jeudi 30 novembre 2017

SNCF de Prévert

Métro, boulot, dodo, c'est fini. Grâce à la SNCF, l'homme n'est plus un numéro. Impossible de se laisser aller, de se rétrécir du cerveau, de s'avachir. C'est l'aventure à chaque voyage. Un jour c'est la voix qui annonce les stations qui me fait sortir en urgence du train, avant de revenir en catastrophe, sur les conseils des agents de la SNCF. Un autre jour, j'ai trois trains annulés et 2 retards sérieux sur 5 parcours de dix minutes... Et tous les jours je reçois trois ou quatre mails qui m'informent de retards ou d'annulations. (Mais jamais des retards ou annulations qui me concernent.)

Je trouve d'ailleurs aux explications de ces dysfonctionnements une sorte de créativité poétique : train qui n'est pas sorti de son hangar, ou qui, n'ayant pu redémarrer, bloque une voie, personne sur les rails, train détourné, passage à niveau qui ne marche plus, pont en réfection, feu... La SNCF n'est plus une triste entreprise d'ingénieurs qui ne savent que faire arriver les trains à l'heure. Elle a de la fantaisie. C'est la SNCF telle que la rêvait Prévert. Pour cela il lui a fallu la direction d'experts des sciences politiques ?

(PS. Un nouveau motif de dysfonctionnement : mouvement social.)

Les épées

Le roman précédent (Les jeux sauvages) m'a fait me demander s'il n'appartenait pas au même courant littéraire que l'oeuvre de Roger Nimier, et de quelques autres. D'où ma lecture des Epées.

Alors ? Ce livre a été publié en 48, par un auteur de 23 ans. Ses premières pages coupent le souffle. C'est une attaque en règle des fondations de la société. Le monde est abjecte. Et le héros, un milicien, s'en réjouit. La phrase et courte. Elle ne dit jamais ce que l'on attend d'elle. Mais, bien vite, cela m'a lassé. C'est de la mécanique.

J'ai pensé que la société de l'époque était extraordinairement permissive. Je me suis aussi rappelé Radiguet et Le diable au corps. Il semblerait qu'à chaque guerre la nouvelle génération ait une envie irrépressible de provoquer l'ancienne. Il est vrai qu'il est d'une audace folle d'insulter des gens qui vous veulent du bien.

mercredi 29 novembre 2017

Immigration

Article d'un Anglais éminent sur l'immigration. Il souligne un paradoxe. Le libéral (de gauche ou de droite) est pro immigration alors que, par principe, il détruit les conditions qui permettent l'immigration.

En effet, en niant la dimension sociale de la société ("la société n'existe pas" dit Mme Thatcher), qu'il conçoit comme un assemblage d'individus indépendants, il nie à la fois les forces (sociales) de résistance à l'immigration, et les forces (sociales) qui pourraient l'intégrer.

C'est ainsi que, traditionnellement, la France, depuis longtemps, est un pays de forte immigration. Mais elle possédait aussi des mécanismes efficaces pour l'absorber. L'école en particulier. Ils ont été attaqués.

Les jeux sauvages

Ce livre a une histoire. Je l'ai trouvé dans la maigre bibliothèque familiale, alors que j'avais cinq minutes à tuer. C'était le jour de la remise du prix Goncourt. Et j'ai été surpris de voir qu'il était dédicacé à une de mes tantes "si charmante" (on dit que ma tante, qui avait alors 19 ans, était la "plus jolie fille du bourg") ; et que l'auteur s'était enfoncé, pour cela, dans le coeur des ténèbres, en Corrèze profonde. Mais ce n'était pas fini. Wikipedia m'a appris qu'il était prix Goncourt 1950 ! Et qu'il a vaincu Marguerite Duras. Pourquoi n'en parle-t-on plus ? Parce qu'en ces temps, le Goncourt faisait gagner beaucoup d'argent. Et qu'avec cet argent, Paul Colin a acheté une ferme. Et qu'il n'a publié un autre livre que dix ans plus tard. (Une émission de télévision, traitant du prix Goncourt, l'a retrouvé, en 1970, dans sa ferme.)

Celui-ci montre à quel point notre société a évolué. Car c'est l'antithèse de la pensée dominante actuellement. C'est une sorte de "Bonheur fou", à la Giono. Une ode à la gloire du mâle exceptionnel, qui dompte les êtres inférieurs, la femme, la nature. Ce faisant il donne un sens à leur vie. Et ils lui rendent un amour aveugle. L'existence de l'auteur s'est voulue, semble-t-il, conforme à son oeuvre.

mardi 28 novembre 2017

Cabane

Lorsque j'étais petit, mon grand père m'avait fabriqué une cabane. Il avait plié des branches en une sorte d'ogive de ma taille de l'époque et couvert le tout par un véritable rideau de fougères. Elles étaient si denses que la pluie ne pénétrait pas. Et mon grand père y allait parfois faire la sieste.

Il lui avait fallu très peu de temps pour la bâtir, alors que j'en serais incapable. Peut-être faudrait-il réfléchir à deux fois avant d'abandonner nos compétences ?

Genre

Et quelle imagination fantasmagorique que cette division de l'espèce en genres ! Comment, en présence d'une femme, ne pas être constamment préoccupé par cette différence de formes, presque de natures, entre son corps et le mien ? Comment ne pas être obsédé par cette idée d'espèce dans laquelle elle et moi sommes représentatifs d'un genre différent ? Soit, nous avons reconnu ces genres et le dimorphisme sexuel nous est chose coutumière ; mais le fait, le fait seulement qu'il s'impose à nous et qui, plus nous le constatons, s'amplifie jusque'à nous écraser de sa monstrueuse présence ! (...) Et l'on arrive à étendre la signification de ce terme : "le genre" jusqu'à l'égaler à "l'espèce" ; oui une espèce dans l'espèce ou mieux deux espèces parallèles couplées entre lesquelles de constants échanges se produisent. On se demande même si elles sont solidaires et si, dans l'évolution, après des millénaires... un jour... (Paul Colin, Les jeux sauvages, Gallimard, 1950).
Cette citation est tirée du Goncourt 1950. Prix gagné contre "Le barrage contre le Pacifique" de Marguerite Duras.  Ce qui semble dire que cette opinion était alors largement partagée. Or, elle est diamétralement opposée à ce que l'on entend aujourd'hui. La seule chose de commun est ce curieux mot : "genre". Alors qu'aujourdhui on nous dit que le genre ne signifie rien, qu'il est une construction sociale, en 1950, beaucoup pensaient que cette construction sociale pourrait amener hommes et femmes à se comporter en espèces différentes. Et ils en étaient heureux.

lundi 27 novembre 2017

Stérilisation

Il n'y a plus que quelques parties du monde dont la population croit rapidement (un pour cent ?). Et ce n'est pas elles qui menacent la durabilité du monde, parce qu'elles sont pauvres. Même la fécondité de l'Inde s'est considérablement réduite : 2,24 enfants par femme. Et ce changement s'est fait naturellement. Voilà ce que disait la radio ce matin. (Ou, du moins, les cinq minutes que j'ai entendues de l'émission qui traitait de ces sujets.)

Ce qui n'a pas marché ? La politique de stérilisation forcée qu'a tentée un temps le gouvernement indien.

Ce qui m'a fait penser que la "stérilisation forcée" est ce que l'on appelle, en termes de technique de changement, un "changement dirigé". Et que c'est ainsi qu'actuellement les entreprises mènent leurs changements...

Fin de l'histoire

La Princesse de Clèves ou les mémoires du Duc de Saint Simon me font croire que le noble vivait au Club Med. Thorstein Veblen parle d'une "leisure class" au sujet des riches de son temps. Mais ce n'était pas n'importe quel loisir. Il était fait de rites compliqués. C'était un loisir d'esthètes à la Boni de Castellane. Un mode de vie qui a fasciné Proust.

Je me demande si le projet des Lumières, et de Marx, n'était pas d'apporter à tous la conception que les nobles avaient de la vie ; et si ce n'est pas ce qui a constitué le projet de la gauche : la culture pour tous. Malheureusement, de l'idée à sa réalisation, il ne restait plus grand chose de la dite culture. Ce qui fait que la gauche nous semble un peu ridicule.

Un tel type de société est-il possible ? C'est difficile à imaginer. Car il faut bien produire ce que consomme l'oisif. Et même si c'est la machine qui le fait, il faudra l'entretenir et savoir la fabriquer. Les sociétés qui semblent s'être le plus approchées de l'idéal du loisir démocratique sont les peuples "primitifs". Elles sont stables, et communistes. La culture nie le progrès ?

dimanche 26 novembre 2017

Changement en France

"Les anti ne bougent pas", disait un ami. Pour la première fois depuis bien des années, les réformes gouvernementales ne produisent aucun remous. En dépit des tentatives des médias et de l'opposition, rien ne se passe. Un invité d'une émission de France Info disait de la polémique suscitée par le cumul de mandats de Christophe Castaner : "tout le monde s'en fout". Et il a probablement raison.

