miracles, c'est évident. Mais il y a un blocage insurmontable. Car l'IA conduit à des changements que les gens refusent ; et les dirigeants sont fermés à l'innovation.

En résumé, il s'est installé dans les têtes : IA = échec par résistance au progrès

Ces problèmes ne sont pas neufs. Ils sont quotidiens. Les gens, à commencer par les ONG, qui veulent nous changer pullulent. Mais il n'y a pas de place dans notre vie pour eux. Pour qu'un changement réussisse, il faut qu'il s'inscrive dans nos préoccupations.

Préparons le changement !
Ce n'est pas insoluble. Comment procéder ? Préparation du changement.  Il faut parvenir à ce que le dirigeant vous fasse des confidences. Puis il faut l'aider à résoudre ses problèmes. Curieusement, souvent, il se trouve que votre changement est justement ce dont il avait besoin. Mais, s'il s'empare du changement, il va connaître une rechute. Il va comprendre que ses collaborateurs vont s'y opposer. C'est évident. Mais, si on lui demande quels sont les changements qui ont réussi, il peut comprendre qu'ils se ressemblent tous ! Toute entreprise a une culture du changement. Lorsque l'on a observé ses rites, le succès est assuré. Tant qu'on ne l'aura pas compris, l'IA ne sera qu'une mode de management après d'autres ?

Manu

Le président de la République aurait réprimandé vertement un adolescent qui l'aurait appelé "Manu". J'entendais la radio en débattre. Cela m'a rappelé une théorie de psychologie.

La psychologie observe que tout événement produit chez l'homme une interprétation, une "histoire". Malheureusement, cette histoire n'est pas toujours juste. D'où déconvenues. Ce qui est à l'origine de la dépression. Pour éviter ce biais, il faut chercher s'il n'y aurait pas d'autres possibilités que celles que nous envisageons. (Voir, par exemple, les travaux de Martin Seligman.) C'est comme cela que doit fonctionner la justice.

Curieusement, dans ce que j'ai entendu, l'hypothèse selon laquelle à quinze ans, on ne peut pas être autre chose qu'un pauvre être sans défense n'a pas été envisagée, pas plus que celle selon laquelle le Président puisse agir selon ses convictions.

(PS. M.Macron à l'âge de son interlocuteur aurait probablement tenu tête à un président de la République. En tout cas, ce n'est pas bien plus tard qu'il a tenu tête à sa famille en choisissant d'épouser un de ses professeurs.)

vendredi 22 juin 2018

Psychologie de l'escroquerie

L'escroc est honnête. Il croit à ce qu'il dit. Du moins, si l'on suit les observations des psychologues. Explication : on est plus convainquant quand on croit que lorsque l'on ne croit pas.

Plus paradoxal. Les victimes de l'escroc pensent très souvent, correctement, qu'elles participent à une escroquerie. Mais, elles n'ont pas saisi qui était escroqué.

Où s'arrête l'escroquerie ? La plupart du temps, elle ne promet pas le Pérou. Une personne de talent ne demande qu'à l'exercer. Pour cela, elle ne réclame qu'un modeste salaire. Mais elle est incapable de trouver un employeur. L'escroc va lui faire croire qu'il peut l'aider. Cet escroc, d'ailleurs, ne va peut-être pas lui soutirer de l'argent. Il peut le faire travailler pour rien. Sans aller très loin, on trouve facilement des exemples de ce comportement : c'est ainsi que procèdent beaucoup de "donneurs d'ordres".

Durkheim aurait-il appelé l'escroquerie "fait social" ?

Le chandelier enterré

Trois contes de Stéphane Zweig écrits dans l'immédiat avant guerre. Dans le premier on est aux derniers temps de Rome. C'est une réflexion, probablement, sur ce qu'est être juif. La communauté juive ne change pas. Elle est indifférente à l'histoire, et aux gloires du monde. Elle voudrait vivre tranquillement dans la pratique de ses rites, mais elle est sans cesse bousculée. Dès qu'elle croit pouvoir s'établir, c'est le drame. Comment interpréter cette suite de calamités ? Pourquoi Dieu semble-t-il injuste envers les justes ?...

Dans le second, les Juifs se sont laissés aller à vénérer d'autres dieux que le leur. Ce qui rend ce dernier fou furieux. Sa vengeance va être terrible. Mais Sarah sort d'entre les morts pour défendre ses enfants. Elle fait la leçon à Dieu. Et a le dernier mot. De la nature, très particulière, de la femme et du Dieu juifs ? Ou encore, rien ne peut arrêter la volonté du juste ? (Ce qui est, peut-être, aussi, la morale du premier conte.)

Finalement, un conte indien. Un homme, qui a tous les talents, ne veut faire aucun mal. Il finit par prendre le dernier des métiers de la société. (Faut-il y voir une morale ? Et si, à une autre place, il avait fait plus de bien que ceux qui l'occupaient ?)

jeudi 21 juin 2018

La misère des classes moyennes

La SNCF, c'est la galère. C'est le principal changement qui m'ait frappé en revenant en banlieue. La SNCF semble éternellement en grève. Même lorsqu'elle ne l'est pas officiellement, comme aujourd'hui, les suppressions de trains et les incidents ne cessent jamais.  C'est extraordinairement usant. Je suis bombardé d'alertes qui me disent qu'il y a des gens sur la voie, une panne de signalisation, des branches sur les fils électriques, un train bloqué en gare d'Asnières... Et, quand je suis dans le train, régulièrement, quelqu'un tire le signal d'alarme, histoire de s'amuser. Pour être sûr d'arriver à l'heure à ses rendez-vous, il faut partir avec une heure d'avance, ou plus. En fait, les trains fonctionnent à peu près aux heures de bureau. Du moins si cela ne vous gêne pas de voyager debout. Mais, lorsque vous n'êtes pas un salarié, les choses se compliquent. Par exemple, si vous rentrez un peu tard, vous risquez de devoir prendre le bus, pour causes de travaux sur les voies. Et ce qui aurait dû prendre un quart d'heure dure une heure. Une innovation bienvenue : l'application SNCF. Malheureusement, elle n'arrive pas toujours à se lancer sur mon téléphone, et elle se trompe parfois.

Le plus étrange dans cette affaire, c'est que, à la SNCF, le chaos est devenu la norme. On ne s'intéresse qu'au syndicaliste. L'usager ne compte pour rien. Il n'a pas le droit de vote. Ce n'est pas un homme.

J'ai pensé à la "misère des classes moyennes" de Bourdieu. Un temps, les gouvernements ont probablement voulu éloigner la menace communiste en facilitant l'accès du peuple à la propriété et aux études. Puis,  il n'y a plus eu de communisme. Et ce peuple, sa banlieue, ses nains de jardin, ses bagnoles et ses joies médiocres a fait horreur à nos élites ? Une classe de capitalistes, d'oppresseurs ?

Causes de la pauvreté française ?

Il y a quelque part une vidéo qui explique peut-être pourquoi les Français sont pauvres et les Allemands riches. C'est un jeu. On demande à deux groupes de managers d'une même société de faire une pyramide d'allumettes ou de morceaux de bois la plus haute possible en un temps donné. Un groupe est allemand, l'autre français. Les Français se mettent immédiatement à la tâche. Les Allemands discutent. La pyramide française monte, l'allemande ne démarre pas. Puis les Allemands trouvent une méthode de travail. Alors leur pyramide s'élève vite et bien. Entre-temps la pyramide française s'est effondrée. Les Français, ont-ils appris de l'accident ?, se remettent à travailler dans la fièvre. Finalement, la pyramide française n'est pas ridicule. Mais elle est plus petite que l'allemande.

Morale ? J'ai vu ce phénomène dans l'automobile. La pyramide, c'est la voiture. Une belle pyramide se vend cher. C'est la Mercedes. Une petite pyramide est bon marché, c'est une Peugeot. Seulement, il a fallu beaucoup plus d'énergie pour produire la petite que la grande. En conséquence, faute d'organisation, le Français travaille beaucoup plus, et surtout dans de bien plus mauvaises conditions, que l'Allemand, mais gagne significativement moins.

mercredi 20 juin 2018

Changer la France

Tocqueville a deux idées.
  1. La France devient démocratique. Il part aux USA pour comprendre ce que cela signifie. 
  2. Mais, il constate que la Révolution n'a pas changé la France. Elle a conservé la structure (centralisée et technocratique) de l'Etat royal, et a remplacé le noble par le bourgeois. 
(Entendu ainsi, il est possible que la Révolution ait marqué un changement dans la façon dont les sociétés se percevaient. Jusque-là chaque classe de la population se trouvait bien là où elle était ? La Révolution est déclenchée par une classe qui veut la place d'une autre ? Du coup, cela aurait créé notre façon actuelle de voir l'histoire. Là où il y avait une société en équilibre, nous percevons des exploiteurs et des exploités.)

