La Poste anglaise est en grève, son service est mauvais, elle doit réinventer son modèle économique, mis à mal par Internet, mais n’y arrive pas… Pour The Economist l’état déplorable de Royal Mail est la démonstration qu’un état est incapable de diriger correctement une entreprise. Le journal est favorable à une privatisation, et laisser ce qui en sort « nager ou couler ».
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Il y a quelques décennies, pour une raison que j’ignore, les gouvernements occidentaux semblent avoir pensé qu’il fallait en finir avec l’état providence. Ils ont alors voulu préparer d’anciens services publics à la privatisation. La France, par exemple, a cherché à en faire des champions nationaux. Ce qui a entraîné quelques désastres comme ceux de France Télécom et ses 70md€ de dettes (avant il y avait eu le Crédit Lyonnais, le Crédit Foncier, etc.).
En fait, ce qui échoue aujourd’hui, semble bien être cette politique de conversion du public au privé. Aurait-elle mieux réussi si elle avait été plus complète ? Quand on voit l’état désastreux du rail anglais, de British Télécom, de l’industrie anglaise de l’énergie… le doute est permis.
Derrière cela se trouve une curieuse évolution idéologique. The Economist sous-entend que le secteur public est incapable d’innover. Après guerre on pensait le contraire. On croyait alors que la lumière venait d’en haut, il était donc logique de disposer d’un état bureaucratique pour la diffuser à la nation. Ce point de vue n’a pas été totalement ridiculisé par les faits : les trente glorieuses furent une extraordinaire période d’innovation et d’enrichissement pilotée par l'État. D'ailleurs, en France notamment, l'État a dû réformer une industrie décadente, qui en était totalement incapable de la moindre remise en cause. Bizarrement, The Economist reconnaît qu’en 1990 Royal Mail était un modèle d’efficacité…
Chez nous, l’avenir du service public semble hésiter entre deux voies : soit poursuivre la privatisation jusqu’à son terme soit la laisser dans son état actuel. Aucune de ces solutions ne sont défendables, puisque leur hypothèse initiale (la supériorité du privé) est aujourd’hui remise en cause. Pourquoi pas un débat qui se demanderait, eu égard à ce que l’on connaît de l’état du monde, s’il n’y a pas une (nouvelle) logique de développement de la Poste qui lui est mieux adaptée ?
Compléments :
- Les réformes de l'après guerre en France, dans l'industrie : WORONOFF, Denis, Histoire de l'industrie en France, du XVIème siècle à nos jours, Seuil, 1998.
Ainsi se vérifiait la logique des nationalisations dans une économie demeurée capitaliste ; elles avaient pris en charge des secteurs en déclin ou à risque pour donner vigueur et profit au reste de l'appareil productif (Jean Bouvier).
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