HAWTHORNE, Fran, Pension dumping, Bloomberg, 2008. Si je comprends bien, aux USA, ce sont les entreprises qui paient les retraites. Soit elles constituent des plans permettant au retraité de recevoir un montant prédéfini (comme chez nous), soit, de plus en plus, elles aident l’employé à constituer un pécule qu’il gère lui-même (401(k)). Cette dernière formule serait plus économique que la première pour l’entreprise, mais moins susceptible de retenir ses personnels qualifiés (et moins favorable au retraité, dont le montant de la retraite est incertain). C’est de la première que parle le livre. Elle concerne environ 13% de la population américaine. (28% en 1979.)
En fait, elle a été l’objet d’une sorte de nettoyage ethnique. Les entreprises et les fonds « charognards » (spécialisés dans la récupération des entreprises en faillite) ont découvert qu’il n’y avait dans cet engagement rien de sacré. En fait, c’était une dette ! Et la dette la moins bien protégée de toutes puisqu’elle appartient à des retraités qui n’ont plus aucun pouvoir de nuisance. Ils l’ont donc liquidée à la moindre faillite. Et, aux USA, la faillite n’est plus une honte depuis longtemps, mais une technique de management. (Le livre a été écrit avant la crise.)
Bien sûr le retraité n’est pas laissé sans rien. À la suite de l'indignation produite par les premières liquidations, l’État fédéral a constitué une assurance qui prend en charge une partie des retraites non versées. On peut donc liquider la conscience tranquille.
En réalité, tout le monde a prêté la main à la liquidation des fonds de pension. Les entreprises ont utilisé des astuces comptables pour ne pas mettre l’argent nécessaire dans leurs fonds de pension, maintenant très déficitaires ; les syndicats défendent les actifs – non les retraités ; ils ont peut-être aidé à constituer des systèmes généreux parce qu’il était plus facile de promettre deux tu l’auras qu’un tien ; les tribunaux pour faillite font ce qu’ils peuvent pour reconstruire des entreprises les plus saines possibles ; si une société liquide son fonds de pension, ses concurrents ont intérêt à le faire ; le management et les fonds charognards voient là une mesure d’économie rapide qui leur permet des gains de rentabilité immédiats ; les fonds de pension, eux-mêmes, sont clients de ces charognards. Et le phénomène n'est pas propre à l'entreprise : les fonds de pension des États de l’Union sont en sous-financement massif (381md$ en 2006) !
Le livre est aussi l’occasion d’une réflexion sur la retraite. En promettre une est nécessaire pour attirer un personnel qualifié et le conserver. Sans ces fonds de pension les entreprises qui en ont constitué n’auraient pu recruter. Par ailleurs, l’actif achète sa retraite : il accepte de réduire son salaire en échange d’elle. (Bref, dans cette affaire, les retraités sont les dindons de la farce, on leur a promis quelque-chose qu’on ne voulait peut-être pas leur donner. Et en plus, ils ont payé pour !) La retraite permet aussi de se débarrasser des personnels âgés.
Commentaire
La rigueur intellectuelle, et morale, n’est décidément pas la caractéristique des USA. On y promet ce qu’on ne peut pas tenir. L’hypocrisie y va jusqu’à se décharger sur l’État de ses responsabilités, puis à l’accuser d’être trop gros, du fait d'une coupable mauvaise gestion !
Le plus curieux, grave ?, est peut-être notre propre attitude. Car depuis des décennies on nous donne l’Amérique comme modèle. Il est concevable que la culture américaine trouve sain ce que décrit ce livre, mais est-ce compatible avec la nôtre ? Ne serait-il pas normal que l’on soit informé d’où on veut nous amener ?
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