Tocqueville explique peut-être nos dysfonctionnements congénitaux. Notre système éducatif prétend reconnaître les mérites, fixes, que nous possédons dès la naissance, et nous placer dans la société là où nous devons être. En théorie cela produit une société d'incompétents. En pratique, une telle société n'est pas viable. Chacun doit mettre du sien pour que l'édifice ne sombre pas. Mais c'est douloureux. En outre, nous avons toujours le regard braqué vers le passé. Notre âge d'or est celui de Louis XIV. Paradoxalement nous entretenons des châteaux que la noblesse aurait rasés si elle était restée aux affaires.

Et si l'on brûlait les châteaux ? Et si l'on en revenait au projet de Tocqueville ? A quoi ressemblerait une société réellement démocratique ? Peut-être pas aux USA, M. Tocqueville. Car les USA ont conservé les traits culturels présents en Angleterre depuis le Moyen-âge. C'est à dire une haute société de privilégiés, réellement démocratique, et une masse de prolétaires incultes. C'est Athènes. Plus à l'Europe du nord. Dans une telle société, aucun poste n'est glorieux, la notion d'inspecteur des finances est inconcevable. Quant à la formation des enfants, elle obéirait probablement aux principes du juste à temps. A quelques exceptions près, on spécialise l'individu le plus tard possible. On lui donne des connaissances générales, qui lui permettent de s'adapter rapidement aux besoins du moment. C'est, probablement, le principe de la flexisécurité danoise.

Crions vengeance

"La satisfaction qu'on tire de la vengeance ne dure qu'un moment : celle que nous donne la clémence est éternelle." (Henri IV de Shakespeare traduit par J.J. Auffret)

Exemple de phrase creuse qui donne à peu de frais, pour le pisseur de lignes et pour l'intellect assoupi, l'impression de sagesse.

La vengeance est un style littéraire majeur, en particulier chez Shakespeare. Faut-il le renier ? Ne dit-on pas, aussi, que "la vengeance est un plat qui se mange froid" ? Et la Bible ? Et votre vie ? Qu'est-ce qui vous a donné le plus de satisfaction : clémence ou vengeance ?

Et si tout était dans le discernement ? Dans le jugement ? Et pas dans des phrases à l'emporte-pièce ?

mardi 19 juin 2018

Le grand homme et l'aventurier

Apparemment Hegel distingue le grand homme de l'aventurier. Le grand homme est celui qui fait se réaliser le désir du peuple. L'aventurier va contre le peuple.

Ce qui a des implications curieuses. Napoléon, Hitler et Staline seraient des grands hommes. Et cela ne contredit pas Hegel : ils ont poussé à l'absurde les valeurs de leur peuple, ce qui a sorti l'humanité de sa torpeur et l'a forcée à réagir pour ne pas disparaître. En quelque-sorte, les valeurs du peuple des grands hommes ont laissé une trace par la réaction qu'elles ont produites.

Quant à l'aventurier, c'est, tout aussi curieusement, ce qu'une partie de la littérature du management anglo-saxonne appelle un "entrepreneur". C'est une personne qui veut asservir le peuple à ses idées. Pour cela, il joue sur ses forces et sur nos lâchetés. Ce qui semble ressortir à une autre théorie de Hegel : la dialectique du maître et de l'esclave (ou serviteur). Le courage ou l'inconscience permettent d'asservir l'autre. Mais l'homme asservi se transforme, et prend le dessus.

Y aurait-il là deux mécanismes qui permettent au monde de se transformer ?

L'intellectuel est-il un clown ?

"Le Marxisme montre au contraire que la prétendue ambiguïté de l'histoire traduit en réalité l'ambiguïté de la phénoménologie." (Jean-François Lyotard, La phénoménologie, Que sais-je ?)

Comment peut-on dire que le "Marxisme montre" ? Comment peut-on croire que le Marxisme, ou que toute théorie, soit la vérité ?

Pourtant, tous nos "intellectuels" en ont été convaincus. Etrangement, sans qu'aucune étude un rien scientifique n'ait été faite, plus aucun de ces mêmes intellectuels ne se réclame aujourd'hui du Marxisme. Le Marxisme a été une mode. Les intellectuels, supposés représenter la raison, obéissent à des modes. Pour autant, ils ne se remettent jamais en cause. Ils peuvent dire toutes les bêtises possibles, ils ne parleront jamais de leurs figures d'autorité qu'avec stupeur et tremblements.

Mais, au fond, quelle est l'importance des intellectuels ? Qui les écoute en dehors d'eux-mêmes ? Qui s'indigne de leur irrationalité, en dehors de moi ? Certes, ils ont parfois le pouvoir. Mais, lorsque les conséquences de leurs actes sont perçues comme nuisibles, la société les éjecte.

lundi 18 juin 2018

Changement italien

Comme M.Trump, le gouvernement italien peut être la meilleure et la pire des choses pour l'Europe.

Pire, car il peut saper les bases d'une Europe attaquée de toutes parts.

Meilleure parce qu'il la met en face de son hypocrisie. La crainte de l'immigration est le souci premier des Européens, disent les enquêtes. Les penseurs officiels affirment, quant à eux, qu'il faut aider l'immigrant. En pratique, personne ne veut l'accueillir. Les pays chez qui il échoue doivent se débrouiller seuls. Or, L'UE n'a-t-elle pas les moyens de traiter proprement la question ? D'abord en secourant ceux qui risquent leur vie. Puis en attaquant le problème à sa source : la guerre et la pauvreté ? Mais aussi parce que, pour contenir la menace de dislocation, il va falloir prouver l'intérêt de l'UE. En particulier, il faut montrer à l'Italie que ses intérêts sont européens. Cela a commencé, d'ailleurs. M.Draghi parle de ne plus acheter les dettes des Etats de la zone euro. Il va devenir difficile à l'Italie de faire des folies.

Daniel Cohn-Bendit

Daniel Cohn-Bendit parlait de football et d'immigration à France Culture. Quel homme sain et pragmatique. Le révolutionnaire de 68 est méconnaissable.

Faut-il lui reprocher ses changements ? N'est-ce pas ce qui arrive à bien des gens ? On est tout fou lorsque l'on a vingt ans, puis on murit. Et on peut lui reconnaître du talent. D'abord celui d'avoir été un meneur. Et ensuite, celui d'avoir su le rester. Et, finalement, d'avoir réussi sa vie.

Au fond, comme M.Trump, le révolté nous met en face de nos responsabilités. La société de 68, et d'après, a-t-elle été à la hauteur des siennes ?

Football

Je hais le sport. Depuis qu'il est business, ce n'est plus du sport. Pendant des années une de mes passions a été la course à pieds. Il m'a fallu longtemps pour comprendre qu'une course se gagne au bluff. Il faut accélérer au moment où on le peut le moins. Quand il reste encore beaucoup de kilomètres à parcourir. Et souvent plusieurs fois. Et, surtout, parvenir à trouver un moyen de survivre au dépassement de ses limites. C'est ainsi que j'ai découvert une capacité de récupération paradoxale.

Par empathie je vivais les courses que je voyais à la télé. Mais j'en étais resté à Mimoun. Comment s'identifier à un extraterrestre, drogué, milliardaire, au QI en jachère ? Il en est de même pour tous les sports.

Pourtant, lorsque je vois des gens que tout aurait prédisposé à se haïr causer football, je lui reconnais du mérite.

dimanche 17 juin 2018

Changement Trump

La langue est la meilleure et la pire des choses, disait Esope. Il pourrait en être de même de M.Trump.

M.Trump met le monde en face de ses responsabilités. Si l'on croit au libre échange, il faut s'en donner les moyens. Si l'Europe veut être Europe, elle doit être solidaire et défendre ses intérêts. Si le monde veut la paix, il ne peut y avoir de nouveau Münich. Et ainsi de suite.

Mais, pour que M.Trump soit un agent du changement efficace, il faut que la menace qu'il présente soit réelle...

Défi Trump

M.Trump lance une guerre commerciale tous azimuts. Mme Merkel risque de devoir chercher des acheteurs de Mercedes qui ne soient pas américains. Les Grecs et les Italiens ?

