Dernier entretien avec Claudine Catinaud. Les techniques de
gestion de l’urgence.
Qu’est-ce que l’honnête
homme doit savoir sur l’urgence ?
Le plus difficile n’est pas de traiter l’urgence. Il y a des
méthodes pour cela ! C’est de la
repérer.
L’urgence est là, mais personne ne la voit ! Or, certaines situations non prévues peuvent présenter un
risque vital… Car tant de choses importantes sont à faire dans
une entreprise, tant de précautions à prendre, de procédures à respecter, de
reporting à adresser à l’actionnaire, tant de bruits divers… On n’a guère le
temps d’entendre la montée insidieuse de la tempête qui s’annonce ! Chaque
organisation peut, dans sa zone de confort, être confrontée à l’urgence.
Les indicateurs, aussi nombreux soient-ils, ne sont pas toujours suffisants
pour faire émerger les alertes.
Toute entreprise peut être confrontée à des situations qu’elle
n’a pas imaginées, car on ne peut pas tout prévoir… la notion d’urgence est
donc relative à chaque organisation. C’est pour cela que le repérage de
l’urgence est délicat.
Voilà aussi pourquoi il
n’existe pas de recette miracle. Et voilà pourquoi il faut rester en alerte afin de repérer
les signaux faibles. Il faut savoir s’étonner et oser en parler, le partager.
Et pour cela, il faut écouter, observer,
questionner.
Une technique : enrichir le tour de table des comités de
direction, souvent assez lisse en termes de remontées d’information, par un
rapport d’étonnement systématique : qu’est-ce qui vous a interpelé ? A ce
titre, un évènement insignifiant mais répété peut constituer une alerte. Malheureusement,
la plupart du temps, les membres du comité de Direction ne veulent pas se faire
remarquer du dirigeant ou de leurs collègues ; ainsi lors des réunions du
Comité de Direction, il est souvent de bon ton de dire que « tout va bien ».
La notion de temps est aussi importante. Une période critique
est celle de la prise de conscience de l’urgence de la situation : plus la
prise de conscience est tardive, plus le temps imparti pour traiter l’urgence
sera réduit.
Un exemple de situation dans
laquelle il faut être particulièrement vigilant ?
Dans les entreprises en transformation, durant les périodes de
fusion ou d’intégration d’une acquisition, l’urgence peut naitre d’une
focalisation des dirigeants sur le risque propre au projet de fusion. Car ils
sont moins vigilants aux risques habituels de la vie quotidienne. Pendant
qu’elle est occupée à rassurer les clients, dénouer les résistances au
changement, harmoniser pour mieux fusionner (les systèmes d’information et les
statuts, par exemple), l’entreprise peut passer à côté d’autres risques moins
évidents. Voilà pourquoi, pendant ces périodes de grands changements, le
dirigeant doit avoir une double « focale » : celle de réussir son projet de
fusion, qui cristallise les énergies, celle d’assurer le fonctionnement
opérationnel de l’entreprise. A l’atteinte des objectifs de tous les jours
s’ajoute donc l’atteinte des objectifs du projet. Cette période, en soi «
extraordinaire », tend à mobiliser les
dirigeants sur les éléments essentiels du projet au détriment de la vigilance
et de l’écoute des signaux faibles.
Y a-t-il, tout de même,
quelques repères à garder en tête ?
Le sens commun produit un certain nombre d’évidences dangereuses.
Il existe « trois paradoxes de l’urgence ».
- L’urgence est évitable, il n’y a donc qu’à la prévoir. Cette idée reçue est de l’ordre de l'incantation simpliste qui reviendrait à dire « Yaka prévoir » ! Or, l’urgence fait partie de la vie des organisations. La notion d’urgence est relative à chaque organisation. En cela, l’urgence se différencie de la crise.
- L’urgence est facile à repérer, difficile à traiter. C’est l’inverse ! il est facile de traiter l’urgence, en particulier par la rupture. En revanche, il est difficile de la repérer, de comprendre à temps que l’entreprise est dans une zone à risque majeur.
- Quelle que soit la situation, un bon dirigeant sait tout faire. Faux. Il existe un leadership propre à l’urgence, qui exige de savoir gérer la rupture dans un temps court, c’est à dire prendre la situation en main (agir en commando), mobiliser les acteurs et remettre l’entreprise en situation de stabilité.
Au fait, comment sort-on
de l’urgence ?
De la même manière que l’on décrète l’urgence : en
communiquant ! Pour marquer les esprits, on annonce la fin de l’urgence à
l’ensemble des acteurs concernés.
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