lundi 13 août 2012

Télévision, philosophie, changement et autres


Nouvelles de la semaine :

Le changement dans la vie. Pour me changer les idées, je regarde la télé. Raté. Elle ne fait que parler de mon métier. Les hôpitaux français pour commencer. On a voulu les fusionner pour raison de synergies. Mais ils coûtent maintenant plus chers ensemble que séparés ! Une interviewée parle, d’ailleurs, de services identiques qui fonctionnent côte à côte. On retrouve mot pour mot ce qui se passe dans les entreprises. Plus intéressant, peut-être : pourquoi avons-nous autant d’hôpitaux ? Pour créer de l’emploi ! L’hôpital étant un très gros employeur, chaque élu a voulu le sien ! Charybde est Scylla : d’un côté l’initiative individuelle multiplie les hôpitaux, de l’autre le zèle centralisateur en augmente le coût !

D’ailleurs, dans le même ordre d’idées, que dire de la fusion Allemagne de l’Est, Allemagne de l’Ouest ? Avant, chacune ramassait des quantités de médailles olympiques, maintenant, elles ne font pas mieux, ensemble, que la France.

Une émission étudie les accidents d’avion. Un moteur s’arrête. Erreur de procédure dans le redémarrage. Le commandant reste en pilote automatique. Mais celui-ci n’a pas les moyens de redresser l’appareil. L’avion se met à pivoter. Le commandant passe trop tard en commandes manuelles, le 747 part en looping, il s’ensuit une série d’erreurs humaines probablement liées au fait que les occupants de l’appareil sont projetés contre ses parois. Finalement, l’équilibre se rétablit, et l’équipage parvient à poser l'avion, pourtant en piteux état. Nouvel exemple d’incident systémique : fatigue du commandant et diagnostic fautif de l’équipage conduisent à une série d’erreurs qui les renforcent dans leurs certitudes. Je retiens surtout qu’il fut heureux que le 747 ait été surdimensionné. Et je suis inquiet a posteriori de l’effort incessant de réduction de coûts que font les industriels…

Aux USA, Mitt Romney a choisi Paul Ryan comme colistier. Paul Ryan propose une solution courageuse à la crise : poursuivre là où George Bush s’est arrêté. Il s’agit de réduire massivement les programmes de solidarité sociale afin de diminuer les impôts des plus riches. Ce programme se chiffre en milliers de milliards de $. Tactique judicieuse ? Probablement. Ses idées plaisent au Tea Party et surtout aux extrêmement riches. Par conséquent, M.Romney va pouvoir compter sur d’énormes donations, et faire une grosse campagne de publicité, à laquelle l’électorat semble extrêmement sensible.

Le changement et la théorie. Michel Onfray parle de changement. Apparemment Descartes aurait dit que l’on doit choisir entre changer le monde et se changer. Michel Onfray pense que l’on peut changer le monde en se changeant. Il suffit pour cela que chacun fasse ce qu’il juge bon, et n’attende pas le miracle d’un grand soir. Impératif catégorique de Kant ? Je ne sais pas ce que voulait dire Descartes, mais j’ai tendance à interpréter sa phrase ainsi : lorsque l’on ne peut pas obtenir ce que l’on désire (changer le monde), on doit modifier ses désirs (se changer). C’est une interprétation bouddhiste, en quelque sorte. Ce qui n’enlève rien à l’intérêt de la proposition de M.Onfray. Est-elle efficace ? Ma déformation professionnelle me fait croire que le monde a besoin de coordination globale pour mener ses changements. Et que l’enfer peut être pavé de bonnes intentions. (Les Anglo-saxons, Adam Smith en tête, estiment même que c’est du mal que naît le bien.)

Une autre interprétation du changement me vient de mon médecin. Il m’annonce triomphalement que j’ai du cholestérol : fini les charcuteries. Raté, je suis quasiment végétarien ! Erreur commune : le changement comme punition. Vous devez changer parce que vous avez commis une faute. Ce qui explique pourquoi nos changements foirent aussi souvent. D’une part, ils sont formulés comme une punition. D’autre part, ceux qui la subissent refusent de se repentir. Bien conscients qu’ils sont des victimes, ils se révoltent avec raison. Non, le changement appartient au processus naturel de la vie, il n’est pas causé par une faute !

Ce qui m’amène aux vacances. Leur utilité ne serait-elle pas de nous débarrasser de toute la stressante culpabilité que l’on nous met sur le dos ? Enfin un moment pour s’occuper de soi sans arrière pensée. D’ailleurs, cette culpabilisation est étrange : ne sommes-nous pas les enfants de 68 pour certains, et des ultralibéraux pour d’autres ?

Les limites à la croissance. Un ami me transmet un article de Bjorn Lomborg, Environmental alarmism, then and now, Foreign affairs, juillet août 2012. C’est une critique des Limites à la croissance, dont je parle beaucoup ces derniers temps. Curieusement, la critique porte sur la version de 1972 de l’étude et reprend les arguments soulevés à l’époque. Or, la version que j’ai lue répond à ces critiques ! 
Bjorn Lomborg est un drôle de personnage. Il y a une décennie, il combattait le réchauffement climatique, avec l’appui de The Economist. On lui a reproché de baser son raisonnement sur des travaux qui le contredisaient. Mais il a été puissamment défendu. J’en suis arrivé à me demander s’il n’était pas avant tout un provocateur, qui se réjouit de forcer les milieux conservateurs à devoir appuyer un apprenti sorcier, homosexuel de surcroît.

En  tout cas, il soulève un point intéressant : l’impact qu’aurait eu le livre sur les milieux écologistes. Or, il ne parle pas d’écologie. Il ne s’intéresse qu’à l’évolution de grandeurs composites (pollution…). Par conséquent, il me semble plutôt que les activistes de l’écologie y ont lu une défense de tous leurs combats, aussi infimes soient-ils. Et c’est peut-être cela qui a transformé la question qu’il posait en une guerre de religions, et nous a empêchés d’y trouver une solution.

La télévision parle de la jungle amazonienne. Ce fut l’enfer vert, que la civilisation devait dompter, c’est maintenant, le poumon du monde. On y voit les mystères du fonctionnement des écosystèmes : certaines espèces ne peuvent se reproduire sans l’intermédiation, complexe, d’autres espèces. Par exemple, les noix du Brésil sont enterrées par une espèce de rongeur, seule capable d’ouvrir l’enveloppe qui les contient, et les graines de caféiers ont besoins de l’appareil digestif de chauves-souris. (Ma mémoire est approximative, mais c’est l’esprit qui compte !)

Enfin cette même télévision rend visite à l’Imam de la grande mosquée d’Istanbul. Je me suis rappelé, en regardant le reportage, des bienfaits de la méditation et me suis dit qu’il devait être bon pour la santé de se vider la tête de ses tracas 5 fois par jour. Les Lumières ont reproché aux religions leur intolérance destructrice. Mais, au lieu de les liquider en bloc, peut-être aurait-on dû chercher à en comprendre les bénéfices ?

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