Pour qu'ils en aient les moyens, il faudrait peut-être qu'elle crée les conditions nécessaires à ce que les Allemands achètent ce qu'ils produisent...

(Si cela se fait, M.Trump aura réussi un changement que beaucoup d'économistes, italiens et grecs, appelaient de leurs voeux.)

Neuf mille

J'ai failli manquer l'événement. Neuf mille billets ont été publiés sur ce blog en dix ans.

Le temps passe curieusement. Comme beaucoup d'autres l'ont dit avant moi, j'ai l'impression que j'ai commencé hier. J'ai du mal à imaginer que j'ai pu un jour avoir dix ans de moins qu'aujourd'hui.

La pensée du moment concernant ce blog me vient de Hegel. J'ai entendu parler de Hegel et lu des commentaires de son oeuvre. Il en ressort que l'on ne sait pas trop ce qu'il voulait dire. On est même à peu près sûr que ceux qui en ont fait le commentaire le plus péremptoire y ont cherché une justification de leurs idées reçues. D'ailleurs "voulait" il vraiment dire quelque-chose ? Quel est, s'il y en a un, le lien entre l'oeuvre et l'homme ?

Je me demandais si ce blog ne représentait pas une sorte de marge de mes intérêts, mais que l'essentiel était ailleurs. Il est tellement évident que je ne le vois pas.

samedi 16 juin 2018

Crottes et judo

On apprend le judo à mauvais escient. On pense qu'il va nous permettre de nous défendre d'une quinzaine de malfrats, alors que le risque de se faire agresser est faible. On a bien plus de chances de se blesser en glissant sur une crotte de chien, ou dans sans baignoire. Or, le judo apprend à tomber. (Entendu dans une émission de France Culture.)

De l'irrationalité humaine. Et des effets parfois heureux de celle ci ?

Le ressort de la destinée

"C'est en chacun, dans son for intérieur, dans sa conscience et dans sa volonté que se trouve le ressort de la destinée." (Elysée Reclus.)

Voilà qui va à l'encontre de ce que nous disent les sciences modernes du comportement : les conditions dans lesquelles nous nous trouvons orientent nos décisions ; nous surestimons la force de notre volonté.

C'est peut-être vrai à court terme, mais pas forcément à long terme. Même si l'homme est massivement influencé par son éducation, et par son milieu, il y a, au fond de lui, quelque-chose qui l'amène à douter. Et de là, avec beaucoup de difficultés, et de douleurs, peut émerger, après des années, le changement.

C'est mon opinion du moment.

Vol de nuit

Pas d'unité de lieu, mais quasi unité de temps. Années 30. Pour concurrencer le train, on fait voler les avions postaux de nuit. Mais cela présente un grand danger. Car ces avions, et surtout leur équipement, sont primitifs (cela ne fait que vingt ans que Blériot a traversé la Manche !). Le livre raconte une nuit. Et un cyclone. Le voyage de trois avions. Et l'attente de celui qui est l'âme du réseau et du projet.

Ce genre de progrès matériel mérite-t-il de risquer des vies ? se demande le livre. C'est aussi l'histoire d'un entrepreneur. Il règle tout, il décide de tout, il est une justice qui ne pardonne pas. Il ne veut pas écouter son coeur. Va-t-il trop loin ? Et il y a, enfin, l'homme, le pilote, pris dans les éléments. Il doit entendre les signaux de la nature, et savoir renoncer et désobéir. Fable sur la raison ? L'homme, au sens premier du terme, est celui qui domine la raison, écoute son coeur, et la nature ?

Anti écolo

Depuis que j'ai un jardin, j'ai une nouvelle façon de voir l'écologie. En effet, les plantes ne semblent pas coopérer. Au contraire, sans art de la taille habile, et arrachage chirurgical, elles paraissent s'étouffer les unes les autres. A ce jeu, les mauvaises herbes gagnent.

Métaphore de la vie ? D'un côté, il y a la stratégie du virus et de la mauvaise herbe : attaquer. De l'autre, il y a la plante de décoration, et l'animal domestique, qui se sont alliés à l'homme. Il y a ceux qui constituent des sociétés complexes, et les êtres frustes qui les agressent ? Et c'est leur affrontement qui crée un "progrès" ?

vendredi 15 juin 2018

Le philosophe moraliste

Ce qu'écrit Schopenhauer des femmes est très mal, disait un philosophe.

Je me suis demandé s'il ne commettait pas une faute professionnelle. Il avait été invité pour parler en spécialiste de l'oeuvre de Schopenhauer. Ce qu'il pense de Schopenhauer et des femmes est de l'ordre de son opinion personnelle. Utiliser son prestige académique pour nous persuader de ses idées n'est-il pas de l'ordre de la manipulation ?

(Comme si être une vedette de la chanson autorisait, par exemple, à s'affirmer comme un arbitre de la vie politique.)

Négocier avec M.Trump

M.Trump aime la Corée du Nord, mais pas ses alliés traditionnels. Devraient-ils lui déclarer une guerre nucléaire pour le faire changer d'avis ?

Epreuve utile ? Et si l'Europe devait apprendre à être agressive ? Ce qui exigerait d'être unie.

jeudi 14 juin 2018

Coeur et jugement

Le prix Nobel comme les oscars récompensent le succès. Parfois, ils peuvent aussi être politiques. MM. Obama et Krugman ont reçu des Nobel anti Bush, les oscars sont anti Trump. Et la valeur de l'oeuvre ?

Ce qu'il y a d'étrange ici, c'est que l'on est à l'opposé de ce que Kant, et d'autres, ont estimé être l'essence du jugement. L'esthétique est là où s'exprime de la manière la plus pure notre capacité à juger. C'est une aspiration spontanée, partagée par tous. C'est au delà des concepts et codes culturels. Comme le dit Pascal : le coeur a des raisons que la raison de comprend pas. Eh bien, c'est le coeur qui est l'organe du jugement. Notre société : sans coeur et sans jugement ?

Gestion de projet en environnement hostile

Il y a quelques années, j'ai mené une mission concernant la gestion de projet. Pourquoi me revient-elle à l'esprit ? Parce que je crois qu'elle est d'actualité.

Comme souvent, la gestion de projet n'était pas le sujet de la mission. Voici donc, a posteriori, la question qu'il fallait traiter :

Il s'agissait d'une très grande multinationale, qui menait de très grands projets. Une toute petite partie de ceux-ci, quelques pour-cents, causaient des pertes considérables. Les causes en étaient ridicules. Promis, juré, cela ne se reproduirait plus. Et pourtant d'une année sur l'autre, le montant des dommages était quasiment constant et suffisant pour menacer la survie de l'entreprise. Le sujet était tellement grave que l'on n'avait pas le droit d'en parler.

La première question qui a été résolue, toujours a posteriori, a été : comment identifier les projets à risque ? La solution était simple : il fallait en mesurer la complexité. L'outil pour ce faire était lui-même complexe. Mais on le possédait, et c'est parce qu'il existait que j'ai eu cette idée. Mais on ne l'appliquait pas. Certainement à cause de ce qui suit :

La seconde question était : qu'est-ce qui fait qu'un projet complexe dérive ?
Là aussi, la solution existait. On trouvait des courbes budgétaires, prévu / réalisé. Initialement, le réalisé était au dessous du prévu, et même à zéro. En effet, les personnels nécessaires n'avaient pas été affectés au projet. On s'en réjouissait. Puis soudainement la courbe réalisé partait à la verticale. Car le jour où il fallait livrer le produit, celui-ci ne fonctionnait pas. Alors, fait remarquable, l'entreprise avait la capacité de mobiliser tout son personnel. Même ses dirigeants s'y mettaient. Et ne comptaient plus leurs heures. Que s'était-il passé ? Dans ce métier, la phase de conception de produit conduit à des modifications de spécifications incessantes. L'entreprise, n'ayant pas affecté le personnel capable de prendre en compte ces modifications, ne pouvait répondre au rythme du client. D'où une mise au point finale, en catastrophe.

A cela s'ajoutait un autre phénomène, nouveau celui-là. Ce type de projet est "systémique". Il fait intervenir un très grand nombre d'unités internes et de sous-traitants. Pour détecter à temps qu'un problème local peut avoir un impact global, il faut une vision d'ensemble. Celle-ci manquait depuis que l'entreprise s'était constituée par fusion. Auparavant, les unités qui voyaient poindre une difficulté en parlaient immédiatement. Le problème était réglé en groupe. Mais, depuis la fusion, chacun gardait ses soucis pour lui. Et la politique primait sur l'intérêt général.

Dernière question : que faire de ce qui précède ?
Il fallait identifier les projets complexes. Puis leur allouer le bon personnel au bon moment (ce qui était un problème politique). Enfin, mettre à leur tête un des grands patrons de l'entreprise. C'était lui qui reconstituait la dimension systémique du projet. Il voyait apparaître à temps les dysfonctionnements, et savait amener ses équipes à leur trouver des solutions, et vaincre les considérations politiques.

La morale de cette histoire est que l'on peut rendre efficace une entreprise dominée par l'intérêt individuel et les luttes politiques. Et que ce n'est ni coûteux, ni compliqué. Cependant, pour réussir, il faut avoir encore des personnels compétents, et de l'expérience. Et que tout cela ne se constitue qu'en culture collectiviste.

mercredi 13 juin 2018

Résistance au changement

Le jugement que l'on porte sur une question change en fonction de la façon dont on la présente.

Que faut-il faire pour parvenir au pouvoir ? Auriez-vous une chance de réussir ? D'ailleurs, cela vous semble-t-il digne de votre vie de s'engager sur ce chemin ? Si le candidat au pouvoir n'est pas un homme comme vous, à quoi peut-il ressembler ? Ses aspirations et le parcours qu'il doit suivre sont-ils compatibles avec compétence et souci de l'intérêt général ?...

Ainsi formulée la question du pouvoir, il est possible que l'on trouve quelque vertu à la résistance au changement.

Le programme du ministre de la transmission

Situation paradoxale. Nous mettons à la retraite les êtres humains les plus expérimentés, et ce pour des durées immenses. D’où déficit de notre système de retraite, prélèvements qui plombent les sociétés, et perte massive d’expérience. Comment inverser ce phénomène sans bouleversements ? Comment permettre aux retraités de participer à l’économie ? Bref, comment organiser la transmission de leur expérience ? J’ai demandé à Christian Kozar : 

Que feriez-vous si vous étiez nommé ministre de la transmission ? 

J’en serais très honoré, effectivement ce ministère manque cruellement. Dans notre société, jeunes et moins jeunes ont l’impression de tout savoir. D’ailleurs ne peut-on pas tout trouver avec Google ? Par conséquent, il n’est pas question de leur donner de conseils. Voici le principe de base. De plus, ils croient que lorsque l’on a plus de cinquante ans, on n’est plus dans le coup.

Faire boire un âne qui n’a pas soif ? 

Jamais d’attaque en direct. Il ne faut pas donner l’impression que l’on est un parent qui s’adresse à un enfant, ni l’inverse d’ailleurs. (Mes petits enfants m’appellent par mon prénom. Pas question de pépé, papy ou autre. Je suis comme eux, il n'y a pas celui qui sait.) Il faut comprendre ce dont a besoin celui que l’on veut aider. Il faut l’attaquer sur un créneau particulier, pas sur sa compétence générale. Inspirez-vous de The Americans, la série de Netflix. L’histoire d’agents du KGB infiltrés aux USA. Il faut entrer dans la tête des gens. Il faut trouver la faille, le besoin, le problème qu’ils ont. Mais, pas les faire chanter, ce n’est pas efficace. Ensuite, il faut un porte-parole, qui dise : « tu sais, je connais un gars qui pourrait t’aider ». Enfin, il faut aller vers lui en le considérant comme étant meilleur que soi.

Par exemple ? 

Quand vous rencontrez un jeune dirigeant de start up, vous lui dîtes : « bravo, vous révolutionnez votre métier. Je serais bien incapable de trouver les algorithmes comme vous. Bien sûr, il y a deux ou trois dangers qui vous guettent. Mais vous saurez facilement les surmonter ». Cela lui donnera envie de vous demander quels sont les deux ou trois dangers en question.

Et le ministère de la transmission que va-t-il faire ? 

Il faut constituer un vivier de compétences et d’expériences. On doit connaître les talents particuliers des membres du groupe en quelques exemples très concrets. Par exemple : a négocié avec la CGT, a réussi à imposer sa réforme sans prime ni grève… Ensuite, c’est au jeune de venir demander. « J’ai des problèmes sociaux, je ne sais pas comment faire avec la CGT, un gars m’a dit que vous saviez traiter la question. » Pour un jeune qui se lance, ça permet, sans s’abaisser, de trouver un conseil, une confiance, quelqu’un qui a du temps, et ça ne coûte pas la peau des fesses.

Conseil gratuit ?

Le conseil doit être payant, sinon il n’a pas de valeur.

mardi 12 juin 2018

Immigration

L'Italie ne veut pas accueillir un bateau de migrants. Personne ne la remplace. L'Italie a démontré qu'il était anormal, comme elle le dit, qu'elle soit la terre d'accueil des migrants : ceux qui lui donnent des leçons feraient la même chose à sa place.

Je disais que M.Trump était moins inconséquent qu'il n'y paraît. Mais, plus qu'un représentant du protectionnisme, comme je l'écrivais, c'est probablement un champion du nationalisme. Le nationalisme est le frère ennemi de la globalisation. En effet, l'un se justifie par rapport à l'autre. Alors qu'ils ne sont pas seuls. Tous deux sont des idéologies. Mais à côté de l'idéologie, il y a la réalité et l'action. Le monde s'invente à partir des faits, il ne se rêve pas.

Qu'est-ce que le péché ?

"Pour que le mot péché ait une signification utile, nous devons éviter la tentation de le trouver dans des trivialités qui préoccupent le super scrupuleux, ou dans les extrêmes de la psychopathologie, mais dans les habitudes qui, quelle que soit leur vertu apparente et mérite, nous laissent un peu nerveux ou mal à l'aise par rapport à nous-mêmes, parce que nous n'avons pas aimé comme nous aurions dû ou été honnêtes comme nous aurions pu l'être." Voilà ce que dit le révérend Stephen Cherry, doyen du King's College de Cambridge (CAM n°78).

S'il y a un mal, il est banal ? Il est dans de petites lâchetés quotidiennes ?

lundi 11 juin 2018

Le sens des mots

J'ai retenu une leçon du temps où je faisais des études de marché. Les mots n'ont aucun sens. Ou, plutôt, ils ont le sens, imprévisible, que leur donne la "foule".

Il n'y a probablement que certaines personnes qui croient que les dictionnaires définissent les mots. En réalité le sens du mot résulte d'une association. Et cette association dépend des circonstances. Par exemple, dans une étude, j'ai découvert que le mot "vendeur" était entendu comme "voleur".

Il y a aussi des sortes d'incompatibilité. Par exemple, un organisme financier voulait associer des assurances à ses prêts. Ce qui ne suscitait aucune intention d'achat, car le marché estimait incompatibles les mots "banque" et "assurance". En revanche, une fois que le produit a été baptisé "prêt coup dur", le marché a estimé que c'était ce qu'il lui fallait et que l'organisme financier avait la légitimité de proposer un tel prêt.

Un autre exemple : changement, le thème de ce blog. Je ne sais pas ce qui est entendu par "changement". Il semble que, pour beaucoup de gens, changement soit associé à "suicide" (cf. France Télécom). Mais il est aussi possible, au moins à une époque, que changement ait signifié, pour d'autres, "grand soir" : tout ce dont nous avons toujours rêvé va survenir. Le changement c'est maintenant.

Finalement, cela produit des dialogues de sourds. Par exemple lorsque le changement "grand soir" rencontre le changement "suicide".

(Pour moi, changement n'est pas un résultat, mais un phénomène physique, qui se décrit, afin de trouver les moyens d'en faire ce qui nous est favorable.)

Causes de Trump

The Economist disait que le sort de noirs aux USA est pire que jamais. La cause n'en est plus la main visible de la société, mais celle, invisible, du marché. C'est étrange, après 8 ans de gouvernement démocrate, et alors que le pays a connu une des périodes de croissance les plus longues de son histoire. (Et que l'on s'attend à une crise d'un instant à l'autre.)

Ne devrait on pas s'interroger sur le rôle de la gauche dans les grandes calamités ? On nous parle d'Hitler et des autres, mais n'aurait-on pas pu les éviter ? Si Mme Clinton n'avait pas insulté ses électeurs et avait cherché à comprendre leurs problèmes, n'aurait-elle pas été élue ?...

