mardi 31 mars 2020

Gramsci trahi ?

Gramsci a eu un gros succès posthume, on s'est revendiqué de lui d'abord à gauche, puis à l'extrême droite. Ce qui nous permet de comprendre ce que l'on nous a raconté ces dernières années. Notamment ce fameux "bon sens" qui m'était si désagréable durant l'ère Sarkozy.

On a interprété la pensée de Gramsci ainsi, si j'ai bien compris. Le peuple ne peut pas comprendre son intérêt. Si l'on veut le faire changer (pour son bien, cela va sans dire), il faut donc instrumentaliser son "bon sens" pour le faire aller, sans qu'il s'en rende compte, là où il ne veut pas aller. Autrement dit, masquons nos intentions. C'est la post vérité.

Il est difficile de savoir ce que pensait Gramsci. Cette pensée était subtile, c'était un dirigeant du parti communiste italien opposé aux Bolchéviques, et en évolution permanente. Il a même refusé de laisser une synthèse de son oeuvre. Mais, je crois que c'était le contraire de ce qu'on lui a fait dire :

J'ai l'impression qu'il était proche de Proudhon. Tout d'abord, il estimait peu les intellectuels, qui n'avaient jamais rien apporté au peuple. Il espérait faire sortir du peuple, par l'éducation, d'autres intellectuels, qui défendraient les intérêts des leurs.

Les Gilets Jaunes seraient une application de ses idées  : une prise de conscience par le peuple qu'il s'est fait flouer. Ainsi que la réaction de l'intellectuel : il a dénoncé le Gilet Jaune comme un fasciste.

(France Culture : avoir raison avec Antonio Gramsci.)

Poudrière chinoise et système hospitalier français

Remarquable article de France Culture du Pr Didier Sicard.

La Chine est un creuset pour virus, et la route de la soie, une autoroute pour leur diffusion. Le vrai made in China ? Effrayant.

Quant à l'hôpital français, les administrateurs ont abandonné les commandes aux médecins.
Toutes les mesures qui rendaient l’hôpital non fonctionnel ont temporairement disparu. Les administrateurs sont terrifiés dans leurs bureaux et ne font plus rien. Ce sont les médecins qui font tout. Ils ont retrouvé la totalité de leur pouvoir. Il y a pour eux un certain bonheur à retrouver le métier qu’ils ont toujours voulu faire. L’administration a plié bagage, ou plus exactement elle est aux ordres. Le rapport de force s’est renversé : il y a un an, les médecins étaient aux ordres de l’administration; à présent, c’est l’administration qui est aux ordres des médecins. C’est un phénomène très intéressant. Les médecins eux-mêmes ne sont plus entravés par la contrainte de remplir leurs lits avec des malades qui rapportent de l’argent, ce qui était le principe jusqu’alors. Maintenant, ils répondent à leur cœur de métier. A ce qui est la lutte contre la mort. Au fond, ils retrouvent l’ADN profond de leur métier.

lundi 30 mars 2020

Mesdames Buzyn et Bachelot

Madame Buzyn aurait compris la menace du coronavirus, mais n'aurait pas été entendue. Mais, dans ce cas, pourquoi s'est-elle contentée de ce refus ? Qu'aurait fait de Gaulle, s'il avait été ministre de la défense, en 39 ?

Du coup, on en est amené à reconsidérer l'action de Mme Bachelot, en 2009, lors de l'épisode de grippe aviaire. Elle avait commandé des vaccins, qui n'ont servi à rien. (Plus curieusement, il y avait eu une remarquable collaboration internationale, qui ne semble pas être aussi efficace aujourd'hui.) Elle a été tournée en ridicule. Ce qui ne nous a pas rendu service. Erreur de communication ? Aurait-elle dû commencer par faire comprendre le danger, pour avoir l'appui de la population à son action ?

Ce que cela semble dire, c'est que l'on n'apprend rien du passé, et qu'il serait urgent de nous améliorer.

L'art du don

Si l'on lit ce blog, on verra que, pour moi, la formation professionnelle est une solution à la crise sociale, occidentale.

Il y a de plus ou moins bonnes façons de s'y prendre. Le responsable d'un organisme para public m'expliquait que ce qu'il faisait était une Bérézina. Les entreprises avec lesquelles il travaillait se déchargeaient entièrement de la formation sur lui. Si bien qu'il se retrouvait face à des problèmes invraisemblables (notamment des étudiants sans éducation, qu'il devait nourrir, et qui partaient pour un oui pour un non), et qu'elle était inefficace, et coûtait extrêmement cher à la collectivité (nous).

Une autre personne me disait qu'elle avait procédé différemment. Elle était partie de la demande des entreprises : le recrutement. De là, elle leur avait fait remarquer que c'était une question de formation, et que cette formation était de leur responsabilité. Et que, si elles s'unissaient, mettre en place un cursus de formation ne leur coûterait pas cher, surtout si elles faisaient tout ce qui faut pour que les étudiants ne partent pas chez d'autres une fois formés. A ce point, éventuellement, il mobilisait les ressources de la collectivité pour trouver une salle pour les cours (un local désaffecté), ou pour aider les conjoints des étudiants à s'installer à proximité. Tout cela ne coûtait presque rien, et donnait de très bons résultats.

Logique du don et de l'aide ? Si l'on donne, l'autre pense que c'est un dû. Il agit en parasite. Si vous partez de son besoin, et l'aidez à utiliser ses moyens pour y répondre, il vous est reconnaissant ?

dimanche 29 mars 2020

On en a pris pour perpète ?

Article du journal du MIT. L'épidémie est là pour rester. Cela signifie qu'il y aura déconfinement, puis reconfinement, ad aeternam, ou presque. Problème : comment éviter qu'une partie de l'économie ne disparaisse, que les pauvres, dont le sort se dégradait déjà rapidement, ne paient l'addition, et que les pays les moins développés ne deviennent des bombes à retardement virales ?

Peut-être serons-nous sauvés par un miracle que ne prévoient pas les modèles mathématiques de cet article ? Peut-être que si l'on mettait le monde en état de guerre, réellement, c'est-à-dire si on l'organisait pour faire ce qu'il faut pour arrêter définitivement le virus, y arriverait-on aussi ? (Un précédent billet.)

Toujours est-il que ce virus ne sera certainement pas le dernier. Comment rendre notre société résiliente à ce type d'attaque ? Première leçon : nous dépendons tous les uns des autres. Seconde leçon, si nous voulons que le changement réussisse, il ne peut pas y avoir de perdants, car ils n'accepteront pas de perdre, et ils ont les moyens de faire perdre tout le monde.

La barbe !

Cette épidémie me rappelle, une fois de plus, que j'ai toujours tort.

N'ayant plus de savon à barbe, et ne voulant pas repartir faire les courses et la queue, j'ai eu recours au rasoir électrique abandonné il y a près de quarante ans. Il rase très bien. Je ne le pensais pas à l'époque. J'ai compris que c'était parce que je ne savais pas me raser.

Je retrouve là une idée fausse dont j'ai pris conscience il y a quelques années. Lorsque je rencontre  certains problèmes, je me dis que "je n'y arriverai pas". J'illustre parfaitement les théories du psychologue Martin Seligman. Je me suis rendu compte petit à petit que cela expliquait mon comportement bizarre durant certains examens, mais aussi quelques mauvais réflexes de conduite, heureusement sans conséquence (je ne conduis plus), puis que cette idée fausse s'était infiltrée partout, y compris dans des actes physiologiques qui semblent automatiques. Arriverai-je à m'en débarrasser ?

En tout cas, je crois qu'il y a un enseignement général derrière mon cas particulier : ce que nous prenons pour des lois de la nature vient souvent d'idées qui n'ont pas été suffisamment critiquées.

samedi 28 mars 2020

Etat de guerre

M.Macron parle de guerre, M.Trump réquisitionne General Motors, les Chinois construisent des unités d'isolement pour éviter à leur système hospitalier d'être engorgé.

En France, on cause, ailleurs, on agit ?

La France a toujours eu du mal avec la mobilisation. Si l'on en croit Marc Bloch (L'étrange défaite), en 40, elle n'a réussi ni à mobiliser son armée (ses officiers ne croyaient pas en leurs troupes), ni les usines d'armement (en grève). En revanche, les USA, ont construit un plan de bataille économique, et l'ont appliqué. Dans ces circonstances, il faut débrancher l'économie de marché, et la démocratie.

Exemple de "changement dirigé". Il y a certaines circonstances dans lesquelles on sait ce que l'on doit faire. Alors, on s'organise pour le faire.

Gabriela, girofle et cannelle

Histoire d'amour entre un gros propriétaire de bar d'origine syrienne et une irrésistible sauvageonne, sur fond de changement social.

Ilhéus, dans l'état de Bahia en 1925. L'or, là-bas, c'est le cacao. Il fait des fortunes. Des aventuriers et leurs armées de tueurs ont rasé la forêt, pour y planter des cacaoyers, et assassiné leurs opposants. Ces parvenus s'appellent les "colonels". Ils construisent de grandes maisons en ville, et imposent une morale puritaine à leurs femmes et filles, alors qu'eux mêmes courent la gueuse. Une nouvelle génération apparaît, parmi laquelle se trouvent les enfants des colonels, des étudiants. On ne parle plus que de "progrès". Les moeurs évoluent. Désormais le mari qui tue sa femme et l'amant de celle-ci n'est plus acquitté. Mais, pour autant, en politique comme ailleurs, c'est la force et l'argent qui conservent le pas sur le droit et une démocratie qui n'est qu'apparente. Brésil éternel ?

Bon livre ? Sa force est sa galerie de personnages, les colonels, leurs familles, et les "intellectuels" du cru qui s'opposent à eux, et le fils de famille, venu de Rio pour se faire un prénom, et qui va changer le pays. Mais, curieusement, tous ces gens parlent une même langue, plate. Je me demande si ce qui faisait l'intérêt du livre n'était pas, justement, comme chez Pagnol, la langue de ses personnages, et si tout n'a pas été perdu à la traduction.

vendredi 27 mars 2020

Ce n'est pas la girouette qui change...

