Et si Esprit expliquait la pensée de M.Macron ? Il a été associé à cette revue, ainsi que plusieurs de ceux qui ont favorisé son ascension. Il en fut de même de M.Rocard.
Ce livre raconte l'histoire d'Esprit, de 1932, sa création, à 1950, mort d'Emmanuel Mounier. Car elle est l'oeuvre d'un homme. Il va fédérer autour de lui un mouvement, international. Mais c'est surtout une revue d'agrégés. (Emmanuel Mounier est arrivé second à l'agrégation de philosophie, derrière Raymond Aron, l'année où Sartre a été recalé.) Mais pas de normaliens les plus brillants. Car ces derniers ont soif d'absolu. Or, Esprit, c'est une tentative de se frayer un passage entre les utopies totalitaristes du 20ème siècle. C'est la troisième voie avant d'être la deuxième gauche.
Révolution
Chemin difficile. Car, Esprit veut une "révolution". Comme le fascisme et le communisme, il rejette le parlementarisme et le libéralisme. Il est anti "bourgeois". Son projet, c'est le "personnalisme". C'est la liberté individuelle, mais aussi la solidarité. C'est anti individualiste (égoïsme) et totalitariste. C'est surtout "esprit", par opposition à matière. C'est le refus du "désordre établi", d'une société aspirée par le matérialisme capitaliste ou soviétique. E.Mounier est chrétien, et il juge que sa religion a vendu son âme au système. Il veut la ramener à sa pureté originelle, par un dialogue entre gens de spiritualité. Par conséquent, ce n'est pas une revue chrétienne. De quelle société rêve Esprit ? Quelque chose à la Proudhon. Le haut serait contrôlé par le bas. Une série de fédérations : commune, région, nation. L'Europe, en particulier, serait une fédération. Et, tout cela serait régi par une planification, émanation de la volonté générale. Mais ce projet est secondaire, probablement. Esprit était plus intéressé par le débat d'idées que par l'action politique.
Honnêteté intellectuelle
Qu'est-ce que tout ceci a donné ? A mon avis, le combat de la revue est celui de l'honnêteté intellectuelle. Les deux autres camps jugent que la fin justifie les moyens, le mensonge. Pas elle. Avant guerre, elle est remarquable. Elle accuse le traité de Versailles d'être injuste et dangereux. Elle dénonce la dictature soviétique, qui n'a rien à voir avec le projet communiste. Elle est anti-munichoise. Elle appelle à une réaction française face à Hitler. Elle veut réunir les gens de bonne volonté autour de valeurs communes. Peut-être se fait-elle piéger par sa volonté de dialogue ? Elle participe à des congrès fascistes ou reparaît après la défaite de 40. Mais, à chaque fois, elle exprime fermement ses positions. Elle finit par se faire exclure. C'est après guerre qu'elle s'égare. Les intellectuels de l'époque croient à l'apocalypse. L'ennemi c'est l'Amérique, de Gaulle est fasciste. Une petite élite (eux) doit sauver le monde. Ils sont fascinés par le fait que 30% de la population française vote pour le PC. Comme leur mission c'est de défendre "l'exploité", et comme "l'exploité" est communiste, ils doivent faire route avec lui. L'égarement ne durera que jusqu'en 1949, procès Rajk. Ensuite, la revue, notamment avec Michel Crozier (que je n'attendais pas là), va retrouver un positionnement proudhonien : la participation. C'est à dire, que le petit prenne son sort en main, et fasse changer la société par le bas. Elle mènera aussi, dès l'après guerre, un combat anticolonialiste. Sa position est originale. Elle veut que la France soit une fédération de nations. Seul moyen pour que les pays décolonisés ne soient pas asservis par un colonisateur américain ou soviétique.
Quant à la deuxième gauche, qui aboutira au PSU de Michel Rocard, elle se crée en réaction à la dérive vers la droite et le colonialisme du Parti socialiste.
Et Emmanuel Macron ? Esprit avait-il gardé le même esprit quand il y a écrit ? En tout cas, cela amène à se poser des questions. Quelle est la "révolution" dont parle son livre ? S'oppose-t-il au "désordre établi" du matérialisme (et à Hollande le matérialiste) ? Son projet de droit social est-il une tentative de transformer l'entreprise en donnant le pouvoir à une association de travailleurs, comme chez Proudhon ? Voit-il l'Europe, si importante pour lui, comme une fédération de nations ? Son rôle "jupitérien" a-t-il pour objet de mettre en oeuvre un changement planifié issu de la volonté populaire ? A-t-il conservé la méfiance d'Esprit vis-à-vis du parlementarisme (qu'il a nettoyé à grandes eaux) ?...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire