Les enjeux internationaux de France Culture évoquent l’opinion du FMI sur l’état économique du monde. En gros, les USA vont rapidement se redresser. Mais ça va mal se passer pour l’Europe. Surprenant : n’est-ce pas les USA qui sont à l’origine de la crise ? Les Asiatiques dont les économies ont été dévastées en 97 par la gestion américaine de leur économie ont dû ressentir une frustration équivalente.
Explication du FMI : les économies d’Europe ne sont pas assez libérales, leurs rigidités sociales s’opposeront à une reprise rapide. En outre, leurs banques sont fragiles : contrairement à celles de la vertueuse Amérique, elles masquent leurs actifs toxiques. Or, l’économie européenne est beaucoup plus dépendante des banques que celle des USA. Et là se trouve un curieux cercle vicieux : plus votre économie va mal, plus vous avez d’actifs toxiques !
Derrière ce paradoxe, il se peut qu’il y ait une explication simple. Celle notée par Paul Krugman au sujet de la crise de 97 : c’est le « marché » qui impose sa loi à l’économie en crise. Non seulement il doit être sauvé (la crise doit être circonscrite pour ne pas être « systémique »), mais selon la méthode qui lui semble bonne (la « rigueur », pour les économies asiatiques). Or, ce « marché » est probablement constitué par un tout petit nombre d’entreprises critiques pour le fonctionnement de l’économie, notamment les grandes banques américaines. Quoi qu’il arrive, elles doivent être protégées.
Je me demande si la logique de ce cœur protégé n’est pas le parasitisme. Comme le montre l’affaire Madoff, il est relativement facile, lorsque l’on est bien placé, d’organiser des fuites d’argent à son profit. Depuis quelques années le % le plus riche américain absorbe l’intégralité des augmentations de PIB du pays, le reste de la société s’endettant (l’endettement a représenté, par rapport aux revenus annuels : 55% en 60, 65% au milieu des années 80, 133% en 2007, et il n’est revenu qu’à 128% en dépit de féroces économies). Il en est probablement de même avec le reste du monde.
Ce qui menace le « marché » est qu’il est très dépendant des américains ordinaires qu’il a parasités. Si leur situation se dégrade, l’état des banques américaines aussi. La relance keynésienne tentée par MM. Bush et Obama n’a pas réussi mieux qu’un fragile décollage. Une seconde relance fait peur. L’état américain n’a donc pas d’autres solutions que de nous expédier sa crise, pour sortir son peuple du chômage (le taux réel de chômage américain serait de 18,2%) et de l'épargne forcenée, sans demander d'efforts à ses banques.
La victoire ne sera que de courte durée : aucun système ne peut fonctionner sur le principe du parasitisme. Quant au FMI, son opinion ne fait que refléter des théories qu'il s'agit maintenant de réformer.
Compléments :
- L’ouvrage cité : KRUGMAN, Paul, The Return of Depression Economics, Princeton 1999.
- Ce que M.Madoff révèle du fonctionnement du système économique mondial : Saint Madoff.
- En fait, le parasitisme ne semble pas se limiter au système financier, le système médical en a été l’une des plus grandes réussites : Le marché contre l’homme, Les origines du déficit de la sécu ?. Le jeu du parasite est probablement de mettre la main sur tous les points névralgiques du système pour le faire travailler pour lui.
- Sur l’état, peu glorieux en dépit de l’opinion du FMI, des USA : Mike Whitney: The Deflating Economy (d’où je tire les informations des deux avant-derniers paragraphes).
- Tentatives de réforme : Combat de libéraux et de banquiers.
2 commentaires:
Bonjour, c'est intéressant.. Cependant, j'ai une vision différente:
s'il faut se débarrasser des "actifs toxiques", ce n'est pas seulement pour retrouver à toutes jambes l'ancien système.
C'en est, à mon sens, l'exact inverse. les "actifs toxiques" sont la marque infamante du modèle du capitalisme financiarisé, avec ses théories mathématiques erronées: non, la crise l'a prouvé, on ne peut "créer de la monnaie" indéfiniment, et la bourse ne peut être maitrisée par des équations.. j'en suis fort aise...
Les "actifs toxiques" sont une marque de cet ancien système déconnecté de toute réalité économique.
Les ôter des banques, c'est retrouver au plus vite le contact entre la finance et l'économie réelle, celle des hommes et des femmes qui travaillent.
Notre système accumule crise sur crise depuis des décennies (cf. billet sur Consensus de Washington). Il y a donc un vice de forme qu'il faut traiter.
Ce que montre Galbraith (cf billet sur le Crash de 29) est que le mécanisme des crises est toujours le même: une "tricherie" avec la réalité qui n'est pas détectée à temps. Cette "tricherie", qui déconnecte l'économie de la réalité, fait l'objet d'une recherche permanente de la part des acteurs du monde économique (c'est ce que l'on appelle une "innovation"). En effet ainsi ils peuvent s'accaparer plus que leur part des richesses créées par la société (d'où l'image du parasite).
Il y a eu la bulle Internet, les subprimes, la prochaine fois ce sera autre chose.
La question des actifs toxiques n'est donc pas tout. En outre, plus globalement, le monde, au moins occidental, est hors de son état de marche (cf. le taux d'endettement des ménages américains qui est à plus de deux fois sont seuil historique).
Avant de retrouver un semblant d'équilibre il faudra donc probablement pas mal d'années d'ajustements périlleux, et quelques transformations radicales. Si tout se passe bien.
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