Un ami m'écrit : "Les gros cabinets bossent déjà sur l’après-crise, ils vont recommander de couper les coûts : IT, Consultants, Intérimaires. Et de diversifier les fournisseurs en ayant une partie de fournisseurs en Europe. Pour mémoire c’est eux qui avaient conseillé de délocaliser …"

La loi de la société : il vaut mieux avoir tort avec tous... ?

L'énigme du nihilisme

Les "possédés" de Dostoievski sont des nihilistes (on dit "les démons", aujourd'hui). Le nihiliste a mis le monde à feu et à sang. Or, le nihilisme pourrait avoir ressurgi... Les "votes populistes" ont amené les scientifiques à s'interroger sur ce qui les avait suscités. Ce serait le rejet de la politique menée par une "élite" dirigeante. Or, on constate aussi que, derrière un discours instrumentalisant l'écologie, le féminisme ou le rejet du colonialisme, se cache une résurgence du nihilisme.

Pourquoi cette résurgence ? Comment attrape-t-on cette maladie ?
  • Elle serait à l'origine du totalitarisme. Elle a été étudiée après guerre, notamment par Paul Watzalwick. (Albert Camus et Hannah Arendt l'ont aussi pourfendue.) Il semble que ce soit une maladie de la raison, de l'intellectuel). C'est la croyance en un "absolu". L'homme, pris au piège d'un "système", serait dans un "jeu sans fin", une sorte de folie, qui le rendrait aveugle à la réalité. 
  • Le nihilisme n'est pas nécessairement une conséquence imprévue de l'idéologie, mais est parfois revendiqué. Car, pour beaucoup, le néant est purificateur (notamment pour Heidegger ?). 
  • Dans L'homme révolté, Camus observe que le nihilisme, en créant le chaos, est du côté du fort contre le faible. Il pourrait, donc, faire le jeu d'une classe dominante. Plus récemment, on a observé que ces thèses extrêmes étaient un trait culturel qui permettait à l'élite de se reproduire (cf. étude faite par Joan C. Williams dans White Working Class). L'affaire se compliquerait donc : le nihiliste ne serait pas nihiliste, mais ferait comme s'il l'était.
Voilà qui donne le tournis ? Serions-nous dans un jeu sans fin ? Mauvaise approche de la question ?

jeudi 26 mars 2020

Peut-on critiquer le gouvernement ?

Critiquer le gouvernement est une partie de notre culture. A sa place ferions-nous mieux ? Essayons de poser le problème.

Définissons une grille de jugement.
  • L'exécutif (décision) :
  1. Inertie : le problème a-t-il été pris suffisamment tôt au sérieux ?
  2. Rigueur : le problème a-t-il été correctement analysé ? 
  • Le système : sans organisation bien préparée, un dirigeant ne peut rien faire. 
Données :
Conclusion provisoire :
  • Il semble que l'exécutif n'a pas correctement réagi. 
  • Le système médical serait alimenté plus ou moins en juste à temps par la supply chain mondiale. Or, le principe même du juste à temps est qu'il est intolérant à l'erreur (quasiment la page 1 de tout traité sur le sujet). Ce système n'est pas robuste et, en outre, dépend trop de l'exécutif.

Relance massive

Les USA annoncent un plan de relance de 2000 milliards de dollars. Il y a de l'escalade. En 2008, on restait au dessous des 1000 milliards. Il faut frapper les esprits.

En tout cas, le Financial Times s'étonnait, l'autre jour, que les entreprises qui ont dépensé des fortunes à racheter leurs actions réclament maintenant l'aide de l'Etat américain...

mercredi 25 mars 2020

Comment changer le système médical français ?

Il émerge que l'épidépidémie du coronavirus n'a pas été correctement traitée. Il aurait fallu tester la population, et isoler les personnes infectées. (Méthode asiatique.) Non pas isoler tout le monde. (Une explication.) Résultat : notre système médical est saturé. Ce qui peut causer des "dommages collatéraux", m'a-t-on expliqué : il ne fait pas bon avoir une autre maladie que le coronavirus, actuellement...

Si je comprends bien ce que l'on me dit, le système médical a suivi une mauvaise pente. On m'a parlé "d'armée mexicaine". Beaucoup de gens, peu de moyens. Il est dirigé par une multitude d'agences où l'on fait carrière mais pas de médecine. Quant au médecin il se "protège" par des "protocoles" et en expédiant systématiquement ses patients aux urgences, qui, elles, font des batteries de tests inutiles ("les urgences rapportent beaucoup" m'a-t-on dit - sur le dos de la Sécurité Sociale). Finalement, tout ce qui permettait de répondre jusque-là aux situations exceptionnelles (stocks d'équipement, lits d'hôpitaux militaires...) ont été éliminés.

Le système doit changer, ai-je entendu. Car nous devons être capables de faire face à de nouvelles épidémies. Comment ? "Par le tri". Justement ce qu'il n'a pas fait.

Il y a quelque-chose de fascinant dans cette affaire. L'évolution de notre système de santé semble avoir obéi à une logique qui l'a rendu inefficace. Cette logique le conduit aujourd'hui à faire l'inverse de ce qu'il devrait. Mais, il n'est pas le seul dans ce cas. Apparemment, tous les systèmes de santé occidentaux sont dans le même état. Ce n'est pas la raison qui guide le monde, mais la mode ? Jusqu'à la crise ?

La pensée décoloniale

La pensée "décoloniale", curieux mot. Qu'est-ce ?
le colonialisme et donc le racisme sont une essence occidentale, ils sont consubstantiels à l’Occident et au capitalisme avec lequel il se confond, et ils ne disparaîtront qu’avec eux. (L’obsession identitaire et la question des discriminations)
Autrement dit, il faut liquider l'Occident ?

On entend beaucoup parler nos élites intellectuelles et politiques de "colonialisme", serait-ce ce qu'elles ont en tête ?

mardi 24 mars 2020

Innovation virale : notre avenir ?

D'où viennent les épidémies ? se demande Scientific American. 60% sont d'origine animale. En Asie, en Afrique, en Amérique du sud, mais aussi dans les pays "développés" (maladie de Lyme), l'évolution de l'humanité bouleverse les écosystèmes. L'homme entre en contact avec des milieux inconnus, eux-mêmes, bouleversés. Ce brassage produit une nouvelle race d'épidémies. La destruction est créatrice. Et cela ne fait que commencer.

Le lecteur attentif observera que ces épidémies ont quelque chose de "systémique" : en stoppant le développement économique mondial, voire en éliminant une partie de l'humanité, elles s'opposent aux causes qui les ont provoquées. Il se demandera peut-être : et s'il y avait plus urgent que le réchauffement climatique ?

L'article : Destroyed Habitat Creates the Perfect Conditions for Coronavirus to Emerge / COVID-19 may be just the beginning of mass pandemics

Catharsis

L'idéal littéraire du fin dix-neuvième, début vingtième aurait-il été la catharsis ? Question que je me pose en lisant Mauriac, Montherlant, Virginia Woolf, D.H. Lawrence.

La catharsis, c'est le calme après la tempête. C'est un moment de grâce et de révélation après le chaos auquel on a su faire face. C'est la récompense immanente de la vertu.

C'est aussi, apparemment, ce que cherchait à atteindre le drame des Grecs anciens.

Mais est-ce une bonne idée de provoquer ce phénomène de manière artificielle ?

Il est possible que les drames anciens aient eu pour mission d'expliquer à l'homme que la vie n'avait rien de rationnel (contrairement à ce qu'enseigne la science moderne), mais qu'il ne faut, surtout, pas désespérer : on a en soi les ressources pour faire changer la situation.

L'Angleterre nationalise

Mme Thatcher doit passer un mauvais moment. Ses descendants, les conservateurs britanniques, nationalisent les compagnies ferroviaires !

Enseignement : l'Etat, c'est à dire la société (nous), est l'assureur de dernier recours de l'entreprise. La société est une assurance, autrement dit.

Faut-il affirmer, avec l'économiste Frank Knight, que c'est l'assureur en dernier recours qui possède une société ?

 (Le Financial Times :
The British government has suspended the UK rail franchise system in a move that effectively nationalises any losses by railway companies for the next six months — in the latest sign of how the coronavirus pandemic is blighting the economy. The Department for Transport announced on Monday morning that it would temporarily end normal franchise agreements and transfer all revenue and cost risk to the government for at least half a year. Operators will continue to run services day-to-day for a small management fee under an “emergency measures agreement”, it said.)

lundi 23 mars 2020

Mme Thatcher et le virus

Mme Thatcher, fameusement, a déclaré que "la société n'existait pas". Elle entendait pas là que nous étions tous des individus, et qu'il n'y avait rien, de mystérieux et d'invisible, qui nous relient les uns aux autres et, surtout, nous contraignent.

Cette épidémie est la preuve du contraire. Que ce soit faire ses courses ou se cacher dans sa maison de campagne, ou encore aller à la plage ou sur les quais de la Seine, tout le monde a la même idée au même moment.

Notre raisonnement individualiste à la Thatcher est, d'ailleurs, sens dessus dessous. On tend à craindre pour sa santé. Mais c'est pour la santé de l'autre que l'on devrait être inquiet. Une fois qu'il est infecté, nous sommes infectés. Un caissier, un livreur ou un médecin atteint, c'est des centaines de victimes. Dans une société, la vengeance est immanente.

On redécouvre aussi le rôle de la société. Elle est notre assureur en dernier recours. Si tout marche encore, et si l'on a un espoir que nos entreprises ne fassent pas faillite, et que tout ne s'achève pas en crise, c'est parce que la société, l'Etat, donc nous, sont là.

Plus curieusement, on constate que les nations agissent comme des êtres. La Chine, l'Italie, l'Angleterre, la France, se comportent d'une façon qui leur est propre. A tel point qu'on a l'impression que c'est justement ce sur quoi joue le virus pour se propager.

Ce qui est surprenant est que la science de la société comme être (la sociologie à proprement parler) ne se soit pas développée mais ait, au contraire, régressé depuis l'ère de Durkheim et des pionniers.

Sommes-nous des escrocs ?

L'escroquerie n'escroque que des escrocs. J'ai l'impression que la psychologie n'est pas loin de dire cela. Ce qui rejoint la "victime coupable", que l'on retrouve dans beaucoup de théories.

Où se trouve la culpabilité ? Dans le fameux "hybris", le manque de rigueur intellectuelle. Nous croyons à ce qui est trop beau pour être vrai. Seulement, ce qui atténue notre faute et fait qu'un escroc peut être un escroc, est que, pour lui, le procédé est conscient, alors que, pour nous, il est inconscient.

Comment éviter l'escroquerie ?
  • En creusant notre inconscient. Qu'est-ce qui nous fait prendre une décision ? Est-ce un critère rigoureux ou fantaisiste ? C'est un travail sur soi à long terme.
  • En décidant lentement. Nous vivons dans la société de l'escroquerie. En conséquence, nos réflexes inconscients sont systématiquement exploités. Par définition, nos réactions épidémiques sont fausses, et nous amènent à faire le contraire de nos intérêts. 
  • En écoutant nos émotions, recommandation usuelle du psychologue. L'émotion signale que "quelque chose ne va pas". Cela indique qu'il ne faut pas réagir immédiatement (ce que l'on appelle "suspension".)

dimanche 22 mars 2020

La psychologie du virus

Tout changement ouvre un nouveau champ d'application à nos savoirs. A l'époque de la bulle Internet, tout professeur expliquait ce que sa discipline avait à dire sur ce nouveau Far West. Il en est de même avec le coronavirus. L'université de Cambridge, ainsi, explique comment la psychologie nous aide à combattre l'anxiété qu'il peut produire, en cinq idées.

Comme souvent, on découvre que l'on fait de la psychologie sans le savoir. Seulement, on ne le fait pas systématiquement. C'est ce qui différencie le professionnel et l'amateur.

En tout cas, il me semble qu'il y a quelque-chose qui n'est pas assez dit clairement. Les études des périodes de grand stress (la crise de 29, notamment) montrent que le meilleur moyen de s'en débarrasser est, simplement, de parler, ou d'écrire. La société est notre paratonnerre contre l'angoisse.

Early victorian novelists

Les heureux hasards du virus. J'ai exhumé Early victorian novelists d'une pile de vieux livres. Sa première édition date de 1934. Le dépaysement commence dès la première de couverture : one shilling and sixpence. Il se poursuit à la quatrième : l'auteur, Lord David Cecil, est le fils du quatrième marquis de Salisbury, et il est marié à une des filles de Desmond McCarthy, est-il dit.

Les oeuvres des grands noms de l'écriture victorienne y ont droit à une critique en règle, comme on n'en fait plus. Et l'on comprend pourquoi nous sommes devenus féministes : en ces temps, le génie était féminin ! Parmi les sept auteurs cités, quatre sont des femmes. Et ce sont probablement les plus intéressants. Il y a : Dickens, Thackeray, Trollope, Charlotte et Emily Brontë, Mrs Gaskell, et George Eliot. (Trollope et Mrs Gaskell m'étaient inconnus.)

En résumé ? Toutes ces oeuvres sont mal fichues, ces écrivains étaient des autodidactes mal dégrossis, qui ne pouvaient imaginer ce qui existait en dehors de leur monde étroit (Mrs Gaskell, digne femme de pasteur, était incapable de décrire un homme, espèce qui lui était totalement inconnue). Mais ils ont une forme de génie : il jaillit de leur spontanéité. La force, surprenante, du texte de David Cecil tient en une sorte de "méta analyse", pleine d'énergie et de passion. Il montre ce qui se joue derrière l'oeuvre. Par exemple, dans Les hauts de Hurlevent, les personnages sont animés par les forces telluriques de leur milieu de naissance. Lorsque ces forces sont contrariées, c'est le drame. Pour George Eliot, c'est l'épreuve qui révèle notre être profond, bon ou lâche. C'est ce que racontent ses livres.

Voilà une étude qui mériterait d'être rééditée.

("those who do care for art as such will discover a satisfaction in them that all the conscientious craftsmanship of today hardly ever provide.")

Le diplômé et l'autodidacte

La différence entre une religion et une secte ? La secte pense détenir la vérité, la religion la cherche. J'ai entendu dire cela, un jour.

Je me demande s'il n'en est pas de même avec le diplômé et l'autodidacte.

samedi 21 mars 2020

L'Intelligence artificielle est une invention de Kafka

L'Intelligence artificielle m'a donné un cauchemar.

Comme souvent je me trouvais à l'école, mais, cette fois, j'avais tapé une rédaction, et je découvrais, en dernière minute, une fois imprimée, qu'elle était rendue incompréhensible par mon correcteur orthographique.

Voilà une conséquence imprévue de l'écriture de ce blog. Mon Mac a été victime de systèmes d'exploitation de plus en plus sophistiqués. Ce qui fait qu'il se traîne. Si bien que je tape plus vite qu'il n'est capable d'écrire. Du coup, le correcteur orthographique corrige le texte mal tapé d'une manière surprenante, ce que je ne vois pas toujours. D'ailleurs, il peut changer plusieurs mots d'un coup. Quand je découvre ces erreurs, en relisant mon blog, je suis généralement incapable de retrouver le sens du terme initial, ou même mon intention.

Le féminicide est-il un génocide ?

Le concept de féminicide cacherait des enjeux invisibles. Une analyse de la question par des juristes.

Le féminicide, pour certains militants, serait une manifestation du rapport de "domination" de l'homme sur la femme, inhérent à notre société. Cela ressemblerait au génocide. Le Français aurait décidé de faire disparaître la Française.

En faisant entrer un terme, apparemment innocent, dans la loi, on reconnaît implicitement la réalité de ce diagnostic. Et si, au lieu de faire passer le changement en force, on avançait à visage découvert ?

(Et si l'on faisait une étude anthropologique des motivations de nos classes dirigeantes ?)

vendredi 20 mars 2020

La nouveauté du harcèlement

A-t-on suffisamment noté le changement qu'était l'entrée de "harcèlement" dans le droit français ?

Jusque-là, les violences étaient physiques, maintenant, elles peuvent aussi être psychologiques.

Le fait de reconnaître ces dernières permet d'éviter de répondre à la violence psychologique par la violence physique : pour se défendre, on peut s'en remettre à la loi. La définition de la civilisation ?

Les coutumes victimes du virus

J'ai noté que les jeunes, au moins ceux qui appartiennent à une certaine classe sociale, ne vivent que par "l'international". Non seulement, ils veulent travailler loin de chez nous, mais, une fois installés, ils passent leur temps en voyages.

J'ai aussi noté cette habitude, à l'époque où je travaillais pour des multinationales : beaucoup de cadres passaient leur vie dans des longs courriers. C'était devenu une habitude. Je me suis toujours demandé, s'il leur restait du temps pour penser. (Peut-être était-ce l'intérêt du déplacement : agir sans avoir à penser ?)

Voilà pourquoi le confinement risque d'en faire souffrir plus d'un. Ce que les virus exploitent, ce sont nos automatismes, particulièrement quand ils sont collectifs ? Le virus : une forme de destruction créatrice que n'avait pas prévue la Silicon Valley ?

Profiteurs de guerre ?

La pandémie en cours pose à nouveau la question des "profiteurs de guerre". Alors que les soignants, les policiers, les caissiers de supermarchés, les routiers et bien d'autres, risquent leur vie, certains vont-ils profiter de la situation ?

On me parlait de RSE et de concepts compliqués. Mais n'est-ce pas une simple question de conviction ?

Je me souviens des étudiants qui cherchaient à comprendre ce qu'ils devaient me dire pour avoir une bonne note. Et je me demande si, au motif d'enseigner le bien, on ne nous fait pas subir un lavage de cerveau qui masque l'essentiel.

jeudi 19 mars 2020

L'imprévoyance du gouvernement français est-elle congénitale ?

Lorsque je lis les témoignages de malades du coronavirus, publiés par le Monde, je me demande comment j'ai fait pour ne pas l'avoir, encore, attrapé.

On sent derrière tout cela beaucoup de dévouement, mais aussi pas mal d'impréparation. Surtout lorsque l'on sait ce qu'ont fait les pays asiatiques.

En 14, les soldats n'avaient pas de casques, en 40, l'armée n'avait pas de matériel, le nuage de Tchernobyl s'est arrêté à nos frontières... Maintenant, il n'y a pas de tests, et pas de masques. Serrons-nous toujours dirigés par d'arrogants incompétents qui nous prennent pour des enfants ?

J'ai la faiblesse de penser qu'il y a un changement. Même s'il n'est pas très adroit, et ne sait pas toujours résister aux tentations qui ont été fatales à ses prédécesseurs, notre gouvernement semble être capable d'apprendre de ses erreurs. Mais il part de loin.

Contenu modéré

Internet est-il à l'image de ses concepteurs ?

Toujours est-il qu'il existe un nouveau métier : censeur. Des fournisseurs de Facebook (et autres ?) sont payés pour analyser des contenus publiés sur Internet. Ces contenus sont tellement nocifs que les regarder rend malades les employés des dits fournisseurs.
As a result of exposure to videos depicting graphic violence, animal abuse, and child sexual abuse, some employees developed psychological trauma and posttraumatic stress disorder. (Wikipédia.)
(En outre, les dits employés semblent être des personnels fragiles, travaillant dans des conditions effroyables...)

Faut-il se méfier de l'abstraction ?

A) 4 cartes avec d'un côté une lettre, de l'autre un chiffre :
  • a, d, 3, 7
Je veux vérifier la loi : si une carte a "a" d'un côté, elle a "3" de l'autre. Quelles cartes dois-je retourner ?