Un sondeur, il y a quelques temps, constatait que "la France laissait sa chance au gouvernement". C'est probablement aussi juste.

Cela montre que, contrairement à ce que l'on a dit, le Français ne refuse pas le changement. Et que s'il s'y est opposé jusque-là, c'est qu'il lui supposait des intentions qu'il réprouvait ?

Affirmative action

Un statisticien me disait que la publicité ne représentait pas la population française. On n'y voit pas des gens majoritairement blancs. En revanche les affiches de la SNCF qui dénoncent la fraude montrent exclusivement des blancs bien habillés.

C'est un fait qui m'a frappé, il y a déjà longtemps, dans les séries télévisées américaines. C'est une sorte d'affirmative action : on y représente le monde comme on pense qu'il devrait être. C'est la croyance en la prédiction auto réalisatrice. C'est aussi pour cela que l'on nous parle tant des malheurs des femmes, par exemple. Nos élites croient en la puissance de la parole.

Cela semble en partie efficace. Peut-être jusqu'à ce que le peuple se rende compte qu'il est le dindon de la farce. Alors, il dégage les beaux parleurs ?

samedi 25 novembre 2017

Allumage paradoxal

L'intelligence artificielle de YouTube a sûrement repéré mes instincts lubriques. Elle me suggère des vidéos de virtuoses provocantes. "Dressed to kill." Il semble que ce soit devenu en genre. Il y en a un relativement grand nombre. Le contraste avec l'orchestre est frappant : les autres musiciens sont habillés de manière sinistre, c'est-à-dire traditionnelle.

Ce qui pose une question compliquée. D'une part la femme veut être séduisante, et pour cela elle en appelle aux instincts les plus primitifs de l'homme. D'autre part, elle veut être un homme comme les autres. De ce fait, elle place l'homme en injonction paradoxale.

Thèse, antithèse... quelle sera la synthèse ?

Transformation numérique

Les hasards de la vie font que je suis au coeur des bulles spéculatives. La transformation numérique, maintenant. Elle produit un phénomène auquel je ne m'habitue pas : la mode de management. Les entreprises se "numérisent", parce qu'il le faut. On nomme un responsable et hop, c'est parti.

Mais il y a encore plus surprenant. C'est qu'il y a beaucoup de choses extrêmement intéressantes qui sortent de ces expérimentations. (Et en grande partie parce que ceux qui les font sont des gens remarquables.) J'entraperçois de quoi "casser la baraque". Mais cela n'émeut pas l'entreprise. Le spécialiste de l'innovation est là pour tester des innovations ; le PDG pour diriger. On est dans le rite, il n'y a personne dont le rôle soit de changer. L'entreprise est en panne de leadership.

(C'est déjà ce que disait mon rapport sur les ERP, en 2002, l'ERP aurait pu être quelque chose de très utile si seulement on s'était donné la peine de réaliser son argumentaire de vente - qui n'était pas idiot.)

vendredi 24 novembre 2017

Black Friday

Après Halloween, voici Black Friday. Quelles sont les forces derrière ces importations ? Quelle est leur logique ? Une partie de notre société serait-elle devenue américaine ?

Dans les années 60, on aurait parlé de "l'impérialisme américain". Allons-nous subir le sort des sociétés colonisées ? Ou, pire ?, des sociétés décolonisées ?

Discrimination

"SOS Racisme et le CNRS publient ce jeudi l'étude "Diamant", qui révèle les discriminations exercées en France dans des secteurs du quotidien, comme l'accès à une assurance automobile, aux complémentaires-santé, aux crédits et à l'hébergement touristique."Article.

On apprend dans cette étude, notamment, que les assurances vous font payer plus si vous êtes vieux que si vous êtes jeune. Curieusement, elle ne s'est pas interrogée sur les discriminations du bac. Car, si vous vous appelez Joséphine, vous avez significativement plus de chances d'obtenir la mention très bien que si vous portez un autre prénom. N'est-ce pas honteux ? 

Et s'il y avait d'autres causes, plus sérieuses, à ces différences de traitement que la discrimination ? Et si le CNRS faisait, lui-même, preuve d'une discrimination bien peu scientifique ? 

Dangereux Uber ?

On apprend en même temps qu'Uber a subi un piratage de ses données et qu'il va équiper Londres de taxis autonomes... Sera-t-il capable d'éviter que ceux-ci soient assaillis par un virus ?

Et si Uber était une course en avant de paris fous ? (Ce qui n'a rien d'exceptionnel dans la culture anglo-saxonne de l'entreprise. "Bet the farm," dirait Monsanto.)

jeudi 23 novembre 2017

Discrimination

Pourquoi y a-t-il un noir et un blanc ? Pourquoi le blanc est-il sale et le noir propre ? (Publicité pour un revêtement auquel rien n'adhère.)


Suicide policier

J'entendais que les taux de suicide des policiers étaient exceptionnellement élevés. L'explication qui suivait l'annonce montre à la fois qu'il faut se méfier de ses premières réactions et à quel point Durkheim demeure indépassable.

En effet, les raisons évoquées sont : on est policier à un âge où l'on tend à se suicider ; le policier, par le jeu des mutations, tend à être coupé de ses proches - un facteur de dépression ; il dispose d'une arme...

Autrement dit, les conditions dans lesquelles vit le policier se prêtent au suicide. Comment lui sauver la vie ? Par le lien social, aurait dit Durkheim. La "police de proximité" n'est pas bonne que pour la proximité, elle l'est surtout pour le policier...

RSE

Une juriste s'interroge. Entre les mains du monde pourri des affaires, n'est-il pas obligatoire que la RSE soit vidée de son sens ? Je doute :

Les Etats s'effacent, les entreprises prennent leur place. Elles doivent assumer la responsabilité de la planète. C’est la logique (mondiale) de la RSE : entreprises comportez vous bien, si vous ne voulez pas être réglementées. Effectivement, il y a des batteries de lois liées à l’environnement, à la santé au travail… Elles vont dans le même sens que la RSE. Parce que la RSE correspond à des préoccupations mondiales.

Ensuite, l'entreprise obéit à la loi, et il y a des choses en commun entre l'esprit des lois et la RSE :
  1. L'article 1382 du code civil parle de responsabilité (civile). La question de la RSE, qui revient à s’interroger sur les responsabilités de l'entreprise, n’est-elle pas équivalente ? Construire une politique RSE ne revient-il pas à réduire les risques de poursuite auxquels l’entreprise est exposée ? (Voir les assurances responsabilité civile pour entreprise.) 
  2. La constitution, et en particulier ses annexes, notamment le fameux « principe de précaution ». 
  3. Esprit des lois qui régissent l’entreprise. En France, l’entreprise a une personnalité morale. Son fondateur ne peut pas faire ce qu’il veut d’elle, de même que les parents ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent de leur enfant. 
  4. Est-ce que la loi, d’une manière générale, n’a pas pour objet d’organiser la vie en société ? Est-ce que réfléchir à sa responsabilité sociétale n’amène pas, naturellement, à respecter l’esprit de la loi ? 
Finalement, comme le dit Adam Smith, ce n'est pas parce que l'on est inspiré par le mal que l'on ne peut pas faire le bien (et inversement). La presse étrangère dit que les investisseurs activistes imposent à l’entreprise des mesures environnementales, ou autres, qui sont du domaine de la RSE. Mais, s’ils le font ce n’est pas par amour de la nature, ou de l’humanité, mais parce qu’ils pensent que les Etats ou les opinions peuvent nuire à leurs intérêts. De même, l’actionnaire peut pénaliser une entreprise susceptible de subir les conséquences du réchauffement climatique.

Morale. La RSE peut être compatible avec les instincts les plus primaires de l’homme. « Greed and fear » disent les Anglo-saxons. Une erreur qui tue le changement est, justement, de voir le monde en termes de bien et de mal.


mercredi 22 novembre 2017

Pire qu'avant

Il y a des déçus du Macronisme. Ce sont ses adversaires politiques. Je les entends sans arrêt dire : "les élus de la République en Marche sont pires que nous". Ce qui, curieusement, sous-entend qu'ils s'estiment peu...

Je pense qu'ils pourront envisager l'avenir avec confiance, le jour où ils auront retrouvé leur fierté. C'est ça le changement quand il est réussi. En attendant, ils doivent faire le deuil de leur identité passée. C'est douloureux.

Penser et exister

Je pense donc je suis, dit Descartes. Et si c'était le contraire ? Les existentialistes estiment que tout commence par la recherche de son identité. Une fois que l'on a mis de l'ordre dans ses convictions, alors, on est capable de juger de manière à peu près cohérente.

L'explorateur sait qu'il peut mourir en chemin. Mais la vie d'explorateur lui plaît. Décider ce n'est pas être certain de faire le bon choix. C'est probablement éviter au mieux d'en faire un mauvais. Et c'est emprunter un chemin inconnu qui nous enchante. C'est peut être cet inconnu, plein de promesses et de danger, qui donne du prix à certaines vies ?

mardi 21 novembre 2017

Même combat

M.Trump est le meilleur ami du réformateur de l'Arabie saoudite. Ce faisant, il parachève le travail de printemps arabe encouragé par les démocrates.

