mercredi 2 juin 2010

Retraite et changement

Comme tout Français, je pense que la réforme est fatale et que le gouvernement la mènera comme il le fait en de telles circonstances : en rallongeant le temps de travail. Mon fatalisme est coupable.

Le problème de fond n’est pas une question d’argent, mais notre attitude à l’âge et à notre avenir. L’Europe se croit vieille, et se pense finie. Or, ceci ne repose sur aucune raison physique, comme le répète ce blog quasiment depuis sa création.

On a jeté les gens à la rue (droite), on les a mis à la retraite anticipée (gauche), de plus en plus tôt. L’idée que seul le jeune est efficace s’est installée. Comme si, comme au 19ème siècle, il ne s’agissait que de force de travail, et que nous étions des prolétaires sans instruction. Et l’on découvre, effectivement, que les entreprises sont devenues tayloriennes ! Qu’elles ont « déqualifié » leurs personnels. Or, ceux qui ont mené cette politique sont des gérontocrates si l’on s’en tient aux critères qu’ils nous fixent ! Nouveau parallèle avec le 19ème siècle : la classe dirigeante jugeait que la classe ouvrière n’était pas de même nature qu’elle. Le monde devait sa richesse à l’élite. Le peuple, c’était la racaille.

Ce qui explique les déclarations de gauche et de droite. Si le travail est taylorien, le patron doit contraindre l’employé au travail, et le socialisme doit défendre l’exploité. Le progrès social c’est l’abolition du travail.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets : la pensée individualiste du 19ème siècle anglais nous a contaminés et elle a eu les mêmes conséquences qu’alors, et elle a été accompagnée de la même idéologie – « l’économie néo-classique ».

Si l’on veut faire de l’Europe un champion, il faut changer d’état d’esprit. Non, il n’y a pas une élite et une masse de prolo à la tête vide. Il y a des gens remarquables qui deviennent de plus en plus efficaces avec l’expérience. Et notre tissu économique a accumulé un « capital social » sans équivalent ailleurs dans le monde.

En passant, on aura résolu la question de la retraite : quand on se plait à travailler on ne veut pas s’arrêter, et on crée des choses que le monde trouve utile, le pays s’enrichit donc, et les caisses de l’État se remplissent.

Compléments :
  • Exemple de néo taylorisme : Taylorisme chez FT
  • Sur le 19ème siècle anglais : THOMPSON, E.P., The Making of the English Working Class, Vintage Books USA, 1966.
  • Au passage, on notera un enseignement de conduite du changement. Le changement se fait en jouant sur les règles de la culture (non sur des curseurs physiques, comme l’âge de la retraite), par une réinterprétation, mais non en les niant. SCHEIN, Edgar H., The Corporate Culture Survival Guide, Jossey-Bass, 1999.

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