lundi 1 février 2010

L’Éducation nationale change

Agnès Van Zanten (La construction des politiques d’éducation, de la centralisation à la délégation au local in La France en mutation, 1980 – 2005, Presses de la fondation nationale des Sciences politiques, 2006), donne une image apocalyptique des changements subis par l’Éducation nationale :

L’Éducation nationale est à la fois dirigée par les règles de la 3ème République et par celles, contradictoires, de l’économie de marché. On n’y parle que de « projet », de « contrat », de « partenariat », « d’autonomie »… Un peu plus et on appelait l’élève « client ». Mais tout ceci n’est que verbiage marketing vide de sens (l’autonomie, par exemple, n’est accompagnée d’aucun moyen et d’aucune concurrence !) : pour « désamorcer des tensions », on masque des problèmes graves sous des concepts fumeux. On se croirait dans l’entreprise anglo-saxonne qui pense que nommer est faire. D’ailleurs l’infecte bienpensance anglo-saxonne est partout : l’école fait des « partenariats » avec les riches et veut « réconcilier » les parents pauvres avec l’école.

La raison probable est que nos gouvernements ont trouvé bon d’insuffler du libéralisme dans l’Éducation nationale, mais sachant que cela allait contre notre volonté, ils ne l’ont pas dit. Leur véhicule a été une invraisemblable succession de réformes cherchant à donner le pouvoir au local : déconcentration, territorialisation et régionalisation ! D'où incroyable anarchie dont on peut se demander comment les chefs d’établissement, les enseignants, les parents et les élèves arrivent à se tirer : dans ce monde tout est contradictoire. On a donné à tous de grands rôles sans leur consentir les moyens de les remplir, et sans s’assurer qu’ils ne contredisaient pas un fonctionnement préexistant. Et l’État ? Son forfait accompli, il a jeté l’éponge, il est impuissant !

L’État central apparait incapable d’établir des priorités et délègue au niveau local la responsabilité d’harmoniser ou de trancher entre les points de vue des acteurs en présence.

Ce qui est frappant, c’est à quel point notre élite, pourtant recrutée pour la supériorité de son intellect, ne pense pas. Toutes les réformes viennent d’ailleurs, d’Angleterre, des USA, d’Europe. Ainsi, les ZEP, zones de discrimination positive, sont la traduction littérale des Educational Priority Areas anglaises des années 60 (il a été impossible de trouver pire ?). Les programmes sont conçus entre penseurs internationaux, et la conformité de nos élèves aux normes qui sortent de ces travaux est évaluée. Le courage de nos dirigeants ne va pas jusqu’à nous le dire. Ils préfèrent parler de « l’exception française » pour mieux la torpiller !

Compléments :

  • Idéologie initiale :

Un État porteur de la rationalité et de l’intérêt général, seul capable de lutter contre les croyances irrationnelles et les logiques clientélistes s’exprimant au niveau local.

  • Valeurs : laïcité et égalité.

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