M.Trump et Mme Clinton seraient-ils des frères ennemis ? Comme au temps des rois, où l'on s'entretuait entre père et fils ou entre frères, le conflit entre tenants d'un système n'est-il pas une condition de sa durée ?

Roi composite

L'histoire du Roi Arthur, homme de la Table Ronde, aurait été la somme des vies de cinq personnes. Arthur est inventé. (Article.)

Des mystères de la création. Son but était-il de distraire ou d'édifier, de même que Corneille à réinterprété des histoires anciennes au goût de son siècle ? Ou besoin d'une mythologie pour une forme de nationalisme ?...

lundi 20 novembre 2017

Glasnost

Partout dans le monde, la génération Macron prend le pouvoir ? Un jeune prince s'est emparé de l'Arabie Saoudite. Comme Xi Jinping, il a déclenché une campagne anti corruption (une pratique culturelle), pour se débarrasser des gêneurs. C'est surtout, peut-être bien, le dernier avatar du printemps arabe. Et aussi celui d'un changement plus fondamental, qui consiste à transformer le monde en un marché.

Les USA ont attaqué le royaume par son point faible : le pétrole. S'il veut survivre, il doit entrer dans le moule mondial de l'économie de marché. Comme il ne sait pas faire grand chose, il se raccroche aux modes du moment : il parle de transformation numérique et de développement durable. Et aussi, il doit s'acclimater aux moeurs occidentales, qui vont avec. Glasnost.

Comment cela se terminera-t-il ?

Emploi et mort

J'entendais qu'il y avait beaucoup plus de cancers à Fos sur Mer qu'ailleurs. Ils sont causés par la pollution industrielle. Mais les habitants ne bougent pas, car l'industrie fournit des emplois. (France Info.)

Voilà un argument que beaucoup de monde a oublié. Le développement durable, et même la santé, est une question de riche.

dimanche 19 novembre 2017

Art moderne

Le livre précédent raconte une curieuse histoire. Celle de l'art moderne. Cet art serait une réaction à Picasso : comment être aussi célèbre que lui, sans talent ? Etrangement, c'est possible. C'est la société qui décide du succès d'une oeuvre. Et son opinion peut être gagnée par d'autres raisons que le talent.

Explication du capitalisme moderne ? La règle du jeu est l'influence. C'est susciter un effet de mode. On a remplacé le talent de création, d'invention, par le talent de communication. On est dans l'économie irréelle.

La mariée des célibataires

Cela démarre bien, et finit platement, en roman ordinaire. Années 60, monde d'Andy Warhol. Art business, argent, défonce, sexe, harcèlement, dépression, mort...

L'intérêt : l'étude anthropologique d'une contre culture qui a submergé le monde. Or, elle n'a rien de "contre". Non seulement elle est culture de gosses de riches, mais les hommes d'affaires la suivent de près. C'est des marges que sortent les bulles spéculatives.

On y apprend aussi que le père de Warhol et de l'art contemporain, c'est Marcel Duchamp. Il voulait être Picasso. (Il a d'ailleurs eu sa période cubiste.) Mais il n'avait aucun talent. Alors, il a dynamité l'art. C'est pourquoi il plaît autant à la nouvelle génération. L'art contemporain : un cri de révolte contre le talent, de gens qui en manquent ? Mais, le marché n'enrichit pas le talent, mais ceux dans lesquels il se reconnaît ?

(Et, un livre tout en professionnalisme américain. C'est bien écrit, c'est habilement construit, c'est intello - cela reprend la trame de Gatsby le magnifique... Mais ça manque de souffle et de génie.)

samedi 18 novembre 2017

Goncourt des lycéens

Il paraît que le Goncourt des lycéens est le prix littéraire qui rapporte le plus. C'est curieux, car les lycéens doivent choisir parmi 15 personnes sélectionnées par les jurés du Goncourt. (France Info dixit.) C'est donc un recalé du prix le plus prestigieux qui gagne le gros lot. C'est d'ailleurs probablement pour cela que le vainqueur est une femme.

Illustration de l'irrationalité humaine. Ce qui plaît dans ce prix, c'est probablement "lycéen". On imagine des gamins dénichant une oeuvre qui avait échappé à la pensée unique des vieilles barbes. Le livre en lui-même ne compte pas. Des miracles du marketing. Mais aussi, validation sociale, dirait Robert Cialdini : nous sommes des moutons de Panurge.

Mais encore, irrationalité de l'auteur. Il préfère certainement gagner le Goncourt des grands plutôt que celui des petits, quitte à y perdre de l'argent. Autre illustration de la "validation sociale". Il n'a pas sa tête à lui, il est conditionné par la pensée collective.

Hypocrisie

On dit de l'Occidental qu'il est hypocrite. Le "bourgeois bohème" en est l'exemple type. Tartuffe aussi. Cela paraît risible ou criminel. Mais c'est surtout rationnel. L'hypocrite a un avantage immédiat. Exemples :
  • Depuis 68, il est dit qu'il ne faut pas brutaliser l'enfant. Du coup, l'école de la 3ème République a été démantelée. Mais les élèves d'enseignants réussissent magnifiquement. Pourquoi ? Parce que les enseignants se comportent comme n'importe quel homme, ils veulent la réussite de leurs enfants, et ils connaissent les ressorts du système, alors que l'enseignement auquel ils participent fait échouer les enfants des autres. 
  • Les théories économiques affirment que le marché fait une meilleure allocation des capitaux que l'entreprise. Donc l'entreprise doit se vider de son argent pour le donner à ses actionnaires. Mieux, elles expliquent, "théorie de l'agence", que si le dirigeant n'est pas actionnaire, il ne va pas administrer l'entreprise dans l'intérêt de l'actionnaire. Bref, cette théorie conduit à ne plus faire d'investissement productif, et à supprimer des emplois, pour donner des dividendes aux dirigeants des entreprises et des fonds d'investissement. Le "marché", c'est eux. (Et, curieusement, ce sont des frères.)
L'hypocrisie est probablement rendue possible par la division des tâches, propre à notre société, dont parle Adam Smith. Tant que l'on ne paie pas pour les conséquences de ses actes, paroles et comportements ont intérêt à diverger. En tout cas, cela pousse à faire du "fact checking" : quels sont les intérêts immédiats que cachent les nobles théories dont on me parle ?

vendredi 17 novembre 2017

Vide

Personne n'aime M.Macron dit la radio publique. Elle ne devrait pas s'en réjouir, car cela ne sert pas son camps. En effet, il n'a rien à proposer. Ce qui est curieux est à quel point notre président a fait le vide autour de lui. Non seulement il a récupéré ce qui était un peu opérationnel dans les idées de droite, mais il a absorbé une grosse partie de la bien-pensance de gauche. Il a même capturé le dernier écologiste vivant.

Que reste-t-il à ses opposants ? La nausée. L'angoisse existentielle. La confrontation avec le néant, ou l'absurde. Autrement dit, le changement. Kurt Lewin le décrit comm un dégel. Glasnost en russe. Il faut mettre en cause les principes en lesquels on croyait. Et en chercher d'autres, plus efficaces. Si la situation s'améliore, ces nouveaux principes gèlent. Changement de phase. De jeune con, on devient vieux con. Il y a cinq ans pour cela. Peut-être dix.

Sapiens

Nous sommes homo sapiens. Le nom est bien trouvé, à condition de traduire sapiens par "de raison", et pas par "sage".

Car la raison, ce n'est pas la sagesse. Au contraire. Je soupçonne que la caractéristique première de la raison est collective. Elle permet à une masse d'hommes de se comprendre. Du coup, ils peuvent s'organiser, s'entraider. L'union fait la force. La raison a donné à homo sapiens un avantage concurrentiel de poids. Elle permet à l'espèce humaine d'être résiliente.

Paradoxalement, la raison a fait croire à l'homme qu'il était, au contraire, un individu, que la société ne comptait pas. Il en résulte des crises de folie périodiques. Or, si l'homme suit ce que lui dicte la raison, il ne fait que des erreurs. Le monde est par nature irrationnel. Pour autant, pour une humanité qui a un minimum d'humilité, la raison n'est pas inutile. Elle permet d'expliquer (ou plutôt d'approximer) l'incompréhensible a posteriori. Mais, face à l'incompréhensible, c'est surtout le groupe humain qui est efficace. Il s'adapte et pense bien mieux que l'individu seul. Et c'est la raison qui lui donne cette capacité.

(En quelque sorte, la fin de l'histoire pour la raison, c'est Internet. C'est une humanité qui a fait sa jonction, qui est une.)

jeudi 16 novembre 2017

Nouvelle droite

Que vouliez-vous qu'il fit ? - Qu'il mourut ! Le combat de Laurent Wauquiez n'est-il pas désespéré ? Mais, sauf à faire allégeance à M.Macron, quel autre choix ? Mélenchon, ou rien ?

