dimanche 6 mars 2011

Réforme des systèmes de santé

PALIER, Bruno, La réforme des systèmes de santé, Que sais-je, 2010. Un petit livre dense, qui a le mérite de poser clairement les éléments du problème que constitue la réforme d’un système de santé. Les thèmes que j’ai retenus :

Les types de systèmes de gestion de la santé
  • Systèmes nationaux de santé (Angleterre et pays nordiques). Soins gratuits. Égalité d’accès aux soins, faible coût, mais files d’attente et progrès technique freiné.
  • Systèmes d’assurance maladie (France). Obligatoire. Financement par cotisation. Confort, mais coût élevé et possible inégalité.
  • Systèmes libéraux de santé (USA). « Très performants technologiquement ». Mais très coûteux et très inégalitaires.

Les types de régulation
  • Régulation négociée (allemande). Une enveloppe est donnée aux professions médicales. Cette méthode demande une discipline et un sens des responsabilités inconnus en France.
  • Régulation étatique. « organisation de la pénurie ».
  • Régulation par les marchés. « Du fait de la capacité de l’offre médicale à induire la demande, les prix sont restés élevés, et les actes très nombreux ».

Évolution des missions
  • Principe fondateur. Remplacement des systèmes de solidarité sociale traditionnels (du « village »).
  • Origine. Le système de santé apporte des revenus au malade et à ses ayants-droit.
  • Aujourd’hui. Le système de santé sert massivement à payer les frais de santé (salaire : 5% des coûts). D'où problème de logique : la couverture sociale concerne toute la population. L’impôt est mieux adapté qu’un prélèvement sur les salaires.
  • Confort. Le système de santé obéissait à la logique de l’assurance. Il aidait l’homme face à un coup dur. Aujourd’hui on ne tolère plus le coup dur. On demande le confort. (Logique du marché ?)
  • Vieillissement. Contrairement à ce que l’on nous dit, « nous vieillissons en bonne santé ». Le vieillissement n’a pas de coût médical excessif. Le problème qu’il pose est la gestion de la dépendance. Jusqu’ici elle était assurée par les familles. Actuellement les vieux sont pris en charge par l’hôpital. Il faudrait des structures adaptées.

La psychologie du patient
  • Les systèmes nordiques semblent les plus efficaces en termes de santé et de coût, mais ils conduisent à une forme de rationnement. Ce que ne peut supporter le patient, implicitement, il choisit la liberté d’accès de préférence à la qualité et au coût des soins.
  • L’individu ne veut pas payer d’impôts mais est prêt à toutes les augmentations de cotisation (entre 2001 et 2007 les primes d’assurance auraient augmenté de 78% aux USA). Ce qui le conduit à payer plus que nécessaire, mais aussi à exclure les plus pauvres du système de santé.

Les dysfonctionnements du système français
  • Principe libéral et concurrence. La concurrence, paradoxalement, conduit à un excès de prescription. Pour garder son client le médecin lui donne le plus possible de médicaments (ce qui est dangereux !).
  • Inhomogénéité du territoire. Il y a trop de médecins et d’hôpitaux à certains endroits, pas assez à d’autres. Du coup, certains sont mal soignés, d’autres trop soignés !
  • « Cloisonnement » entraînant une « redondance » de soins. Mélange de généralistes et de spécialistes, beaucoup de lits d’hôpitaux. Le patient peut ainsi emprunter un parcours médical inefficace et contradictoire (personne ne sachant ce que l’autre a prescrit).
  • Faiblesse de la médecine ambulatoire. Les soins fondamentaux (prévention) ne sont pas bien pris en charge. Les maladies graves, si. Effet pervers : le système paie au centuple en interventions lourdes ce qu’il a économisé en prévention.

Réformes des systèmes de santé en France.
  • Le gouvernement agit sur le prix des médicaments et sur les actes médicaux. La profession médicale réagit en augmentant la quantité de prescriptions (nous consommons deux ou trois fois plus de médicaments que nos voisins), et le nombre d’actes.
  • Le gouvernement menace de sanction le médecin s’il prescrit trop (méthode allemande). Grève, le gouvernement Juppé recule.
  • Méthode anglaise. Encadrement ferme de la médecine de base, de façon à éliminer les effets pervers. Le reste part dans le privé.

Hypothèses sous-jacentes aux réformes françaises :
  • Le patient est irresponsable. Il doit payer pour devenir responsable (ticket modérateur). Faux : les systèmes de santé nationaux (soins sont gratuits) sont les moins coûteux. C’est le lobby médical qui a refusé toute réglementation. Or c’est le médecin qui prescrit, et prescrire beaucoup lui permet de fidéliser le client. Or, c’est la mutuelle qui prend en charge le ticket modérateur, il n’y a pas de « responsabilisation », sinon du pauvre, qui n’a pas accès aux soins. Et les tarifs des professions médicales n’arrêtent pas d’être revalorisés…
  • Logique d’équilibre budgétaire pour les États, de réglementation par les marchés (qui conduit à une inflation des coûts, avec dégradation de qualité). Cette mode ne semble pas amenée par une réflexion rationnelle mais par un changement idéologique qui coïncide avec le « marché unique » et l’introduction de l’euro. Tout ceci aboutit à un transfert de la charge publique vers le privé, afin de créer un nouveau marché (pour les assurances). Les pauvres sont exclus des systèmes de santé « ambulatoires » ; les riches paient de grosses primes d’assurance, mais ne paient pas d’impôts (ils y perdent, mais sont heureux).
  • Les malades paient pour les malades. La logique de l’assurance est que les bien portants paient pour ceux qui ne le sont pas. Or, les dernières réformes de R.Bachelot visent à utiliser les revenus du « ticket modérateur » (payé par le malade) pour financer le traitement de certaines maladies.
  • Évolution vers un système double. Un système étatique dirigiste (ancien système anglais) pour les pauvres, un système libéral pour les riches.
  • Liberté contre égalité. La logique des transformations récentes sacrifie l’égalité (et la qualité des soins) à la liberté de faire ce que l’on veut avec le système de santé.

Commentaires :
  • Le livre trouve condamnable, et je l’approuve, que ces décisions, qui entrent en contradiction avec les principes actuels de notre société, aient été prises sans débat démocratique.
  • Il n’est pas impossible que le gouvernement français soit enfin sorti des cercles vicieux précédents. Mais ce qui en résulte, un système étatique pour les pauvres, un système privé pour les riches est-il dans l’intérêt collectif ? Je ne le crois pas. Le cas des riches. En consommant trop de médecine ils détournent des ressources d’usages plus importants pour la collectivité, et ils ruinent leur santé.
  • Ce qui est peut-être plus regrettable est que l’idéologie du gouvernement lui masque la nature réelle du problème qu’il a à régler. La société connaît des transformations structurelles, il faut repenser le système de santé en fonction, non s’acharner sur l’ancien, qui n’est plus adapté.

Compléments :

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