Que signifie
changement ? Comme on va le voir, sans bonne définition, il ne peut pas y
avoir de changement.
Ma définition de changement a beau être scientifique, elle ne
correspond pas aux préoccupations du citoyen. En effet, du fait de mon métier,
je m’intéresse aux transformations des processus de travail collectifs. Or, le
citoyen se sent surtout concerné par ses changements individuels.
En réalité, les deux obéissent aux mêmes mécanismes. Ce qui
complique la discussion est qu’il existe, comme souvent, deux types de
changements. Et que celui que l’on a en tête n’est pas celui qui compte.
- Le changement que l’on a en tête est un changement permanent et naturel. Il est inhérent à la vie. C’est l’apprentissage, le vieillissement, le renouvellement des élèves d’une école, des clients ou des produits d’une entreprise, du flot d’un cours d’eau, ou encore les tremblements de terre… On a peu de pouvoir sur ce changement. Je peux m’entraîner autant que je voudrai, jamais je ne courrai le marathon en moins de x heures. Je suis limité par mon potentiel. (Et que dire de mon pouvoir sur les fleuves, les épidémies et les tremblements de terre ?)
- Le second type de changement est un changement de cap. Un genre de virement de bord sur un voilier. Il est brutal et fait passer, en quelque sorte, d’un monde à un autre. C’est lui qui m’intéresse. Parce qu’il est volontaire. Mais il a une particularité. Il obéit à des lois. Et elles ne sont pas « évidentes ». Voir encadré:
L’exemple le plus simple peut-être de ces lois
contrintuitives concerne l’automobiliste. Imaginons qu’il dépasse l’endroit
où il voulait s’arrêter. Il en est distant de 50m et pourtant il va devoir
faire une boucle qui lui demandera 10 minutes. Il est contraint par la route
et par son code. Il en est de même pour un tennisman. Supposons que sa
faiblesse soit son coup droit. Il peut essayer de le renforcer. Mais il y a
peu de chances qu’il fasse vite des progrès, ou qu’ils soient décisifs. Une
meilleure tactique est de jouer sur ses forces. Par exemple, en utilisant son
revers (s’il est efficace). Idem pour l’entreprise. Si elle est dépassée
par l’innovation d’un concurrent, il est probable qu’elle aura plus à gagner à
employer son savoir-faire dans un secteur nouveau, qu’à chercher à combler son
handicap.
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Tout ceci a un nom : le système. C’est parce que l’homme ou la société sont des « systèmes » qu’ils peuvent changer brutalement. Cependant, ils ne peuvent le faire qu’en suivant les règles que leur impose le système. C’est ce qui rend le changement compliqué.
Mais tout ceci n’a pas qu’un intérêt académique. Récemment,
on s’est trompé de définition de changement. On a cru qu’il fallait encourager
le premier type de changement. C'était le « changement pour le changement ». C'est-à-dire casser les
systèmes sociaux. Mais cela ne peut que produire le chaos. Un processus que l'homme ne contrôle pas.
L’innovation est-elle un changement non systémique ?
Pour Schumpeter, le changement est au cœur du capitalisme.
Ce changement vient de l’entrepreneur. Et il combine des ressources
existantes. Le changement capitaliste est un changement systémique. (SCHUMPETER, Joseph A., The Theory of Economic Development: An Inquiry into Profits, Capital, Credit, Interest, and the Business Cycle, Transaction Publishers, 1982.)
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