En termes marketing, il existe peut-être un "positionnement" pour lui. J'ai noté que l'électorat qui a été fidèle à M.Sarkozy, contre M.Hollande, avait des valeurs très particulières. Valeurs "conservatrices" au sens des Versaillais de la Commune ou des résistants à la Révolution. Il serait peut-être plus juste de dire "possédants". Le combat de M.Wauquiez est celui des Catalans et Daesh : créer une communauté. Ce qui demande, semblent dire ces deux cas, un endoctrinement.

J'entendais une universitaire expliquer qu'il avait les compétences nécessaires. Il est ce dont déborde la gauche, et manque traditionnellement à la droite : un intellectuel. Cependant, il fait face à deux handicaps. Tout d'abord, la bien pensance de gauche pollue la parole de droite. Elle ne parvient pas à se décomplexer. Ensuite, les mouvements conservateurs n'ont pas laissé en France un bon souvenir.

Paris ne s'est pas fait en un jour. Travaillez, prenez de la peine... ?

Process consultation

On fait changer les organisations et les hommes en améliorant leurs processus, dit Edgar Schein. Mais quels sont ces processus ? Edgar Schein en identifie quelques-uns. Par exemple, une organisation a un processus d'intégration de ses nouveaux membres. Seulement, moi, je n'ai jamais rencontré ces processus. J'ai essayé de voir si mes élèves se tireraient mieux d'affaire que moi, mais en pure perte.

Je pense que c'est Process consultation qui crée le processus. Un commerçant, par exemple, ne pense pas qu'il applique un processus de vente. La vente est sa vie. Il fait ce qu'il a été "créé" pour faire. Et c'est pour cela qu'il est efficace. Il n'a pas besoin de réfléchir pour agir. Lorsque ce qu'il fait ne va plus, il est tellement peu conscient du dit processus, qu'il va chercher des explications compliquées à ses maux. C'est alors que transformer ce qu'il faisait inconsciemment en un processus peut être utile pour l'aider.

En résumé. Quand ça ne va pas, c'est une bonne idée de penser processus. Seulement, il ne faut pas chercher un processus préexistant. Mais un processus à créer. Pour cela on a besoin probablement de quelqu'un qui va nous permettre de trouver le dit processus, et de l'explorer.

(Il est aussi possible qu'il y ait des endroits où les chemins ont été tracés. Par exemple, un enfant doué pour la course à pieds ne sera jamais un champion, s'il ne suit pas un processus d'entraînement. Mais ce sont rarement ces processus balisés qui nous posent des difficultés. D'ailleurs, dans certains cas, ils sont eux-mêmes le problème : avec eux il n'y aurait pas eu de jazz ; ils tuent la créativité.)

mercredi 15 novembre 2017

Papous

Les Papous est une émission de France Culture. Je l'écoute depuis 1986. Je pensais qu'elle avait démarré bien avant. Mais wikipedia prétend le contraire. Les Papous ce sont des exercices sur les mots. J'ai besoin d'un bruit de fond. Et celui que me fournit les autres radios ne me va pas. Ce que j'apprécie, de plus en plus, dans cette émission, c'est son calme. On n'y parle pas des malheurs du monde. Et on n'y dénonce personne.

To be or not to be 68
Drôle de mélange. 68 et anti 68. C'est anti 68, parce que tout y est une question de contrainte. Les Papous viennent de l'Oulipo. C'est la contrainte qui rend créatif. C'est aussi anti 68, parce qu'on y parle en alexandrins et en sonnets et que l'on cite Victor Hugo ou Corneilles. La culture de l'école républicaine de mon père est le matériau de l'émission. C'est aussi anti 68 parce qu'on n'y est pas entre normaliens philosophes, détenteurs officiels de la culture. C'est anar, au sens Brassens, ou Canard enchaîné du terme.

Mais c'est aussi 68. On y veille à défendre les femmes, les jeunes et les immigrés. Le noyau dur du groupe est fait de "vieux blancs". Les fameux anars. La nouvelle génération est celle des jeunes femmes. (Pas de jeune homme parmi les recrues.) Mais leur intelligence ne compense pas leur (notre) manque de culture. C'est Eva Almassy qui est le cocktail gagnant. Hongroise qui a fui le colonialisme soviétique, elle a une grande culture et un accent attachant, ce qui est capital quand on parle à la radio. Comme il est dit dans "My fair lady", seule une étrangère peut maîtriser aussi bien une culture. J'aimais la voix de Vassilis Alexakis (Grec). Mais je suis réservé sur le cas de Ricardo Mosner (Argentin). Accent peu compréhensible et humour absurde facile, à mon avis.

Cela en dit long sur la société ? La culture des jeunes est faible : l'émission pourra-t-elle durer encore trente ans ? Surtout, ce qui reste de cette culture est désormais entre les mains de la femme. L'inégalité a changé de camp. Mais aussi, l'émission explique peut-être pourquoi les peuples tendent à haïr les "outsiders". Ces derniers sont meilleurs que les premiers à leurs propres jeux, à leur propre culture. Cela s'explique certainement parce qu'ils en ont une vue extérieure. Ils ne lui sont pas intimement attachés, ils gardent la tête froide. La culture n'est pas un constituant de leur être, elle est un moyen, un véhicule, un jeu ?

(On pourrait dire, aussi, qu'il n'y a pas de minorités chez les Papous : immigrés ou non, on est entre blancs.)

Voyage sans cartes

Le Libéria en 1936. Aucune carte du pays n'existe. Zone vide. Tout au plus est-il indiqué qu'il y a des cannibales. Graham Greene va le visiter, durant 4 semaines, à pieds, avec une cousine, sur laquelle on ne saura rien, une trentaine de porteurs, et une caisse de whisky.

Qu'en voyons-nous ? Pas grand chose. Il y fait très chaud. Les natifs sont couverts de plaies, généralement syphilitiques. La lèpre est présente. On y est souvent pris de fièvre. L'habitat y est misérable, plein de rats et de parasites. Même celui de l'ethnie dominante : les noirs Américains qui ont été installés par les USA. Les USA sont d'ailleurs bien pires que les empires coloniaux, dit Graham Greene. Ils ont prêté des fonds au Libéria qu'il n'a pas pu rendre. Firestone, le fabricant de pneus, s'est emparé du pays, contre finances.

Tristes tropiques ?

mardi 14 novembre 2017

Deuxième espèce

En statistique, on parle de risque de première espèce : rejeter une hypothèse alors qu'elle est juste. (Tel médicament guérit bien le cancer.) On parle aussi de risque de deuxième espèce : accepter une hypothèse alors qu'elle est fausse. Il me semble que cette idée s'applique un peu partout, et que ces derniers temps, on s'est surtout intéressé au risque de première espèce. C'est ce qui pourrait être à l'origine de beaucoup de nos problèmes.

Prenons les cas de la justice. Son obsession est de ne pas condamner un innocent. Du coup, elle est extrêmement lente, et elle laisse passer beaucoup de coupables. Ce qui lui fait perdre toute crédibilité.  Paradoxalement, une justice qui ne prend pas le risque de condamner un innocent n'est plus une justice ! (On notera, au passage, que la justice du Far West est de deuxième espèce.)

De même avec le Brexit. La moindre petite vexation bureaucratique était montée en épingle (peut-être même inventée), pour condamner en bloc l'UE. Idem pour la notion de "président des riches". Et ainsi de suite.

Ramener tout à un risque de première espèce est probablement une méthode de sophistique. Elle fait l'hypothèse implicite que le monde n'est pas complexe. Ce qui est faux.

La vie de Franz Liszt

J'ai compris pourquoi Guy de Pourtalès a été célèbre pour ses biographies. Il connaît ses personnages comme ils ne se connaissent pas eux-mêmes, de l'intérieur. Il a un jugement définitif sur leur musique, en particulier. Est-ce pour autant invraisemblable ? Le plus surprenant est qu'il cite des lettres de Liszt ou parlant de Liszt, et qu'elles sont exactement dans le ton du livre. Il se trouve qu'il a été écrit moins de 40 ans après la mort de Liszt. Et que Guy de Pourtalès, grand aristocrate, a fréquenté les milieux dans lesquels Liszt a vécu.