B) Cette fois-ci, je suis dans un bar, et veux vérifier qu'il ne vend de l'alcool qu'aux majeurs. Je suis en face de quatre personnes, j'en connais deux, je sais ce que les deux autres boivent. Quelles personnes dois-je vérifier ?
  • whisky, coca, adulte, adolescent. 
Peu de gens répondent bien à la première question ; quasiment tout le monde répond bien à la seconde. Les deux problèmes sont identiques. Abstraction contre pratique !

Notre enseignement veut sélectionner les esprits abstraits. Il rend tout abstrait, et incompréhensible.

Ma vie a été un combat contre l'abstraction : d'une part, justement, notre talent est concret, être abstrait, c'est perdre le génie humain ; ensuite, l'esprit abstrait perd le contact avec la réalité : obsédé par son idée, il devient fou.

Histoire de toutes les idéologies qui ont secoué l'humanité. L'abstraction fait de l'individu un "possédé".

mercredi 18 mars 2020

La banalité du mal : obstacle au changement ?

Hannah Arendt avait tiré comme conclusion de la réaction de l'Europe au nazisme : "banalité du mal".

On peut se demander si ce n'est pas cette banalité du mal qui est à l'origine de bien des crises, notamment de la propagation des maladies (cf. la maladie de la vache folle).

Quelle est sa nature ? Il semble, en grande partie, qu'il s'agisse d'une pensée automatique. D'un principe érigé en absolu, notamment. Par exemple le "libéralisme", dans le cas de la maladie de la pomme de terre en Irlande, en 1850, qui va vider l'île d'un tiers de sa population (mort ou immigration). Il y a l'hybris du "possédé" mais aussi la paresse intellectuelle de l'homme normal.

Peut-être que Kurt Lewin avait raison : tout changement commence par un "dégel" de ses certitudes ?

Le changement par la culture

J'ai lu il y a quelques années que Honda, ne parvenant pas à faire réussir un modèle, avait fait entrer la nouvelle génération dans son bureau d'étude. Ce qu'il avait perdu en compétences, il l'avait gagné en compréhension du marché. Le nouveau modèle avait été un succès.

Quand on regarde les titres du Monde, on constate qu'il est écrit par et pour le Bobo du Quartier latin. Pas étonnant que son lectorat soit une espèce en voie d'extinction ?

Et s'il y avait là une façon originale de concevoir l'art de la stratégie d'entreprise : constituer la culture, la composition sociologique, de celle-ci en fonction du marché que l'on vise ? La stratégie par le recrutement ?

Virus et pensée complexe ou l'apothéose d'Edgar Morin ?

Lundi matin, je profite d'un rendez-vous téléphonique raccourci, pour faire des courses. J'ai l'habitude de faire mes achats en horaires décalés, les magasins sont vides. Pas cette fois. Après coup, j'ai compris que beaucoup de gens avaient été mis à pied par le virus, et qu'ils accumulaient des vivres pour faire face à la période de confinement qui s'annonce.

L'épidémie est un moment systémique. Il nous révèle à quel point nous pensons tous la même chose au même moment. De même, les grévistes d'hier sont les héros d'aujourd'hui. Ils doivent cela à la rationalité de notre société qui joue à plein l'effet d'échelle pour réduire ses coûts, et gagner en productivité. Nous concentrons nos malades, nos personnes âgées, notre nourriture, nos avions... à certains endroits, et ce sont eux que le virus utilise pour se propager. Voilà aussi pourquoi le confinement est un temps béni pour le cyber pirate : beaucoup de gens vont travailler de chez eux, avec des systèmes d'information moins bien protégés que ceux de leurs entreprises.

L'épidémie est une apothéose pour le vénérable Edgar Morin. Elle montre les dangers de ce qu'il appelle notre "pensée simplifiante". La nature demande une "pensée complexe". Une organisation résiliente doit être un peu, beaucoup ?, désorganisée.

mardi 17 mars 2020

Bonheur des uns, malheur des autres

Des secteurs de l'économie entiers appellent au secours, Amazon recrute cent mille personnes... Ce qui fait le malheur des uns...

Faillite de la doxa des prix Nobel d'économie, et de l'élite mondiale, que l'on m'a enseignée en MBA : il est ridicule que les entreprises se diversifient pour limiter leurs risques, c'est au marché de le faire, et il le fait bien mieux qu'elles. Démantelez les multinationales, et rendez son argent au "marché" (marché financier = actionnaire).

C'était une justification des grands mouvements de rectructuration des multinationales qui sont en marche depuis plus de trente ans.

Seulement, mes professeurs n'avaient pas envisagé le fait que si un secteur disparaît, le marché n'aura plus rien pour se diversifier... Et que, tout le monde étant interdépendant, la disparition de l'un, c'est la disparition de tous.

Le Financial Times, ce matin :
Businesses demand billions in help to avoid failures
Leisure, transport and retail sectors warn hundreds of thousands of jobs are at risk
Amazon says it will hire 100,000 extra staff 
Ecommerce giant will also raise hourly wages as it tries to keep pace with coronavirus demand 

L'Education nationale encourage-t-elle la paresse intellectuelle ?

J'ai fait mon service militaire de manière légèrement décalée, si bien que je ne suis pas tombé au milieu de la France diplômée, mais de la France ordinaire.

Il y a une grande différence entre elles. La première est incapable de démonter et de remonter un fusil, ou de le nettoyer. C'est facile pour l'autre. L'explication tient à ce que la première a besoin de règles simples, d'un mode d'emploi, alors que, dans la nature, il n'y en a pas. Tout est intuition. Il n'est pas possible de définir "le travail bien fait". C'est une question, en quelque-sorte, pour esthète.

Pour autant, l'esprit simplifié du diplômé est peut-être utile, à condition qu'il ne veuille pas dicter sa loi à la nature. En effet, lorsqu'il parvient à modéliser ce qu'est en train de faire l'intuition, il est capable de voir si elle ne s'égare pas, et, éventuellement, de l'accélérer, en mobilisant, par une parole facile à comprendre, la société.

Virus et quatrième pouvoir

La presse a pris l'habitude de dénoncer les "théories du complot". Je ne suis pas sûr que cela ne soit pas contreproductif. En effet, d'une part ses articles n'informent pas, puisqu'ils ne font que nier, et, d'autre part, ils sont désobligeants pour le lecteur. Nous ne payons pas les journalistes pour qu'ils nous disent que nous sommes des morveux ignorants.

Ce que devrait comprendre, je crois, ces journalistes, c'est que, derrière les "fausses nouvelles", il y en a une vraie : il y a un vide, une inquiétude, qu'elles comblent. Les journalistes ne répondent pas à cette inquiétude. Et si c'était, pourtant, cela, leur rôle ?

Mais comment informer, quand on ne sait rien ? Etre rassuré ne veut pas dire savoir le fin mot de l'histoire, mais comprendre que quelqu'un de compétent cherche à comprendre. C'est l'idée centrale de ce que l'on appelle "communication de crise" :

"Dîtes-moi ce qui vous inquiète, je vais enquêter."

Mais pas enquêter comme le fait le journaliste, c'est-à-dire s'arrêter à deux ou trois interviews d'autorités pontifiantes. La presse doit enquêter, comme on le fait dans les films d'Hollywood, ou comme le fait un chercheur, ou comme devrait le faire un juge d'instruction.

Ne serait-ce pas cela, ce que signifie ce fameux "quatrième pouvoir" ?

(Vox et les causes de l'épidémie de coronavirus.)

lundi 16 mars 2020

Démocratie et virus

Comment Singapour a-t-il arrêté le coronavirus ? D'après une personne qui s'y trouve, il a immédiatement pris des mesures draconiennes : la température de tout le monde était (ou est) prise sans arrêt. Pas question d'entrer dans un bureau si l'on a quelques dixièmes de degrés de trop. C'est le bénéfice de l'enseignement tiré d'une précédente épidémie.

Qu'est-ce qui a dysfonctionné en Europe ? Peut-être que l'efficacité asiatique nous a fait sous-estimer les dangers de l'épidémie. Politico parle de "pandémie de l'incompétence". N'y aurait-il pas, plutôt, une cause culturelle ? Notre culture (au sens anthropologique) est individualiste. Nous tendons à voir d'abord notre intérêt à court terme. Or, c'est justement cela qui facilité la pandémie. Et nous avons un régime, la démocratie, qui convient à cet individualisme. Comme lors des guerres, une telle culture doit se transformer pour réagir aux menaces collectives. Il faut une prise de conscience individuelle, le citoyen doit accepter le dirigisme, avec tout ce que cela signifie de problèmes à résoudre, ne serait-ce que de communication.

Enseignement ? Sachant que la démocratie, dans les situations critiques, tend à cafouiller, ne pourrait-on pas étudier un mécanisme qui permette de corriger ces ratés ?

Maladie de la vache folle

Petit ouvrage sur la maladie de la vache folle, très bien écrit, que j'ai lu dans sa version anglaise. Voilà une crise sanitaire qui nous rappelle étrangement celle du coronavirus.

De quoi s'agit-il ? Les animaux et les hommes sont atteints de maladies neurodégénératives qui transforment le cerveau en une "éponge". La cause en est la modification d'une protéine, qui, de ce fait, ne peut plus être éliminée par le corps. Elle s'accumule dans le cerveau. C'est le "prion".

En fait, à l'époque d'écriture du livre, on ne pouvait pas dire si ce prion était la cause de la maladie, ou s'il fournissait la coque autour d'un acide nucléique, ou si, encore, cette cause était un virus. (Je ne sais pas où l'on en est aujourd'hui.)