La gauche, parti d'intellectuels, confond la parole et l'action ?

dimanche 10 juin 2018

Globalisation et protectionnisme

M.Trump n'est pas un clown, disait un de mes précédents billets. Il représente un des principaux courants de pensée historiques. C'est l'anti globalisation, qui est associée aux très anciennes thèses dites "protectionnistes".

Richesse et compétences des nations
Son idée est que les nations acquièrent des savoir-faire, tels que la fabrication textile, la construction d'avions, la conception de produits de luxe, grâce à un travail de la société long et complexe. Cela exige un investissement colossal. Ces savoir-faire sont quasiment impossibles à acquérir par d'autres. Comme le démontre la France, on ne crée pas des "champions nationaux" en un claquement de doigts. En nourrissant l'innovation, ces savoir-faire font la richesse d'une nation. Une simple observation peut convaincre de la force de ce point de vue : des continents entiers sont incapables de créer de nouvelles industries, en dépit de siècles d'efforts et parfois en ayant profité de mannes financières gigantesques (Arabie Saoudite, et, périodiquement, Amérique du sud), ils demeurent des fournisseurs de matière première.

L'innovation est un cercle vertueux. Car c'est aussi l'innovation qui fait que le pays demeure compétitif dans un de ses métiers culturels. Si l'industrie textile a disparu de France, ce n'est pas de la faute de salaires élevés, mais, plus probablement, du fait de l'incompétence des gestionnaires de ces filières, incapables de faire leur métier d'innovateur intelligent. La destruction créatrice de l'innovation ne remplace pas de vieux métiers, elle les rajeunit.

Le protectionnisme n'est pas une autarcie. Ses théoriciens expliquent que la création d'un nouveau savoir-faire est un exercice difficile. Comme une plante naissante, il faut le protéger du vent, de la concurrence. Mais, une fois que le savoir-faire est solide, il n'y a plus besoin de protection. On peut alors échanger les biens produits sans précaution. Et c'est dans l'intérêt de l'humanité.

Détail intéressant : l'innovation est une question de "cluster". On parle de "copétition". L'innovation est favorisée par la proximité d'entreprises qui sont stimulées les unes par les autres. Elles sont concurrentes tout en s'imitant. La globalisation est l'antithèse de ce creuset créatif.

Les principes de la globalisation
La globalisation des dernières décennies, avec sa fameuse "supply chain", a conduit à transférer ces savoir-faire dans les pays dits à "bas coûts". Les pays d'origine ont perdu, peut-être définitivement, leurs compétences. Car ces compétences sont faites d'un écosystème difficilement concevable de petites entreprises complémentaires, et très fragiles.

La globalisation a pu avoir des motivations peu durables. En exploitant les différences de salaires entre nations, il était possible de gagner beaucoup, sans effort, sans innovation. Mais elle repose peut-être aussi sur des idées respectables. Lorsque la France et l'Angleterre (de Mme Thatcher) ont laissé sombrer des secteurs qu'ils jugeaient sans avenir, ils pensaient que l'argent qui les irriguait irait ailleurs, où il serait mieux employé. Il est possible que les chantres de la globalisation aient pensé de même. En poussant les vieilles industries à l'Est, cela ferait de la place aux industries de demain. L'expérience a échoué.

Dialectique du protectionnisme et de la globalisation
Il y a quelque-chose de mystérieux dans le capitalisme, c'est que certaines nations parviennent à créer des industries, et d'autres pas. Peut-être est-ce une question culturelle. Peut-être aussi que le temps de la création est passé. Pour autant, pouvons-nous laisser crever ceux qui ne parviennent pas à acquérir de compétences créatrices ?

La France et l'Allemagne produisent toutes les deux des voitures, sans que l'industrie de l'une ait tué celle de l'autre. Cela vient de ce que les savoir-faire sont différents et qu'ils correspondent à des besoins différents. Il pourrait en être de même pour le monde. Sans perdre nos compétences, nous pouvons les installer ailleurs. Avec un peu de chance, la culture locale en fera quelque-chose que nous ne savions pas faire. Et tout le monde y gagnera.

Trump, le démolisseur ?

"Alors que Donald Trump utilisait sa boule de démolition politique contre le consensus sur le commerce, le climat et l'Iran..." écrivait Politico.

Le chaos est-il le projet de Donald Trump ? Boris Johnson ne vient-ils pas de dire que l'Angleterre aurait besoin d'un Donald Trump pour combattre l'ennemi européen ?... Je lisais aussi que jamais la Chine n'a été aussi favorable aux affaires de la famille Trump...

On a oublié un peu rapidement à quel point il est facile d'attiser le feu de la discorde. Ne serait-ce que parce que tout le monde a quelque chose à se reprocher, et qu'il cache. Il préfère un grand malheur collectif à une petite honte personnelle.

samedi 9 juin 2018

Dostoïevski

Je me renseigne sur Dostoïevski. Il y en aurait deux :
  • L'un est ivre d'absolu. Il aime le Tsar. Il est religieux. C'est un conservateur. Il semble être à l'origine d'une idée à laquelle ont cru les Russes du 19ème siècle : "Ses dernières années restent marquées par des discours enflammés sur l'âme et le peuple russes ainsi que sur la supériorité du « génie russe » sur les autres nations. Il attribue un rôle messianique au peuple russe, seul peuple capable de comprendre tous les autres et d'avoir ses spécificités nationales. Selon lui, le peuple russe a pour mission d'apporter le bonheur à l'humanité." (wikipedia)
  • L'autre est celui des romans, où des personnages s'affrontent, chacun porte-parole d'opinions marquant la société de l'époque, sans que l'on ne sache à qui l'auteur accorde ses faveurs. 

Souvenirs de la maison des morts

Dostoïevski est condamné au bagne, en Sibérie. Il en rapporte une étude anthropologique.

Le bagne ressemble au service militaire : toutes les classes de la population s'y côtoient. Ce qui permet à l'intellectuel de confronter ses théories sur le bien des peuples, pour lesquelles il est enfermé, à la réalité. Et de constater que le peuple n'en a rien à faire, et le méprise parce que, privé de ses privilèges, il est un faible. Il découvre aussi que l'homme s'habitue à tout. Quant aux vertus de l'enfermement, on peut en douter. Elles semblent au contraire tremper les caractères et les renforcer dans la certitude d'être des justes. D'ailleurs enferme-t-on réellement des criminels ? Les détenus semblent des gens hors du commun. S'ils ont tué, c'est la plupart du temps sur un coup de sang, ou par sens de l'honneur.

Dostoïevski est revenu du bagne convaincu de la grandeur de la Russie et de ses valeurs éternelles. Comme le service militaire, le bagne aurait-il quelque-chose de culturel ? Les voies de Staline ou du Tsar sont impénétrables. Le Goulag est un accident de la vie russe, normal, voire utile ?

vendredi 8 juin 2018

Socrate

Un de mes clients m'a comparé à Socrate. Grâce à mes questions, il a vu la situation de son entreprise, qu'il connaît pourtant depuis trente ans, d'une façon totalement neuve.

Socrate n'avait pas de disciples. Son objet, selon moi, était d'amener les gens à penser par eux-mêmes. On ne pense pas plus aujourd'hui qu'en son temps. On appelle "penser" se ramener, mécaniquement, à des règles prédéfinies. Or, penser, c'est partir de zéro et cheminer vers une destination inconnue. C'est peut-être, surtout, se demander qui on est, ce qui compte pour soi. Socrate est parfois présenté comme le premier existentialiste. Il était un révélateur. Il mettait les gens qui le côtoyaient dans des conditions qui faisaient émerger leur nature. Voilà pourquoi ceux qui l'ont connu sont si différents les uns des autres. Qui n'aimerait pas être comparé à Socrate ?

Le changement, un miracle qui se construit ?

Il y a quelque-chose de bizarre avec le changement : ont est embarrassé lorsque l'on nous demande de définir de quoi il s'agit. C'est évident, non ?

