Comment fédérer des
Gaulois ?
Les experts furent des indépendants. Puis, pressés par les
événements, ils se sont groupés en grosses unités. Mais leurs employés conservent
une farouche volonté d’indépendance. D’ailleurs tous s’accordent à dire que le
nerf de la guerre est la motivation des experts. Car, le métier est ingrat, il
doit être une passion.
Beaucoup de problèmes en résultent. La participation au
capital paraît à l’expert une reconnaissance nécessaire de son action. Au moins
pour les plus expérimentés. De même, lorsque le cabinet absorbe de grosses
unités, celles-ci veulent du pouvoir. En vérité, plus ou moins marquée, la
logique du réseau demeure. Et il y a pire. La passion de l’expertise rend la gestion
des affaires collectives secondaire. Comment cet ensemble mal soudé peut-il résister
aux forces du marché ? Société anonyme, GIE… ? C’est là qu’intervient
l’économie sociale :
L’économie sociale, une
application
L’économie sociale, c’est la démocratie administrant un bien
commun (res publica en latin) d'une collectivité. Et ce dans l’univers de l’économie
de marché.
Dans le cas de l’expertise. La collectivité est faite d’experts.
Le bien commun est la coordination des interrelations afin d’atteindre l’objectif
commun : une longue et heureuse série d’expertises peu troublée par des
tracas pratiques. Les experts sont actionnaires de l’organisation. Ce qui leur
donne une voix, et une seule, pour élire un bureau, qui élira lui-même son
président. Bureau et président sont appelés les « politiques ». C’est,
essentiellement, le pouvoir législatif de l’entreprise. Il prend des décisions
en fonction de l’intérêt collectif. L’exécutif est constitué d’une
administration salariée. Ce sont des spécialistes fonctionnels, directeur général,
directeur financier, contrôleur de gestion, etc.
Le vice de ce modèle ? La dérive politique. Pouvoir pris
par les champions de l’appareil et non de l’intérêt collectif et du changement.
Soif de pouvoir, démagogie, immobilisme et détournement de bien social. Le choix
du couple président / directeur général est décisif.
Le président ? A la fois meilleur des experts, et expert
atypique. Meilleur des experts, pour atténuer le risque du politique
professionnel qui fait carrière par incompétence. Mais le président doit
surtout être un « leader » au sens des sciences du changement (=
capable de conduire le changement). Il doit construire une « vision »
qui agrée à tous et la mettre en œuvre. Il doit aussi décider vite et bien,
lors des « gros coups ». Le directeur général complète le président, c’est
un spécialiste de la gestion des entreprises, de la mise en œuvre du
changement.
Le cabinet de conseil anglo-saxon
Est-ce le modèle le plus efficace ? D’autres
professions ne sont-elles pas confrontées aux mêmes problèmes que les experts ? Ne pourrait-on pas emprunter leurs solutions ? Quid des consultants et des auditeurs ? Pas exactement : ces cabinets
vendent des missions. L’homme qui compte n’est pas le consultant. Il exécute un
schéma directeur. C’est le vendeur. Le cabinet de conseil est une collectivité de
vendeurs, associés. La motivation du consultant tient à la possibilité de
joindre l’élite, grâce à un exploit (commercial). Autrement dit, ces cabinets reproduisent l’organisation
sociale anglo-saxonne.
Du point de vue de l’associé, cela ressemble à l’économie
sociale, sans exécutif spécialisé. Mais y en a-t-il besoin ? Le succès
tient à la vente et ces cabinets fusionnent beaucoup et constituent des
oligopoles, ont-ils besoin d’un fonctionnement optimisé ?
A chaque culture son
entreprise
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