Cette maladie, rare, est amplifiée par les conséquences imprévues d'une innovation. Une innovation multiple d'ailleurs. La maladie a été détectée, très tôt, chez une tribu de Papouasie Nouvelle Guinée, qui a pour pratique de manger ses morts. (Qui a dit que les primitifs étaient plus sages que les civilisés ?) Quant à notre épidémie, elle a pour origine une avancée scientifique. La science des années 20 nous recommande de brûler les carcasses des animaux, ce qui produit des protéines, et de nourrir avec ces protéines les humains et les animaux. C'est la "farine animale". La crise des années 70 fait que, pour des raisons d'économie, en Angleterre, ont réduit la température de cuisson de ces farines. De ce fait l'agent pathogène cause de la maladie n'est pas annihilé.

La maladie mettant du temps à se développer, elle n'est détectée que dans les années 80. Il se passe alors quelque chose qui ressemble beaucoup aux réactions des peuples face au nazisme, telles que décrites par Hannah Arendt, et qu'elle nomme "banalité du mal". Mme Thatcher décrète qu'en économie de marché, il n'y a pas de maladie. D'ailleurs le reconnaître la forcerait à dédommager les agriculteurs, ce qui n'est pas à son programme, libéral. Mais, devant l'étendue de la crise, elle doit agir. Les troupeaux contaminés sont abattus. Elle interdit la consommation de farine animale. Mais, celle-ci est exportée ! L'Europe ne réagit pas tout de suite. L'Allemagne et le Danemark ne font rien, puisqu'ils n'y a que les gens sales qui se lavent. La France interdit les farine animales pour certains usages, mais pas pour d'autres. Le libre échange européen s'oppose à la prise de mesures prophylactiques.

Comment s'est-on tiré d'affaire ? Par la mise au point de tests, par l'encadrement de la cuisson des farines animales, et par des mesures de confinement. Et avec de la chance : la propagation à l'homme n'a pas été celle que prévoyaient les pires scénarios (des centaines de milliers de morts). Comme l'observent les auteurs, l'homme est étonnamment résistant.

Le paradoxe allemand

Un coronavirus, des grèves, un Brexit, un Trump, un printemps qui n'arrive pas... On en oublierait presque l'Allemagne.

Ce pourrait être le prochain foyer d'instabilité en Europe. Il semblerait, en effet, que la CDU, le parti qui assurait depuis longtemps l'équilibre du pays, pourrait ne pas survivre au départ de Mme Merkel. Bientôt le chaos ? Or, les Allemands n'aiment franchement pas le chaos...

Difficile de savoir les raisons de cette situation. Tout va bien : économie au mieux, pas de chômage. Pourtant, le parti d'extrême droite est au plus haut. La CDU est de plus en plus faible, et tentée de partir à droite, façon Sarkozy.

Madame Merkel est restée trop longtemps au pouvoir, et a perdu le contact avec la réalité ? Elle n'est plus en phase avec son peuple ? La prospérité allemande cacherait-elle des laissés pour compte ? Mystère.

En tout cas, il est bien possible que la stabilité d'après guerre soit derrière nous et qu'il nous faille nous préparer à entrer dans une phase de turbulences.

dimanche 15 mars 2020

Le paradoxe du coronavirus

Statistiques d'infection par le coronavirus. Curieusement, on a l'impression qu'il n'y a que les pays "développés" qui soient touchés. L'Afrique et l'Asie, en dehors de la Chine, de la Corée, du Japon et de Singapour, ne seraient pas contaminées.

Pas de contact avec la Chine ? Il n'y a que certains Chinois, qui voyagent dans certains pays, qui seraient infectés ? Où seules comptent les vies des citoyens des pays riches ?

Si c'était le cas, ce pourrait être un des bénéfices de la mondialisation. Car, alors, cela signifierait que, dès qu'une nation peut paralyser le système global, on devrait veiller à sa bonne santé...

Pourquoi l'écologie municipale est-elle un égoïsme ?

Surprenant, dans ma commune, le maire en place affronte deux listes écologistes, quasi impossibles à distinguer l'une de l'autre. Elles annoncent une transformation de la ville en parc. En étudiant attentivement leurs documents, j'ai découvert que l'une d'entre-elles était un regroupement des partis de gauche. La gauche aurait-elle abandonné les luttes sociales pour la défense de l'arbre ?

Pierre Veltz explique que ce phénomène est national. Pour le citoyen, la commune est un dortoir. Sa vie active se passe ailleurs. C'est pourquoi il cherche à la cultiver comme un jardin.

La commune, en fait, ne correspond plus à rien, l'échelle de notre vie est l'agglomération :
Il faut passer à l’élection au suffrage universel direct d’une ou d’un maire d’agglomération. C’est simple et cela changerait tout. On pourrait alors multiplier les parcs urbains sans escamoter les questions décisives pour l’avenir de nos villes et de nos sociétés, y compris les questions écologiques.

France solidaire

Lubrizol, à l'occasion de l'incendie qu'il a subi, a créé un "fonds de solidarité" pour indemniser immédiatement, les agriculteurs, les entreprises et les commerces sinistrés. (Ce qui ne correspond pas à une reconnaissance de culpabilité.)

C'est aussi ce que fait actuellement le gouvernement avec l'économie française. Le mécanisme est plus compliqué que celui de Lubrizol (l'indemnisation passait par un point de contact unique), mais, ce qui compte est que le chef d'entreprise sache qu'il y a des ressources pour l'aider, alors, il les cherchera. (Si j'en juge par ce que je vois : cela marche remarquablement bien.)

Un demi siècle d'idéologie libérale serait-il victime du virus ?

samedi 14 mars 2020

Le siècle vert de Régis Debray

Petit essai étonnant. En quelques pages enlevées Régis Debray replace notre époque dans l'histoire.

Ce qui marque notre temps, c'est le souci, absolu, de l'écologie. Sauvons la planète. C'est une "correction". C'est une réaction au "tout esprit", règne absolu de la technologie, négation de la nature, qui l'a précédé, et qui, d'ailleurs, a été illustré par les avant gardes artistiques du début du siècle dernier.

Ce "tout nature" paraît un rien ridicule, un peu terne, voire infantile, mais, surtout, pas dangereux. C'est là son véritable danger. Car, à le regarder de près, ses procédés sont ceux de "l'opium du peuple", la religion moyen d'asservissement. Il a, aussi, les caractéristiques des "absolus" qui ont ravagé, les uns après les autres, la planète. Le "tout nature" serait-il un fondamentalisme, un fanatisme, nous conduisant tout droit à une "dérive autoritaire" ? L'écologiste comme possédé, façon Dostoievski ?

Comme chez Aristote, la vertu consiste à prendre le "milieu" entre deux vices. Entre le "tout esprit" et le "tout nature", Régis Debray choisit le "milieu", dans tous les sens du terme. "Quel chemin emprunter ? Celui qui peut renouer les fils entre la Terre, l'Homme et le Cosmos, et remplacer par la notion de milieu celle d'environnement, imposée par son usage anglo-saxon."
Notre "milieu" n'est pas la planète ou l'univers, mais ce qui nous entoure, qui nous fait, et que nous faisons. C'est à la fois l'esprit et la nature, l'un étant nécessaire à l'autre. "Il faut cultiver notre jardin."

Féminicide

Promenade. Une voiture s'arrête à côté de moi. Au milieu d'un croisement. Le conducteur qui la suit s'emporte. La conductrice de la première voiture est excédée, mais ne bouge pas.

Féminicide : fait social, dirait Durkheim ? Notre culture (culture, au sens anthropologique) fait que les femmes se comportent d'une façon et les hommes d'une autre ? Et l'évolution de la société amène ses comportements à entrer en conflit ?

Le divorce est attribué à ce type de phénomène.

Et c'est ce qui explique ce que signifie "conduite du changement", lorsqu'il s'applique à l'homme ? Elle consiste à faire que l'évolution sociale n'entre pas en conflit avec notre culture ?
- Au paradis les policiers sont anglais, les garagistes sont allemands, les cuisiniers sont français, les amants sont italiens et tout est organisé par les Suisses. 
- En enfer les policiers sont allemands, les garagistes sont français, les cuisiniers sont anglais, les amants sont suisses et tout est organisé par les Italiens. (La Dépêche du Midi.)

Mortalité, Italie et coronavirus

Scientific American se demande pourquoi le coronavirus semble plus meurtrier (nombre de morts / nombre de personnes atteintes) en Italie qu'ailleurs :
  • Age de la population. La plupart des morts seraient des personnes très âgées (80 ou 90 ans), et l'Italie aurait la moyenne d'âge la plus élevée d'Europe. 
  • Saturation des hôpitaux.
  • Il pourrait y avoir beaucoup de plus de cas d'infection que détectés, de ce fait, en proportion, le taux de décès serait surestimé. 
Ce qui pose deux autres questions :
  • La maladie ne se soignant pas, les hôpitaux sont-ils des lieux de contamination ?
  • Il pourrait y avoir beaucoup plus de gens contaminés en Italie qu'on ne le dit. 
De la difficulté, mais aussi de l'intérêt, d'expliquer ce que cache une épidémie.

vendredi 13 mars 2020

Gouvernement d'amateurs ?

J'entends régulièrement dire que nous avons un gouvernement d'amateurs.

Certes. Mais il n'est pas plus amateur que ses prédécesseurs.

La France a toujours été gouvernée par des amateurs. Sous l'Ancien régime, on les recrutait pour leur naissance, puis on leur payait une rente. Après la révolution, c'est le système de sélection de l'Education nationale qui a joué ce rôle. Le résultat est le même : nous sommes dirigés par des gens qui ont été choisis sur des critères qui n'ont rien à voir avec la fonction qu'ils exercent.

D'où, d'ailleurs, les remarques désobligeantes que font sur nous les étrangers : nous sommes un mélange d'arrogance suffocante et d'incompétence inconcevable.

Est-il envisageable que nous devenions un jour des professionnels ?

Age de l'incivilité ?

Il y a eu le "jazz âge", il y a maintenant "l'âge de l'incivilité" ?

Le pays se mélenchonise. Il ne parle pas, il vocifère. L'opposition force, par sa politique d'obstruction, le gouvernement à gouverner par ordonnance. Les médecins, les enseignants, les avocats... font grève. Or, lorsque l'on est responsable d'un service public, on peut manifester son mécontentement, mais non détruire le bien commun, sans détruire aussi la société.