Le changement est un processus
Voilà comment j'en suis venu à voir la question :
  • Premier point. Il est pertinent de parler d'identité. L'homme est façonné par le hasard, son milieu et son histoire. Et cela donne "quelque-chose" de relativement stable, et d'unique, qui ne peut (quasiment) pas changer. En particulier, cela a un sens de dire que nous sommes "français" (ou "américains"...) Ce point est important, parce que c'est justement sur ce noyau dur que portent actuellement les tentatives de changement. 
  • Notre environnement, la société en particulier, change du fait du hasard et de diverses forces, et notamment de nos impulsions, qui sont très souvent contradictoires. Second point important. Car nous ne comprenons pas que c'est la plupart du temps nous-mêmes qui attaquons notre "noyau dur". Nous avons des désirs contradictoires. Par exemple, nous pouvons haïr "le capitalisme", tout en en étant, dans les faits, le bras armé.
  • Ce qui précède est la partie inconsciente du changement. Une transformation se fait, que nous ne percevons pas. Le véritable changement, au sens ou je l'entends, est le passage du conscient à l'inconscient. C'est alors que l'on réalise qu'il faut faire avec ce que l'on a. La sécurité de l'emploi, c'est fini, par exemple. Ou, l'école ne sera plus jamais celle qu'a voulu la troisième république. La question qui se pose alors est : compte-tenu de ce qui est important pour moi (point 1), et du nouveau contexte, quels sont les choix qui me sont offerts ? Qu'est-ce qui m'enthousiasme ? Quels sont les moyens dont j'ai besoin pour réaliser, agréablement, le projet que j'ai choisi ? C'est le processus que Kurt Lewin appelle, à l'échelle de la société, "changement planifié". 
  • Le changement ne survient que par miracle. A un moment on aboutit à un dilemme. De lui peut émerger une solution inconcevable jusque-là. Par exemple, pour la France en 45 : entre détruire l'Allemagne et la laisser reconstruire sa puissance, il y a une troisième solution : s'allier à elle. 
Le changement est un miracle, qui se prépare avec soin
A cela, il faut apporter deux précisions :
  • Cette démarche correspond à la dialectique de Hegel : en soi (je suis), pour soi (je réalise que je suis), en soi et pour soi (j'agis en fonction de ce que je suis). Comment passe-t-on d'une étape à l'autre ? La raison n'y est pour rien. C'est un miracle. C'est là qu'est tout le problème du changement. Cela devrait nous rendre humble...
  • Dans toutes les pensées, et dans toutes les cultures, on estime qu'il existe des gens qui sentent le mouvement de l'univers. D'ailleurs, il nous arrive à tous des moments de grâce, lors desquels nous avons le sentiment que tout est évident. Il semble donc que cette démarche puisse être rendue plus fluide et heureuse qu'elle ne paraît dans mon exposé. Pour cela, la culture américaine a inventé "l'optimisme". Ce mot a un sens très précis. Etre optimiste, c'est être stimulé par l'adversité. C'est y voir un moyen de faire avancer sa barque. Si l'on ne l'est pas naturellement, c'est sans doute par là que doit commencer le changement... (On y parvient, probablement, en apprenant le changement, par de l'expérimentation à petite échelle.) 

jeudi 7 juin 2018

Prométhée

Les mythes sont des révélateurs. On les interprète à la lumière de nos préjugés. Voilà ce que j'ai pensé en écoutant une émission de France Culture sur le mythe de Prométhée.

Déjà, il n'y a pas une histoire de Prométhée, mais plusieurs. Par exemple Prométhée aurait donné le feu aux hommes ou il le leur aurait rendu. Les hommes pourraient ne rien avoir demandé. Il semble aussi que, généralement, l'histoire se termine bien : le supplice de Prométhée n'est pas éternel...

Prométhée est revenu à la mode au 18ème siècle. Il a été récupéré par Goethe, qui en fait une sorte de premier "self made man". Puis l'Allemagne, qui se construit alors en imitation / rejet de la France, voit en lui un créateur de nation. Ensuite, l'ingénieur devient un nouveau Prométhée. Il apporte le progrès à l'homme, en particulier la maîtrise du feu. Tout le projet du socialisme serait prométhéen : ce serait une adhésion enthousiaste au progrès, mais en cherchant à ce que tout le monde en profite. Le nazisme est aussi prométhéen. Il se veut la seule conclusion logique de la science. La lumière, c'est la science, et la science (Darwin) dit que la meilleure espèce gagne. L'homme doit être cette espèce. Et le Germain entraîne l'humanité dans un combat pour la domination de la nature. Pour cela, il doit se débarrasser des lois sociales fausses, et revenir 1500 ans en arrière, à l'époque où les Germains originels vivaient selon les lois de la nature.

L'émission ne parlait pas d'aujourd'hui. Peut-être retiendra-t-on du mythe que l'homme pourrait n'avoir rien demandé à Prométhée. Prométhée peut alors devenir la figure de l'utopiste totalitaire qui fait le mal en voulant faire le bien. Il peut aussi être un certain type d'entrepreneur, dont parle la littérature anglo-saxonne depuis la Révolution Industrielle. Son mobile n'est pas l'enrichissement. Il est engagé dans une lutte contre l'obscurantisme. Il est convaincu que ceux qui ne comprennent pas l'intérêt de ses innovations sont condamnés par Darwin. C'est probablement une idée répandue dans la Silicon Valley actuelle. Plus étrangement, c'est aussi devenu une idée de gauche. (Les "deplorables" de Mme Clinton.) Une partie de la société serait fermée au progrès (qui devient plus social que technique). On ne pourrait rien faire pour elle.

Guide du changement

Je suis unique m'a dit un étudiant qui faisait une étude sur le conseil en changement. En effet, je travaille en amont du changement, avec les dirigeants, alors que la profession s'intéresse à l'accompagnement du changement, c'est-à-dire à le faciliter une fois qu'il est lancé. (Autrement dit, j'occupe une niche qui n'a aucune valeur !)

Contrairement à ce que l'on pense, la partie compliquée du changement ne prend pas beaucoup de temps. C'est l'exécution du changement, surtout lorsqu'elle part mal, qui est longue. De ce fait, je vois beaucoup de changements chaque année. Ce que j'apporte au dirigeant c'est cette expérience d'un terrain inconnu. Mais ce n'est pas l'Amazonie. C'est plutôt la tempête en pleine mer, pour un navigateur côtier. Je ne suis pas un guide pour explorateur, mais plutôt quelqu'un qui aide à devenir explorateur. Ce n'est pas une question de programme à suivre, mais de comportement à adopter. Et ce comportement ne peut pas être dicté, il doit être trouvé en soi. Le dirigeant doit dire : ça y est, j'ai compris, je traverse l'Atlantique. En solitaire.

mercredi 6 juin 2018

M.Trump, esprit dérangé ?

M.Trump est-il un esprit dérangé  ?

Depuis des années des gens influents, et respectés, comme Eamonn Fingleton attaquent globalisation et délocalisations. Leurs arguments : elles font perdre leurs compétences aux USA et appauvrissent les travailleurs américains. (Voir : Unsustainable.) Le raisonnement ne tient pas que pour les USA. (Les idées d'Eamonn Fingeton en 2008 : on dirait le programme de M.Trump.) Il faut reconstituer les savoir-faire de la nation en la protégeant, disent-ils. C'est eux qui permettent de créer sa richesse. Ce qui est une opinion que défendent depuis des décennies, voire des siècles, de manière fort argumentée, des savants importants. Eh bien, M.Trump semble faire exactement ce que prescrivent ces gens.

Quant aux déséquilibres de la balance des échanges de la Chine et de l'Allemagne, ils ont été dénoncés  par des économistes, qui n'ont rien de fantaisiste, en 2008, comme la cause de la crise...

M.Trump semble donc inscrire ses décisions dans un des grands courants de pensée mondiaux. La surprise, le danger ?, vient de sa façon de les mettre en oeuvre. Et peut-être aussi de la façon dont la presse le traite : comme un clown.

(Sa politique iranienne ne semble pas ressortir au même mode de raisonnement, par ailleurs.)

Lyautey

Lyautey par sa correspondance. On ne saurait pas qui c'est, on le croirait champion des "idées socialement avancées" de notre temps. C'était un homosexuel. Il voulait apporter le progrès aux pays sous-développés. Il était infatigable. C'était un organisateur, un bâtisseur, une ONG à lui seul. Et, en outre, il avait un talent littéraire étonnant. En quelques mots, la vie surgit de ses lettres.

Méfions nous des apparences ?

mardi 5 juin 2018

Science du comportement

"Fumer, trop manger, trop boire, pas assez d'exercice, ces quatre comportements causent la majorité des morts prématurées dans le monde." (40% des cancers et 75% des diabètes.) La science du "changement comportemental" ("Behavioural change" ou "Behavioral change" en anglais) vise à modifier le comportement d'un groupe humain.