On n'imagine pas qu'une telle célébrité puisse exister. Ce fut le plus grand virtuose de son temps. Il déclenchait des crises de folie collective. Ses concerts rapportaient des sommes fabuleuses. Il fut l'égal des empereurs et des rois. D'ailleurs il fut à une demi journée de se marier à une princesse russo-polonaise, avec qui il partagea une partie de sa vie. Ce fut l'Européen par excellence, comme la haute société de l'époque. Bien que Hongrois, sa culture était française, mais il a été au coeur de la musique allemande, et a vécu à Rome (il fut ordonné Abbé à la fin de sa vie), et ses concerts lui ont fait parcourir le continent. Sans lui, il n'y aurait probablement pas eu Wagner. Pendant longtemps Wagner, qui n'était que de deux ans plus jeune que Liszt, a crevé de faim. Personne ne voulait entendre sa musique, sauf Liszt, qui l'a nourri et a donné son oeuvre, quitte à se faire des ennemis. Et Liszt a défendu tous les compositeurs qui, depuis, occupent notre panthéon. Il semble avoir fait l'opinion musicale moderne. Cela va de Beethoven, dont il a connu les dernières années, aux compositeurs russes, en passant par Schuman et Berlioz. A tous les sens du terme, il fut extraordinairement généreux. Il a multiplié les concerts de charité, il a beaucoup fait pour l'oeuvre de ses contemporains, leur dédiant des concerts entiers, il les a beaucoup aidé, financièrement, et Wagner semble, musicalement, lui devoir beaucoup.

lundi 13 novembre 2017

CDD

En 2015, la différence entre allocations versées et contributions perçues par l'Unedic pour les CDI est... positive : il y a eu 18,892 milliards d'euros versés en allocations pour 29,28 milliards d'euros de cotisations perçues, soit un solde positif de 10,39 milliards. A l'inverse, pour les CDD, 8,88 milliards d'allocations ont été versées, alors que seulement 2,66 milliards ont été perçus, soit un trou de 6,22 milliards d'euros. La Tribune
En ce moment, je rencontre des patrons de PME. Je constate qu'ils sont terrorisés par les syndicats, les CE, et les CDI. Ce n'est pas toujours rationnel, mais c'est comme cela. D'autant que leur problème majeur, me disent-ils, est de trouver des employés... On marche sur la tête ?

Dans ces conditions, les mesures gouvernementales qui rendent le CDI plus facile à licencier qu'un CDD et qui donnent au dirigeant le pouvoir de court-circuiter ses syndicats, sont un pari qui n'est peut-être pas insensé. En effet, cela permet au patron de conjurer ses peurs. Or, il n'est pas enclin à licencier. Donc, non seulement cela pourrait créer de l'emploi, mais aussi résorber les déficits publics ?

Seulement, je constate aussi que le dirigeant ne connaît rien au droit.

Une sorte de vie

L'écrivain Graham Greene et ses débuts, difficiles. C'est l'occasion de retrouver l'Angleterre d'après la guerre de 14. Il appartient à une branche intellectuelle d'une famille fameuse.  En ces temps, on pouvait se considérer comme pauvre tout en ayant du personnel de maison en foule.

Cette histoire montre que le succès ne va pas de soi. On tend à lire une vie à l'envers, comme si elle était destinée à ce qu'elle est devenue. Il n'en est rien.

Ce qui marque la jeunesse de Graham Greene, c'est le vide existentiel, et la tentation du suicide. Et les deux combinés : il joue à la roulette russe. Probablement un mal de la haute société de ce temps : d'autres trahissaient leur pays, pour une cause incertaine, seulement pour donner du piment à leur vie. Puis c'est dix ans d'échec littéraire, la pauvreté et le doute.

Un désespoir dont la politesse est l'humour, léger, britannique.


dimanche 12 novembre 2017

Sales pauvres

France culture était à Chicago et interrogeait ce qui semblait être une intellectuelle démocrate. Elle parlait des électeurs de M.Trump. Des petits blancs qui n'avaient pas compris que le progrès balayait leur emploi. Ils devaient s'adapter. Toute résistance était vaine. Et, pour montrer à quel point ces gens étaient méprisables : les noirs et les Latinos n'ont pas voté pour M.Trump. Eux sont intelligents ?

Je me suis demandé si elle n'était pas le porte parole de la gauche. Une gauche qui se définit comme le défenseur du "perdant". Mais pas de n'importe quel perdant. Comme à l'époque victorienne, il y a les bons et les mauvais pauvres ?

Pince-fesses

Il paraît qu'une championne de foot s'est fait pincer les fesses par le président de sa fédération. Harcèlement. Mais, n'aurait-elle pas pu lui balancer une baffe ?

Un jour, ma grand mère a rencontré un exhibitionniste. Jetant un coup d'oeil à l'objet du délit, elle s'est exclamée, consternée : "oh que c'est laid". Je me demande s'il n'y aurait pas des moyens efficaces de réduire le harcèlement, autres que le peloton d'exécution.

samedi 11 novembre 2017

Clémenceau

On fête Clémenceau...

Ce qui a caractérisé Clémenceau, c'est quelque-chose de quasi unique pour un politique. Un courage extraordinaire. Pendant la Commune, il est entre les Communards et les Versaillais, au milieu des combats. Et il sauve bien des gens de la mort. Dont Bienvenüe, l'homme du métro. Le guerre de 70 amène les Radicaux au pouvoir. Il ne lâche sur rien. C'est un duelliste redouté.  Il fait tomber les gouvernements. Puis, lorsqu'il arrive au ministère de l'intérieur, il devient "le tigre". Il se révèle homme d'ordre. Il met un frein à la criminalité galopante. Mais, surtout, il arrête les grèves. Ce qui lui vaut la haine des socialistes. Paradoxalement, alors que Jaurès est pacifiste, il encourage la révolte, lorsqu'il s'agit d'usines. En 17, Clémenceau est appelé pour reprendre en main les affaires de la nation. Il met de l'ordre dans un haut commandement pitoyable. On le voit beaucoup dans les tranchées. Pourtant il est déjà bien vieux. Et plutôt que de chercher une victoire par KO, il signe tôt un armistice. Il veut mettre un terme à la boucherie. Finalement, il est victime d'un coup bas politique, qui l'amène, dégoûté, à prendre sa retraite. Alors, il écrit un ouvrage sur les merveilles du progrès, et de la vie.

La fin d'une époque ?
S'il était libertaire, il mettait l'intérêt collectif avant tout. Et, avec lui, ce n'était pas la marge (riche ou pauvre), la minorité, qui comptait. Son idéal c'est le peuple. Homme des Lumières, il veut sa liberté. Et celle-ci est une liberté de pensée. Les chaînes dont il faut la libérer, à l'époque féodale comme aujourd'hui, ce sont celles d'une morale qui condamne l'individu avant même qu'il soit né, pour le mettre au service des pouvoirs héréditaires. Cela s'appelle pêché originel, hier, ou repentance pour cause de colonialisme, aujourd'hui. (Sachant que, à nouveau exceptionnel, il fut anticolonialiste.) Parler de Clémenceau, c'est enterrer 68.

(Biographie.)

Decima

Decima, néologisme. Cela serait le dixième titre mondial d'un sportif. Curieux comme on a besoin de créer des mots.

De même, j'entends que Charles de Gaulle est maintenant l'ami de tout le monde. Etrange. La gauche s'est construite contre lui. Qu'aurait-il dit de la théorie du genre ? Et des pouvoirs d'argent, avec lesquels le sarkozysme s'est acoquiné ? Et du culte que lui voue désormais la famille Le Pen ?J'entendais un de Gaulle dire que M.Macron était le seul gaulliste de la bande.  Le général aurait-il apprécié qu'un banquier d'affaires entre dans ses bottes ? (La revanche de Pompidou, autre homme de Rothschild ?)

Morale. Nos opinions fluctuent. Il est plus important pour nous de faire le même bruit que nos amis que d'exprimer une opinion cohérente tout au long de notre vie. L'Education nationale ne nous apprend pas la rigueur scientifique.

Je sais tout

Pour un de mes premiers postes, j'ai eu a étudier le "marketing BtoB". Comme c'est un domaine peu connu en France, on m'a demandé de l'enseigner, en entreprise, et en école de commerce. Pour cela, j'ai fait une synthèse de livres de cours marketing (BtoB et BtoC) et d'articles classiques (le texte de mon cours est chez Slideshare). Je l'ai complétée au fur et à mesure de mes expériences, notamment lors de mon passage dans les études de marché. (Mon intérêt pour le changement est venu de là. Je me suis rendu compte que ce qui faisait marcher mes missions n'était pas mon travail sur la stratégie et le marketing, pour lequel me payait mon client, mais celui, sur l'organisation, qui en était la contrepartie.) A cette occasion, j'ai fait pas mal de missions de conseil concernant la communication et sa stratégie.

Quelques années après, alors que j'avais monté mon cabinet de conseil, j'ai pensé que je ne m'appliquais pas ce que je disais aux autres : je les poussais à communiquer, je n'en faisais rien. Je travaillais alors avec un communicant fameux. Il me donne un nom d'un spécialiste de RP. Je rencontre la personne. Elle me demande pourquoi je m'intéresse au changement. C'est un sujet qui n'a pas d'avenir. Si bien que je me retrouve en train de me défendre, sans fin. Puis, pourquoi ?, on en vient aux journalistes qu'elle connaissait. J'avais plus de relations qu'elle. Nous n'avons pas fait affaire.