Quant au gouvernement, pour lui, les aboiements du chien n'empêchent pas la caravane des réformes de passer.

Où va-t-on ? Post mélenchonisation ? Gilets jaunes précurseurs d'une démocratie participative, soviétique, venue d'en bas ?

jeudi 12 mars 2020

L'esprit du Coran

Emission sur l'interprétation du Coran.

L'idée de son invité était, je crois, qu'il faut, dans un premier temps, comprendre l'esprit du Coran, et ensuite interpréter ses sourates en fonction de cet esprit. En effet, il y a tellement de significations possibles pour un mot que l'on peut tout lui faire dire. A tel point que selon que l'on pense que le Coran est un manifeste capitaliste, ou proudhonien, on peut y voir une défense, ou une condamnation, de la propriété (mon interprétation de l'interprétation !).

On pourrait dire cela de tous les textes religieux ou juridiques.

La première chose à faire est peut-être de se demander, avec Montesquieu, quel est l'esprit de la loi. Ou plutôt quel est l'esprit que l'on veut donner à la loi. Et ensuite, juger en fonction.

Et si, comme le proposait Bergson, on fondait notre société sur la générosité ? par exemple.

Dommage que l'on ne fasse pas plus souvent cet exercice ?

Domination

Les hautes sphères de notre société ont un vocabulaire qui leur est propre. Par exemple, un cri de ralliement est "care" (en anglais, ou "soin", en français). Un autre mot important est "domination", ou "rapport de domination".

Qui composent ces hautes sphères ? L'élite ? Les intellectuels ? Les diplômés ? La gauche socialiste ?... Leur maître à penser est Flaubert, leur manifeste sont Les fleurs du mal. Au 19ème siècle, on les appelait les "bohèmes". La plupart des artistes de l'époque avaient le baccalauréat, ce qui était extrêmement rare. Ils étaient fils de famille. Cela leur permettait de ne pas vivre de leur art.

Curieusement, les Bohèmes ne se comportent pas en héros pendant les guerres. Ce sont des combattants de la paix. Leur ennemi, c'est le bourgeois. ("Epater le bourgeois", disait-on au temps de Flaubert.) Le "rapport de domination" de la "bourgeoisie" a remplacé celui de l'aristocratie. La société est oppression, il faut la renverser. Voilà ce qu'ils pensent.

Aujourd'hui, le Bohème a poursuivi ses études et est haut fonctionnaire, mais il a conservé un tempérament d'artiste. Il "domine" une société faite exclusivement de bourgeois, que, logiquement, il combat.

Cela pourrait expliquer les changements en cours. Il est possible que le peuple cherche à se donner des dirigeants qui lui ressemblent, ou que le Bohème devienne bourgeois, ou retourne aux marges de la société.

(Mise en ordre d'une série de billets.)

Populiste ou anti système ?

Des chercheurs ont fait une enquête sur le "mal être dans l'Union Européenne".

Ses conclusions contredisent les idées reçues. Ordinairement, on parle de vote "populiste" et on l'explique par l'existence d'un groupe de "vieux blancs" qui n'arriveraient pas à s'adapter au progrès.

L'étude conclut qu'il existe un mécontentement, certes, mais qui est lié à la "géographie" : certaines zones sont en déclin depuis longtemps. Ce déclin est relatif : leurs habitants peuvent être relativement riches (et jeunes). Ce mécontentement ne se traduit pas par une réaction "populiste", mais "anti système". Ce qui est très différent. Ces gens veulent, ce qui semble bien normal, changer un système qui ne leur est pas favorable.

Mettre un terme à ce vote de rejet a une solution : exploiter, à nouveau, les compétences de ces territoires.

Autrement dit, ce qui ne va pas dans le "système" actuel, c'est qu'il ne tire parti que d'une partie du potentiel de la société.

mercredi 11 mars 2020

Intelligence artificielle : la revanche des Indiens ?

India über alles ? Alphabet (Google), Microsoft,  IBM et Adobe sont dirigés par des Indiens. (Ce ne sont pas les seuls.) Qu'est-ce que ça signifie ?

La force des Indiens est leur formation d'ingénieur. Curieusement, alors que l'on nous dit que l'avenir sera aux techniciens, les classes dominantes occidentales suivent des formations non techniques (cf. l'ENA).

La précédente dirigeante d'IBM avait pour caractéristiques son salaire, inversement corrélé à la performance d'IBM, son passé commercial, et Watson, l'IA d'IBM, sa stratégie. Un flop retentissant. C'est peut être là que se joue le véritable changement. L'industrie informatique retombe sur terre ? Finies les bulles spéculatives, le "hype" et les modes, le nom de la bataille s'appelle cloud, et ses applications d'entreprise ? On a besoin d'ingénieurs purs et durs ?

Le bon gouvernement de Pierre Rosanvallon

"Nous ne sommes pas gouvernés démocratiquement". Que faudrait-il pour que nous le soyons ?

La révolution a cru à la loi. Il suffirait de quelques lois bien choisies, pour que chacun puisse vaquer à ses affaires. C'est en ces temps que l'on a émis l'idée (qui est revenue récemment) que ce pourrait être le marché qui ferait la loi. Il y a eu ensuite le parlementarisme, qui a été bien moins une réussite chez nous qu'en Angleterre. Corrompu et inefficace dans les moments de crise, il a cédé la place à un règne de l'exécutif de plus en plus affirmé. Curieusement, avec le général de Gaulle, la France a lancé une mode mondiale de l'exécutif fort. Un pays est désormais vu comme un "système de variables et de flux à optimiser" en permanence. Son existence est une succession de crises.

Malheureusement, cet exécutif n'en fait qu'à sa tête. On ne peut plus parler de démocratie. "Les citoyens veulent être écoutés, reconnus pour ce qu'ils sont, informés, traités avec respect, associés aux décisions (, ils) veulent (...) des gouvernants qui fassent leur travail avec compétence et dévouement, qui aient le souci prioritaire de servir l'intérêt général et pas leur carrière." Ils aspirent à une façon de gouverner caractérisée par "la lisibilité, la responsabilité et la réactivité". Ils attendent du gouvernant "le parler vrai, et l'intégrité".

Je retiens deux idées nouvelles, peut-être. La condition nécessaire et suffisante pour qu'un président gouverne est que la nation ait confiance en lui. Sa responsabilité est de maintenir cette confiance. S'il la perd, même pour de mauvaises raisons, il doit partir.
Quant au changement, il tient à "un nouveau type de rapport à l'avenir pour faire reculer l'emballement des promesses". Il faut renoncer à nos illusions "messianiques" et "penser la démocratie à partir des problèmes de sa mise en oeuvre et des risques permanents de la voir se dégrader en gouvernement oligarchique". La démocratie doit faire un "travail sur elle-même" : "la démocratie est le régime qui implique une discussion permanente sur ses concepts et son vocabulaire (...) une exploration des contradictions". Si l'on y parvient, cela "pourrait ouvrir la voie à une appréhension plus lucide des conditions de réalisation d'une société d'égaux".

Les révolutionnaires pensaient que ce qu'il fallait pour être heureux était la liberté et l'égalité, et que, pour les garantir, il suffisait de quelques règles. Comme eux, Pierre Rosanvallon semble dire que, dans notre nation, à exécutif fort par nécessité, ce qui compte est la démocratie, pas le projet politique. Ce qui demande de se méfier sans cesse des risques de trahison de ses principes. Un appel au citoyen, pour qu'il sorte de sa léthargie ? En tout cas, ce n'est pas un programme facile à mettre en oeuvre. Pierre Rosanvallon n'est pas un homme politique !

L'écologie est-elle un égoïsme ?

Je suis surpris par le "mouvement citoyen" qui se présente aux élections municipales de ma commune. Il a un discours très écologique. D'après un article que j'ai aperçu, il en est de même partout : une vague verte déferlerait sur nos élections.

Seulement le "mouvement citoyen" ne paraît pas composé d'écologistes traditionnels. Il revendique seulement un "bien vivre" ? C'est aussi ce que me disait un ami scientifique. Il considère que les statistiques et le raisonnement du GIEC ne sont pas rigoureux, mais il est convaincu que notre mode de vie est malsain.

L'écologie serait-elle un égoïsme ?

mardi 10 mars 2020

Le coronavirus nous fait la leçon

Curieux effet du coronavirus ("chinois" dit-on) : les pays se ferment comme des huitres.

Conséquence de la "globalisation". Quand on est tous liés les uns aux autres, les amibes de nos amis sont nos amibes.

Comment s'adapter ? Solidarité locale. Entraide. Pour que l'espèce humaine survive, le coronavirus doit être fatal à l'individualisme ?

Anti Stratfordien

J'ai appris qu'il y avait un mouvement "anti Stratfordiens". Les Stratfordiens seraient l'establishment de l'enseignement de l'anglais qui prétend que Shakespeare a écrit ses oeuvres. (Si vous enseignez l'anglais vous êtes un "Stratfordien".)

Les anti-Stratfordiens dénoncent ce complot. Shakespeare n'était pas Shakespeare. Et pourquoi ? Apparemment parce que le Shakespeare auquel on prête les pièces de Shakespeare était un "bourgeois", et qu'un bourgeois ne peut rien écrire de bien. (De noble ?)

M.Macron peut-il être victime de l'effet Macron ?

On me disait que rien n'était écrit : M.Macron pourrait perdre les prochaines élections. Mais, n'est-ce pas improbable ? L'opposition se ridiculise un peu plus tous les jours, l'élection se jouera donc entre lui et Mme Le Pen ?

Mais n'ai-je pas toujours tort ? Et si, après les Gilets jaunes et la "liste citoyenne" de ma commune, apparaissait un mouvement citoyen emmené par une autorité morale ?

Peu probable, mais il y a le précédent Macron, a poursuivi mon interlocuteur.