Qu'a découvert cette science ? "En résumé, nous surestimons le contrôle que nous avons sur notre comportement, et sous-estimons à quel point il est induit par notre environnement", dit le Professeur Theresa Marteau, directrice du l'unité de recherche sur le comportement et la santé de l'Université de Cambridge. Ce qui a une première conséquence : nous dire que fumer est dangereux ne marche pas. Mais augmenter le prix du tabac réduit sa consommation. (Ce que l'on vient de constater.)

Mais cela ne s'arrête pas là. Car, comment faire que nos gouvernants soient eux-mêmes dans des conditions qui les amènent à créer des conditions qui fassent que la société vive sainement ? La pression sur lui de l'intérêt public doit être au moins celle des intérêts particuliers...

(Mes citations viennent de CAM, numéro 77.)

De l'art de la gestion de projet : François Hauser

Avant de se consacrer à l’investissement, François Hauser est passé de la marine au BTP puis aux technologies de l’information. Chemin faisant, il a monté et revendu plusieurs sociétés. Une des constantes de sa vie a été la gestion de projet. Un sujet qu’il a longtemps enseigné. Le mode projet jouant un rôle important dans le fonctionnement des entreprises, je lui ai demandé quelles étaient les recettes du succès. 

Je suis chef de projet, à quoi dois-je faire attention ? 
A 3 choses : il faut un mandat, une charte et le « trièdre » DSPQ…

Un mandat ? 
Il faut une déclaration d’objectifs. Le chef de projet doit se mettre d’accord sur son contrat avec son donneur d’ordre. Beaucoup de projets n’arrivent pas au bout, parce que le « point d’arrivée » n’est ni défini, ni convenu clairement ; il n’y a pas d’objectif. Le projet coûte une fortune, le management perd patience et le chef de projet est remplacé ou le projet arrêté.

Une charte ? 
Une fois l’objectif défini, il faut rencontrer les contributeurs au projet, et comprendre comment travailler ensemble. Ces contributeurs ne se limitent pas à l’équipe projet. Ils peuvent inclure le patron de l’entreprise, ou le donneur d’ordre du projet. Ils peuvent comprendre des dirigeants d’unité. Ce sont des personnes qui ont souvent des grades plus élevés que celui du chef de projet. Cela pose plusieurs difficultés. Beaucoup de chefs de projet disent, « je décide tout seul », « je suis le chef, je donne des ordres ». Cela conduit à l’échec. De même, lorsqu’un patron est contributeur, il n’est pas question qu’il dirige une réunion du projet. C’est au chef de projet de le faire. Ce sont ces questions qui doivent être réglées en amont du projet. Les solutions trouvées doivent déboucher sur une charte.

Et DSPQ ? 
DSPQ, c’est Délai (planning), Service, Prix et Qualité.
  1. Le planning, c’est ce qui permet de contrôler l’avancement du projet. Le chef de projet doit repérer les dérapages, en comparant prévu et réalisé. Il doit rechercher leur cause origine. Dès lors, soit on peut résoudre le problème, soit il faut se résoudre et faire accepter une adaptation du plan projet lui-même minorant les impacts du « trièdre ». Il est très fréquent de devoir recaler le plan projet, parce qu’on n’a pas vu une contrainte. Les réunions de suivi d’un projet ne se font pas un rythme constant. Au début, les points sont fréquents. Les gens ne sont pas habitués à travailler ensemble. Ce n’est pas évident. Il faut qu’ils acquièrent les bons réflexes. Ils doivent apprendre à s’entraider. Ensuite, ça roule. Cela se sent quand un projet tourne bien. Lorsque l’on approche de la livraison, il faut à nouveau rapprocher les points. Il y a beaucoup de détails à surveiller. Attention à bien marquer les étapes, à les fêter, avec l’équipe élargie. Soyez positif et reconnaissant. 
  2. Le service, c’est ce que doit apporter le projet 
  3. La qualité est un point généralement mal traité. Trouver le bon niveau de qualité, éviter la surqualité ou la sous-qualité, est une question rarement envisagée, mais qui conditionne à la fois le succès du service produit, et la faisabilité du projet. Attention à ne pas faire des économies de bouts de chandelle. Les problèmes que j’ai rencontrés avec ma dernière voiture m’ont amené à changer de marque. 
  4. Finalement, le prix, c’est le coût… mais vécu positivement. Il est un outil de pilotage du même type que le budget. 
Quel est le profil du bon directeur de projet ? 
C’est plus un entrepreneur qu’un gestionnaire au sens comptable du terme.
Quelles ont été les évolutions qui ont marqué la gestion de projet ces dernières années ? 
Elles sont peu d’ordre méthodologique. Le mode agile par exemple est une reprise d’un mode de management dit « porteur de sens ». En revanche ce qui a changé, c’est l’individualisme. Les gens sont devenus plus consuméristes. Leurs collègues ne comptent pas vraiment pour eux. Contrairement à ce qui se passait avant, il est plus difficile de créer un esprit d’équipe et de le maintenir tout au long du projet. En outre les gens travaillent de plus en plus par Internet. Quand ils ne sont pas contents, ils s’envoient des mails. Il n’y a plus d’équipe, mais une collection d’individus. On ne peut pas réussir un projet dans ces conditions. La phase de préparation est bien plus importante et compliquée qu’il y a vingt ans. Il faut créer une équipe. Mais il faut aussi lui apprendre à communiquer, il faut apprendre la confrontation positive, la communication non violente…

En conclusion, qu’est-ce qui fait le succès d’un projet ? 
La préparation.

lundi 4 juin 2018

Henry de Monfreid

Henry de Monfreid, c'est le souvenir d'un feuilleton en noir et blanc à la télévision. Mais aussi d'un vieux monsieur, qui semblait, à plus de quatre-vingt dix ans, indestructible.

En fait, sa vie n'est pas celle que je croyais. Il est arrivé tardivement en mer rouge. Avant, des frasques amoureuses l'avaient peut-être empêché d'être centralien. Or, à l'époque, c'était polytechnique ou centrale, ou rien. Quant on échouait, c'était la misère. Il fait donc des petits boulots, jusqu'à ce qu'il débarque aux colonies, en désespoir de cause, pour y être petit fonctionnaire, mal payé. C'est là qu'il a l'idée de se lancer à l'aventure, à trente-deux ans. Et il commence à écrire les dites aventures vingt-ans plus tard. Ce sont Les secrets de la mer rouge.

C'est curieux comme le regard de la société change. En effet, il a trafiqué tout ce qui nous horrifie aujourd'hui : des armes, de la drogue, et peut-être des esclaves. Or, on l'admire. Il avait du courage, du talent, c'était un aventurier.


Les secrets de la mer rouge

Aujourd'hui Monfreid serait fiché au grand banditisme et, de surcroît "S". Il était musulman et livrait des armes à qui voulait en acheter.

On est juste avant la guerre de 14. Monfreid a un petit boulot à Djibouti. Il achète un boutre, un petit voilier local, et se met à faire un trafic, semi illégal. Ce qui pousse Monfreid, ce n'est probablement pas le goût du lucre, mais celui de la liberté. Et peut être aussi celui du jeu : du gendarme et du voleur. Car il y a beaucoup de gendarmes, en mer rouge : Français, Turcs, Allemands qui se cachent chez les Turcs, Anglais, Italiens. Monfreid est un excellent navigateur. Avant d'arriver en mer rouge, il avait navigué sur le voilier familial. C'est un excellent observateur. Il se fond dans les cultures locales. Et c'est peut-être surtout un psychologue. Car dans ce monde, il faut se méfier de tout le monde, chacun essaie de profiter de l'autre, de le tromper, mais, en conséquence, pour réussir, il faut établir des réseaux de loyauté. Dans cette affaire, le plus perfide, le moins fiable, est probablement l'administrateur colonial.

Monfreid est aussi un esprit scientifique. Il observe, il explique, il admire. On assiste ainsi à des opérations chirurgicales d'une sophistication à laquelle les nôtres n'ont rien à envier. Notre progrès est tout relatif ! Surtout, on y voit une société coloniale qui n'est pas celle que l'on nous décrit. Le colon n'est pas supérieur à la communauté locale. Il en fait partie. La vie est une lutte où, en apparence seulement, tous les coups sont permis. C'est son habileté à la livrer qui vaut à un individu le respect des autres.

dimanche 3 juin 2018

Bravo l'artiste

Pourquoi MM.Giscard d'Estaing, Sarkozy et Hollande ont suscité une haine destructrice, chez leurs anciens supporters, mais pas MM.Mitterrand et Chirac ? Pourtant, il y avait de quoi reprocher à ces deux derniers. Idem pour Mme Clinton, d'un côté, et MM.Clinton et Obama de l'autre ? On pense aussi à Jack Lang, au ministère de la culture, et à DSK, à celui des finances.

