J'ai l'impression que pour comprendre Spinoza, il faut partir d'une expérience que nous avons tous faite. La passion nous saisit, et nous ne nous contrôlons plus, ou nous souffrons. Le travail de la raison permet de mettre des mots sur ce chaos, et d'agir. Tous nos malheurs viennent de ce que nous sommes comme des mouches contre une vitre : nous nions la vérité. Combat vain. Si, au contraire, nous la reconnaissions, nous découvririons qu'elle nous donne les moyens d'atteindre nos objectifs. Arrêtons d'insulter le trottoir parce que notre pied s'y est heurté, et utilisons-le pour marcher. Le sens de la vie, c'est cela. C'est affronter ses passions, à la recherche de la lumière. Éthique.
De là on en arrive à une métaphysique. Ces vérités, c'est Dieu. Et elles sont immuables. En conséquence, le temps n'existe pas. Si nous n'étions pas victime de nos passions, nous le saurions.
Reste une contradiction. Spinoza semble dire que l'homme est une émanation de Dieu. Mais alors pourquoi lui faut-il du travail pour devenir rationnel ? Il écrit aussi que l'homme est libre en proportion de sa rationalité. Mais, s'il est capable d'agir correctement une fois qu'il a découvert la vérité divine, cela signifie que cette vérité n'est rien de plus qu'un décor, et que l'individu s'y déplace comme il le veut ?
(Peut-être retrouve-t-on ici une vieille idée des Grecs : après la vie active, il y a la vie contemplative ? L'homme découvre la beauté du monde. C'est la fin du voyage. Mais ça ne résout pas tout. Car alors, c'est la déraison qui est la liberté humaine, puisqu'elle n'est pas divine. Sans elle, nous ne nous agiterions pas. Nous serions des légumes baillant d'admiration devant les réalisation divines.)
(SCRUTON, Roger, Spinoza, a very short introduction, Oxford University Press, 2002.)
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