Il y a quelques années, j'ai ouvert ma porte à un vendeur de posters. Il se révèle qu'il cherche un emploi, et qu'il sort de prison. A l'époque, je travaillais pour un cabinet d'études de marché. Je lui propose d'entrer en contact avec ses centres d'appel. Il me répond, en substance : j'ai essayé, c'est insupportable.
Une de mes cousines m'appelle. Elle est en année de césure d'une bonne école de commerce. Elle vient de décrocher un stage dans une Start up de Londres. Quelle aventure ! Elle va être payée 800€ par mois. Et cela pour vendre au téléphone les produits de la société. Bien sûr, il y a le coût de la vie à Londres, mais c'est une Start up... (Un ami fait une très belle carrière de directeur commercial pour des éditeurs de logiciel internationaux : il appelle ses quatre-vingt collaborateurs, des commerciaux, des "robots".)
Il y a quelque chose de paradoxal dans la révolution numérique. C'est qu'elle n'a rien de numérique. Elle a fait ressurgir le prolétariat. Amazon emploie des magasiniers en masse, Uber donne une nouvelle vie au taxi, les livraisons se font maintenant à vélo, les éditeurs de logiciel emploient des légions de "vendeurs assis", qui passent leur existence au téléphone dans des sweat shops modernes... Mais ce qui me semble fascinant, et difficile à expliquer, c'est ce mouvement ancien, que l'on ne semble pas parvenir à stopper, qui conduit à exploser le travail en des tâches stupides, et de payer des gens au dessous de ce qui leur est nécessaire pour vivre. Une mécanique à créer la pauvreté, qui semble au coeur de notre système.
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