Je me demande si cela ne vient pas de ce que nous reconnaissons à certains un talent exceptionnel. Même si ce talent a quelque chose de sulfureux. Je me demande si même leurs pires ennemis ne disent pas "chapeau l'artiste". Je me demande aussi si ce talent ne va pas au delà de l'exercice brillant d'équilibrisme. Car ces gens savent créer des périodes de prospérité. (Quitte, peut-être, à ce que les générations futures en paient le prix.)

Ces gens nous donnent une leçon de vie et d'optimisme, et c'est tout ce que nous demandons à un président ?

CAM

CAM est le journal de l'Université de Cambridge. Il est élégant. Non seulement par sa présentation, mais surtout par son ton. Il a une façon d'aborder son sujet qui est un exemple de ce que la civilisation britannique a produit de mieux.

Il est très bien écrit, d'abord. Avec ce style inimitable qu'utilise l'intelligentsia anglaise. Car, en Angleterre, les esprits les plus brillants deviennent journalistes. Ensuite, on y parle des élèves et des chercheurs. Mais pas en ventant leurs mérites, grossièrement. Mais, de manière indirecte. En faisant découvrir leurs passions. Cela révèle des êtres humains modestes et subtils. L'humilité de l'homme intelligent face aux complexités du monde ?

(Quelle différence avec les publications des grandes écoles françaises !)

Qui croire ?

L'affaire Arkadi Babtchenko (billet précédent) me rappelle un souvenir personnel. Il y a une bonne décennie, un grand patron à la retraite, fort polytechnicien, austère et respectable par ailleurs, avait envoyé à ses connaissances (dont moi) un mail nous informant d'une attaque de virus. Il fallait aller chercher un fichier, dans son ordinateur, qui avait pour icône un ourson, et le détruire. Cet homme respectable avait été victime de fake news. Mais qui aurait pu mettre en doute la parole d'une telle autorité ?

Il s'est passé quelque chose de curieux, il y a quelques années. J'ai commencé à prendre conscience de ce que ce qui semblait marcher jusque-là ne marchait plus. Beaucoup de gens ne se comportaient plus comme ceux à qui je les assimilais l'avaient fait. Le phénomène semble s'amplifier exponentiellement.

Difficile d'expliquer ce phénomène. Et, de toute manière, inutile de regretter le passé, il ne reviendra pas. La question est : comment s'adapter ?

samedi 2 juin 2018

Arkadi Babtchenko

Qui croire ? On annonce qu'un journaliste est trucidé. On accuse la Russie. Il réapparaît. Les journalistes, qui ont relayé l'information, sont furieux. Les croira-t-on maintenant ?

Ce qui est peut-être une bonne nouvelle. Les journalistes vont devoir faire leur travail. Ce qui demande des dispositifs d'enquête efficaces. C'est sans doute difficile à mettre en place, et coûteux. Mais s'ils y parviennent, ils auront peut-être trouvé un moyen de résister à la destruction créatrice d'Internet ?

Popularité

La popularité du gouvernement est en baisse continue, lit-on. Est-ce important ? D'ailleurs les syndicats rassemblent des "marées humaines" de mécontents, et pourtant le gouvernement ne tremble pas.

Peut-être faudrait-il s'interroger sur le degré du "mécontentement" ? Je soupçonne que le mécontentement que suscite le gouvernement est simplement une façon de lui dire que nous le surveillons, que notre confiance aveugle ne lui sera jamais acquise. C'est un mécontentement peu dangereux.

Le mécontentement dangereux, me semble-t-il, a trouvé un nom récemment : le dégagisme. C'est le phénomène dont ont été victimes MM.Hollande, Sarkozy et surtout Giscard d'Estaing. Ce que disent ces cas, c'est que le dégagisme n'est pas l'état d'esprit de l'opposant, mais celui de l'ancien supporter. Et si la force du gouvernement venait de ce que l'on ne l'aime pas ?

Mode de management

Mode de management (une). J'ai découvert ce terme (management fad) dans les journaux anglo-saxons il y a 3 décennies. A l'époque, cela me paraissait très anglo-saxon, et ridicule. Mais, aujourd'hui, nous en sommes atteints. Preuve de plus que notre culture est anglo-saxonne ? Exemple :

Pour une fois je ne parlerai pas d'IA, de Big Data ou d'objets connectés, mais de voitures. Il y a quelques temps, quelqu'un me racontait que le dirigeant d'un équipementier avait réussi à changer son image. Il était désormais vu comme innovant. En revanche, il s'était relâché en termes de qualité. Alors que, jusque-là, c'était son obsession. Quelques jours après le Financial Times disait que le phénomène était mondial : l'industrie de l'automobile court après le numérique et réduit ses coûts d'assurance qualité. (Ce qui provoque des rappels massifs, et des accidents.)

Innovation mais aussi qualité sont des modes de management ? On s'y livre parce que d'autres le font ? Et du coup, on fait mal son travail ?

Morale ? Vice de sélection des patrons d'entreprise ? Ils sont choisis sur leur capacité à prendre le pouvoir pas à avoir des convictions fermes quant à ce qu'exige le métier de leur entreprise ? Autre idée ?

(L'exemple de la qualité. L'automobile a appliqué les techniques mises au point par Toyota, sans en comprendre le sens. Car, la qualité est un état d'esprit, alors que l'on en a fait un processus technocratique. De ce fait, cela produisait des sur-coûts évidents. Seulement, il vaut mieux ce type de processus, que pas de processus du tout...)

Me first

L'Europe va-t-elle résister ? Protectionnisme agressif de M.Trump, séparatisme anglais, pays de l'Est, un rien soviétiques, entrés dans l'UE par erreur, incertitude italienne et maintenant Espagne qui se débarrasse de son premier ministre.

L'après guerre a été technocratique. On a voulu réglementer le monde, pour éviter de nouvelles crises et de nouvelles guerres. L'Union européenne est apparue à cette époque de projets supra-nationaux. Mais cette contrainte d'en haut, le confort et l'oubli du danger, a créé une aspiration à la liberté ? Maintenant, on en est revenu au diktat de l'intérêt individuel. Il ne faut pas s'étonner de la situation actuelle ?

Il faut probablement inventer de nouveaux modes de régulation. Qui ne tue pas renforce : si elle sort vivante de ses multiples crises, l'Europe pourrait-elle être un modèle pour le monde ?

vendredi 1 juin 2018

Pourquoi 68 ?

Je retire du mois de célébration de l'anniversaire de mai 68 que sa cause fut le "besoin de s'exprimer". J'ai entendu quelques-uns de ses acteurs reconnaître qu'ils n'avaient pas d'idées, mais qu'ils voulaient les exprimer. Toutes les théories associées à 68 sont arrivées pour combler ce vide. Leur mérite principal était de provoquer l'ordre établi, de même que le le petit provoque le grand dans la cour de récréation, sachant qu'il ne risque rien.

Récemment, j'ai découvert que les jeunes lisent des sortes de bandes dessinées pour pré adolescents. Cela paraît totalement vide. Mais il existe des forums dans lesquels on discute très sérieusement du mérite de ces ouvrages, et où l'on rencontre des experts qui s'expriment avec l'autorité, et le contentement de soi, des critiques du Masque et la Plume.

C'est comme dans le jeu du "papa et de la maman". Les enfants veulent imiter leurs parents. Puisqu'ils ne comprennent pas bien ce que font ces derniers, ils les singent. Et si ce mécanisme d'imitation avait été un des moteurs de 68 ?

Héritage de 68

Gérard Bérréby disait que 68 avait été récupéré par le capitalisme (A voix nue, France Culture). Cette idée ne m'était jamais venue à l'esprit. Et si c'était comme cela qu'il fallait comprendre le septennat de M. Giscard d'Estaing ? Aurait-il pensé qu'une France coincée avait besoin d'un peu d'air ?

Mais la France était-elle capitaliste ? Le général de Gaulle, capitaliste ? N'était-elle pas plutôt "radicale" au sens de la 3ème République ? C'est à dire un individualisme solidaire. M. Giscard d'Estaing était un "libéral", ce qui est la liberté sans la solidarité. C'est un concept de gauche et de droite, par ailleurs. (On le voit en Arabie Saoudite : les réformes économiques vont avec des réformes sociales.)

Et si c'était 68 qui avait fait triompher le capitalisme en France ?