(Il y a le modèle "Lean start up" : avec le logiciel dont on dispose il est facile et rapide de monter un Amazon. Et s'il existait la "Lean start up nation" : la population a atteint un tel niveau d'éducation qu'un groupe d'inconnus peut prétendre diriger le pays ?)

lundi 9 mars 2020

George Steiner

Je ne connaissais pas George Steiner (après coup, j'ai découvert que j'avais lu un de ses livres). C'était un universitaire anglo-saxon, né en France, d'origine autrichienne. France Culture lui consacrait des entretiens posthumes.

J'en retiens son idée du Juif comme "visiteur". Le Juif est errant par nature. Changement permanent, il faut apprendre une langue, puis une autre. Commencer par un petit boulot, avant d'en obtenir un meilleur... On peut être victime, mais jamais bourreau. C'est une vie difficile, mais qui a ses avantages. A l'image de la sienne, qui lui a demandé de surmonter un handicap douloureux (un bras atrophié). Le Juif est l'aristocrate ultime, dit-il. D'ailleurs, le Juif (mais pas la Juive) n'est-il pas un sur-homme de l'esprit ? N'est-il pas le champion des prix Nobel, et des universités ?

Tant que le Juif sera poursuivi par la malchance, il saura que son Dieu existe, et qu'il veut le contraindre à se surpasser ? Comme la mère de George Steiner, qui l'a contraint à lacer ses chaussure ou à écrire de sa mauvaise main ? On ne naît pas élu, on le devient ?

Diogène

Diogène semble avoir été le critique de l'hypocrisie. Il s'opposait, en particulier, à Platon. J'ai l'impression qu'il dénonçait tout ce qui est "contre nature", faux.

Lui vivait comme un mendiant. Il semble avoir estimé que la mendicité était un échange : de la nourriture contre de la sagesse.

Mais que se serait-il passé si tout le monde avait vécu comme lui ? Il n'y aurait eu personne pour échanger de la nourriture contre la sagesse. Ses idées n'étaient peut-être pas tout à fait au point ?

Emission.

Roman Polanski ou l'affaire Dreyfus ?

Le Monde disait que les féministes ne décolèrent pas. Il est insupportable que Roman Polanski ait reçu un oscar.

C'est inattendu, effectivement. Le ministre de la culture les soutenait, et on aurait pu les croire la partie la plus en pointe de la classe qui fait l'opinion.

Comme dans l'affaire Dreyfus, sommes-nous à un moment de bascule ? Lors de l'affaire Griveaux, la classe médiatique se demandait si elle n'était pas en train de devenir "américaine", était-ce un début de remise en cause ? Ou se sent-elle menacée ?...

Mystère.

dimanche 8 mars 2020

Qu'est-ce que l'hybris ?

On se remet à parler d'hybris. C'était une idée des Grecs. Qu'est-ce que l'hybris ? C'est la démesure. Autrement dit, "ne plus se sentir pisser". C'est croire que l'on a compris les lois de la nature, voire que l'on peut la commander. "Britannia rules the waves." A hybris succède némésis. Le coup de folie produit une réaction terrible des événements, le courroux divin.

C'est ce qui arrive au scientifique, lorsqu'il sort de son laboratoire, où la difficulté le maintenait dans l'état de modestie. A l'image de  Cédric Villani, depuis qu'il n'est plus mathématicien. C'est aussi vrai de l'entrepreneur lorsqu'il croit avoir réussi. Ou du président de la République, lorsqu'il est élu. Tous ces gens oublient que c'était le combat qui les rendaient forts. Quand il n'y a plus de confrontation à la réalité, il n'y a plus rien. Le mal d'Emmanuel Macron, a-t-on dit. Ce que le Belge reproche au Français ?

Hybris est peut être le propre de l'homme et du changement humain. Le fait que le mot soit grec indique probablement que les cultures de la raison, l'Occident actuel et avant lui les Grecs ont été particulièrement forts dans ce domaine. Après-tout ne sont-ils pas à l'origine des guerres mondiales et des totalitarismes ? Et c'est, aussi probablement, ce à quoi ceux qui ont voulu imiter l'Occident, comme les Chinois, ont attribué son succès. Rien de plus terrible que l'hybris d'un peuple à la culture duquel l'hybris n'appartient pas ?

Les entreprises sont elles sensibles au "populisme" ?

"Management fad", mode de management. J'ai découvert cette expression quand je me suis plongé dans la littérature du management.

Les entreprises suivent des modes. Les entreprises sont des moutons. Il y a la mode du reengineering (diviser par deux les effectifs), de la qualité (emploi à vie), de l'intelligence artificielle, de la block chain, des délocalisations, du développement durable, de la croissance externe, puis de la croissance interne...

Ces modes, contradictoires les unes des autres, ne coûtent-elles pas cher aux entreprises et à l'économie ?

Mais elles ont une logique : la pression sociale. Le dirigeant de multinationale, qui est un salarié, subit la pression de la bourse et des actionnaires "activistes", autrement dit une forme "d'opinion". Il s'agit peut-être de celle de gens qui ont une haute opinion d'eux-mêmes, mais il n'en demeure pas moins qu'ils sont soumis à des phénomènes qui ressemblent à ce que l'on appelle, ailleurs, "populisme". D'ailleurs la mode a un intérêt : elle évite de penser.

A côté des girouettes, il y a aussi ce que la théorie du management appelle les "leaders". Le leader est, probablement, plus souvent un entrepreneur qu'un dirigeant salarié. Paradoxalement être un leader n'est pas compatible avec une carrière ?

samedi 7 mars 2020

Joe Biden président des USA ?

Joe Biden va-t-il être président des USA ?

Il a le vent en poupe. Les démocrates semblent avoir décidé que battre Donald Trump était plus important que promouvoir des idéologies farfelues. C'est le choix de la raison.

Contre Joe Biden, il y a le fait qu'il est un loser (c'est la quatrième fois qu'il se présente). Surtout, les études scientifiques disent qu'un président est reconduit lorsque l'économie de son pays est prospère.

Pour Joe Biden, il y a un Donald Trump qui se cantonne, étrangement ?, à la classe moyenne blanche. Si Joe Biden parvient à jouer, à la Obama, sur les minorités majoritaires et s'il récupère un peu du vote démocrate blanc traditionnel, il devrait gagner.

Joe Biden au pouvoir, ce serait une cause de trouble à l'ordre public mondial en moins. Mais ce serait probablement un mal pour l'Europe : grâce à Donald Trump, elle avait commencé à faire preuve d'un peu de solidarité... Ce qui ne tue pas, renforce.

L'inefficacité crasse de la liberté

J'organise un déjeuner. Premier sondage pour savoir qui vient. Réservation de la salle. Deuxième sondage pour savoir qui veut manger quoi.

Tout le monde ne répond pas. Je relance les "usual suspects" (le sondage est anonyme). Je découvre qu'un cinquième de ceux qui se sont engagés ont oublié leur engagement.

Implicitement, on croit que l'organisation du déjeuner va se réduire à l'envoi d'un mail de sondage. Mais, il faut appeler et rappeler, et s'adapter. Entre le temps prévu et la réalité, il y a peut-être un écart de un à dix. Voilà un exemple des raisons qui font qu'un changement ne se passe jamais comme prévu.

Et voilà aussi, peut-être, pourquoi la société a des règles et procède sur nous à des lavages de cerveau, de façon à ce qu'elles deviennent de secondes natures : cela nous rend, collectivement, efficaces.

vendredi 6 mars 2020

Municipales : la victoire des autres ?

Des journalistes discutaient d'un sondage concernant le vote des jeunes aux municipales. Le jeune ne compte pas voter. S'il le fait, ce ne sera pas pour les partis traditionnels ou pour le parti du président. Mais, curieusement, beaucoup pour "autres". Les journalistes se demandaient ce qu'étaient ces "autres".

Eh bien, il se pourrait que je les ai trouvés dans ma boîte aux lettres.

Un parti indépendant, sans étiquette, affronte le notable de ma commune. Programme ? "Liste citoyenne" (?) Quelque-chose de soviétique au sens initial du terme, approuvé par Hannah Arendt : comités de quartiers. Sinon : dénonciation du clientélisme du maire et de sa mauvaise gestion. Et très vert, contre "l'urbanisation à outrance" : parc central, espaces natures, vergers collectifs...

Catégories socio-professionnelles de l'équipe candidate ? Beaucoup de retraités, des consultants, des femmes au foyer... Des profils de "cadres", probablement : des études supérieures et une expérience de l'entreprise.

Deux systèmes qui s'affrontent ? D'un côté, la politique usuelle, des professionnels du clientélisme, qui n'ont d'autre intérêt que le leur, de l'autre l'expérience de la gestion, qui veut l'appliquer à la "commune" vue comme "bien commun" ?

Politique : le facteur Anti chiant est-il déterminant ?

Nos penseurs se cassent la tête. Comment expliquer que tel ou tel leader "populiste" exerce une telle séduction sur l'électeur ?

Un facteur que ces gens ne semblent pas percevoir est à quel point tout ce qui nous dirige est "chiant". Pépé la morale règne en maître sur le monde.

Dans ces conditions comment ne pas comprendre que l'on préfère avoir tort avec un "populiste" que raison avec un bonnet de nuit ?

jeudi 5 mars 2020

Le Canard enchaîné

France Culture s'entretenait avec le rédacteur en chef du Canard enchaîné, la semaine dernière. Le Canard nargue le pouvoir. Faut-il être courageux pour travailler au Canard ? me suis-je demandé.

Le Canard est une institution utile. S'il vous attaque un jour, il peut vous servir à abattre un adversaire demain. En outre, quel est le danger que représente un président ? Il passe sa vie en repas et en discours. Ceux qui l'entourent ne pensent pas, ils cherchent à prévenir ses désirs.