L'histoire continue. Dix ans plus tard, un ami me demande de l'aide pour quelqu'un qui est en difficulté. C'était la fameuse personne. Elle avait fait faillite. Elle s'était reconvertie dans le changement. Et elle avait besoin d'un éditeur pour le texte qu'elle avait produit sur le sujet. (Je l'ai aidée, et en plus je lui ai payé un repas.) La réalité dépasse la fiction.

Morale de cette histoire ? Il me semble qu'un défaut de l'enseignement français est de nous faire croire que nous sommes des spécialistes de tout. Or nous ne le sommes de rien. Car, être un spécialiste, c'est être un professionnel, c'est avoir passé des décennies à améliorer son art. C'est savoir faire. Et non savoir parler.

vendredi 10 novembre 2017

Maître du monde

Time Magazine parlant d'Emmanuel Macron :
But if Macron is proved right, France could emerge as a far more important global power than it has been in decades. If he wins re-election in 2022, after his first five-year term as President, he would leave the Élysée Palace in 2027 at a sprightly 49 years of age—with plenty of time to form a radically different post-presidential role for himself ( ) if Macron pulls off his transformation at home, the ambitions he has to change the world—not just France—could be within reach. That club, after all, has an opening for a leader.
Emmanuel Macron, maître du monde ?

Start up nation

On se plaint des jeunes. Egoïstes, irresponsables, sans culture, reliés à un écran, ils vivent dans un monde virtuel et stupide...  Deux observations :
  • Je n'ai pas l'impression qu'ils différent tant que cela de leurs parents. Ce qui n'a rien de paradoxal : nos défauts ne sont gênants que lorsqu'ils apparaissent chez les autres. En outre, toutes les mauvaises habitudes qu'ils ont acquises ne sont que la contrepartie de l'économie de marché qui nous nourrit tous. Ils sont les premières victimes de la transformation numérique qui doit faire notre bonheur, en particulier. 
  • Ensuite, ils ne sont irresponsables que parce que nous ne leur laissons pas de responsabilité. Entre eux, ils se rendront vite compte qu'ils doivent changer leur façon de faire. 

Couverture

En écoutant la radio publique ce matin, je pensais que l'on entendait peu parler du gouvernement. Quand il est question de lui c'est pour dire qu'il est mal aimé, ou qu'un scandale le menace. Les gouvernements précédents ne me semblent pas avoir eu le même traitement.

Curieusement, son image à l'extérieur de chez nous est extrêmement différente.
La presse représenterait-elle avant tout ses propres opinions ?

Déterminisme

Kant disait que l'on est déterminé, mais qu'il faut agir comme si on ne l'était pas. Je crois que la contradiction n'est qu'apparente. Nous faire croire que l'on n'est pas déterminé est une manière de nous déterminer. Et elle conduit à un meilleur résultat que l'hypothèse inverse. Elle crée une angoisse existentielle, favorable au changement.

Car, il me semble aussi que l'homme est indéterminé. Sa vie est faite de "big bangs" qui le changent. Ils sont imprévisibles. Ce sont eux qui font que nous sommes collabos, résistants ou majorité silencieuse. La société joue sans doute un rôle essentiel dans la création des conditions qui permettent le big bang. C'est probablement une conclusion qu'il faut tirer des travaux de E. Durkheim sur le suicide. Cependant, dans les mêmes conditions, deux hommes peuvent ne pas réagir de la même façon. (Cf. étude sur des jumeaux, citée par B.Cyrulnik.) Ce qui est inquiétant, me semble-t-il, est que ce qui détermine leur réaction est au delà de la raison. James March conclut : "décisions happen".

jeudi 9 novembre 2017

Problème mal posé

L'Intelligence artificielle est un problème mal posé. Les vendeurs nous proposent des produits sans se préoccuper de nos problèmes. C'est le syndrome du marteau, qui voit des clous partout.

En fait, je crois qu'il y a derrière ce que l'on appelle "data science", et qui me semble être plus justement "mathématiques appliquées", un gisement énorme, de quoi faire une révolution industrielle.

Question de transformation numérique, mais de transformation numérique des mathématiques. Ces nouvelles mathématiques ont la capacité à nous faire voir l'invisible. L'idée est simple. Taylor a inventé les "sciences du management". Sa technique consistait à repérer les ouvriers les plus rapides, à comprendre ce qui faisait leur efficacité, et à transférer ce savoir-faire à tous. On parle de "connaissance", et de "gestion de la connaissance". Aujourd'hui, le chronomètre n'est plus adapté à la complexité de la société. En revanche les algorithmes d'analyse de données, pourvu que l'on dispose de données !, permettent de se repérer dans cette complexité, et de voir les "anomalies" remarquables.

Un exemple. On m'a dit qu'il y avait de l'ordre de un million cinq cent mille personnes qui sortent de l'Education nationale sans diplôme. C'est un drame m'a-t-on aussi dit. Imaginons un instant que l'on puisse retrouver la trace de ces gens et que l'on découvre que certains ont réussi leur vie. Peut-être serions nous capables d'y distinguer quelques bonnes pratiques qui, si elles étaient connues ou favorisées, feraient le bonheur de centaines de milliers de personnes ?

Bref, on a de quoi faire un miracle, il ne nous reste qu'à bien poser le problème.

Etre humain

Il me semble que nous sommes guidés par des principes inconscients, qui proviennent de notre expérience, de notre éducation ou autre influence sociale… Il arrive des moments où ceux-ci se contredisent. Crise existentielle.

C’est alors que l’homme peut devenir homme. Il lui faut affronter ces contradictions et mettre au point de nouvelles règles de conduite qui lui conviennent. Ce qui implique d’y croire suffisamment pour affronter sans regret les conséquences qu’elles impliquent. D’une certaine façon, il s’invente et se met au monde. Tous n’y parviennent pas. Peut-être alors est-on moins humain qu’on pourrait l’être ?

Je crois qu’aujourd’hui, la société, dans son ensemble, fait face à une crise existentielle. Elle doit se mettre au monde.

mercredi 8 novembre 2017

Instinct primaire

Je lis un ouvrage sur la haute classe artistique new-yorkaise des années 60. C'est 68 avant 68. Mais cela ne semble pas une "libération", plutôt une "normalité". C'est amusant, superficiellement. Le plus curieux est à quel point ces gens sont dominés par leurs instincts primaires. C'est un monde d'obsession sexuelle, d'argent et de manipulation psychologique.

Ce sont des intellectuels, mais ils n'utilisent pas leur raison à la méthode Kant : pour le progrès collectif. Au contraire. Elle leur sert à faire prendre des vessies pour des lanternes. Ils s'en servent comme de la plus perverse des armes de destruction. C'est le jeu de "l'emprise", diraient les psychologues. C'est la guerre par d'autres moyens. Il s'agit de trouver la faille psychologique de l'autre, afin de détruire son libre arbitre, et d'en faire un légume.

Et si le principe de cette société, le principe même de l'individualisme, était le harcèlement ?

(Harcèlement moral)

Epuisement du progrès

Marie Curie et sa fille Irène ont eu le Prix Nobel, et sont mortes jeunes, irradiées. Marie a eu une autre fille, Eve. Elle fut écrivain et pianiste. Elle a vécu 103 ans.

Marie était positiviste, elle croyait aux bénéfices absolus du progrès scientifique. Comme la société de son temps, elle n'avait pas vu ses conséquences. Ou elle était prête à les accepter. (Après tout, les nobles risquaient leur vie pour la gloire : une longue vie n'est pas ce que tout le monde recherche.)

Un des changements de notre temps est peut-être que le "progrès" a épuisé sa séduction. Il ne vaut plus la peine que l'on risque sa vie pour lui. Voilà peut-être que ce M.Macron et les magnas de la Silicon Valley n'ont pas compris.

mardi 7 novembre 2017

Résistance au développement durable

Pourquoi la société humaine résiste-t-elle au développement durable ? Parce que, tout simplement, tout le monde veut un même type de vie : celui qui se pratique chez nous. Et il n'est pas durable. C'est ce que disait un débat de France Info l'autre jour. Je crois que c'est juste. Et que tant qu'on le niera et que l'on parlera de développement durable comme d'une lutte du bien contre le mal, on n'ira nulle part.

Pour autant, les pasionarias du développement durable ont en main les clés du changement. Puisque le monde envie leur mode de vie, il leur suffit de le modifier d'une façon qui puisse se généraliser.

Histoire

M.Hollande était obsédé par la trace qu'il laisserait dans l'histoire. (Son conseiller en communication le disait à France Culture, samedi midi dernier.) Cela lui a fait faire énormément de bêtises. Et. cela l'a peut être condamné à une fin prématurée et piteuse. Curieuse obsession. Car l'histoire est-elle capable de juger quoi que ce soit ? De Gaulle ou Mitterrand furent-ils de bons ou de mauvais présidents ? Alexandre ? Louis XIV ? Et Thiers, qu'en pensez-vous ? Et Marx ? Et Heidegger ? Et Montaigne ? Furent-ils de bons philosophes ?

