Dans Prise de décision collective j’observais que notre système de prise de décision était irrationnel au sens où il ne cherchait pas à utiliser le génie collectif. Le plus étrange, peut-être, est notre système politique :
J’imagine que les promoteurs de la démocratie pensaient qu’elle ne pouvait qu’amener le meilleur d’entre-nous au pouvoir. Qu’elle fonctionnerait de manière scientifique, à la recherche d’un optimum collectif qui ne peut se construire que par débat, chacun apportant ses connaissances à la fois uniques et limitées.
Or, c’est presque l’exact opposé qui se passe.
Nous n’avons aucun choix : ce sont les appareils des partis qui décident pour nous. Et ces appareils rivalisent de médiocrité. La gauche, par exemple, ne compte pas être élue parce qu’elle possède un programme qui va faire notre bonheur, mais du fait des vices du gouvernement. Et, comme le notait Tocqueville, le vote ne fait que légitimer cet équilibre entre peste et choléra.
L'arme des deux partis est la manipulation, mais d’un levier différent, social d’un côté, individuel de l’autre :
- La gauche a « le monopole du cœur », elle donne des leçons de morale (les « droits de l’homme »). Elle utilise les lois sociales, de notre culture, pour les retourner contre nous, pour nous dicter notre comportement. Ce qui est rapidement inconfortable : elle fait un criminel du Français (cf. le « bourgeois » de 68).
- La droite, elle, joue sur notre abjection, sur notre haine de l’autre, sur notre rapacité, et elle les encourage. Elle multiplie les lois qui flattent les intérêts particuliers, ou qui condamnent.
Cet équilibre de la médiocrité est fort stable : il ne permet à aucune autre pensée de surnager. Un journaliste télé me disait, par exemple, qu’il voyait défiler toujours les « cinq cents mêmes personnes ».
À y bien regarder, c'est fort curieux.
- Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la dictature semble beaucoup moins stable qu’un tel système de frères ennemis. D’une certaine façon, c’est la haine qu'éprouvent les deux camps l'un pour l'autre qui est le moteur de leur union, et qui tue toute opposition.
- Cette haine permet aux valeurs qu’ils partagent de tenir le haut du pavé (dans ces valeurs, il y a l’individualisme).
- Ce qui fait la force de chacun est l’hypocrisie. Il fait le contraire de sa profession de foi. Les socialistes se servent des lois sociales contre les intérêts du peuple, les libéraux, eux, des faiblesses de l’homme pour l’asservir.
Faut-il voir ici la main de tel ou tel criminel ? Ou plutôt une caractéristique humaine, une sorte de loi mathématique ? Il est sûrement plus facile d’exploiter les faiblesses de l’homme ou de la société pour réaliser son intérêt personnel que d’utiliser leurs forces pour faire le bonheur collectif.
Compléments :
- Il est possible que l’on ait là le phénomène de « cartel » dont il est question dans le billet précédent. Le fait que le cartel ne soit pas fondamentalement stable, qu’il puisse être victime de la voracité individuelle, est peut-être une bonne nouvelle… En tout cas, une des valeurs partagées par nos puissants est la science, et elle ne peut que les trahir.
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