lundi 20 mai 2019

ENA ou la fabrique des oligarques ?

En ces temps où l'on veut supprimer l'ENA, la question se pose : comment le serviteur de l'Etat s'est-il mis à se servir de l'Etat ?

A l'origine l'ENA était faite pour les résistants. On lit que, après guerre, l'on voulait renouveler l'administration, compromise avec l'occupant, par des purs. Il est difficile aujourd'hui de comprendre qui étaient ces gens. C'était des Jean Moulin, plutôt que des de Gaulle. Ils avaient donné leur vie pour un idéal. Pendant des années, dans l'ombre, ils avaient pris des risques insensés, parfois connu les camps, la torture, et, souvent, crevé de faim. Ils étaient des missionnaires, des martyrs en puissance. Et ils ont apporté ce dévouement au service de l'Etat. Leur moteur était-il le sacrifice ? Le sentiment du devoir accompli serait-il la plus grande des satisfactions ?

Et les énarques d'aujourd'hui ? Ils sont diplômés d'HEC ou de Normale Sup (dans ce cas, ils sont aussi agrégés), des écoles hyper élitistes. Puis ils sont passés par Science Po, sont sortis dans les meilleurs, ont réussi le concours de l'ENA, puis ont été soumis, pendant deux ans, à une série d'épreuves, portant sur des sujets de peu d'intérêt et jugées avec le plus grand des arbitraires. Ils en sont sortis une nouvelle fois vainqueurs. Ils ont trente ans, ils n'ont fait que travailler, comme des fous, ils n'ont rien appris, ils n'ont rien vu de la vie, ils ont la conscience d'être des génies. Et que leur offre-t-on ? Une place de gratte-papier dans une administration miteuse ! Pas étonnant qu'ils veuillent la dynamiter. D'autant que la multinationale est prête à leur faire une vie de PDG pour profiter de leur carnet d'adresses.