En fait, la seule chose qui assure une place dans l'histoire, c'est l'autorité et la mythologie. Il est dit : ceux qui ne croient pas en Staline ou Mao, ou la vraie foi... sont passibles de la peine capitale. Et c'est enseigné dès la naissance. Pour le reste, ce qui frappe l'histoire, c'est l'anecdote et le ridicule.

Et si le bon président était le catalyseur du changement, celui qui ne laisse pas de trace ?

lundi 6 novembre 2017

Art

Roman Polanski a détourné des mineures, non à une rétrospective de son oeuvre, disait-on il y a quelques temps. Le ministère répondait que l'on ne mélange pas art et morale.

Que resterait-il de notre passé si l'on appliquait ce type de raisonnement ? L'essentiel de notre patrimoine artistique vient de gens, dictateurs, rois, financiers ou autres aventuriers douteux, que notre morale moderne réprouve. D'ailleurs, on protège même les camps de concentration, ou les champs de bataille.

Tout cela est une question d'informations. On en a besoin pour penser. R. Polanski est moins intéressant comme coupable que comme témoin.

Fait social

Nouvelle tuerie aux USA. Comme d'habitude, on tape dans la foule. Comme souvent, c'est à l'arme de guerre, ou quasiment.

Et si c'était un "fait social" à la Durkheim ? Et si la culture américaine était un facteur aggravant, autrement dit ? Dans une société individualiste, l'homme est un loup pour l'homme. Mais l'affrontement est du ressort de la psychologie, plus du coup de poing. La règle du jeu, c'est le harcèlement moral. C'est la destruction de l'identité de l'autre, encore plus sûrement que dans 1984. Cela ne contredit aucune loi. Alors, le perdant du jeu, écrasé, qui n'a plus aucun droit, plus aucune voix, manifeste une dernière fois son existence par un grand massacre ? Alors, il a de nouveau l'impression d'avoir du pouvoir sur les événements, de vivre ?

(L'affrontement est certainement le même à tous les niveaux de la société, mais, en haut, on a des psychanalystes, de l'éducation, et aussi les moyens de s'éloigner de la zone de combats.)

Paradise papers

Depuis hier soir, la radio ne parle que de Paradise papers. Etrange, il semblerait que tout soit légal. Et que les personnes dont on met en avant le nom ne soient impliquées que très indirectement. Pour la reine d'Angleterre, le fonds qui gère sa fortune aurait investi dans une société peu recommandable. Pour Justin Trudeau, ce serait un ami qui serait compromis par les placements de son parrain...

La méthode est elle-même un peu douteuse : un grand nombre de médias font beaucoup de bruit. Pour M.Trudeau, on interviewe un député d'opposition pour connaître son opinion : on se doute qu'il ne va pas défendre son adversaire politique...

Ce qu'il y a de curieux est qu'à l'époque Kerviel, on n'ait pas pensé à incriminer la direction générale de la banque qui l'employait. Après tout elle semblait plus concernée par ses agissements que la reine d'Angleterre et le premier ministre canadien par ceux de leurs proches.

Peut-être faut-il y voir une évolution des temps ? En période de crise, on a besoin d'argent. On trouve toujours de bonnes raisons de brûler des Templiers.

Culture

Récemment, j'ai observé de jeunes adultes. Ce qui m'a surpris est qu'ils vivent dans un monde de mangas ou genres équivalents, une "fantaisie" sans rime ni raison, ni la moindre poésie, ni le moindre enseignement. Même si France Culture s'est mise à appeler ce type de choses "romans graphiques", cela me semble très inférieur à la bande dessinée de mon adolescence. Cette nouvelle génération serait-elle, au delà des images, capable de comprendre Lucky Luke ?

Faut-il s'en inquiéter ? Il y a effondrement de la pensée. Un encéphalogramme plat est l'héritage que nous laisserons ?

(J'ai aussi noté à la fois que ces jeunes avaient la tête pleine de nobles principes pas digérés, et que c'étaient de bons professionnels. Pour travailler, pas besoin d'une pensée sophistiquée ?)

dimanche 5 novembre 2017

Pervers narcissique

Je dois la découverte du "pervers narcissique" a un lecteur de ce blog. Le pervers narcissique est la défaite de tout ce que je croyais. Car tout mon travail est basé sur la notion de "donneur d'aide" :

Poussée à ses extrêmes, cette idée de donneur d'aide omnipotent me fait retrouver l'a priori commun à notre société : le criminel est une victime. Il faut l'aider. Or, le pervers narcissique est quelqu'un que l'on ne peut pas aider. Il faut le fuir. Il est probable qu'il n'y a que lui qui puisse "s'aider". Le pervers narcissique est peut-être la seule personne qui doive changer seule : l'égoïsme n'est pas bon pour la santé. Il dessèche. Curieusement, l'acte gratuit, lorsqu'il n'est pas totalement idiot, fait beaucoup de bien.

Mais aussi, le pervers narcissique se nourrit d'amour. Il entend "aimer" au sens "aimer le poulet". Non seulement il fait du donneur d'aide une victime, mais l'aide l'entretient dans sa perversion. C'est un mauvais service à lui rendre !

Mon a priori révèle aussi un autre préjugé que je partage avec la société : tout être n'a pas de nature définie, on peut le changer. Eh bien, il semble que le pervers narcissique, au moins, a une nature qui résiste fermement au changement. (Mais peut-être pas définitivement.)

(La notion d'aide et de changement ne m'est pas propre. Parmi les théories récentes sur le sujet, il y a Boris Cyrulnik et sa résilience, mais aussi Kurt Lewin et toute l'école qui l'a suivi, notamment Edgar Schein. Par ailleurs, comme aurait dit Durkheim, le pervers narcissique est probablement un "fait social". Il y en a toujours quelques-uns, mais s'il y en a autant aujourd'hui, c'est parce que les principes de notre société s'y prêtent. Finalement, il y a peut-être une forme d'auto régulation du pervers narcissique. Il a besoin d'une société solidaire à parasiter. Dès que l'égoïsme la gagne, son existence se complique.)

L'enfance d'un pervers narcissique ?

Histoire. Dès que bébé manifeste un caprice, ses parents interviennent. "Il a besoin d'être secoué." Puis, ils décident d'avoir un second enfant. Le premier manifeste sa rage. Démunis, les parents l'abandonnent à son sort. L'individu qui en résulte a des caractéristiques du pervers narcissique.

Question : ont-ils, dans un premier temps, encouragé le développement d'une volonté de puissance absolue, puis créé, dans un second, une frustration, qui fera que leur enfant cherchera sa vie durant à écraser ses semblables ? Où l'on voit que le pervers narcissique serait bien, comme le disent les psychologues, une dangereuse victime ?

Mais aussi, peut-être, influence des temps. Idéologie de l'enfant roi qui se heurte ensuite à celle du bon plaisir des parents ? (Deux aspects de la même idée ?) Dès que l'enfant leur demande trop d'efforts, ils s'en désintéressent ?

Difficile de tirer des conclusions aussi générales d'une observation superficielle ?

samedi 4 novembre 2017

Process consultation

Un exemple de process consultation.

Un dirigeant, fondateur d'une grosse PME. Il définit son problème du moment comme étant une difficulté à gérer la carrière de ses employés. Mais, à la réflexion, il sait faire. Le réel problème auquel il est confronté est sa succession. Son fils, qui est en position de prendre sa suite, ne le fait pas. Pourquoi ? Parce qu'il continue à diriger son entreprise, et que son fils a une charge de travail telle qu'il  serait incapable d'occuper la direction générale. Et pourquoi le fondateur ne part-il pas ? Parce qu'il ne sait pas ce qu'il va faire de sa retraite. Et s'il devenait administrateur d'entreprises ? Idéal, mais comment y parvenir ? Pas compliqué... Alors, il a su immédiatement faire ce qu'il fallait pour que son fils puisse se dégager de ses obligations et prenne sa place... 

Morale. Notre dirigeant était bloqué parce qu'il ne savait que diriger son entreprise. Dans ces conditions, la retraite était impossible. Mais il y avait une autre façon de l'occuper. Mais elle n'était envisageable que s'il savait "comment" procéder. Le déblocage a consisté à la fois à indiquer l'autre façon de voir le problème, et comment la mettre en oeuvre.

Républicains et démocrates

On oublie le sens des mots. M.Sarkozy a appelé son parti, les "républicains". Ce n'est pas par hasard. Res Publica, c'est la "chose publique", ou le bien commun. Cela signifie qu'il y a quelque chose "au dessus" de l'individu. La démocratie, c'est le contraire. C'est le gouvernement du "demos", du peuple.

Pour les Américains, et M.Sarkozy, ce qui est "au dessus", c'est la tradition. C'est pourquoi on parle de "conservatisme". Pour les démocrates, et la gauche (au sens PS), aucune contrainte ne doit s'imposer à l'homme.

