lundi 10 décembre 2012

Le déni français

PEDDER, Sophie, Le déni français : les derniers enfants gâtés de l’Erope, JC.Lattès, 2012. La correspondante de The Economist, que nous irritons visiblement beaucoup, juge notre pays.

Le plus gros poste du budget de notre Etat est le service de la dette. A tâche égale, il y a deux fois plus de fonctionnaires chez nous qu’ailleurs, les collectivités régionales se font bâtir des édifices somptueux, la législation supposée protéger l’emploi le détruit, et, bien pire, crée une classe grandissante de travailleurs précaires… Le véritable héros de ce livre est la Cour des comptes, qui lui fournit la plupart de ses chiffres les plus frappants.

Avons-nous un Etat clientéliste, qui achèterait la prospérité par l’endettement, et la création d’emplois artificiels notamment dans l’administration ? Ce que montre ce livre est que ce n'est pas notre système social qui est en cause, mais son inefficacité. Et si, paradoxalement, c'était cette inefficacité qui avait été le moteur de notre développement ? Et s'il s'était nourri de l'anéantissement de notre tissu productif ? Et si c'était pour cela que la France ne peut pas redémarrer : elle n'a plus les moyens nécessaires ? C'est formidablement inquiétant : serions nous échec et mat ?

Pour l'auteur, c'est le Français qui est la cause du problème. Il est paresseux. D’où vient cette législation qui punit l’entreprise ? Par exemple en ce qui concerne le stress au travail ? Et cet absentéisme colossal, notamment dans les services hospitaliers, en particulier les lundis et vendredis ? Il ne manque pas de Français pour critiquer complaisamment leur nation. Comme ce fabriquant, qui a quasiment délocalisé toute sa production de parapluies fabriqués avec amour en France artisanale, sauf une petite usine, et qui se plaint de ne pas pouvoir faire travailler ses ouvriers le vendredi après-midi. (Pas question d’embaucher, bien sûr.)

Quant aux solutions, elles sont inattendues. L’Angleterre, qui s’enfonce dans une rigueur éternelle ; l’Allemagne, qui après avoir raté la fusion est – ouest, et créé une crise européenne, a trouvé intelligent de regagner un avantage concurrentiel en démontant son système de protection sociale, ce qui nous force à faire de même ; la Suède, enfin, qui a sa propre monnaie, et dont on n’est pas sûr qu’elle ne doive pas sa relative bonne santé à quelque phénomène de parasitisme.

Étrange que l’auteur ne se soit pas interrogée sur un management qui laisse des employés prendre des congés de maladie injustifiés, et sur les conditions de travail de leurs collègues. Désorganisation ? Il aurait découvert que tout ce que nous faisons a une raison respectable, même si elle n’est pas glorieuse. Certes, notre système a déraillé. Mais ce n’est pas en lui appliquant un libéralisme à l’emporte pièce, qui n’a même pas fait ses preuves ailleurs, qu’on le sauvera. 

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