Aujourd’hui, le problème de l'entreprise, c’est le « ritualisme du P&L » (compte de résultat). En particulier, elle est obsédée de main d'œuvre directe (MOD), d’achats, productivité.
Cela produit des effets pervers :
- L’attaque de la MOD conduit à une automatisation à outrance et à une transformation de la MOD en MOI (main d'oeuvre indirecte), sans réaliser que les deux sont équivalents ; puis à la délocalisation, mais elle ne sert à rien puisque la MOD ne compte plus que pour 5% des coûts. D’autant que l’on s’acharne à continuer à réduire la MOD et à automatiser alors qu'il faudrait faire le contraire pour profiter des bas salaires.
- Ces indicateurs sont faciles à manipuler. Par exemple les mêmes gains de productivité sont attribués à plusieurs endroits. Ils comptent plusieurs fois. Chaque année les objectifs non atteints sont remis à zéro. Tout ceci permet de rétrocéder au client des gains de productivité de 4 ou 5% par an, en se persuadant que l’entreprise les a obtenus. Ce qui est faux. Et de très loin.
LES GESTES QUI SAUVENT
Que faire, dans cette situation? lui ai-je demandé.
Le nouveau patron doit commencer par des actes symboliques. Il doit casser les rituels, montrer que désormais la loi de l’entreprise, c’est l’action et le résultat concret. Faire des exemples. (Des ritualistes en chef ?) Surtout, le dirigeant doit écrire « la constitution de l'entreprise ».
- Quelques règles simples de contrôle.
- Manuel qualité.
- Reporting en 3 indicateurs. Ensuite : qu'avez vous de neuf à me dire ?
UN CAS POUR PAUL WATZLAWICK ?
J'ai été surpris. Cette description ressemble à ce que dit Paul Watzlawick. Illustration inattendue d'une théorie fort abstraite ? Le mal de l'entreprise serait-il lié à sa définition de la réalité ?
Voici ce que je comprends de cette théorie. Les sociétés humaines définissent la réalité (leurs règles). Quand un problème survient, les gens s'acharnent à appliquer les règles, alors qu'il faudrait les changer. Non seulement elles ne les changent pas, mais une sorte de folie, ou "jeu sans fin", s'empare du système. Plus il s'éloigne de la réalité, plus les gens se sentent pousser des ailes.
Si cette explication est correcte, il s'agit peut-être du jeu du P&L (= représentation de la réalité). Un pépin survient : la réalité construite n'est plus opérante. Le système s'emballe. Le chef donne des objectifs invraisemblables. Pour le satisfaire, les équipes trafiquent les chiffres, mais selon les règles de leur réalité. Cela demande une sorte de génie. Et tout le monde est épuisé, mais content de soi. Enron ressemblait à cela, juste avant d'exploser.
Comment casser ce mécanisme ? Que dit l'interviewé ? Il demande à chacun de penser par soi-même, en fonction des impératifs de sa fonction (clients, machines...). Il définit une nouvelle réalité. Une réalité qui n'est plus celle de la comptabilité ? Mais celle des fonctions opérationnelles de l'entreprise ? Problème curieux, à creuser.
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