Ces deux mouvements ont des tendances qu'ils réprouvent. Car, l'idéal du bien commun, c'est, comme son nom l'indique, le communisme. Et celui de la démocratie, c'est l'anarchie. (Tous les deux au sens étymologique du terme.) L'un tend au totalitarisme, l'autre au chaos. Peut-être est-ce pour cela qu'ils ne peuvent vivre l'un sans l'autre.

M.Macron tente d'incarner une "troisième voie". La combinaison de la république et de la démocratie. C'est une des traditions françaises. Elle a connu pas mal de variantes, du radicalisme au gaullisme. Contrairement à la démocratie, ce dispositif a une "infrastructure", mais, contrairement au communisme, celle-ci est contrôlée par le peuple. C'est le principe, par exemple, de l'économie sociale, et de son navire amiral : l'association.

vendredi 3 novembre 2017

Process consultation

Process consultation semble remonter aux années 60, et à Edgar Schein. Il s'agit de créer les conditions pour qu'une personne, ou une organisation, résolve elle-même le problème qui la préoccupe. Comme beaucoup de gens, j'ai été process consultant sans le savoir... Voici ce que je retire de mon expérience.

Tout d'abord, on parle de process consultation aussi bien que de helping relationship. C'est essentiel.

A l'origine de la relation, il y a plutôt malaise, dépression ?, que problème. Certes, généralement, il y a formulation d'un problème. Mais elle est, essentiellement, trompeuse. Ne serait-ce que parce que j'attribue à mon problème une cause extérieure, qui fait que je suis incapable de le résoudre. Or, mes problèmes ont pour cause ma relation à la société, et je peux agir sur elle.

La recette du bonheur : le donneur d'aide ?
Autrement dit, l'objectif de process consultation est de rendre heureux. Process consultation aura réussi si la personne aidée se sent à nouveau bien dans sa peau. Il est tout à fait possible qu'un problème et une solution explicite n'aient pas été formulés durant l'opération.

Comment y parvient-on ? Sur ce point, je pense que je peux être plus clair qu'Edgar Schein. Voici ce que je constate. Le process consultant (aussi appelé donneur d'aide) permet à son "client" de voir les choses "d'une autre façon". Dans mon premier livre, je parle de "blocage". Une fois que le blocage a sauté, l'homme sait agir comme il faut. L'exemple, que je donne habituellement, est celui de Christophe Colomb. La piste terrestre des épices est devenue impossible, à son époque. Il comprend que la terre est ronde. Il y a donc un moyen que personne n'a vu pour aller chercher les épices.

C'est là que l'on en arrive au process de "process consultation". Car ce qui bloque l'homme est de ne pas savoir "comment" faire quelque chose (comment = le processus pour faire), parce que le comment qu'il envisage, inconsciemment, ne marche pas. (Les marchands du 15ème siècle ne savaient chercher les épices que par la voie terrestre.) Process consultation l'amène à envisager une autre façon de faire, qui est dans ses cordes. (Christophe Colomb était un marin.) Voilà pourquoi je passe mon temps à raconter ma vie. Mon espoir est que celui que j'essaie d'aider trouve dans les expériences que j'ai vécues une technique qu'il sait "évidemment" appliquer.

L'étape décisive, pour le process consultant, est de se faire accepter comme tel. Pour cela, il faut que le "client" estime que vous pouvez lui être utile. Edgar Schein décrit un processus pour cela. Pour moi c'est surtout un genre de "love at first sight". Quelque-chose de totalement mystérieux. C'est pourquoi nous sommes tous des process consultants sans le savoir.

APB mal posé

Etant célibataire, je ne connaissais pas APB. Je l'ai découvert au cours d'un déjeuner entre amis que j'avais perdus de vue. Beaucoup avaient des enfants qui ne parvenaient pas à obtenir l'établissement qu'ils méritaient. A cette occasion, j'ai aussi appris que le dit classement ne semblait pas aboutir à un optimum. En effet, certains parents déterminés parvenaient à imposer leurs enfants là où ils le désiraient, en faisant la preuve qu'ils étaient meilleurs que ce qui avait déjà été recruté. Ce qui semble aussi dire que les patrons d'établissement ont un peu de latitude pour recruter quelques surnuméraires talentueux ou influents.
(On est en France : les règlements sont faits pour ceux qui les respectent.)

Ensuite, j'ai entendu qu'il restait quelques dizaines de milliers de personnes qui n'avaient pas trouvé preneur.

La revanche du cancre masqué ?
J'ai discuté d'APB avec un mathématicien. Il venait d'être interviewé par un journaliste sur le sujet. Il m'a dit qu'il s'agissait d'un problème mal posé. Ce qu'essaie de résoudre APB est le problème, bien connu !, de la "préférence affectative". (Ou plutôt : agrégation optimale des préférences sous contraintes d’affectation. Ne me demandez pas d'expliquer de quoi il s'agit...) Il est "doublement NP complet". C'est-à-dire qu'il est au dessus des capacités des ordinateurs. Cependant, il existe des approximations.

Or, l'Education nationale aurait acheté une solution à base "d'intelligence artificielle", un nom vague qui masquerait un bricolage pas très scientifique. D'après ce que je comprends, elle procède par itérations, en affectant les gens au fur et à mesure. Par exemple, si vous êtes en tête de liste et que votre premier choix est libre, vous l'obtenez immédiatement. La prochaine itération ne tiendra pas compte de vous. Dans la solution "mathématique", l'affectation n'est faite qu'à la fin. A chaque itération, on essaie d'améliorer le score du groupe.

APB : la revanche du mauvais élève ?

(En fait, APB est probablement un problème doublement mal posé. Les économistes disent qu'il y a "retour vers la moyenne". On constate que les notes obtenues dans un cycle scolaire ne prévoient pas bien celles du cycle suivant. Et quid du cycle final, la vie ?)

jeudi 2 novembre 2017

Carlege Pougedemone

La crise Catalane aura produit un résultat notable : prononcer "Carles Puigdemont".

Quant à l'intéressé, il lui arrive ce qui nous menace tous : le passage de la théorie à la pratique. Les Brexiteers, et l'admirable Boris Johnson, le singe de Churchill, en ont fait les frais avant lui. Le nom du danger ? Le ridicule. Comme dans l'affaire Boulanger, il tue. Et encore, Boulanger était un général. Il aurait dû être entrainé à décider. Mais nous sommes tous des produits de l'Education nationale. Nous sommes des tigres de papier.

Justice à deux vitesses

L'autre jour j'entendais un juge mécontent. Dans je ne sais quelle affaire, des pièces avaient été transmises à la presse. Le juge accusait les gendarmes.

C'est étrange. D'un côté la justice est effroyablement lente. Pour défendre ses principes et se protéger de la condamnation d'un innocent, elle semble presque totalement impuissante. Mais, lorsqu'un de ses membres est mis en cause, alors, le gentil juge de gauche se mue en Dirty Harry. Make my day.

(Affaire Maëlys et Charente Libre.)

mercredi 1 novembre 2017

Réseaux sociaux

Ce matin, France Culture accusait les réseaux sociaux de tous les maux. Facebook et Google sont de grands Satan : véhicules des fausses informations qui conduisent l'opinion à mal penser. Curieux revirement. A l'époque des printemps arabes, les réseaux sociaux étaient le vecteur de la liberté. Et les patrons du GAFA sont de gauche.

Et si cette opinion ne révélait qu'un biais de pensée ? L'intellectuel est persuadé qu'Internet fait l'opinion. Hier, il était à sa merci. Aujourd'hui, le vote ne lui étant pas favorable, Internet ne peut qu'en être la cause ?

Or l'homme peut aussi penser par lui même, contrairement à ce que semble croire France Culture. S'il absorbe des "fake news", est-ce contre sa volonté, ou parce qu'elles lui sont utiles ? Et si elles lui apportaient un espoir que l'intellectuel, faute d'estime pour lui, ne sait pas lui donner ?

Le Satiricon

On sait bien peu de choses du Satiricon. A-t-on récupéré le gros de l'ouvrage ou le dixième d'un roman fleuve ? Quand a-t-il été écrit ? Qui était Pétrone ? (Il n'est pas sûr qu'un certain Pétrone ait écrit le Satiricon.) C'est étrange que l'on connaisse si peu de choses sur un ouvrage aussi important ; que l'on ne possède pas de trace de contemporains qui aient commenté sa publication, par exemple.

S'il n'avait pas été le premier de son genre, on pourrait dire qu'il appartient à une tradition. Celle de l'homme de lettres et de culture raffiné qui fait un portrait de sa société au moyen d'un roman d'aventure délirant, plein de mésaventures et de rebondissements invraisemblables. C'est Voltaire, Rabelais, Jean Potocki, Cervantès... Dommage que ce livre soit si court et si plein de "lacunes", car il projette son lecteur à l'époque de son écriture, tout aussi efficacement que l'oeuvre de Proust.

(En outre, on ne comprend plus les subtilités de son latin, qui semble en lui-même avoir été une oeuvre d'art.)