mercredi 24 mars 2021

Du côté de chez Swann


Lire Proust devrait être recommandé aux personnes d'un âge avancé. C'est un exercice pour l'esprit. Un peu comme les mots croisés. Ce n'est pas qu'il écrive de manière compliquée. C'est qu'il se livre à un jeu des Papous de France culture : remplacer un mot par une périphrase. Et, faire de même pour la périphrase. Si bien que l'on ne peut jamais être porté par le flot. Il faut sans cesse reconstruire la phrase et retracer le fil de l'histoire dans laquelle il s'est lancé, sans crier gare. 

Du côté de chez Swann est un livre extraordinairement mal fichu. Cela commence par une crise du narrateur. Sa mère ne peut pas l'embrasser avant qu'il aille au lit. Puis c'est le moment de la madeleine. On passe ensuite à Swann, à qui Proust s'identifie. Un riche Juif, qui est considéré par la plus haute société comme l'un des siens, parce qu'il est un virtuose de sa culture. Cet être d'exception s'amourache d'une cocotte stupide, au motif qu'elle lui rappelle un détail d'un tableau de Botticelli. Occasion de découvrir le salon Verdurin, et ses membres, d'une bêtise abyssale. Puis l'on retrouve le narrateur, amoureux transi, jouant sur les Champs Elysées, avec la fille de Swann, qui le méprise. 

Il n'y a peut-être que Proust qui puisse écrire une ode à la pièce des toilettes. Ou parler de la jalousie d'un personnage, qui se demande, au milieu de ses ébats amoureux, si, si son amante se donne autant de mal, ce n'est pas pour stimuler la libido d'un voyeur. 

L'ouvrage est un collage entre des considérations philosophiques creuses, le narrateur ayant la conviction que ses états d'âme de gosse de riches oisif ont une portée universelle, et des moments de grâce, des descriptions d'un brio, d'un humour, d'une capacité d'évocation, extraordinaires, mais qui tombent comme un cheveu sur la soupe. Proust n'a pas voulu laisser perdre de tels moments de bravoure ? Il fallait bien qu'il les case quelque part ? Pour pouvoir les publier, il a dû inventer une histoire qui leur serve d'excuse ? 

Ce qui fascine Proust est-ce ce qui est malsain ? Swann, Saint-Loup, et son narrateur, sont amoureux fous de personnes qu'ils considèrent, au fond, comme des "canailles". Ils sont persuadés qu'ils ne peuvent pas leur faire confiance et sont rongés par le doute. Mais n'est-ce pas cela qu'ils aiment ? Une forme de masochisme ? Et les crises d'hystérie du narrateur ? Il adore être malheureux ? 

On prend A la recherche du temps perdu pour une étude anthropologique. Mais, peut-on faire confiance à Proust ? Que raconte-t-il ? Fantaisie ou réalité ? Non seulement, il rapproche dans une même phrase des faits historiques qui ont dix ans d'écart, mais l'enfant a des sentiments d'adulte. Même sa haute société n'est pas si haute que cela : le personnage qui lui a inspiré le duc de Guermantes, par exemple, est, contrairement à ce qu'il dit, un parvenu (pour la noblesse). Lorsqu'il parle de parents, on ne sait pas s'ils sont du côté de la mère ou du père du narrateur. Ce qui change beaucoup de choses. D'ailleurs, pourquoi donne-t-il des propos anti-sémites à "son" grand père, alors que la mère de Proust est juive, et que lui-même a tout du Juif ? Pourquoi fait-il de l'homosexualité un mal affreux, alors qu'il est homosexuel ? 

Le plus étrange est que cette oeuvre déglinguée de dilettante rend incapable de lire autre chose sans le trouver insatisfaisant, artificiel et facile, sans profondeur. 

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