Bien plus dangereux est un fonctionnaire déterminé. Une autre émission, un peu ancienne, racontait la traque (non officielle) de la police pour retrouver les meurtriers d'une fillette. Il lui avait fallu plusieurs décennies, mais elle avait réussi. C'est cette détermination qui rend le Canard bien plus dangereux que le chasseur.

Ce qui semble ressortir de ces entretiens n'est pas tant le courage du Canard que la lâcheté de la presse. Elle ne communique pas les informations gênantes qu'elle détient. La presse se censure ! Les canards sont enchaînés !

Le philosophe est-il encore une autorité ?

Ce qu'il y a de curieux chez des Edgar Morin et des Bernard Stiegler, c'est qu'ils font appel à des théories scientifiques éculées.

Il y a eu un grand moment de foi aveugle en la science, après guerre. Le scientifique était, alors, "autorité". On l'écoutait religieusement. Et il disait l'avenir. Emmené par les philosophes, 68 a abattu l'autorité. On s'est mis à douter, avec une certaine raison, des théories dont on était si fiers.

Or, ces mêmes philosophes les ont reprises. Et, derrière un discours abscons, qui les masquent, ils en font la justification de leur autorité. Ce qu'ils n'ont pas compris, probablement, est ce qui faisait la source de l'autorité. Après guerre, il y avait peu de gens éduqués. Maintenant, ce n'est plus le cas. Beaucoup maitrisent mieux ce dont parlent nos philosophes qu'eux mêmes.

On ne naît pas autorité, on le devient ?

mercredi 4 mars 2020

Marx, l'aristocrate ?

Nos « intellectuels » modernes donnent l’impression de préférer l’aristocrate, par exemple Sade, au révolutionnaire. Voici ce que me répond un éminent universitaire :

"je crois que le paradoxe vient de Marx lui-même, qui reprochait à la classe bourgeoise d'avoir sous prétexte de révolution libératrice usurpé le pouvoir auparavant détenu par la royauté et l'aristocratie, tout en prétendant avoir établi l'égalité. Au moins sous l'Ancien Régime la conscience de classe existait et tout le monde savait à quel rang de la société il appartenait. La bourgeoisie ayant pris le pouvoir, mystifie les prolétaires en leur faisant croire qu'il n'y a plus de classes. C'est pourquoi les marxistes se chargent, par une pédagogie lourdement insistante, à inculquer la conscience de classe à ceux qui ne l'ont pas. Il flotte chez Marx une certaine nostalgie de l'aristocratie, dont la nomenclatura soviétique constituait une caricature."

Et si l'a priori d'une société de classes nous montait tous les uns contre les autres ?

Le maître de Santiago

Pièce de Montherlant. Le maître d'un ordre chevaleresque s'enferme dans la religion pour échapper à la corruption qui a gagné l'Espagne, devenue coloniale après la "reconquête".

Intrigue efficace, mais gratuite. Comble de l'égoïsme vain ? Exercice de style qui correspondait aux attentes des spectateurs de l'après guerre ?

mardi 3 mars 2020

Les T Groups ou les mérites de l'anarchie ?

Les T Groups ou Training Groups ont joué un rôle important dans l'histoire de la psycho-sociologie. Ils ont, pour les scientifiques, été des outils d'étude des relations sociales. L'Université de Stanford les utilise pour former ses étudiants aux relations "inter personnelles".

"Vide organisationnel" : pendant une semaine, durant une vingtaine d'heures, une dizaine de personnes qui ne se connaissent pas, et n'auront pas à se revoir, vivent ensemble. Cette expérience doit leur apprendre quelque-chose de fondamental sur elles et sur leur relation aux autres. (Ces groupes ont un animateur, mais il ne semble pas agir beaucoup. Peut-être est-il seulement présent pour éviter que rien de fâcheux ne se passe ou qu'un participant quitte la salle ?)

Ce "vide" fait découvrir au participant la relativité de ses certitudes. Du coup, il comprend qu'il a des choses à apprendre... En faisant le travail d'essais et d'erreurs que demande la construction de règles de vies communes, il acquiert ce qui lui manque.

Le T Group, c'est l'anarchie comme apprentissage de la vie en société ! Voilà un exercice à prescrire aux grandes écoles ?

(Histoire du T Group et références bibliographiques.)

Le changement de la PME française

L'attitude du monde politique et des services publics a changé. Hier, il n'y en avait que pour la culture, l'écologie et les start up. La PME, c'était la pollution et le grand capital, tout juste bon à payer de plus en plus d'impôts. Aujourd'hui, on comprend que la PME est la solution à l'intégration des minorités, à la reconstitution de la classe moyenne, au regonflement des finances de l'Etat, au retour des services publics dans les déserts provinciaux. Il faut qu'elle devienne forte et moderne. Et il y a beaucoup de moyens pour l'aider. (On aurait même demandé à l'inspection du travail de ne plus la harceler, m'a-t-on dit.) Mais rien ne se passe.

Peut-on changer aussi facilement ? Cela fait des décennies que seul le damné de la terre est entrepreneur. L'élite de la nation est fonctionnaire. Un observateur de la PME m'expliquait que le quotidien du patron de PME c'est la "frustration". Il souffre d'un "sentiment d'abandon".

Chat échaudé craint l'eau froide ?

Jack Welsh

Jack Welsh, légende du management anglo-saxon, est décédé. Etrange. Car, pour ce type de démiurge, la mort n'est pas possible.

Il a tellement impressionné ses contemporains qu'il a épousé la rédactrice en chef de la Harvard Business Review (de loin la plus respectée des revues mondiales de management), elle-même en pleine folie de la bulle Internet !

Le propre de la littérature du management est de nous dire d'imiter des entreprises qui, le lendemain, disparaissent. Eh bien, c'est ce qui est arrivé à GE. General Electric, durant son règne, fut la plus belle entreprise américaine. Puis, tout s'est dégonflé. Avait-il un talent exceptionnel de manager, ou d'illusionniste ?
J.Welsh a dirigé GE de 1981 à 2001

lundi 2 mars 2020

La société de l'événement

Le dirigeant d'une société qui travaille "dans l'événementiel" me disait que, depuis trente ans, sa vie n'est qu'un rodéo. Attentat, grève, etc. plus d'événement, plus de chiffre d'affaires. Or, il n'a que des coûts fixes, et est à peine à l'équilibre. Pourra-t-il survivre au coronavirus ?

Etrangement, sa situation devient la règle. Chaque année, l'économie est frappée par des "accidents". Chacun paraît unique, mais un autre, différent, lui succède immédiatement.

Le nom du changement que l'entreprise, et nous, doit réussir est, probablement, "résilience".

Un directeur d'agence de développement a une autre façon d'exprimer ce changement : de "solitaire", le dirigeant doit devenir "solidaire".

Profession : anthropologue

Je suis difficile à classer. Pourquoi ne suis-je pas universitaire, alors que je semble fait pour la recherche, et qu'elle m'a ouvert les bras ? Pourquoi n'ai-je pas eu une carrière de dirigeant, alors que j'avais fait le plus difficile du chemin, à plusieurs reprises ? Pourquoi n'ai je pas développé un gros cabinet de conseil, alors que j'avais tout pour ?...

En rencontrant des anthropologues, j'ai compris que j'avais les mêmes aspirations qu'eux. Je ne suis heureux qu'au milieu de la société, à l'observer. Comme un anthropologue chez les pygmées, cependant, il faut que je me nourrisse. C'est pourquoi je fais mon si indéfinissable métier. Avec le souci que ce métier ne s'empare pas de ma vie.

(Comme le constate l'anthropologue chez les pygmées, les sociétés ont de la place pour des "extraterrestres". En quelque-sorte, c'est une nécessité sociale. L'extraterrestre serait-il l'agent du changement ?)

dimanche 1 mars 2020

Les dangers de l'action directe

Des scientifiques en appellent à la "désobéissance civile", en matière d'environnement, des "commandos" s'en prennent aux agriculteurs, des comportements sont dénoncés à la vindicte populaire...

Agriculteur, dirigeant d'entreprise, politique, militaire, force de l'ordre, homme, etc. Qui peut échapper à la stigmatisation ? Et à ses conséquences, qui, désormais, sont la vengeance ? Demain va-t-on s'autoriser de ce que telle ou telle personne est dénoncée par l'opinion pour l'assassiner ?

Et la justice ?

Ne serait-il pas temps de retrouver le sens de la mesure ? Et de la justice ?

Nouvelles de D.H. Lawrence

D.H. Lawrence, un petit polisson ? N'est-ce pas lui qui a écrit Lady Chatterley ?

Cette sélection de nouvelles (DH Lawrence, Selected short stories, Brian Finney, Penguin classics, 1982) raconte une autre histoire. Avec Lawrence, il n'y a pas de bien et de mal. Il y a la complexité, la différence, l'ambiguïté, l'incertitude, l'inconnu. C'est cela qui fait la beauté de la vie. C'est ce que veut combattre la société, du coup, elle crée des êtres vides, des fantômes, des Anglais. La vie saine est anti absolus. C'est l'équilibre entre des objectifs inatteignables. C'est l'absence de règles. C'est un exercice de tous les instants, un équilibre fragile, qui peut rompre, et qu'il faut maintenir, on ne sait pas comment, par miracle. Elle est du côté du peuple, et du primitif, non de celui de l'élite et de la civilisation.

La forme du récit est inhabituelle. D.H. Lawrence est aussi bien, voire plus, dans la tête et les sentiments des femmes que des hommes. Le personnage principal apparaît rarement en premier. Et ce qui lui arrive se produit sans avoir été annoncé, comme par miracle. Plus curieusement, la succession des réactions des protagonistes est imprévisible, et surprenante.

Quant aux nouvelles, elles évoluent avec la vie de D.H. Lawrence. Elles commencent dans les campagnes, les mines de charbon et les aciéries de l'Angleterre profonde de la fin du 19ème siècle, avant de passer par l'Allemagne, prussienne et militaire, puis de s'achever dans la classe des intellectuels. Privés de coeur, leur parcours est le seul à être prévisible.